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Au vu des données de la littérature, les biofilms fongiques et bactériens sont à l’origine de problèmes de santé publique dans des secteurs diversifiés tels que l’industrie agro-alimentaire ou le domaine biomédical et chirurgical et induisent des pertes économiques non négligeables. La nécessité de lutter contre la colonisation des surfaces dans ces secteurs stratégiques justifie l’intérêt croissant pour le domaine de recherche dédié à l’amélioration de l’hygiène des surfaces. L’acier inoxydable 316L, principal matériau d’équipement dans les industries agro-alimentaires, utilisé également pour la fabrication d’outils et d’implants chirurgicaux, constitue un support de prédilection pour l’adhésion et le développement des microorganismes. Dans le cadre de cette problématique, la maîtrise de l’hygiène de l’acier inoxydable se révèle un enjeu primordial pour assurer la sécurité des personnes, la conservation des produits et la durée de vie des équipements. Les biofilms étant très difficiles à éradiquer une fois formés, une stratégie préventive, visant à limiter l’adhésion des microorganismes à l’acier inoxydable et à éliminer ceux réussissant à entrer en contact avec la surface, constitue une approche pertinente et prometteuse. Dans cette optique, un travail interdisciplinaire a été entrepris avec pour objectifs de :

(i) mettre au point un traitement de surface sur l’acier inoxydable 316L, combinant une efficacité anti-adhésive à des propriétés antimicrobiennes, en s’appuyant sur les potentialités des procédés de dépôt plasma ;

(ii) évaluer, comprendre et comparer les mécanismes à l’origine de l’efficacité anti-adhésive et biocide des traitements de surface réalisés, sur un panel de souches (levures, bactéries à Gram positif et à Gram négatif) de caractéristiques (propriétés de surface, structure pariétale, réactivité) différentes.

Dans ce projet, la levure S. cerevisiae a été choisie comme modèle d’étude eucaryote, en raison de sa capacité à adhérer fortement à l’acier inoxydable 316L, de son identification en tant que source de contamination de produits alimentaires et de sa parenté génétique avec le pathogène fongique

C. albicans, permettant l’extrapolation de la stratégie développée au domaine biomédical. Afin de

comparer l’efficacité de l’approche adoptée sur des organismes procaryotes, une étude a également été menée avec S. aureus et E. coli, en raison de leur implication dans le développement de nombreuses pathologies (infections nosocomiales, toxi-infections alimentaires). Les trois microorganismes ont également été sélectionnés du fait de leurs différences de structure et de composition pariétale.

L’étude de ces modèles microbiens a été réalisée au Laboratoire d’Ingénierie des Systèmes Biologiques et des Procédés (LISBP), dans l’équipe « Transfert, Interface, Mélange », en sollicitant en interne les compétences des équipes « Physiologie Microbienne des Eucaryotes Inférieurs » et « Génie du Métabolisme des Procaryotes ». De plus, ces travaux ont été en partie réalisés dans le

cadre du projet ANR « Biopleasure » (2007-2010), intitulé « Plasma-surface engineering for biofilm prevention », regroupant le LISBP, le Laboratoire Plasma et Conversion d’Energie (LAPLACE) de Toulouse, reconnu pour son expertise dans la modification des surfaces par procédé plasma, le Laboratoire de Physico-Chimie des Surfaces (LPCS) de Paris, spécialisé dans la physico-chimie des surfaces, et un partenaire industriel, Arcelor-Mittal (Isbergues). La démarche envisagée est donc pluridisciplinaire et met en œuvre des compétences dans des domaines diversifiés, comme la microbiologie, la physico-chimie des surfaces, la physique ou encore la mécanique des fluides. La caractérisation approfondie, menée aussi bien sur les microorganismes que sur les surfaces solides, d’une échelle macroscopique à une échelle atomique, constitue un atout pour la compréhension précise des phénomènes observés et confère au travail exposé ici toute son originalité.

En se basant sur les données reportées dans la littérature et les travaux réalisés précédemment au LISBP (Guillemot et al., 2006), la première approche adoptée a consisté à traiter l’acier inoxydable par voie chimique (décapage dans un mélange peroxyde d’hydrogène/acide sulfurique) ou physique (bombardement ionique), dans le but de modifier sa composition de surface et ses caractéristiques physico-chimiques (Chapitre I). L’efficacité de ces différents traitements vis-à-vis de l’adhésion de S. cerevisiae a ensuite été quantifiée in vitro par méthode hydrodynamique. Cette méthode est basée sur l’observation in situ du détachement des microorganismes, préalablement adhérés aux différentes surfaces traitées, grâce à l’utilisation d’une chambre à écoulement cisaillé, permettant d’opérer dans des conditions hydrodynamiques et physico-chimiques contrôlées. Dans ce type de dispositif, les cellules ne sont pas soumises à une interface liquide-air et, par conséquent, à des forces de capillarité dont l’action peut s’avérer préjudiciable à l’analyse fine du comportement bio-adhésif. La circulation du fluide en continu permet de « mimer » les conditions opératoires mises en œuvre dans de nombreux procédés industriels. Les profils de détachement obtenus ont été corrélés aux caractéristiques topographiques et physico-chimiques des supports natifs ou modifiés, par le couplage de différentes techniques d’analyse de surface (profilométrie, spectroscopie XPS, méthode de la goutte posée).

Les traitements chimiques et physiques des surfaces d’acier inoxydable ainsi définis n’empêchant pas l’adhésion de S. cerevisiae, une seconde approche a été mise en œuvre suite aux travaux de thèse de G. Guillemot (Guillemot et al., 2008). Cette nouvelle stratégie a consisté à recouvrir la surface d’acier inoxydable par un revêtement nanocomposite, dans le but de combiner une efficacité anti-adhésive à une activité antimicrobienne. Pour atteindre l’objectif fixé, les revêtements ont été synthétisés en une seule étape, basée sur un procédé original de dépôt par plasma froid, couplant la polymérisation par PE-CVD d’hexaméthyldisiloxane gazeux à la pulvérisation d’une cible d’argent par bombardement ionique (Chapitre II). Le film ainsi déposé est constitué d’une matrice organosiliciée, dont les propriétés physico-chimiques sont contrôlées à

façon (caractère polaire/apolaire), et dans laquelle sont incluses des nanoparticules d’argent, dotées d’une forte réactivité antimicrobienne. Le procédé de dépôt, mis en œuvre au LAPLACE, semble être parmi les méthodes les plus fiables permettant la synthèse de nanomatériaux composites par procédé plasma sous des conditions contrôlées. Une caractérisation complète de la topographie de surface, de l’organisation interne (taille et forme des nanoparticules), ainsi que de la composition et de la structure chimique (nature de la matrice, contenu en argent) des dépôts a été réalisée par un large spectre de techniques d’analyse, mises en œuvre conjointement au LAPLACE et au LPCS.

Les caractéristiques morphologiques, structurelles et physico-chimiques des dépôts ont ainsi pu être corrélées à leurs propriétés anti-adhésives et antimicrobiennes, évaluées au LISBP sur les trois microorganismes d’étude (Chapitre III). Les expériences menées en chambre à écoulement cisaillé sur S. cerevisiae ont permis de déterminer les dépôts présentant une affinité minimale pour les levures et de comprendre les mécanismes à l’origine de cette efficacité anti-adhésive. En parallèle, les propriétés antimicrobiennes des dépôts ont été évaluées par mise en contact direct avec les microorganismes et détermination du taux de survie en milieu gélosé. L’activité antifongique a pu être attribuée au relargage d’ions Ag+, quantifié par ICP-MS, ces ions étant issus de l’oxydation puis de la dissolution des nanoparticules localisées en extrême surface. L’hypothèse d’une libération directe de nanoparticules a également été formulée, suite à l’observation des levures par Microscopie Electronique en Transmission. Les investigations menées sur les levures planctoniques ont confirmé que l’activité biocide reste localisée à proximité de la surface.

Afin de mieux comprendre les mécanismes d’action de l’argent libéré sur les levures, une analyse par microspectroscopie FTIR à l’échelle de la cellule unique a été réalisée au Synchrotron SOLEIL (Gif-sur-Yvette), avec une résolution sub-cellulaire. Cette étude, la première dans le domaine, a été corrélée à l’observation des levures par Microscopie Electronique en Transmission, couplée à une analyse par Spectroscopie Dispersive en Energie, permettant l’identification et la localisation des modifications induites par le contact avec le dépôt nanocomposite.

L’efficacité antimicrobienne a également été évaluée sur les deux souches bactériennes. La comparaison des résultats obtenus a permis d’approfondir la compréhension des effets observés en relation avec les caractéristiques des microorganismes, dans l’optique d’étendre le champ d’application potentiel des dépôts nanocomposites.

Pour achever cette caractérisation quasi-exhaustive des dépôts synthétisés, la stabilité de leurs propriétés anti-adhésives et antimicrobiennes a été étudiée en renouvelant les expériences de détachement et les tests de toxicité sur les dépôts après leur première utilisation (Chapitre IV). Les évolutions observées ont été corrélées aux modifications des caractéristiques physico-chimiques et structurales des dépôts. Cette analyse du comportement à long terme des films nanocomposites après « vieillissement » est originale par rapport à d’autres travaux menés dans ce domaine, qui sont souvent restreints à la seule étude des revêtements de surface à l’état natif.