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Le myocarde possède une capacité de régénération limitée. Après un infarctus du myocarde, la régénération conduit généralement à la formation de tissu fibrotique, diminuant la contractibilité du myocarde. L’injection de CSM chez 32 patients souffrant d’insuffisance cardiaque chronique a induit une amélioration de la fonctionnalité du ventricule gauche (Diederichsen et coll., 2010). Un autre essai clinique, contre placebo, portant sur la transplantation de CSM autologues dans les 12 heures suivant l’infarctus du myocarde, a été conduit sur 69 patients. 3 mois après traitement, les patients ayant reçu des CSM présentaient une fonctionnalité cardiaque accrue comparé au groupe contrôle (Chen et coll., 2004).

111 Depuis la découverte des CSM en 1991, de nombreuses études ont démontré leur importance dans le maintien de l’homéostasie tissulaire, que ce soit dans le soutien de l’hématopoïèse ou pour la régénération des tissus lésés. Ces propriétés ont rapidement suscité l’intérêt de la communauté scientifique, du point de vue de leur utilité en contexte thérapeutique. Alors que l’hypothèse originelle reposait sur le remplacement des cellules endommagées par les CSM exogènes, il s’avère que l’intérêt de ce type de thérapie repose davantage sur la capacité des CSM à produire un panel de facteurs agissant sur l’inflammation, l’angiogenèse, l’apoptose… La disponibilité, la faible immunogénicité et la capacité des CSM à migrer vers la lésion sont des caractéristiques avantageuses par rapport aux autres types cellulaires employées en thérapie. La compréhension accrue des mécanismes régissant le phénotype des CSM, ainsi que le nombre croissant d’essais cliniques sur cette thématique, rendent leur utilisation de plus en plus incontournable, en particulier dans le cadre de pathologies complexes pour lesquelles les traitements pharmacologiques sont inefficaces. Le traitement par les CSM des atteintes viscérales de la GVHD, des MICI et des irradiations est traité dans le paragraphe Thérapie cellulaire par les CSM pour le traitement des atteintes radio-induites au côlon-rectum.

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D. Les CSM : la réponse recherchée ?

Les atteintes secondaires tardives des radiothérapies, notamment la fibrose, sont extrêmement impactantes pour la qualité de vie des patients. En particulier, les séquelles au tractus gastro-intestinal induisent des symptômes sévères. Il n’existe pas à l’heure actuelle de protocole efficace de prise en charge de ces patients. Dans cette partie, nous détaillons les résultats obtenus suite à la transplantation de CSM sur différents modèles de fibrose afin d’évaluer le potentiel de cette thérapeutique sur la fibrose colorectale radio-induite.

I. Traitements anti-fibrosants actuels

Les traitements contre la fibrose ont un effet palliatif, les CSM sont une alternative thérapeutique qui a déjà démontré son efficacité dans de nombreuses pathologies. Les résultats des études précliniques et cliniques mettent en évidence de nombreux mécanismes d’action par les CSM : (i) immunosuppression (ii) action anti-oxydante (iii) remodelage et (iv) régénération tissulaire. L’avantage de ce traitement réside donc dans la capacité des CSM à agir sur plusieurs mécanismes impliqués dans les pathologies à traiter. De nombreuses drogues anti-fibrosantes sont actuellement utilisées ou à l’étude et il est important de comparer l’efficacité de ces traitements à celle de la transplantation de CSM.

Les protocoles thérapeutiques anti-fibrosants sont des traitements symptomatiques. Pour exemple, les patients atteints de Fibrose Pulmonaire Idiopathique (FPI) sont souvent traité par des séances d’oxygénothérapie, visant à faciliter la respiration, sans résultats démontrés La vaccination contre les pathogènes des voies respiratoires est fortement recommandée, lorsqu’elle est disponible. Il en est de même pour la fibrose hépatique d’origine virale, les efforts se concentrant ici sur la lutte contre le virus. L’amélioration de l’hygiène de vie est également indispensable : l’arrêt de l’alcool pour les fibroses hépatiques ou du tabac pour la fibrose pulmonaire.

Les médicaments évalués ou approuvés à ce jour agissent sur deux mécanismes majeurs de l’induction de la fibrose : l’inflammation et le stress oxydant. De nombreux anti-inflammatoires et antioxydants ont été testés sans démontrer d’efficacité réelle : corticostéroïdes, statines, IFN-γ (Rafii et coll., 2013)… La transplantation d’organe est souvent nécessaire à plus ou moins long terme pour assurer la survie du patient.

La pirfénidone est le premier exemple d’agent anti-fibrosant utilisé en clinique. Elle possède des propriétés anti-inflammatoires, antioxydantes et d’inhibition du TGFβ1 (Salazar-Montes et coll., 2008). De plus, la pirfénidone altère directement l’expression, la synthèse et l’accumulation de

113 collagène en inhibant le recrutement et la prolifération des cellules productrices de MEC (Carter, 2011). Elle a été approuvée pour le traitement de la FPI en Europe, au Canada, en Corée du Sud et au Japon. Les études précliniques montrent sa capacité à bloquer l’expression de TGF-β1 et à réduire significativement sa concentration dans le fluide de lavage bronchoalvéolaire dans les modèles de fibrose pulmonaire (Iyer et coll., 1999). La pirfénidone est également efficace sur les modèles animaux de fibrose du cœur (Mirkovic et coll., 2002), du rein (Takakuta et coll., 2010), du foie (Di Sario et coll., 2004) et de fibrose radio-induite (Simone et coll., 2007). Cependant, la Food Drug Administration (FDA) n’a pas approuvé la pirfénidone en raison d’un manque d’efficacité et de bénéfice sur la survie dans les essais cliniques de longue durée (2010). De plus, une méta-analyse des résultats d’études cliniques montre que la pirfénidone induit des effets secondaires sévères au niveau gastro-intestinal, neurologique et dermatologique (Jiang et coll., 2012).

L’imatinib est un inhibiteur des tyrosines kinase ayant démontré son efficacité sur des modèles animaux de fibrose du rein (Wang et coll., 2005), du poumon (Daniels et coll., 2004), du foie (Yoshiji et coll., 2005) et de la peau (Distler et coll., 2007). L’imatinib inhibe c-Abl, bloquant ainsi des effecteurs de la voie TGF-β, et inhibe simultanément PDGF. Il a été extensivement utilisé dans le traitement de cancers tels que la leucémie myéloïde chronique. Sur 5 essais cliniques sur des patients atteints de sclérose systémique sévère, 3 ont produit des résultats encourageants pour l’imatinib (Bournia et coll., 2013). Récemment, un essai sur des patients atteints de FPI n’a pas produit les résultats escomptés avec un effet bénéfique léger sur la survie et la fonction pulmonaire (Iwamoto et coll., 2011). Une partie significative des patients inclus dans des essais pour l’imatinib se sont retirés en raison des effets secondaires.

D’autres drogues anti-fibrosantes sont testées à l’heure actuelle (revues dans (Wynn et Ramalingam, 2012, Rosenbloom et coll., 2013)). Ces agents pharmacologiques sont principalement des anti-inflammatoires et des inhibiteurs de la voie de signalisation TGF-β1. Malgré le fait que certains de ces composés ont montré un effet anti-fibrosant sur les modèles animaux, le manque de données cliniques ne permet pas leur approbation.

Les effets secondaires liés à l’utilisation des drogues anti-fibrosantes peuvent être sévères. En outre, ces effets secondaires sont aggravés par le manque de spécificité de ces composés, tant en termes d’organe visé que de cible cellulaire. La capacité des CSM à migrer vers le site de la lésion et à se reprogrammer en fonction du microenvironnement local en sécrétant de façon transitoire des facteurs spécifiques fait de la thérapie cellulaire un candidat prometteur. Il est à présent nécessaire de réunir des données précliniques et cliniques sur ce type de traitements.

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II. CSM et fibrose

1. Études précliniques

Les propriétés immunomodulatrices et régénératives des CSM ont été largement décrites. Néanmoins, les effets des CSM sur la fibrose et les mécanismes qui les sous-tendent sont encore mal connus. Dans cette partie seront exposés les résultats d’études portant sur la transplantation de CSM sur des modèles animaux de fibrose. Différents organes (foie, poumon, rein…) et espèces (souris, rat, cochon…) seront cités afin de dresser un bilan le plus exhaustif possible des connaissances actuelles sur cette thématique.

a. Immunomodulation

Les propriétés immunorégulatrices des CSM ont été utilisées pour le traitement des pathologies à inflammation chronique, telles que la fibrose (Figure 27) (Singer et Caplan, 2011, Mok et coll., 2013). L’aspect immunosuppresseur des CSM est largement documenté. Les CSM agissent sur les lymphocytes B et T en bloquant leur cycle en phase G0/G1, inhibant ainsi la production d’immunoglobulines (IgA, IgG et IgM) et la différenciation des lymphocytes B. Elles induisent le changement de polarité des lymphocytes T d’un état Th1 pro-inflammatoire vers une polarité Th2 anti-inflammatoire (Corcione et coll., 2006, Keating, 2008). Les CSM agissent sur la différenciation et la maturation des cellules dendritiques pour les rendre tolérogènes (Bifari et coll., 2008). Elles inhibent l’activité cytotoxique des cellules natural killers sur les cellules HLA-I négatives. Plusieurs études ont montré la capacité des CSM à induire le changement de polarité des macrophages d’un état classiquement activé M1, pro-inflammatoire, vers un état alternativement activé M2, considéré comme favorisant la régénération du tissu (Prockop, 2013). Cet effet semble en partie induit par la production par les CSM de TSG-6, une cytokine anti-inflammatoire. Enfin, elles inhibent la production de cytokines telles que TNF-α, IFN-γ et IL-10 (Sotiropoulou et coll., 2006). Ainsi, la thérapie cellulaire par les CSM est un candidat majeur pour le traitement des maladies auto-immunes ou avec une forte composante inflammatoire.

115 Figure 27 : effet des CSM sur les cellules du système immunitaire

De nombreuses études ont mis en évidence les bénéfices inhérents aux propriétés immunomodulatrices des CSM pour le traitement de la fibrose. L’inhibition par les CSM de l’expression des TLR (Toll-Like Receptor) suggère leur capacité à limiter l’inflammation chronique (Linard et coll., 2013). Les TLR sont impliqués dans la réponse immunitaire innée et reconnaissent des motifs moléculaires conservés chez la plupart des pathogènes. Dans plusieurs modèles, la transplantation de CSM a permis de limiter l’infiltration des monocytes/macrophages, des neutrophiles et des lymphocytes au niveau du tissu lésé (Lee et coll., 2010, Linard et coll., 2013, Ueno et coll., 2013, Zhou et coll., 2013, Choi et coll., 2014). Ce phénomène peut en partie être expliqué par la diminution de l’expression de MCP-1, une chimiokine impliquée dans le recrutement des monocytes, lymphocytes et basophiles (Zhou et coll., 2013). La sous-expression de VCAM-1 et ICAM-1, impliquées dans les interactions entre cellules endothéliales et leucocytes, est également responsable de la réduction de l’infiltrat inflammatoire (Zhou et coll., 2013). Dans un modèle de fibrose cutanée radio-induite, la transition des macrophages d’un état M1 à M2 a été observée suite à l’injection de CSM (Horton et coll., 2013). La diminution de l’expression de iNOS suite à la transplantation de CSM dans un modèle de rectite radio-induite suggère une réduction de l’activité des macrophages M1 (Linard et coll., 2013). Une augmentation de la proportion de macrophages M2 a été observée dans des modèles de fibrose du cœur (Ishikane et coll., 2013) et du rectum (Linard et coll., 2013). Dans le poumon, les microvésicules purifiées du milieu conditionné par les CSM, bien qu’induisant une diminution

116 significative du nombre de cellules immunitaires, a produit des effets moindres que la transplantation de CSM (Choi et coll., 2014).

Les CSM inhibent l’expression de l’IFN-γ, qui possède une activité pro-inflammatoire en induisant la surexpression de l’IL-6 et du TNF-α (Moodley et coll., 2009). Une diminution de l’expression et de la concentration de TNF-α a été observée dans différents modèles après transplantation (Moodley et coll., 2009, Semedo et coll., 2009, Lee et coll., 2010, Asanuma et coll., 2011, Qiao et coll., 2011, Bai et coll., 2013, Horton et coll., 2013, Linard et coll., 2013, Zhou et coll., 2013, Qi et coll., 2014). IL-1α (Horton et coll., 2013), IL-1β (Lee et coll., 2010, Horton et coll., 2013) et IL-6 (Semedo et coll., 2009, Lee et coll., 2010, Franquesa et coll., 2012, Linard et coll., 2013, Zhou et coll., 2013) sont sous-exprimés sous l’influence des CSM dans plusieurs modèles. L’augmentation de l’expression de l’IL-4 et l’IL-10 par les CSM suggère la transition des lymphocytes T vers un profil Th2 (Semedo et coll., 2009). L’augmentation de la concentration de l’IL-10 a été rapportée dans des modèles de fibrose cutanée et rectale (Horton et coll., 2013, Linard et coll., 2013).

L’effet anti-apoptotique des CSM participe également à la diminution de l’inflammation. Dans plusieurs modèles de fibrose, une diminution du nombre de cellules apoptotiques a été notée suite à la transplantation de CSM (Semedo et coll., 2009, Zhang et coll., 2011, Mohammadi Gorji et coll., 2012, Song et coll., 2013). Les CSM semblent donc protéger les cellules résidantes, limitant ainsi la sécrétion de cytokines pro-inflammatoires et améliorant la fonctionnalité du tissu.

Ces résultats suggèrent la capacité des CSM à inhiber les processus physiopathologiques associés à la fibrose. Ces effets sont en partie induits par la réduction de l’inflammation chronique. Les résultats présentés ici suggèrent que les CSM agissent par différentes voies : (i) modification de la polarisation des cellules immunitaires (ii) diminution de l’expression des cytokines pro-inflammatoires (iii) augmentation de l’expression des cytokines anti-inflammatoires (iv) protection des cellules résidantes vis-à-vis de l’apoptose. Ces phénomènes contribuent à la modification du microenvironnement. Ces modifications permettent de diminuer la fibrose et de favoriser la régénération tissulaire.