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Régime méditerranéen et préservation de la structure cérébrale chez le sujet âgé :

supérieures, en particulier le cancer du poumon

2. Régime méditerranéen et préservation de la structure cérébrale chez le sujet âgé :

2.1. Etude :

L’étude de la structure cérébrale en imagerie par résonance magnétique (IRM) pourrait permettre de clarifier les mécanismes reliant le régime méditerranéen aux pathologies cérébrales liées à l’âge. Dans l’Alzheimer, une atrophie de la substance grise est observée dans certaines régions et reflète la neurodégénerescence. Par ailleurs, la microstructure de la substance blanche semble altérée par les facteurs de risque vasculaires bien avant que les lésions cérébrales ischémiques ne soient détectables.

Dans une étude ancillaire en IRM de la cohorte des 3 Cités (3C) Bordeaux, l'objectif était d’investiguer, la relation entre l’adhérence au régime méditerranéen et la préservation du volume de la substance grise et de la microstructure de la substance blanche, environ huit ans après l’évaluation nutritionnelle.

 Matériel et méthodes:

Chez 146 sujets âgés ayant renseigné leurs habitudes alimentaires et participé à l’étude ancillaire IRM, un score d’adhérence au régime méditerranéen (9 points, un score plus élevé indiquant une plus grande adhérence) a été construit à partir des données d’un fréquentiel alimentaire et d’un rappel des 24 heures. Les volumes régionaux de substance grise ont été analysés en voxel-based morphometry, et la microstructure de la substance blanche en imagerie en tenseur de diffusion. Les relations multivariées entre le MDS et les volumes de gris et les paramètres de microstructure de blanc (fraction d’anisotropie et diffusivité moyenne) ont été analysées en régression linéaire, à l’échelle de chaque voxel du cerveau.

 Résultats et Analyse statistique:

Après ajustement sur les facteurs de confusion potentiels (âge, sexe, niveau d’études, allèle ε4 de l’apolipoprotéine E, énergie ingérée, indice de masse corporelle, activité physique régulière, tabagisme, facteurs de risque vasculaires et performances cognitives à l’inclusion)

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et contrôle pour les tests multiples, aucune association n’a été trouvée entre le régime méditerranéen et les volumes de gris. En revanche, un MDS plus élevé était associé à une préservation de la microstructure cérébrale dans de nombreuses régions cérébrales (p < 0,05 après correction pour les comparaisons multiples). Dans les analyses secondaires, aucune des composantes du MD analysées séparément ne montrait d’association forte avec les paramètres de microstructure, ce qui suggère un rôle du régime méditerranéen dans sa globalité.

 Conclusion:

L’adhérence au régime méditerranéen était largement associée à une préservation de la microstructure de la substance blanche, mais pas aux volumes de substance grise dans cette cohorte de sujets âgés. Ces données suggèrent que le régime méditerranéen influence la structure cérébrale du sujet âgé via des mécanismes vasculaires plutôt que neurodégénératifs [85].

2.2. Nutriments protecteurs :

2.2.1. Les antioxydants :

Le cerveau des patients atteints de maladie d’Alzheimer présente des lésions caractéristiques de l’exposition à un stress oxydant, tels qu’une augmentation des thiobarbituric acid reactive substances (TBARS), ou du malondialdéhyde, témoins de la peroxydation lipidique, une augmentation des biomarqueurs d’oxydation protéique, ou des dégâts dans l’ADN nucléaire ou mitochondrial. In vitro, le peptide ßA4 a un effet toxique direct sur des cultures de neurones, limité par les antioxydants. Ainsi, le stress oxydant semble bien impliqué dans la physiopathologie de la démence [83].

Enfin, il existe de nombreux arguments en faveur de l’hypothèse suivant laquelle un stress oxydant interviendrait dans l’étiologie des maladies neurodégénératives, particulièrement dans la maladie d’Alzheimer et le Parkinson.

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L’aptitude des flavonoïdes à chélater le fer semble impliquée, avec leurs effets anti-inflammatoires, dans les mécanismes qui président à leurs effets anti-amyloidogènes ainsi que dans l’inhibition de la dégénérescence des neurones dopaminergiques (Figure 14).

Figure 14: Mécanisme neuroprotecteur des flavonoïdes [54].

Il a ainsi été montré que les flavonoïdes du thé (principalement le gallate d’épigallocatéchine) ont des effets anti-amyloïdogènes par plusieurs mécanismes. En chélatant le fer, ils peuvent atténuer la production de la protéine précurseur amyloïde stimulée par celui-ci et inhiber l’agrégation du peptide amyloïde (A). En activant les isoformes α et ε de la protéine kinase C, ils peuvent favoriser la dégradation non amyloïde de la protéine. En

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outre, ils peuvent interagir directement avec les agrégats préformés et les déstabiliser. Ces mécanismes contribuent à diminuer l’accumulation du peptide A et la production consécutive d’ERO à l’origine de la neurodégénérescence. Ils ont été décrits sur des cellules en culture, mais l’inhibition de l’accumulation du peptide A a aussi été observée in vivo, dans des modèles animaux de maladie d’Alzheimer, où le gallate d’épigallocatéchine s’est avéré capable d’atténuer simultanément les troubles cognitifs et comportementaux caractéristiques de la maladie. Dans divers modèles de maladie de Parkinson chez le rat, l’ingestion d’extraits de végétaux riches en flavonoïdes (myrtilles, vin, raisin, thé vert) exerce un effet protecteur contre la maladie, mais les mécanismes de ces effets restent dans une grande mesure à préciser. Des essais cliniques contrôlés seront nécessaires pour confirmer ou infirmer cet espoir dans la maladie d’Alzheimer et la maladie de Parkinson et plus généralement dans les troubles neurologiques, cognitifs et comportementaux liés au vieillissement [54].

 l’EGCG du thé:

Des chercheurs américains ont découvert qu’un composant du thé vert, lorsqu’il est combiné avec l’exercice volontaire, est capable d’inhiber la progression de la maladie d’Alzheimer chez la souris.

Les scientifiques de l’Université du Missouri, à Columbia ont placé des souris dans un labyrinthe, les ont laissées trouver leur chemin et ont testé leurs compétences en construction de nid. Ils ont ensuite ajouté l’extrait de thé vert, l’EGCG (épigallocatéchine-3-gallate), à l’eau potable d’un groupe de rongeurs auxquels ils ont donné accès à une roue d’exercice.

Lorsque les médecins ont recommencé les deux expériences quelque temps plus tard, ils ont constaté que les animaux traités par l’EGCG montraient une amélioration significative des fonctions cognitives et de la rétention en mémoire. Des analyses de leur tissu cérébral ont également montré que les taux de bêta-amyloïde avaient diminué.

« L’administration orale de l’extrait, ainsi que l’exercice volontaire, ont amélioré certaines des manifestations comportementales et des troubles cognitifs de la maladie d’Alzheimer », a déclaré l’auteur de l’étude, Grace Sun [86].

131 2.2.1. Les acides gras polyinsaturés :

L’alimentation apporte des nutriments comme les acides gras polyinsaturés oméga-3 à longue chaîne, acides eicosapentaénoïque (EPA) et docosahexaénoïque (DHA), qui pourraient contribuer à protéger le cerveau contre les lésions neurodégénératives et vasculaires, et les phénomènes d’inflammation et de stress oxydant qui les accompagnent.

En accord avec les données des études sur des modèles cellulaires ou animaux, de nombreuses études épidémiologiques d’observation ont montré une association inverse entre la consommation de poisson, ou le statut sanguin en EPA et DHA, et le déclin cognitif ou le risque de développer une démence. Une concentration plasmatique élevée en EPA a même été associée à une moindre atrophie de la matière grise dans le lobe temporal médian, région atteinte de façon spécifique et précoce dans la maladie d’Alzheimer [84].

 Propriétés anti-amyloïdogéniques et promotion de la survie cellulaire :

Les études in vitro et animales suggèrent que le DHA non estérifié pourrait exercer des propriétés protectrices contre les modifications neuropathologiques décrites dans la MA : accumulation de peptide amyloïde, hyperphosphorylation de la protéine Tau et perte synaptique. Une diminution de 40 % des plaques amyloïdes et une diminution dans le cortex du taux d’Aβ 42, mais pas d’Aβ40, a été observée sur un modèle de souris transgénique exprimant la pathogénie Aβ, soumis à un régime enrichi en DHA comparé à un régime pauvre en DHA [87-89].

Une partie de la recherche se porte aujourd’hui sur la richesse des radeaux lipidiques en DHA, qui pourrait induire l’activation de mécanismes neuroprotecteurs majeurs. Des travaux récents, portant sur le rôle de la structure des radeaux lipidiques dans les voies de signalisation impliquées dans la cascade amyloïde, suggèrent que la nature de ces microdomaines pourrait conditionner le clivage de l’APP dans le sens amyloïdogénique ou non- amyloïdogénique. Alors que la voie amyloïdogénique (celle impliquant la β-sécrétase) semble avoir lieu dans les radeaux lipidiques classiques, la voie non-amyloïdogénique (impliquant l’α-sécrétase) semble avoir lieu dans des radeaux lipidiques particuliers, les

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caveolae, qui contiennent de la caveoline-1 et forment des structures cavitaires dans la membrane plasmique.

Considérant le rôle majeur du DHA dans la structure et la fonctionnalité des radeaux lipidiques, la richesse de ces microdomaines en DHA pourrait déterminer l’orientation des voies de signalisation impliquées dans la cascade amyloïde.

Le DHA permettrait également de lutter contre les effets neurotoxiques induits par l’accumulation de peptide Aβ. Les études cellulaires et animales suggèrent que les AGPI n-3 pourraient augmenter la survie cellulaire, par trois mécanismes différents de neuroprotection [87]. D’abord, le DHA exercerait des propriétés anti-apoptotiques, via la libération d’un médiateur anti-inflammatoire, la neuroprotectine D1 (NPD1). Ainsi, des travaux ont montré d’une part que l’enrichissement de membranes en DHA en culture cellulaire protège de l’apoptose induite par l’exposition aux peptides Aβ solubles et d’autre part que ces effets pourraient être attribués à la NPD1, qui préserve la cellule neuronale de la neurotoxicité induite par l’Aβ-42 en activant des mécanismes anti-apoptotiques (activation des gènes de la famille Bcl-2) et neuroprotecteurs [90, 91]. Ensuite les résultats de plusieurs études suggèrent que l’enrichissement des membranes en DHA, en augmentant la concentration de phosphatidylsérines pour lesquelles il est un substrat privilégié, pourrait induire des modifications structurales activant d’autres mécanismes de survie cellulaire. Enfin, les AGPI n-3 pourraient favoriser la synthèse de BDNF (facteur neurotrophique issu du cerveau) également impliqué dans le maintien de la survie cellulaire [87, 92].

 Propriétés cardiovasculaires :

De nombreuses études suggèrent une association entre les maladies cardiovasculaires ainsi que leurs facteurs de risques, et le risque de MA ou le déclin cognitif [93]. Maladies cardiovasculaires et MA semblant partager les mêmes facteurs de risque, une pathologie vasculaire cérébrale pourrait prédisposer à la neurodégénération, ou enfin, les facteurs vasculaires pourraient être des facteurs causaux de la mort neuronale. En particulier, l’association entre athérosclérose et MA a fait l’objet de nombreux travaux. L’un des

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mécanismes protecteurs des AGPI n-3 à longue chaîne sur le risque de démence ou de déclin cognitif pourrait donc impliquer les propriétés favorables des AGPI n-3 sur les facteurs de risque vasculaires globaux ou sur l’athérosclérose, étroitement associée à l’inflammation.

 Propriétés anti-inflammatoires :

Au cours du vieillissement, une inflammation cérébrale à bas bruit, liée à la surproduction de radicaux libres oxygénés, provoque des troubles fonctionnels et des altérations structurelles, qui favorisent le développement de la MA [94, 95].

En outre, de nombreux travaux suggèrent que l’inflammation semble jouer un rôle majeur dans l’apparition et la progression de la MA.

Les AGPI n-3 à longue chaîne produisent des médiateurs modulateurs de l’inflammation aux propriétés anti-inflammatoires, qui pourraient contribuer à limiter la neurodégénération. Les AGPI, stockés dans les PL des membranes cellulaires et dans les lipoprotéines, sont libérés par la phospholipase A2 (PLA2) et servent de substrat pour la synthèse des autacoïdes et eicosanoïdes.

Les eicosanoïdes sont issus des AGPI à 20 carbones par conversion par les COX et lipooxygénases (LOX). Les eicosanoïdes issus de l’AA, dérivé de la série n-6 (prostaglandines série 2, leukotriènes série 4, thromboxanes série 2), majoritaires, possèdent des propriétés à tendance inflammatoire, athérogénique (vasoconstrictrice), pro-arythmique et prothrombotique. A l’inverse, les eicosanoïdes issus principalement de l’EPA, dérivé de la série n-3 (prostaglandines série 3, leukotriènes série 5, thromboxanes série 3) possèdent des propriétés à tendance anti-inflammatoire, anti-arythmique, vasodilatatrice et antithrombotique [96] (Figure 15). Un nouveau groupe de médiateurs à activité anti-inflammatoire issus de l’EPA et du DHA a été récemment identifié. Il inclut les résolvines, docosatriènes et neuroprotectines. Les résolvines de la série E, issues de l’EPA, bloquent la synthèse des cytokines et chémokines inflammatoires. Les résolvines de la série D, issues du DHA, ainsi que les docosatriènes et les neuroprotectines, possèdent également des propriétés anti-inflammatoires [92]. La NPD1 (10,17S-docosatrienes), dérivée du DHA, module la

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synthèse des médiateurs de l’inflammation, en particulier la synthèse des prostaglandines à partir de l’AA, induite par la COX2. Elle induit en outre des effets anti-apoptotiques et neuroprotecteurs [97, 98].

Figure 15: Synthèse des eicosanoïdes à partir des AGPI n-3 et des AGPI n-6 [99].

 Propriétés anti-oxydantes :

Plusieurs résultats issus de travaux menés in vitro ou dans le cortex et l’hippocampe de modèles animaux atteints de MA, suggèrent que le DHA exerce des propriétés antioxydantes, en augmentant l’activité de la glutathion réductase, en diminuant l’accumulation de protéines oxydées, la péroxydation lipidique et la formation de dérivés réactifs de l'oxygène [88].

Ainsi, quelques études menées chez l’homme dans l’objectif d’examiner l’impact d’une supplémentation en EPA+DHA sur le stress oxydant ont montré des résultats inconstants, suggérant qu’une supplémentation en EPA+DHA à faible dose pourrait protéger contre le stress oxydant, mais à haute dose favoriser la péroxydation lipidique.

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De plus, l’oxygénation enzymatique du DHA en NPD1, activée dans certaines conditions d’agression pour lutter contre les effets délétères du stress oxydant et activer les mécanismes neuroprotecteurs, est fonction de l’équilibre d’oxydo-réduction des cellules cérébrales, et pourrait être modulée notamment par la biodisponibilité des antioxydants, à la faveur d’une action synergique entre DHA et antioxydants pour la mise en œuvre des mécanismes de neuroprotection impliquant le NPD1 [100, 97].

 Modulation de l’expression génique :

L’effet direct des AGPI sur la régulation de l’expression génique pourrait être l’une des clés pour comprendre les mécanismes d’action des AGPI dans le système nerveux central. Les AGPI modulent l’expression de nombreux gènes dans différents tissus, en interagissant, directement ou via leurs dérivés (eicosanoïdes, autacoïdes), avec différents facteurs de la transcription. La modulation de l’expression génique opérée par les AGPI n-3 conduit dans l’ensemble à une inhibition des voies de signalisation impliquées dans l’inflammation, une inhibition des voies de la lipogenèse, et une activation des voies de signalisation impliquées dans le maintien de la plasticité synaptique [101, 92].

 Contrôle de l’utilisation cérébrale du glucose :

Les AGPI n-3 pourraient faciliter l’utilisation cérébrale du glucose, qui se trouve altérée dans des régions corticales spécifiques au cours du vieillissement normal ou pathologique ainsi que chez les sujets porteurs de l’allèle ApoEε4 (ApoEε4+) bien avant l’apparition des troubles cognitifs [102-104]. Quelques études chez l’animal ont montré qu’un régime déficient en AGPI n-3 d’une part diminuait l’activité des principaux mécanismes consommateurs d’énergie dans le cerveau (pompes Na+/K+ des terminaisons nerveuses et phosphorylation oxydative), et d’autre part était associé à une diminution de l’utilisation du glucose, de la concentration en transporteurs du glucose GLUT1 dans les cellules endothéliales des microvaisseaux et les terminaisons des astrocytes, ainsi que de leur expression [100]. L’une des hypothèses émergentes est donc que le DHA pourrait prévenir le vieillissement cérébral en luttant contre l’hypométabolisme cérébral du glucose observé au cours du vieillissement normal et au cours de la MA.

136 2.2.3. Synergie d'action:

Un nutriment n’est jamais consommé de façon isolée dans l’alimentation. Il faut donc tenir compte des synergies et interactions avec les autres nutriments, en particulier les antioxydants. Ces derniers pourraient contribuer à protéger les oméga-3 à longue chaîne contre la peroxydation lipidique à laquelle ils sont très sensibles. Une forte adhérence au régime méditerranéen qui associe des consommations importantes de fruits, légumes, légumineuses, céréales, poissons et acides gras mono-insaturés provenant de l’huile d’olive a été associée à un moindre risque de déclin cognitif et de survenue de maladie d’Alzheimer dans plusieurs études épidémiologiques. Ce régime alimentaire apporte des vitamines antioxydantes C et E, de la vitamine B6 et des folates, qui pourraient avoir un rôle protecteur contre le déclin cognitif. Une forte adhérence au régime méditerranéen est également associée à des concentrations plasmatiques plus élevées en EPA et DHA. Il est donc difficile de distinguer le rôle spécifique d’un nutriment donné de cette alimentation et on peut même faire l’hypothèse que ses nutriments agissent en synergie [84].

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Partie 4 : la diète