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Modélisation du comportement structurel du béton : Revue de la littérature

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 165-170)

Comme nous l’avons vu tout au long des chapitres précédents, de nombreux chercheurs ont travaillé sur le comportement au cisaillement de structures en béton armé à travers différentes investigations expérimentales, et les différents codes de calcul existants de nature empirique ont été établis à partir de ces résultats expérimentaux. Notre campagne expérimentale sur l’étude du cisaillement des dalles en béton armé sans armatures d’efforts tranchant s’intègre parfaitement dans une optique de combler la base de données concernant le cisaillement limite des dalles. Elle a surtout contribué à se faire une opinion entre les recommandations françaises FD P 18-717. Eurocode 2, 2013 [5], celles proposées par l’EC2 CEN. Eurocode 2, 2005 [6], l’ACI 318, 2014 [1], une récente proposition d’extension de l’EC2 de Lantsoght et al. 2015 [9], le code nucléaire AFCEN ETC-C, 2010 [7], le fib-Model Code 2010, 2012 [2] basé sur la théorie du champ de compression modifié et enfin la théorie de la fissure critique de cisaillement (CSCT). Les résultats expérimentaux obtenus devraient également aboutir dans une perspective à notre travail et dans le but d’améliorer l’EC2, à la définition d'une formulation analytique prenant en compte le maximum de paramètres afin de justifier le comportement des structures en cisaillement.

Cependant les bases de données existantes d’essai de cisaillement, aussi importantes qu’elles soient, ne peuvent traiter de tous les aspects des mécanismes de transfert de contraintes de cisaillement. Par conséquent, dans la recherche moderne en ingénierie des structures, les analyses par éléments finis (EF) deviennent essentielles pour compléter la recherche expérimentale en fournissant un aperçu du comportement structurel. C’est un outil numérique avancé à même de fournir de très bonnes prédictions. Une analyse EF non linéaire peut montrer la formation et la propagation des fissures, les déplacements, les mécanismes de ruptures possibles et compléter les observations expérimentales, où des mesures d'essais ne sont pas connues. En plus, force est de reconnaitre que tous ces essais à grandes échelles effectués dans notre campagne expérimentale se sont avérés relativement coûteux et ont nécessité beaucoup de temps dans la fabrication des dalles, les instrumentations et finalement les essais. Dans ce contexte, l'analyse non linéaire par éléments finis (EF) apparait également comme un outil numérique permettant de s’affranchir d'études expérimentales coûteuses.

Cependant, la complexité d'une analyse EF est d'abord inhérente au choix d'un modèle numérique de béton capable de reproduire le phénomène de rupture triaxiale des dalles en béton armé sous sollicitations de cisaillement. En effet, diverses théories sont utilisées dans la modélisation du comportement mécanique du béton. Il existe plusieurs modèles constitutifs de béton utilisables dans des simulations EF, et issus de différentes théories de la littérature à savoir l’élasticité non linéaire, la plasticité, la mécanique de l’endommagement, ou le couplage élastoplastique avec endommagement. Cependant ces modèles ne sont pas tous à même de donner des résultats fiables. Ensuite, une deuxième complexité d’une analyse EF est liée aux procédures de résolution que les modèles incluent. En effet une analyse EF non linéaire implique un algorithme de résolution non linéaire et un temps de calcul associé. Un modèle de béton associé à un algorithme de résolution inadéquat pourrait conduire à des difficultés de convergence en cas de fortes non linéarités ou à des temps de calcul relativement élevés. Enfin une autre difficulté d’une analyse EF pourrait être associée au choix des types d’éléments finis discrétisant la structure. Le choix de l’élément a une importance capitale sur le résultat de la modélisation. Un mauvais choix pourrait entrainer un comportement structurel irréaliste.

Dans ce chapitre le comportement mécanique complexe du béton est d’abord présenté.

Pour modéliser ce comportement, plusieurs approches théoriques ont été établies dont les deux principales sont : l’approche discontinue et l’approche continue. Les avantages et les inconvénients de ces deux approches sont présentés. Ensuite les différents modèles numériques à approche continue proposés par différents auteurs dans la littérature pour reproduire le comportement mécanique du béton sont présentés: modèles d’endommagement, de plasticité et modèles elastoplastique-endommageables. Chacun de ces modèles présente des avantages et des inconvénients, ainsi que des champs d'application différents qui seront discutés. Une attention particulière sera par la suite apportée à un modèle élastoplastique avec endommagement qui sera utilisé dans les simulations de notre travail. On terminera enfin ce chapitre en abordant le phénomène de localisation dans les milieux adoucissant pour s’intéresser par la suite à la nécessité d’introduire une technique de régularisation afin d’obtenir des résultats numériques objectifs vis-à-vis du maillage EF. Différentes méthodes de régularisation sont par conséquent présentées : la méthode de régularisation énergétique, la théorie non locale intégrale, la formulation en gradient et la théorie du second gradient.

5.1 Comportement microstructurale du béton

Le béton, un des matériaux les plus utilisé dans le monde entier pour la construction présente cependant un comportement non linéaire très complexe lié à son caractère hétérogène et quasi-fragile. Sous diverses sollicitations, cette hétérogénéité favorise le développement de divers modes de ruptures et de propagation de fissures. Cette nature hétérogène du béton est principalement liée à la composition de sa microstructure. Pour rappel le béton est constitué d’une matrice cimentaire (pâte), de sable et de granulats dont la répartition géométrique est aléatoire et pouvant présenter une dispersion assez importante. A cette hétérogénéité de composition on peut également rajouter une hétérogénéité dite structurelle due à l’existence de microfissures initiales dans la microstructure. Ces microfissures sont le plus souvent localisées à l’interface entre les granulats et la pâte de ciment ou générées directement par certains facteurs comme un retrait hydraulique ou thermique. Au regard de la microstructure du béton on peut distinguer 3 principales échelles (Figure 5.1):

 A l’échelle du centimètre, le béton peut être considéré comme un matériau composite, assemblage de sable, de pâte de ciment durcie et de granulats.

 A l’échelle du millimètre, c’est au tour de la pâte de ciment durcie d’être considéré comme composite constituée de ciment anhydre, d’hydrates et de porosité. La pâte de ciment considérée antérieurement comme un matériau homogène devient hétérogène sous cette nouvelle échelle.

 Sous des échelles encore plus basses les hydrates de ciments (C-S-H) apparaissent à leur tour hétérogène.

Le béton est par conséquent un matériau multi échelle. En effet les matériaux quasi-fragiles en général, de par leur particularité de présenter de nombreuses échelles sont relativement complexes à décrire et à étudier dans leur comportement jusqu’à la rupture. Pour caractériser donc le comportement du béton il est donc indispensable de se fixer au préalable une échelle d’étude afin d’obtenir des informations pertinentes pour développer des modèles numériques.

Figure 5.1 :Structure hétérogène du béton Erwan Morice, 2014 [180]

5.2 Comportement mécanique macroscopique du béton

Le but de ce paragraphe est de présenter les phénomènes physiques observés expérimentalement sur des éprouvettes macroscopiques. Ces essais permettent d’identifier le comportement global d’une structure réduite en béton. Cela donnera un aperçu des caractéristiques mécaniques macroscopiques du béton et pourrait fournir une base de connaissances afin d’apprécier la relation entre les propriétés macroscopiques et celle de la microstructure ou essayer de reproduire des phénomènes macroscopiques par des modèles numériques.

5.2.1 Compression et traction uniaxiale 5.2.1.1 Traction uniaxiale

Cet essai est très délicat à réaliser de manière directe avec l’apparition notamment de phénomènes de "snap-back" (instabilité du radoucissement) dû au caractère fragile du béton.

C’est un essai qui est par conséquent à considérer avec précaution. Des tests introduisant de la traction indirecte (essai de fendage encore appelé essai brésilien ou essai de flexion 3points) sont le plus souvent utilisés pour identifier le comportement en traction. La traction directe donne une information sur la valeur de l’énergie de fissuration (ou énergie de rupture) du béton Gf. Ce paramètre revêt d’une grande importance dans le cadre de simulations numériques plus approfondies et sera discuté dans de prochaines sections.

Une courbe classique contrainte-déformation du béton obtenue en traction uniaxiale nous indique comme on peut le voir sur la Figure 5.2a que le pic est atteint pour une contrainte relativement faible et ce juste en fin de la phase élastique linéaire avant d’observer une chute brutale de la contrainte dans la phase post-pic puis une stabilisation et une rupture soudaine. Les résultats d'essais réalisés par Terrien, 1980 [181], Mazars et al. 1990 [182],

Ramtani, 1990 [183], Gerard, 1996 [184] ont tous démontré ce phénomène. En régime élastique le matériau retrouve sa configuration initiale s’il est déchargé. Dans la phase post-pic des microfissures apparaissent dans le matériau et le comportement du béton devient adoucissant (le caractère adoucissant du béton sera discuté dans les prochaines sections). Le module d’élasticité diminue fortement pendant cette phase et des déformations irréversibles apparaissent. Les microfissures se propagent perpendiculairement à la direction du chargement pour donner une fissure traversante et localisée, avant la rupture du matériau (Figure 5.2b). Ce mode de fissuration est qualifié de "mode I" où les contraintes normales selon la direction de la sollicitation ouvrent la fissure.

Figure 5.2 :Mode de rupture macroscopique sous traction uniaxiale : (a) comportement global Terrien, 1980 [181]; (b) Formation et propagation des fissures Björnström et al. 2006 [185]

5.2.1.2 Compression uniaxiale

En effet, parmi les sollicitations mécaniques, la résistance du béton en compression uniaxiale a été la plus étudiée et donne généralement une image globale de la qualité d’un béton puisqu’elle est directement reliée à la structure de la pâte de ciment hydratée. La compression uniaxiale est également utilisée pour caractériser d’autres propriétés du béton comme le module de Young et le coefficient de poisson. La courbe contrainte-déformation du béton est similaire à celle décrite en traction mis à part le fait que la résistance en compression est bien plus élevée que celle en traction (approximativement dans un rapport de l’ordre de 10).

L’évolution du comportement du béton peut être considérée comme triphasique (Figure 5.3). D’abord une phase élastique domaine des déformations réversibles, ensuite une partie ascendante (écrouissage positif) de la courbe d’évolution décrit le comportement non fissuré (des microfissures non visibles à l’œil nu sont présentes). Le déchargement durant cette phase montre la présence de déformations irréversibles. On note enfin une partie

(

a

) (

b

)

d’adoucissement (écrouissage négatif) associée au comportement du béton fissuré. Dans cette dernière phase des microfissures coalescent en une ou plusieurs macrofissures (visibles le plus souvent à l’œil nu) qui vont s’agrandirent et se propager jusqu’à la rupture du matériau. La différence entre l'évolution des microfissures en compression et en traction est liée à la direction des microfissures. Alors que sous traction les microfissures se développent pour former une macrofissure perpendiculaire à la direction de de la sollicitation (section 5.2.1.1), en compression les fissures se développent dans une direction parallèle à la sollicitation (Figure 5.3b). Ceci est dû à l’extension dans la direction perpendiculaire à la force de compression.

Figure 5.3 :Mode de rupture macroscopique sous compression uniaxiale : (a) comportement global Geel, 1998 [186]; (b) Formation des fissures Kaufmann, 1998 [187]

5.2.1.3 Adoucissement-Localisation de la déformation

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