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2. Méthode d'analyse des trajectoires complexes 1. Introduction

2.2. Principe de la méthode d'analyse des trajectoires complexes mise au point

2.3.1. Le choix des paramètres de classification

2.3.1.1. La détection des périodes de confinement

L'analyse de la courbe du MSD est l'outil généralement utilisé pour classifier une trajectoire ou une portion de trajectoire. La concavité de cette courbe donne ainsi notamment accès à la nature du mouvement (contraint, diffusif ou dirigé, voir (Qian, Sheetz et al., 1991)). La méthode décrite ici exploite cette approche afin de détecter les périodes d'arrêt, grâce au

calcul du coefficient de diffusion, ou de mouvement contraint, à travers l'évaluation de la concavité du MSD via le paramètre Dev.

Si la mesure du coefficient de diffusion est la méthode la plus généralement utilisée pour quantifier la mobilité des objets étudiés et ainsi mettre en évidence les périodes d'arrêt (Kusumi, Sako et al., 1993), il n'existe en revanche pas de méthode standard pour déterminer la présence de mouvement contraint. Une approche souvent employée pour détecter un comportement sous-diffusif consiste en un ajustement de la courbe du MSD par une loi de puissance (MSD(∆t)=C.(∆t)α, voir (Feder, Brust-Mascher et al., 1996)). Le facteur de puissance α obtenu permet alors d'évaluer la concavité du MSD, α <1 étant synonyme de mouvement sous-diffusif. L'inconvénient majeur d'une telle approche réside dans le fait que l'incertitude sur la position des objets suivis peut induire la détection de périodes sous-diffusives artificielles (Martin, Forstner et al., 2002). Dans nos conditions expérimentales, ce problème rend l'utilisation du facteur de puissance mal adaptée à la classification des trajectoires vésiculaires.

Une méthode alternative a été développée par Kusumi et ses collaborateurs (Kusumi, Sako et al., 1993) pour évaluer la concavité du MSD. Elle consiste à mesurer la déviation relative entre la courbe du MSD et l'ajustement linéaire des premiers points de cette courbe. C'est également sur ce principe que se fonde la classification des trajectoires à partir du paramètre

Dev. Contrairement à l'analyse via le facteur de puissance, nous avons montré que cette

approche est peu sensible à la résolution limitée de l'algorithme de suivi de particule utilisé. Le paramètre Dev diffère cependant de celui utilisé par Kusumi. Ce dernier détermine en effet la déviation de la courbe du MSD par rapport à la linéarité en un seul point de cette courbe, rendant cette évaluation relativement sensible aux fluctuations statistiques du MSD. Le moyen le plus simple de limiter ce problème est de moyenner cette déviation sur plusieurs points de la courbe. C'est cette solution qui est utilisée dans le cas du paramètre Dev. Cela permet d'analyser des MSD plus courts et donc de raccourcir la largeur minimale de la fenêtre d'analyse utilisée pour la détection des périodes contraintes.

Malgré ces efforts pour diminuer la largeur minimale de la fenêtre d'analyse, les méthodes fondées sur l'utilisation du MSD pour mettre en évidence des périodes de mouvement contraint nécessitent dans tous les cas l'utilisation de fenêtres relativement larges (plus de 75

points pour le paramètre Dev). En effet, en raison des propriétés statistiques du MSD, la concavité de la courbe de ce MSD ne peut être évaluée de manière correcte que dans le cas où cette courbe comporte plusieurs dizaines de points (voir la partie Principles of the transient

motion analysis dans l'article soumis à The Biophysical Journal et (Qian, Sheetz et al., 1991)).

Cette limitation rend l'analyse du MSD mal adaptée à la détection de zones de confinement de courtes durées.

Parmi les différentes méthodes alternatives développées pour l'étude de ce type de comportement, celle mise au point par Simson et ses collaborateurs (Simson, Sheets et al., 1995) s'est révélée particulièrement efficace. En résumé, cette méthode consiste à évaluer la surface S explorée par la particule suivie pendant une période donnée (les mouvements considérés sont bidimensionnels) et à la comparer à une surface de référence Sr correspondant

à celle que cette particule aurait dû explorer si son déplacement avait été purement brownien. Si S < Sr, la portion de trajectoire analysée est considérée comme confinée. Sr est calculée à partir du coefficient de diffusion moyen de l'objet suivi. Une telle approche permet de détecter efficacement des zones de confinement composées de moins de 50 points (détection de périodes de confinement de 5 à 10 s avec une cadence d'acquisition de 3 Hz, voir (Simson, Sheets et al., 1995)) ce qui est très difficile via l'analyse du MSD. Elle ne se révèle cependant fiable que dans le cas où le coefficient de diffusion de la particule reste relativement constant au cours de la trajectoire (Daumas, Destainville et al., 2003). Une telle condition n'étant pas remplie dans le cas des vésicules de sécrétion, cette méthode se révèle difficilement applicable à l'analyse de la dynamique de ces organites en périphérie de la cellule. Toutefois, une étude récente a montré qu'en adaptant l'approche développée par Simson, il était possible d'obtenir une détection efficace des mouvements confinés, même dans le cas d'un coefficient de diffusion variant au cours de la trajectoire (Meilhac, Le Guyader et al., 2006). Il serait donc intéressant de tester cette nouvelle méthode dans le cas des trajectoires vésiculaires.

Parmi les différentes approches mises au point pour mettre en évidence des mouvements contraints, celle quantifiant la courbure du MSD par l'intermédiaire du paramètre Dev semble donc bien adaptée à l'étude des mouvements des GS. Comme cela a été mentionné plus haut, la principale limitation associée à l'utilisation de ce paramètre concerne la détection de comportements transitoires de courtes durées. La caractérisation des trajectoires vésiculaires montre cependant que la durée moyenne des périodes contraintes est de l'ordre de 200 points1

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Du point de vue de l'analyse purement mathématique des trajectoires, c'est le nombre de points qui permet de caractériser de façon pertinente la durée d'une période transitoire.

(20 s avec une cadence d'acquisition de 10 Hz), c'est-à-dire nettement supérieure à la largeur minimale des fenêtres d'analyse utilisées pour la détection de ce type de périodes (75 points). Ceci suggère que, au moins dans le cas des GS, les périodes de mouvement confiné sont suffisamment longues pour pouvoir être détectées efficacement via le paramètre Dev.

2.3.1.2. La détection des zones de mouvement dirigé

De manière similaire au cas des trajectoires de nature contrainte, les mouvements dirigés sont souvent mis en évidence grâce à l'étude de la concavité du MSD (Qian, Sheetz et al., 1991 ; de Win, Pierson et al., 1999 ; Manneville, Etienne-Manneville et al., 2003). Cependant, comme cela a été discuté précédemment, cette approche ne permet pas d'analyser des portions courtes de trajectoires. Elle est, par conséquent, peu adaptée à la caractérisation de trajectoires vésiculaires pour lesquelles les périodes de mouvements dirigés durent généralement moins de 30 points (3 s avec une cadence d'acquisition de 10 Hz).

La plupart des autres méthodes développées afin de déterminer si une trajectoire est de nature dirigée reposent sur la mise en évidence de la présence d'une direction de déplacement privilégiée (Saxton, 1993 ; Bornfleth, Edelmann et al., 1999 ; de Win, Pierson et al., 1999). C'est cette approche que nous avons mise en œuvre dans le cas de la caractérisation des mouvements des GS. Le paramètre d'asymétrie utilisé Asym, qui évalue la déformation de la portion de trajectoire analysée suivant une direction particulière, permet de détecter des mouvements dirigés de courte durée. Nous avons ainsi montré que ce paramètre permet de faire la distinction entre un comportement dirigé et brownien pour des trajectoires d'au moins 10 points.

L'inconvénient majeur de ces méthodes par rapport à celles fondées sur l'analyse du MSD réside dans le fait qu'elles sont relativement sensibles à l'incertitude sur le positionnement des objets suivis. En effet, ce bruit sur la position de la particule risque de masquer l'existence d'une direction de déplacement privilégiée, en particulier dans le cas où la vitesse de déplacement suivant cette direction est faible (Figure 17). Ce problème ne semble cependant pas critique dans le cas des GS. En effet, le déplacement cumulé suivant une direction particulière lors des phases de mouvement dirigé (~1,2 µm sachant qu'en moyenne la vitesse de transport est de ~0,6 µm/s et la durée des périodes dirigées est de ~2 s) est nettement supérieur à l'incertitude sur le positionnement des GS (~30 nm). Par conséquent, les portions de trajectoires dirigées se caractérisent par une forte dissymétrie facilement détectable via le paramètre Asym.

B

A B

A

Figure 17 : Effet de l'incertitude sur le positionnement des GS vis-à-vis de la détection des périodes dirigées. (A) Période dirigée simulée de 20 points caractérisée par une vitesse de transport de 0.6 µm/s et un

bruit sur la position de la particule de 30 nm. Pour cette portion de trajectoire Asym = 2,2. Barre d'échelle : 200 nm. (B) Période dirigée simulée de 20 points caractérisée par une vitesse de transport de 0.1 µm/s et un bruit sur la position de la particule de 30 nm. Pour cette portion de trajectoire Asym = 0,6. Barre d'échelle : 50 nm.

Il est également intéressant de noter que si ce paramètre d'asymétrie est bien adapté à la détection de courtes périodes de nature dirigée (moins de 50-100 points), il semble que, pour des mouvements dirigés se maintenant pendant de plus longues durées, l'analyse de la courbe du MSD soit préférable (Saxton, 1994). Il apparaît en effet que l'asymétrie moyenne attendue pour une trajectoire purement brownienne devient indépendante de la longueur de cette trajectoire dès que celle-ci dépasse une vingtaine de points (voir la partie intitulée Optimizing

detection sensitivity : setting thresholds and minimum crossing times dans l'article soumis à

The Biophysical Journal et (Saxton, 1993)). Ainsi, même une trajectoire brownienne de durée

infinie présente en général une asymétrie non nulle (Rudnick and Gaspari, 1987). Par opposition, les fluctuations statistiques de la courbe du MSD par rapport à la linéarité diminuent lorsque l'on considère des trajectoires diffusives de durées croissantes (Qian, Sheetz et al., 1991). Par conséquent, alors que la courbure positive minimale du MSD nécessaire pour distinguer un mouvement dirigé d'un mouvement diffusif décroît pour des trajectoires dont la durée augmente, la valeur seuil d'asymétrie permettant une telle distinction reste fixe. Il en résulte que de longues périodes dirigées sont détectables plus facilement grâce à l'analyse du MSD plutôt qu'en ayant recours au paramètre Asym.

Pour clore cette partie concernant le choix des paramètres de classification, il parait important de mentionner qu'un moyen de mettre en évidence plus efficacement les comportements non diffusifs (dirigés ou contraints) au sein des trajectoires vésiculaires pourrait être d'analyser conjointement deux paramètres adaptés à la détection du type de mouvement considéré. Par exemple, les mouvements contraints pourraient être détectés en évaluant simultanément la courbure du MSD via le paramètre Dev et la probabilité de confinement à l'aide de la méthode développée par Simson (Simson, Sheets et al., 1995). Le principe d'une telle approche a été

décrit par Saxton dans le cas des mouvements dirigés (Saxton, 1994), son efficacité reste cependant à démontrer pour l'analyse de la dynamique d'objets biologiques.