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Pour le moment, les produits contenant des nanoparticules d’argent, comme tous les matériaux issus des nanotechnologies, sont testés avec des protocoles identiques à ceux classiquement établis. Or, ces tests sont inadaptés car ils ne prennent pas en compte les spécificités physiques et chimiques de tels produits. Le Parlement européen a d’ailleurs voté le 24 avril 2009 un rapport qui conteste les déclarations de la Commission européenne (« Regulatory Aspects of Nanomaterials »,

juin 2008) affirmant que la législation actuellement en vigueur couvre les risques liés aux nanomatériaux.

A l’heure actuelle, tout produit revendiquant une activité antimicrobienne est soumis à la réglementation européenne dite « biocide » (directive du Parlement Européen et du Conseil n° 98/8/CE du 16 février 1998, modifiée par la directive n° 2006/50/CE du 29 mai 2006). Cette directive concerne la mise sur le marché des produits biocides, qu’elle définit comme étant les substances « destinées à détruire, repousser ou rendre inoffensifs les organismes nuisibles ». Ces produits ne peuvent être mis sur le marché en France qu’après évaluation préalable par un institut (INERIS, INRS, Afssa…), puis autorisation par le Ministre de l’Ecologie et du Développement Durable.

Le Parlement européen souligne la nécessité de mettre en place des tests spécifiques et adaptés aux nanomatériaux et demande une révision de la législation, afin de garantir une application sûre des produits contenant des nanoparticules. Cette nouvelle législation pourrait passer par une révision de la directive REACH (« Registration, Evaluation, and Authorization of Chemicals ») sur les produits biocides. La réglementation REACH correspond à une démarche d’analyse bénéfices/risques sous contraintes socio-économiques. Mais elle ne prend pas en compte la taille des particules pour l’évaluation des risques. Selon Philippe Hubert de l’INERIS, aucune analyse bénéfices/risques n’a encore été menée pour les produits contenant ces nanoparticules (présentation du Nanoforum du CNAM – 2 avril 2009).

Cette nouvelle législation est pour le moment difficile à mettre en œuvre, car les données concernant l’impact des nanoparticules d’argent sur la santé humaine et l’environnement sont parcellaires et contradictoires. Les recherches dans ce domaine doivent donc être approfondies, notamment en termes d’évaluations des risques réels et du cycle de vie du nanomatériau, pour permettre une prise de décision éclairée.

La Direction Générale de la Santé (DGS) a mandaté les différentes agences sanitaires françaises (Afssa, Afsset, Afssaps, InVS), afin de recenser les produits et équipements commercialisés en France contenant des nanoparticules, puis de procéder à une évaluation bénéfices/risques. Une identification préalable de tous les produits dans le cadre législatif avant leur mise sur le marché s’avère indispensable, ainsi qu’une information claire du consommateur au niveau de l’étiquetage. En France, la Commission Nationale du Débat Public a été saisie pour lancer une réflexion nationale à propos des nanomatériaux à partir de l’automne 2009.

Pour information, la législation américaine concernant les produits ou équipements contenant des nanoparticules d’argent et revendiquant une activité biocide correspond à la loi FIFRA (« Federal Insecticide, Fungicide and Rodenticide Act »), en application depuis novembre 2006. Ces produits et matériaux sont considérés comme des pesticides aux Etats-Unis. Ils doivent être déclarés à l’Agence de Protection de l’Environnement (EPA) et le fabricant doit fournir des preuves scientifiques de l’absence d’impact négatif sur la santé et l’environnement. LA FDA (« Food and

Drug Administration ») réglemente les aliments, additifs et emballages alimentaires, médicaments, équipements médicaux et produits cosmétiques et d’hygiène contenant des nanomatériaux. Elle a émis un rapport en juillet 2007 (« Nanotechnology Task Force Report »), qui recense la totalité des produits et équipements commercialisés aux Etats-Unis contenant des nanoparticules d’argent. Au vu du développement croissant de l’utilisation des nanoparticules d’argent, dans des produits du quotidien, comme pour des applications plus spécifiques et ponctuelles, notamment dans le domaine biomédical, la législation doit être fréquemment adaptée pour permettre l’emploi raisonné de ces nanomatériaux, tout en garantissant la sécurité des êtres humains et de l’environnement.

A titre d’illustrations, de très nombreux sites internet concernant les nanomatériaux, et plus particulièrement les nanoparticules d’argent, peuvent être consultés. En voici une liste non exhaustive :

- “Project on emerging nanotechnologies”, du Centre Woodrow Wilson International : www.nanotechproject.org/

- Compte-rendu du projet PEN15 sur l’impact des technologies « nano-argent » sur l’environnement (septembre 2008) :

http://www.nanotechproject.org/publications/archive/silver/

- Communication de la Commission européenne sur les nanotechnologies (2008) : http://ec.europa.eu/nanotechnology/pdf/comm_2008_0366_en.pdf

- Rapport du Parlement européen (24 avril 2009) :

http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P6-TA-2009-0334+0+DOC+XML+V0//FR

- Dossier de l’INRS sur les nanomatériaux : http://www.inrs.fr/dossiers/nanomateriaux.html - Site Vivagora répertoriant les cycles du Nanoforum (CNAM) :

http://www.vivagora.org/spip.php?rubrique28

Conclusion

Les nanoparticules d’argent se caractérisent par une activité antimicrobienne qui perdure dans le temps, en raison du relargage progressif d’ions Ag+. Ces ions attaquent simultanément de multiples sites dans la cellule (ADN, ARN, protéines, enzymes, chaîne respiratoire, mitochondries), conduisant à une inactivation irréversible des fonctions physiologiques essentielles, aussi bien chez les procaryotes que chez les eucaryotes. Les nanoparticules présentent également une efficacité propre, due à leurs spécificités physiques (taille, forme) et chimiques (réactivité de surface). Elles

provoquent des modifications structurelles et fonctionnelles des parois et membranes cellulaires et pénètrent à l’intérieur de la cellule, entraînant des dommages irrémédiables.

Les bénéfices apportés par les matériaux contenant des nanoparticules d’argent sont indéniables dans le domaine médical et l’hygiène des personnes. Néanmoins, les informations relatives à la toxicité à long terme de ces composés sur la santé humaine et les écosystèmes terrestres et aquatiques sont actuellement insuffisantes et même contradictoires. Par conséquent, des études (in vivo et pas seulement in vitro) doivent être menées afin d’évaluer plus précisément les risques potentiels liés à une utilisation massive et inconsidérée (chaussettes, équipements électroménagers, etc.).

La multiplication et la diversification des applications liées au « nano-argent » nécessitent de rester vigilant, sans être pour autant alarmiste. Des débats polémiques ont lieu actuellement entre les défenseurs d’une utilisation adaptée et raisonnée des nanoparticules d’argent, pour bénéficier de leurs propriétés antimicrobiennes, et les opposants se préoccupant de leur impact dans le futur. De nombreuses associations exigent l’application du principe de précaution. Dans leur grande majorité, les chercheurs souhaitent, eux, approfondir les études scientifiques pour obtenir des données plus précises et des statistiques fiables sur les nanomatériaux. Cela démontre l’engouement suscité par ce champ d’application vaste et diversifié, aussi bien parmi les dirigeants politiques, les instances de législation et la communauté scientifique, que dans l’ensemble de la société civile.