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3. La dynamique des granules de sécrétion dans la région juxta-membranaire

3.2. Caractérisation des mouvements des granules de sécrétion dans la région juxta-membranaire

3.2.4. Les mouvements des granules liés au cortex d'actine

3.2.4.1. Les observations en double marquage

Le recours à un marquage simultané de l'actine et des GS via deux marqueurs fluorescents de "couleurs" différentes nous a permis de visualiser directement les interactions entre ces organites et le cytosquelette cortical d'actine. Ainsi, des cellules BON exprimant à la fois les protéines chimériques actine-GFP et NPY-mRFP (cellules BON non clonées, transfection par électroporation) ont été observées par microscopie TIRF (δ = 100 nm). Les séquences d'images obtenues mettent en évidence l'existence d'un cytosquelette d'actine dense et dynamique dans la région juxta-membranaire (Vidéo 3). Il apparaît de plus que certains GS semblent suivre les mouvements du réseau d'actine (Figure 33 et Vidéo 4), suggérant que ces organites sont piégés au sein de ce réseau ou liés aux filaments d'actine. En revanche, nous n'observons que très rarement des déplacements de GS le long de ces filaments d'actine.

Figure 33: Exemple d'un GS suivant les mouvements du réseau d'actine. Détail d'une cellule BON

exprimant l'actine-GFP et la NPY-mRFP. Observations réalisées en microscopie TIRF (δ = 100 nm). Acquisition alternée dans les canaux vert et rouge à une cadence de 1 Hz puis superposition des images (voir Matériels et méthodes). Barre d'échelle: 1 µm.

Afin de confirmer ces observations, nous avons cherché à comparer les mouvements du cortex d'actine aux trajectoires décrites par les GS. L'analyse de la dynamique du cytosquelette cortical a été effectuée en collaboration avec l'équipe dirigée par Paul Wiseman au sein de l'Université McGill (Montréal, Canada). Nous avons ainsi appliqué la méthode de corrélation d'images (voir Matériels et méthodes ainsi que (Hebert, Costantino et al., 2005)) développée par cette équipe aux séquences obtenues par microscopie TIRF afin d'obtenir la "carte des vitesses de déplacement" du réseau d'actine dans le plan de focalisation du microscope (Figure 34). Cette carte donne accès à la direction et à l'amplitude des vitesses de déplacement du cytosquelette moyennées sur toute la séquence d'images. Nous avons donc étudié spécifiquement des régions pour lesquelles le réseau d'actine présentait un mouvement relativement uniforme pendant la durée de l'acquisition. La superposition des trajectoires

décrites par les GS à la carte des vitesses de déplacement du cytosquelette cortical au niveau de ces régions (5 régions issues de 5 cellules différentes) montre qu'il existe une corrélation entre les mouvements de ces organites et ceux du réseau d'actine (Figure 33). Certaines trajectoires présentent en effet une composante "guidée" s'alignant avec les mouvements du cytosquelette. De plus, la vitesse de transport des GS suivant cette direction privilégiée (25 ± 4 nm/s, 80 GS) est similaire à celle mesurée localement pour l'actine (23 ± 3 nm/s).

Figure 34: Corrélation entre les mouvements des GS et ceux du réseau d'actine. Les trajectoires décrites par

les GS (représentées en rouge, le point marquant le début de la trajectoire) ont été superposées à la carte des vitesses de déplacement du cortex d'actine (flèches bleues indiquant la direction et l'amplitude moyenne des vitesses de déplacement). Certains GS semblent suivre les mouvements de l'actine. Flèche d'échelle : 50 nm/s. Barre d'échelle : 500 nm.

Nous avons ensuite vérifié qu'une telle corrélation entre les mouvements des GS et ceux de l'actine n'était pas spécifique aux régions sélectionnées lors de l'analyse précédente. Pour cela, nous avons déterminé via la méthode de corrélation d'images la carte des vitesses de déplacements des GS pour des cellules entières. Cette carte a été superposée à celle obtenue pour l'actine et nous avons mesuré l'angle θ entre les vecteurs vitesse associés aux GS et ceux correspondant à l'actine (Figure 35). L'histogramme de la distribution de ces angles met en évidence qu'une proportion non négligeable de GS suit les déplacements du réseau d'actine (Figure 35).

0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 1 2 3 4 5 0 θ (°) θ Fréquence 0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 1 2 3 4 5 0 θ (°) θ Fréquence

Figure 35 : Histogramme de la distribution des angles θ entre les vecteurs vitesse associés au GS et ceux correspondant aux mouvements de l'actine. L'encart représente la manière dont l'angle

θ est mesuré, les flèches rouges et vertes correspondant respectivement aux vitesses de déplacement des GS et du réseau d'actine. La fréquence obtenue pour des angles θ < 45° est nettement supérieure à celle associée à des angles θ > 90°. Ceci met en évidence la corrélation existant entre les mouvements des GS et ceux du réseau d'actine.

Etant donnée la faible cadence de prise d'images (acquisitions alternées dans les canaux vert et rouge à une cadence comprise entre 0,5 Hz et 4 Hz) utilisée lors des acquisitions en double marquage, nous n'avons pas pu caractériser les mouvements des GS semblant liés au cortex d'actine via notre méthode d'analyse des trajectoires. Ces mouvements, mis en évidence grâce à la superposition des trajectoires des GS à la carte des vitesses de déplacements du réseau d'actine, semblent cependant présenter une composante dirigée. Toutefois, ceci est sans doute dû au fait que cette analyse a été réalisée spécifiquement dans des zones pour lesquelles le cytosquelette d'actine possédait des déplacements uniformes dans une direction particulière. En restreignant notre analyse à de telles zones, nous avons mis en évidence une population particulière de GS liés à l'actine, à savoir ceux présentant une tendance au mouvement dirigé. L'observation des acquisitions en double marquage montrant que seules certaines régions particulières du cytosquelette d'actine se caractérisent par des déplacements suivant une direction privilégiée, il est probable que la majorité des GS liés à l'actine ne présentent pas une telle tendance au mouvement dirigé. De plus, la vitesse de transport mesurée pour ces organites (~20 nm/s) est très inférieure à celle déterminée précédemment pour la classe dirigée (~600 µm/s, voir Tableau 2). Il semble donc peu vraisemblable que cette classe de mouvement puisse être associée aux GS se déplaçant avec le réseau d'actine.

Le coefficient de diffusion moyen Dact calculé à partir des trajectoires tridimensionnelles des GS semblant fixés au cortex d'actine est égal à 15 ± 4 .10-4 µm2/s. Du fait de la faible cadence de prise d'images utilisée lors de ces acquisitions, Dact caractérise la composante lente des mouvements des GS (temps caractéristique de quelques secondes). Afin de déterminer si ces mouvements décrits par les GS se déplaçant avec le réseau d'actine peuvent correspondre à ceux appartenant à la classe contrainte, il faut par conséquent comparer Dact au coefficient de

diffusion de la cage (Dcage) et non pas à celui des GS à l'intérieur de ces cages (DGS). Il apparaît alors que Dact est nettement supérieur à Dcage (voir Tableau 2), suggérant que les GS interagissant avec l'actine ne correspondent pas à la classe contrainte. En revanche, Dact est proche du coefficient de diffusion caractérisant la catégorie diffusive. Cette dernière catégorie pourrait donc être associée aux GS fixés au cytosquelette cortical.

3.2.4.2. Analyse de l'effet de la jasplakinolide

Afin de tenter de valider les résultats obtenus en double marquage, nous avons analysé l'impact sur la dynamique des GS d'un traitement des cellules par la jasplakinolide, une drogue stabilisant les filaments d'actine (Bubb, Senderowicz et al., 1994). Nous avons tout d'abord contrôlé l'effet d'un tel traitement sur le cytosquelette cortical dans des cellules exprimant simultanément l'actine-GFP et la NPY-mRFP. Les séquences d'images réalisées en microscopie TIRF (Vidéos 5 et 6) montrent que si en présence de cette drogue (traitement pendant 5 minutes, à une concentration de 2 µM), l'architecture du réseau d'actine semble peu modifiée, en revanche sa dynamique est presque totalement bloquée. Ces observations indiquent également que le traitement des cellules à la jasplakinolide semble inhiber les mouvements des GS.

L'analyse précise de l'effet de la jasplakinolide sur la dynamique des GS en périphérie de la cellule a ensuite été réalisée (clone BC6, traitement à 2 µM pendant 5 min). Le traitement des cellules par l'intermédiaire de cet agent pharmacologique se traduit tout d'abord par une faible diminution de la densité de GS visibles par microscopie TIRF (-15 ± 11 %, analyse sur 7 cellules, 863 GS avant traitement et 667 GS après, δ = 200nm). Nous avons également comparé les mouvements décrits par les GS avant et après le blocage de la dynamique du réseau d'actine par la jasplakinolide. La proportion de temps passé par ces organites dans chacune des différentes catégories de mouvement a ainsi été calculée (Tableau 5, analyse sur 3 cellules, 253 GS avant traitement et 151 GS après, acquisitions à 10 Hz, δ = 200nm).

Catégorie Proportion de temps avant traitement

Proportion de temps

après traitement Variation relative 5

Arrêt ou contraint 52 ± 7 % 76 ± 3 % + 50 ± 15 %

Dirigé6 3 ± 2 % 2 ± 1 % - 43 ± 9 %

Diffusif 44 ± 5 % 22 ± 2 % - 53 ± 2 %

Tableau 5: Proportion de temps passé par les GS dans chaque catégorie de mouvement avant et après un traitement à la jasplakinolide (2 µM, 5 min). L'incertitude sur chaque valeur correspond à l'erreur

standard.

L'inhibition de la dynamique du réseau d'actine grâce à un traitement des cellules par la jasplakinolide provoque principalement un blocage des mouvements diffusifs, suggérant que cette catégorie diffusive corresponde aux GS liés au cortex d'actine. En conditions témoins, ces GS suivent les déplacements du cytosquelette d'actine tandis qu'en présence de jasplakinolide, ils sont bloqués au sein d'un réseau figé.

Le traitement des cellules par la jasplakinolide se traduit également par une diminution du temps passé par les GS dans la catégorie dirigée. Il apparaît donc qu'en périphérie de la cellule, le déplacement des GS sur de grandes distances le long de rails correspondant probablement aux microtubules (voir plus loin) nécessite que le cortex d'actine soit dynamique. Ce résultat, au même titre que le blocage des mouvements diffusifs observés en présence de jasplakinolide, indique que c'est la réorganisation continuelle du réseau cortical d'actine qui permet aux GS de pénétrer au sein de ce réseau et ainsi sans doute d'atteindre la membrane plasmique. Ceci est en accord avec les études réalisées sur d'autres types de cellules neuroendocrines montrant que le traitement des cellules par des drogues stabilisant les filaments d'actine induit à la fois une inhibition de la mobilité des GS et de l'exocytose (Ng, Lu et al., 2002 ; Tsuboi, DaSilva Xavier et al., 2003).

5

Ces valeurs correspondent à la variation relative, moyennée sur les différentes cellules analysées, entre la proportion de temps passé par les GS dans chaque catégorie de mouvement avant et après le traitement par la jasplakinolide.

6

Pour cette étude, les trajectoires des GS dans le plan (x,y) ont été déterminées via un algorithme de suivi automatique de particules (voir Matériels et méthodes). Les mouvements de nature dirigée sont cependant détectés moins efficacement par cet algorithme que par la méthode semi-automatique utilisée généralement. Ceci explique la faible proportion de temps passé par les GS dans la catégorie dirigée obtenue lors de cette analyse.

3.2.4.3. Analyse de l'effet de la latrunculine B

Nous avons également étudié l'effet de la latrunculine B, un agent pharmacologique induisant la dépolymérisation des filaments d'actine, sur les mouvements décrits par les GS. Après 5 minutes de traitement par cette drogue, utilisée à une concentration de 25 µM, le réseau cortical d'actine, visualisé en microscopie TIRF après un marquage par la rhodamine-phalloïdine, apparaît massivement dépolymérisé (Figure 36).

Figure 36: Effet d'un traitement des cellules à la latrunculine B sur le cortex d'actine. Cytosquelette

d'actine marqué par la rhodamine-phalloïdine dans des cellules BON en conditions témoins (A) ou après 5 minutes de traitement par la latrunculine B utilisée à une concentration de 25 µM (B). Observations réalisées en microscopie TIRF (δ = 200 nm). Barre d'échelle: 2 µm.

Le traitement des cellules (clone BC6, traitement à 25 µM pendant 5 min) par la latrunculine B se traduit tout d'abord par une diminution de 23 ± 3 % de la densité de GS visibles dans le champ d'évanescence (analyse sur 4 cellules, 340 GS avant traitement et 241 GS après,

δ = 200 nm). De plus, ce traitement ne modifie pas la proportion de temps passé par les GS

dans chacune les différentes catégories de mouvement (Tableau 6, analyse sur 3 cellules, 269 GS avant traitement et 195 GS après, acquisitions à 10 Hz, δ = 200 nm).

Catégorie Proportion de temps avant traitement

Proportion de temps

après traitement Variation relative

Arrêt ou contraint 41 ± 7 % 37 ± 9 % - 9 ± 5 %

Dirigé 8 ± 1 % 7 ± 1 % - 6 ± 11 %

Diffusif 52 ± 6 % 56 ± 8 % + 7 ± 6 %

Tableau 6: Proportion de temps passé par les GS dans chaque catégorie de mouvement avant et après un traitement à la latrunculine B (25 µM, 5 min). L'incertitude sur chaque valeur correspond à l'erreur

standard.

L'analyse des caractéristiques de chacune de ces catégories montre enfin que seul le coefficient de diffusion associé aux périodes diffusives est modifié par la dépolymérisation du réseau d'actine. Ce coefficient de diffusion passe ainsi 19 ± 2 .10-4 µm2/s en conditions témoins, à 28 ± 7 .10-4 µm2/s (p < 0,01) en présence de latrunculine B.

La dépolymérisation du réseau d'actine semble donc avoir un impact relativement modeste sur les mouvements des GS en périphérie de la cellule. Il est toutefois intéressant de noter que l'effet le plus marquant de ce traitement concerne spécifiquement la catégorie diffusive, renforçant ainsi l'idée selon laquelle cette classe de mouvement est associée aux GS interagissant avec le réseau d'actine.