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ii. Conséquences moléculaires et fonctionnelles au cours de l’interaction des CSM avec les cellules tumorales

Le développement et la progression tumorale n’est pas seulement déterminée par les cellules tumorales mais aussi par leur microenvironnement. Cela inclut un réseau orchestré d’interactions cellulaires (cellules immunitaires, cellules endothéliales, fibroblastes et CSM) via la MEC et des facteurs solubles tels que les cytokines, chimiokines, facteurs de croissance et divers métabolites. Les populations de cellules du microenvironnement tumoral peuvent interagir directement et indirectement avec les cellules cancéreuses en altérant mutuellement des propriétés et des fonctions de leurs partenaires. Ces communications intercellulaires jouent un rôle important au cours de la cancérogenèse. Les changements fonctionnels et les conséquences pour les différents types de cellules pourraient entraîner la création d’une niche de cellules souches de carcinome ou la génération de nouvelles populations de cellules de tumeur par fusion cellulaire CSM-tumeurs (Melzer et coll., 2016). Plusieurs mécanismes directs et/ou indirects d’interaction sur ou par les CSM contribuent à la stimulation de la croissance des cellules cancéreuses dont la signalisation Notch, la formation de nanotubes, les communications intercellulaires ou l’échange de cytokines/chimiokines, les vésicules extracellulaires et les exosomes (Mandel et coll., 2013, Yang et coll., 2015, Yang et coll., 2015). Il est donc important de souligner que ces différents types d’interactions directes et indirectes sont toujours multidirectionnels. Le microenvironnement tumoral contribue à la malignité des cellules de la tumeur primitive, mais aussi leur capacité métastatique (Ungefroren et coll., 2011). Les CSM augmentent la prolifération des cellules cancéreuses dans des modèles de co-culture de CSM avec des populations de différents types de cancer du sein ou de cellules de tumeur ovarienne (Yang et coll., 2015). Plusieurs interactions cellulaires entre les CSM et les cellules cancéreuses du cancer du sein induisent la croissance accrue du cancer du sein tant in vitro et in vivo (Muehlberg et coll., 2009). L’une des interactions implique l’induction par les CSM de l’expression du CD90 dans les cellules tumorales (Yang et coll., 2015). Il est à noter que la fonctionnalité des CSM peut changer pendant la chimiothérapie

101 induisant des effets différents sur les cellules cancéreuses du sein (Skolekova et coll., 2016). De même dans les cellules de cancer de l’ovaire, les CSM peuvent induire des marqueurs de surface comme le CD90 et des récepteurs fonctionnels comme le CD73 et le CD105. Ainsi, les cellules de carcinome ovarien hypercalcémique primaire à petites cellules (SCCOHT-1) acquièrent la capacité de métaboliser l’adénosine cyclique 3', 5'-monophosphate cyclique (AMPc) soulignant l’échange moléculaire bidirectionnelle entre cellules tumorales et CSM (Yang et coll., 2015). De plus, la régulation positive de MZT2A et de l’EPGN (EPiGeN) favorisent la capacité de prolifération des cellules de cancer de l’ovaire. En parallèle, la modulation de facteurs de transcription comme TAL1 (T-cell Acute Lymphocytic leukemia protein 1), des facteurs de transcription de FOS et OSF (Osteoblast Specific Factor), HES1 (Hairy and Enhancer of Split 1) et HES5 sont également liés à la promotion du développement du cancer. En outre, des facteurs de croissance de la famille de protéines morphogénétiques osseuses sont acquis par les cellules de cancer de l’ovaire en présence de CSM (Yang et coll., 2015) et contribuent au développement de certains adénocarcinomes. L’induction de gènes lors de la co-culture de CSM et cellules tumorales démontrent que les CSM soutiennent la capacité de prolifération de cellules de cancer de l’ovaire, mais aussi induisent des propriétés pro-métastatiques des cellules de cancer de l’ovaire. Réciproquement chez les CSM, une altération fonctionnelle est observée au cours de la co-culture avec des cellules tumorales comprenant des facteurs de transcription des gènes des cellules souches (Lis et coll., 2014). Les CSM expriment des niveaux croissants de facteurs de transcriptions spécifiques des cellules épithéliales dont un groupe de gènes de la famille des KRT (KeRaTin), qui interviennent dans la production de kératine pour soutenir la structure des cellules épithéliales. Aussi, certains gènes liés aux interactions cellule-cellule, le gène de jonction intercellulaire (DSP), les gènes liés à adhérence de cellules (MPZL2 : Myelin Protein Zero Like 2 ; SCEL : SCiELlin) et le gène de glycoprotéine d’adhérence dépendante du calcium cellules (CDH1 : CaDHérine-1) sont tous positivement régulés dans les CSM après co-culture avec des cellules de cancer de l’ovaire. À l’inverse, des ARNm codant pour des cytokines telles que G-CSF, IL1A, CCL20, TNF, CXCL1, CXCL2, CXCL3 et CXCL12 sont diminués dans les CSM en présence de cellules de cancer de l’ovaire (Yang et coll., 2015). L’expression et la production de la molécule d’adhérence de cellules épithéliales (ECAM), normalement indétectable dans les CSM, augmente considérablement après co-culture avec des lignées cellulaires de cancer de l’ovaire telles que SK-OV-3 ou NIH:OVCAR-3 (Yang et coll., 2015). L’ensemble de ces résultats corroborent le fait que les CSM acquièrent certaines fonctionnalités de cellules épithéliales lors de l’interaction avec les cellules de cancer de l’ovaire. Les CSM peuvent donc développer un phénotype aberrant associé aux tumeurs. Des travaux antérieurs montrent que les cellules tumorales initiatrices (Tumor Initiating Cell) dans le carcinome mammaire, aussi appelées les cellules souches du cancer (CSC : Cancer Stem Cell), présentent une augmentation de l’expression de marqueurs caractéristiques des cellules mésenchymateuses dont la vimentine, la fibronectine et la

N-102 cadhérine au lieu de E-cadhérine (Mani et coll., 2008). D’autres études dans les tumeurs mammaires ont révélé que l’IL6 produite par les cellules cancéreuses interagit avec son récepteur sur les cellules mésenchymateuses positives à l’aldéhyde déshydrogénase 1. Cet IL6 pourrait faciliter le recrutement de CSM supplémentaires dans le microenvironnement tumoral et l’induction de la production de CXCL7 par ces cellules. Inversement, le facteur CXCL7 (issu des CSM) stimule les cellules cancéreuses

via l’activation du récepteur CXCR2 et induit la synthèse de cytokines supplémentaires telles que l’IL6

et l’IL8 pour générer une boucle de rétroaction positive qui contribue à augmenter l’attraction des CSM et à améliorer les interactions avec les cellules tumorales (Liu et coll., 2011). Suite à une interaction continue au sein du microenvironnement de la tumeur, les cytokines et en particulier l’IL1 libérées par les cellules tumorales peuvent stimuler le métabolisme de l’acide arachidonique et la production de PGE2 par les CSM. Inversement, les cytokines libérées et le PGE2 ensemble peuvent induire la voie de signalisation des β-caténine dans les cellules néoplasiques et contribuer ainsi au développement de cellules souches immatures (Li et coll., 2012). Au cours de ces interactions, des caractéristiques d’un phénotype mésenchymateux sont progressivement acquises par les cellules cancéreuses (Yang et coll., 2015) qui peut inclure l’EMT dans les cellules cancéreuses. Ceci suggère un processus de rétro-différenciation des cellules cancéreuses vers un phénotype de cellules souches (Hass, 2009, Li et coll., 2012) induit par l’interaction des CSM avec les cellules cancéreuses. Alternativement, au cours des interactions cellulaires ou des reprogrammations, les CSM peuvent acquérir des propriétés fonctionnelles de cellules cancéreuses. Cette reprogrammation oncogénique peut transformer les CSM en cellules de sarcome agressif (Eid et Garcia, 2015) et peut également jouer un rôle dans les tumeurs mésenchymateuses caractéristiques telles que les tumeurs desmoïdes (Wu et coll., 2010). Suite à l’EMT et aux interactions avec les CSM, les nouvelles populations de cellules cancéreuses ont une plasticité phénotypique, un potentiel métastatique et une sensibilité/résistance aux approches thérapeutiques modifiés.

Les CSM peuvent altérer la confluence et la migration des cellules de cancer du sein SKBR3, augmenter la formation de mammosphères, induire l’EMT et modifier la morphologie des cellules tumorales (Kucerova et coll., 2013). Les cellules de carcinome du nasopharynx (NPC) présentent une plus grande capacité de prolifération et de migration après adsorption des exosomes dérivés de CSM. De plus, les marqueurs de l’EMT, y compris la E-cadhérine et l’up-régulation de la vimentine et de la N-cadhérine, ont été largement modifiés après adsorption des exosomes. Cette communication indirecte entre les exosomes dérivés de CSM et des cellules de cancer induites en EMT, favorise la croissance tumorale in vitro et in vivo et la propagation des métastases (Shi et coll., 2016).

103 Figure 24 : interaction des CSM avec le microenvironnement tumoral (D'après Hass, 2012) (Hass et Otte, 2012)