• Aucun résultat trouvé

Régularisation énergétique [Hillerborg et al. 1976]

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 193-196)

5.8 Méthodes de régularisation (limiteurs de localisation)

5.8.1 Régularisation énergétique [Hillerborg et al. 1976]

Comme mentionné précédemment, l’énergie de rupture Gf dépend de la taille de la zone de localisation. Or dans un calcul élément fini, la taille de la zone de localisation est contrôlée directement par la taille des éléments finis. En conséquence, plus on raffine la taille du maillage, plus on aboutit à une énergie dissipée nulle à la rupture, ce qui n’est pas en accord avec l’expérience. Dans un tel cas les prédictions EF ne convergent donc pas vers une solution unique à mesure que le maillage est raffiné. Ainsi, la méthode de régularisation de Hillerborg et al. 1976 [101] consiste à ajuster la partie adoucissante du modèle matériau en fonction de la taille de l’élément, afin de dissiper à la rupture une énergie de fissuration constante quel que soit la taille du maillage. Etant donnée la simplicité de cette méthode de régularisation et malgré ses quelques lacunes que nous présenterons, c’est cette technique que nous utilisons dans le cadre de notre travail.

La méthode de Hillerborg et al. 1976 [101] est fondée sur l'utilisation de l'énergie de fissuration Gf comme paramètre de régularisation afin de remédier au problème de localisation lors d'un calcul de structure. Elle est équivalente en fissuration diffuse au modèle de fissuration par bande de Bazant et Oh, 1983 [230] présenté en section 5.3.2.2. On suppose qu’une fissure en mode I est étalée sur une bande de largeur h (ou lFPZ), et que l’énergie libérée pour ouvrir cette fissure est directement liée à l'aire sous la courbe contrainte-déformation. L’énergie de fissuration Gf est injectée dans un calcul élément fini afin de préserver la dissipation et de la rendre indépendante de la taille des éléments finis, ce qui permet d’assurer une objectivité vis-à-vis du maillage et remédier ainsi aux conséquences numériques de la localisation. D’un point de vue pratique, la valeur de Gf contrôle le processus de dissipation lors de la dégradation du matériau à travers un paramètre de la loi de comportement utilisée. L’approche énergétique peut être utilisée seulement si la formulation de la loi de comportement permet d’établir une relation directe entre le paramètre de la loi contrôlant l’adoucissement et le paramètre Gf. Cette relation directe est généralement obtenue

pour un cas unidimensionnel, c’est à dire, dans un élément finis soumis à un état de contrainte uniaxial.

La méthode énergétique de Hillerborg et al. 1976 [101] présente tout de même certains inconvénients. Cette approche se révèle moins efficace dans des cas multidimensionnels car la réponse charge-déplacement n’est pas totalement indépendante du maillage. En effet, la définition d’une bande de dissipation dépend du maillage et souffre d’une certaine sensibilité à l’orientation même du maillage (mesh bias) De Borst, 2002 [260].

En particulier, le fait qu’en changeant de maillage on change aussi le nombre d’éléments sur lesquels on dissipe de l’énergie, alors cela régularise la solution seulement partiellement Bazant et Jirasek, 2002 [261]. La Figure 5.13 illustre le problème de dépendance au maillage du trajet de la zone de localisation pour une barre en traction uniaxiale avec des orientations de maillages différents. Ainsi, la méthode d’Hillerborg permet de régulariser localement le problème en imposant une dissipation d’énergie au niveau de l’élément indépendante de la taille de celui-ci, en revanche, globalement, le trajet et surtout la largeur de la zone de localisation étant dépendante du maillage, alors l’objectivité vis-à-vis de l’énergie dissipée totale dans le système peut être perdue.

Ensuite, un autre inconvénient est lié au fait que cette approche énergétique ne permet pas de résoudre le problème mathématique (perte d’ellipticité) même si l’énergie dissipée reste constante en adaptant la partie adoucissante du modèle matériau en fonction de la taille de l’élément , et de ce fait le problème reste mal posé, admettant donc une infinité de solution.

Enfin il a été mis en évidence (flexion simple par exemple) Jirasek et Bauer, 2012 [262] et Matallah et al, 2013 [263] que même si l’état de fissuration reste en mode I (principe de base de la méthode de Hillerborg et de Bazant), l’état de contrainte n’est pas toujours uniaxial. Plus récemment Nassima et Matallah, 2015 [264] ont travaillé à identifier les sources d'erreurs liées à l'utilisation de cette approche énergétique dans le cas d'un calcul de structures générant des états de contraintes bidimensionnel ou tridimensionnel. Les résultats ont montré que cette approche devrait être utilisée avec précaution. Dans leur cas de calcul de structures générant un état de fissuration en mode I, les éléments sont soumis à des états de contraintes très variés. Le paramètre de la loi de comportement qui permet d’ajuster l’adoucissement afin de contrôler la dissipation de chaque élément est calculé en supposant un état de contrainte uniaxial. Ceci conduit à surestimer ou à sous-estimer la dissipation dans les éléments qui subissent des états de contraintes non uniaxiales. Autrement dit, en soumettant par exemple un volume élémentaire à un état de contrainte triaxial de traction, ils se rendent compte que l’énergie de fissuration réellement dissipée dans l’élément en utilisant une

formulation Gf issue d’une analyse unidimensionnelle (1D -Traction uniaxiale) est très différente de celle injectée dans l’élément comme paramètre d’entrée. Par contre une formule 3D de Gf permet une conservation de l’énergie (Gf injectée = Gf dissipée). La prise en compte donc d’une formulation de Gf qui tiendrait compte de l’état de contrainte permet de conserver la dissipation. Néanmoins, chaque état de contrainte génère une formulation différente et étant donné que l’état de contrainte auquel est soumis l’élément fini varie pendant le calcul, il devient difficile de tenir compte de ces formulations dans un calcul éléments finis.

Figure 5.13 :Illustration de la dépendance au maillage du trajet d’endommagement : (a) Maillage avec bandes verticales; (b) Maillage avec bandes inclinées, Tiré de Cédric Giry, 2011 [265]

L’énergie de fissuration en mode I est définie par :

Gf= ∫ σdu

ur 0

Où u est le déplacement d’ouverture de fissure Figure 5.14. Comme abordé en section 5.3.2.2 dans une approche par fissuration continue, la fissure est représentée par une zone de localisation de taille w (lFPZ) dans laquelle la déformation plastique εp est uniformément répartie. L’expression de l’énergie de fissuration peut être exprimée dans ce cas par :

Gf= w ∫ TdK =Ku

0

wgf

Où gf est l’énergie locale de fissuration représentée par l’aire sous le diagramme de comportement (Figure 5.15). L’énergie de fissuration Gf est considérée comme un paramètre caractéristique du matériau. La taille de la zone de localisation w est reliée à la longueur caractéristique lc prise comme étant la taille de l’élément fini h Bazant et Oh, 1983 [230], Rots, 1988 [211]. Le paramètre d’écrouissage ultime Ku (Figure 5.15) est calculé de manière à ce que le paramètre local gf dissipe l’énergie de fissuration Gf sur l’élément h. Dans le cas d’un comportement adoucissant supposé linéaire comme on peut le voir sur la Figure 5.15, l’expression de la déformation plastique ultime est établie en fonction de la taille de l’élément telle que :

Ku= 2gf

ft = 2Gf hft

Où ft est la résistance en traction uniaxiale du béton.

Figure 5.14 :Représentation d’une fissure discontinue par une fissuration continue

Figure 5.15 :Diagramme d’adoucissement supposé linéaire du béton en traction

Il est à noter que l’utilisation des techniques de régularisation par théorie non locale, par formulation en gradient, ou encore par théorie du second gradient se sont avérées plus efficaces. Elles permettent de s’affranchir des lacunes de la méthode de régularisation énergétique et donc de régulariser complètement le problème. Cependant de telles approches nécessitent généralement des développements numériques délicats et ne sont pas utilisées dans le cadre de notre travail. Nous présentons tout de même brièvement ces approches dans les sections suivantes afin de familiariser le lecteur avec les différentes méthodes de régularisation existantes.

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 193-196)