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3. La dynamique des granules de sécrétion dans la région juxta-membranaire

3.2. Caractérisation des mouvements des granules de sécrétion dans la région juxta-membranaire

3.2.3. Les mouvements des granules liés à la membrane plasmique

3.2.3.1. La distance séparant les granules de la membrane plasmique ne peut pas être déterminée de manière simple

Afin d'analyser les mouvements de GS interagissant avec la membrane plasmique, il est nécessaire de sélectionner parmi l'ensemble des organites visibles en TIRF ceux étant effectivement au contact de cette membrane. Le moyen le plus direct de réaliser une telle sélection est sans doute de déterminer la distance séparant les GS observés de la membrane plasmique ("altitude" des GS).

Pour déterminer une telle altitude, il faut pouvoir comparer les positions des GS suivant l'axe z au sein d'une cellule, les GS les plus bas (axe z orienté vers le cytoplasme) étant alors vraisemblablement au contact de la membrane plasmique. Théoriquement, sur le même principe que celui utilisé pour évaluer les déplacements des GS suivant l'axe z (voir Matériels et méthodes), la comparaison des intensités de deux GS permet de définir la différence d'altitude entre ces organites (Figure 27). Cette approche suppose toutefois qu'à niveau d'excitation égal, deux GS différents présentent la même intensité intrinsèque. Il a été montré qu'une telle hypothèse n'était pas vérifiée du fait, probablement, des différences de nombre de molécules fluorescentes présentes au sein des GS (Johns, Levitan et al., 2001).

z 2 1 I z2 z1 I2 I1 z 2 1 I z2 z1 I2 I1

Figure 27 : Mesure de la différence d'altitude entre deux GS marqués. A partir de la mesure de I1

et I2, la différence d'altitude est obtenue grâce à la relation z2−z1=δ.ln

(

I1 I2

)

δ correspond à la profondeur de pénétration de l'onde évanescente d'excitation.

Les méthodes alternatives les plus efficaces utilisées afin de déterminer la distance entre un objet marqué en fluorescence et l'interface au niveau de laquelle se réfléchit le faisceau laser d'excitation ont recours à des mesures d'intensités pour différentes épaisseurs d'évanescence (Olveczky, Periasamy et al., 1997 ; Loerke, Preitz et al., 2000 ; Rohrbach, 2000). De telles méthodes sont cependant généralement assez complexes à mettre en place.

L'approche envisagée initialement consistant à évaluer l'altitude des GS afin d'analyser spécifiquement le mouvement de ceux interagissant avec la membrane plasmique apparaît donc relativement difficile à appliquer.

3.2.3.2. Analyse des mouvements des granules "résidants"

Il est toutefois possible de déterminer l'altitude des GS dans le cas particulier où ceux-ci fusionnent avec la membrane plasmique. Ainsi, en prenant comme référence (z = 0) la position en z de ces GS immédiatement avant l'exocytose, leur altitude peut être évaluée tout au long de leur trajectoire grâce à la mesure de leur intensité (voir Matériel et méthodes). Nous avons donc analysé spécifiquement des trajectoires se terminant par la fusion du GS suivi avec la membrane plasmique afin, en particulier, de caractériser les mouvements de ces GS lorsque ceux-ci sont au contact de la membrane cellulaire.

La stimulation de l'exocytose a été induite par photolibération de calcium (voir Matériels et méthodes) dans des cellules BON exprimant la protéine NPY-GFP de manière transitoire (clone N13, transfection par électroporation). Lors des acquisitions en microscopie TIRF, la fusion d'un GS avec la membrane plasmique se traduit par une élévation brutale de l'intensité du GS et l'apparition d'un halo fluorescent correspondant à la diffusion de la NPY-GFP dans le milieu extracellulaire (Figure 28 et Vidéo 2). Cette diffusion du marqueur vers l'extérieur du GS induit ensuite la disparition rapide de la fluorescence. Une telle signature

caractéristique des événements d'exocytose est similaire à celle observée dans d'autres modèles cellulaires (Steyer and Almers, 2001 ; Ohara-Imaizumi, Nakamichi et al., 2002). Deux phénomènes sont généralement évoqués pour expliquer l'augmentation initiale de fluorescence observée au moment de la fusion (Taraska, Perrais et al., 2003). D'une part, lors de leur libération dans le milieu extracellulaire, les marqueurs fluorescents se rapprochent de l'interface au niveau de laquelle est générée l'onde évanescente, ce qui conduit à une augmentation de leur intensité. D'autre part, l'ouverture du pore de fusion s'accompagne d'une neutralisation rapide du pH intragranulaire (avant la fusion ce pH est voisin de 5) du fait des échanges ioniques entre l'intérieur du GS et le milieu extracellulaire. Ceci induit une augmentation de la fluorescence de la GFP.

Figure 28 : Signature d'un événement d'exocytose. (A) Séquence d'images en pseudo-couleurs montrant

l'augmentation d'intensité et l'apparition d'un halo fluorescent associées à la fusion d'un GS avec la membrane plasmique. La fluorescence disparait ensuite rapidement du fait de la diffusion du marqueur dans le milieu extracellulaire (marquage NPY-GFP, δ = 100 nm). (B) Description schématique du processus de fusion. Lors de l'ouverture du pore de fusion, les marqueurs fluorescents sont libérés puis diffusent dans le milieu extracellulaire. Cette libération des protéines intragranulaires peut se dérouler avec ou sans expansion progressive du pore de fusion

Après avoir détecté les événements d'exocytose au cours des acquisitions en microscopie TIRF grâce à leur signature caractéristique, nous avons déterminé les trajectoires tridimensionnelles de ces GS avant leur fusion avec la membrane plasmique. L'analyse de ces trajectoires a permis la mise en évidence de deux types de comportement. La majorité des GS (~80 %) subissant une exocytose sont déjà très proches de la membrane plasmique au début de l'acquisition et restent au niveau de cette membrane jusqu'au moment de la fusion. Ces GS, dont l'altitude n'excède jamais les 50 nm (z < 50 nm), sont dits "résidants" (Figure 29A). La seconde catégorie de GS concerne ceux explorant des altitudes supérieures à 50 nm avant de

fusionner avec la membrane, ce sont les "arrivants" (~20 % des événements, voir Figure 29B pour un exemple). A B -8 -6 -4 -2 0 2 -50 0 50 100 150 -8 -6 -4 -2 0 2 -50 0 50 100 150 temps (s) temps (s) z ( n m ) z (nm) A B -8 -6 -4 -2 0 2 -50 0 50 100 150 -8 -6 -4 -2 0 2 -50 0 50 100 150 temps (s) temps (s) z ( n m ) z (nm)

Figure 29: Les deux types de comportements décrits par les GS avant leur fusion avec la membrane plasmique. Exemples d'un GS résidant (A) et d'un GS arrivant (B). L'origine des temps coïncide avec l'instant de

la fusion (marquée par le point rouge). L'altitude de référence (z = 0) correspond à l'altitude moyenne des GS au cours de la dernière seconde précédant l'exocytose. Acquisitions à 10 Hz, δ = 100 nm.

Ces deux catégories de GS ont été étudiées en détail par Samuel Tran au cours de sa thèse effectuée au sein du laboratoire. Nous nous sommes ici restreints à la caractérisation des mouvements décrits par les GS résidants grâce à la méthode d'analyse des trajectoires décrite plus haut. La proportion de temps passé par les GS résidants dans chacune des quatre catégories de mouvement a ainsi été calculée (Tableau 3, 65 GS, issus de 23 cellules, acquisitions à 10 Hz, δ = 100 nm).

Catégorie Proportion de temps

Arrêt 31 ± 8 %

Contraint 54 ± 6 %

Dirigé 1 ± 1 %

Diffusif 15 ± 6 %

Tableau 3: Proportion de temps passé par les GS résidants dans chacune des quatre catégories de mouvement. L'incertitude sur chaque valeur correspond à

Cette analyse montre que les GS résidants présentent essentiellement des mouvements très restreints. Ainsi, la proportion de temps passé par ces organites dans les classes correspondant à ce type de déplacement (périodes d'arrêt et mouvement contraint) est égale à 85 %. En comparaison, cette proportion n'était que de 47 % lors de l'analyse des mouvements de l'ensemble des vésicules visibles dans le champ d'évanescence (voir plus haut). D'après la définition donnée précédemment des GS résidants, il est vraisemblable que ces GS soient liés à la membrane plasmique bien que l'on ne puisse pas exclure des décrochements ponctuels. Par conséquent, l'accrochage à cette membrane se traduirait par une restriction forte des mouvements des GS.

Cette analyse suggère également que les catégories correspondant aux périodes d'arrêt et aux mouvements contraints sont toutes deux associées à des GS liés à la membrane plasmique. Une telle observation, associée aux remarques précédentes au sujet de ces deux catégories (voir la partie 3.2.2. intitulée "Analyse globale des trajectoires des granules de sécrétion en périphérie de la cellule"), justifie le regroupement de ces deux catégories au cours des prochaines analyses de la dynamique des GS.

Nous avons également déterminé les caractéristiques des périodes d'arrêt et de mouvements contraints (Tableau 4). Il apparaît en particulier que le rayon des cages ainsi que le coefficient de diffusion des GS au sein de ces cages sont nettement plus faibles pour les GS résidants, considérés comme liés à la membrane plasmique, que pour les GS se déplaçant dans des cellules au repos (voir Tableau 2). De plus, les durées moyennes des périodes d'arrêt et de mouvements contraints sont plus élevées dans le cas des GS résidants.

Catégorie Caractéristique

Arrêt Durée moyenne 15 ± 2 s

Contraint Durée moyenne 26 ± 3 s

"Rayon" de la cage, R 38 ± 2 nm

Coefficient de diffusion du GS, DGS 8 ± 2 .10-4 µm2/s Coefficient de diffusion de la cage, Dcage 0,7 ± 0,2 .10-4 µm2/s

Tableau 4: Caractéristiques des périodes d'arrêt et de mouvement contraint pour les GS résidants.

L'incertitude sur chaque valeur correspond à l'erreur standard.

Ces différences peuvent être interprétées de deux manières. D'une part, elles peuvent refléter le fait que les GS à la membrane ne représentent qu'une partie de ceux présentant des mouvements de nature contrainte. Ainsi, des GS localisés au sein du cortex d'actine pourraient décrire des mouvements contraints dans des cages plus grandes que celles correspondant aux GS liés à la membrane. D'autre part, il est aussi possible que l'élévation de calcium lors de la stimulation induise une modification des caractéristiques des mouvements des GS, et notamment de celles des mouvements contraints. En particulier, il pourrait exister deux états d'accrochage des GS à la membrane plasmique correspondant aux phases d'accostage et d'arrimage définies précédemment (voir Figure 6). Dans les cellules au repos, les GS seraient liés à la membrane de manière relativement lâche par l'intermédiaire de facteurs d'accostage tandis que dans les cellules stimulées, la mise en place du complexe SNARE permettrait d'établir un lien plus étroit entre ces GS et la membrane plasmique. Cette interprétation est confortée par les observations réalisées par Samuel Tran au cours de sa thèse. Samuel a en effet observé que certains GS situés à une altitude de 20-40 nm passaient brutalement à une altitude nulle environ deux secondes avant l'exocytose (Figure 30). Un tel rapprochement rapide en direction de la membrane plasmique a également observé pour les vésicules synaptiques dans des neurones bipolaires (Zenisek, Steyer et al., 2000). Ce phénomène pourrait correspondre à la transition entre la phase d'accostage et celle d'arrimage.

Figure 30 : Certains granules passent brutalement d'une altitude de 20-40 nm à une altitude nulle environ 2 secondes avant la fusion. (A) Variations d'altitude d'un GS au cours des secondes précédant l'exocytose

(marquée par un point noir). Initialement à une altitude d'environ 30 nm, ce GS se rapproche rapidement de la membrane environ 1 seconde avant la fusion. (B) Interprétation possible du rapprochement décrit par les GS : lors du passage de la phase d'accostage à la phase d'arrimage, les GS se rapprochent de la membrane plasmique.

3.2.3.3. Analyse des mouvements dans les cellules "décalottées"

Afin de tenter de confirmer la corrélation entre mouvement restreint (GS arrêté ou présentant un mouvement contraint) et accrochage à la membrane plasmique, nous avons étudié la dynamique des GS dans le cas de cellules dites "décalottées" (Figure 31). Le principe de cette approche consiste à appliquer une contrainte mécanique (sonication, flux de cisaillement…) sur des cellules adhérées afin d'induire leur arrachement de la lamelle sur laquelle elles sont cultivées. Au cours d'un tel arrachement, la portion de membrane adhérant au substrat peut, dans certains cas, rester fixée sur celui-ci (Figure 31). De plus, certains des GS accrochés sur cette portion de membrane avant l'application de la contrainte mécanique restent en place lorsque les cellules sont ainsi décalottées. Cette méthode, décrite pour la première fois il y a plus de trente ans (Mazia, Schatten et al., 1975 ; Vacquier, 1975), a été mise en œuvre afin d'étudier différents mécanismes comme la formation des "puits" recouverts de clathrine (Moore, Mahaffey et al., 1987) ou la fusion des GS avec la membrane plasmique (Avery, Ellis et al., 2000 ; Lang, Bruns et al., 2001). Elle permet un accès direct à la face interne de la membrane plasmique. De plus, au même titre que les cellules perméabilisées, ces cellules décalottées constituent un système ouvert dans lequel la composition du milieu mimant le cytosol est contrôlée précisément. En ce qui nous concerne, l'utilisation des cellules décalottées présente l'avantage de pouvoir étudier spécifiquement des GS accrochés à la membrane plasmique.

Figure 31: Obtention des cellules décalottées. L'application d'une contrainte mécanique sur les cellules

provoque leur arrachement, la membrane adhérée au substrat restant fixée sur celui-ci. Ces morceaux de membrane, sur lesquels restent fixés certains GS, correspondent aux cellules dites décalottées.

Les différentes équipes travaillant sur des cellules décalottées ont développé différentes méthodes afin d'obtenir de telles portions de membrane adhérées au substrat (pour une revue, voir (Heuser, 2000)). Celle mise au point au laboratoire se déroule en deux étapes. Les cellules sont tout d'abord traitées par la latrunculine B, une drogue induisant la dépolymérisation du réseau d'actine (Spector, Shochet et al., 1983). Elles sont ensuite soumises à un flux de cisaillement par ajout et aspiration successifs de milieu (pour plus de détails, voir Matériels et méthodes). Le rendement de cette méthode est très variable et généralement assez faible.

Nous avons contrôlé l'état physiologique des cellules décalottées de deux manières différentes. D'une part, nous avons vérifié par immunomarquage que la protéine SNAP25 était présente au niveau de ces portions de membrane adhérées (Figure 32B). D'autre part, lors de l'ajout de calcium à une concentration de 30 µM dans le milieu baignant les cellules, nous avons observé quelques rares événements d'exocytose. Ces deux contrôles indiquent que ces portions de membrane adhérées conservent au moins partiellement leurs propriétés physiologiques. De plus, grâce à un marquage à la rhodamine-phalloïdine, nous avons vérifié que les cellules décalottées ne présentaient plus de réseau d'actine juxta-membranaire. Ceci indique que la majeure partie des GS visibles dans ces cellules décalottées sont bien accrochés sur la membrane plasmique.

Figure 32: Comparaison des cellules entières et décalottées. Cellules BON entière (A) ou décalottée (B)

exprimant de manière stable la protéine NPY-GFP (canal vert) et marquée par un anticorps anti-SNAP25 (canal rouge). Observations réalisées en microscopie TIRF (δ = 100 nm). Barre d'échelle: 4 µm

Nous avons tout d'abord comparé la densité de GS observables sur cellules décalottées à celle obtenue pour des cellules "entières" observées par microscopie TIRF avec une épaisseur d'évanescence de 200 nm. La densité de GS est égale à 32 ± 9 GS / 100 µm2 (clone BC6, 332 GS issus de 6 cellules) pour les cellules décalottées et à 78 ± 6 GS / 100 µm2 pour les cellules entières (clone BC6, 863 GS issus de 6 cellules). Ceci suggère que lors des observations en microscopie TIRF avec une épaisseur d'évanescence de 200 nm, au moins 40 % des GS (rapport des densités de GS entre cellules décalottées et entières) sont au contact de la membrane plasmique.

De plus, nous avons analysé les trajectoires des GS dans ces cellules décalottées4. Ces GS présentent quasi exclusivement des mouvements très restreints. La proportion de temps passé dans la catégorie regroupant les périodes d'arrêt et les mouvements contraints est ainsi égale à 96 ± 2 % (clone BC6, 21 GS issus de 4 cellules, acquisitions à 10 Hz). Ce résultat confirme donc l'idée selon laquelle les GS liés à la membrane présentent des mouvements très limités.

4

Le milieu baignant ces cellules (voir Matériels et méthodes) est dépourvu de protéines et de calcium libre. En revanche, il contient de l'ATP (2 mM) et du GTP (0,3 mM).