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La réforme réglementaire un préalable nécessaire à l'émergence des marchés ruraux

La réform e de la réglementation sur l'exp loitation, le transport et le com m erce du bois-énergie mise en vigueur par l'O rdonnance n ° 9 2 - 0 3 7 du 21 A o û t 1992, le décret n ° 9 2 -2 7 9 de la même date et l'arrêté n ° 09/MHE/DE du 23 Février 199 3 constitue une des pierres angulaires sur lesquels est en cours de construction l'édifice des marchés ruraux.

Le nouveau dispositif réglementaire et fiscal a été conçu pour:

* inciter les com m erçant-transporteurs de bois-énergie à se diriger vers certaines zones rurales plutôt que d'a utres suivant les prescription des Schémas directeurs d'approvisionnem ent en bois-énergie des villes, * concrétiser le tra n s fe rt de responsabilité entre l’ Etat et les populations rurales en matière de gestion et de contrôle de l'e xp lo ita tio n des ressources ligneuses et du commerce primaire du bois-énergie,

* m otiver les Collectivités locales, c ’ est à dire essentiellement les A rrondissem ents, et leur donner les m oyens de jouer un rôle de m oteur et de conseil auprès des populations rurales, afin de stim uler la mise en place des marchés ruraux et des aménagements forestiers villageois,

* contrôler efficacem ent les flu x de bois-énergie pour pouvoir lim iter le prélèvem ent de bois à la possibilité de la ressource, réduire la fraude fiscale à un niveau résiduel, et disposer d 'u n outil de suivi permanent de l'exé cution des Schémas directeurs d'a pprovisionnem ent,

* pouvoir peser sur les prix de vente du bois au niveau du commerce primaire, dans le sens d'une plus juste rémunération du travail des populations rurales qui soit une réelle incitation à la gestion durable des ressources ligneuses,

* pouvoir peser sur les prix de vente du bois-énergie aux consom m ateurs urbains, et donc m odifier les term es de la concurrence en vue de contribuer au succès des actions de prom otion des com bustibles de su b stitu tio n et à la diffusion des foyers et réchauds améliorés,

* générer des recettes substantielles, qui perm ettent l'au to-financem ent des coûts de fonctio n n e m e n t du dispositif mis en place et, progressivement, des investissements d'am énagem ent des ressources ligneuses à réaliser.

Parmi tous ces objectifs complémentaires ceux qui concernent plus spécifiquem ent les marchés ruraux sont les suivants.

1. Défavoriser éco nom iq uem ent l'exploitation incontrôlée et orienter les professionnels vers les marchés ruraux

La fiscalité différentielle mise en place dans le cadre de la réforme de la réglem entation de 1992 vise à inciter l'e xp lo ita tio n orientée ou contrôlée donc la production de bois-énergie dans le cadre des marchés ruraux plutôt que la pratique de l'e xp lo ita tio n incontrôlée. Le tableau ci-dessous présente les taux de taxe applicables dans ces différents cas.

LA NOUVELLE FISCALITE DIFFERENTIELLE SUR LE BOIS DE FEU

Catégories des marchés ruraux F CFA/stère

MARCHÉS RURAUX ZONES

INCONTRÔLÉES

CONTRÔLÉS ORIENTÉS

Première (moins de 4 0 Km) 3 5 0 3 7 5 6 0 0

Deuxième (entre 4 0 et 80 Km) 3 1 5 3 4 0 6 0 0

Troisième (au delà de 80 Km) 2 8 0 3 0 0 6 0 0

Les structures de prix établies en 199 0 lors des études "filières bois-énergie" réalisées dans les quatre villes de Niamey, Maradi, Zinder et Tahoua par le PE II - ED / VO, m o n tre n t que les niveaux actuels de taxation n 'in s titu e n t pas un différentiel suffisant entre l’ exploitation contrôlée ou orientée dans le cadre des marchés ruraux et l'e xp lo ita tio n incontrôlée dans le cadre de la pratique actuelle courante des com m erçant-transporteurs. La différence de coût reste favorable à l'explo itation incontrôlée et explique que deux mois après la mise en place de la réforme certains marchés ruraux ont toujours du mal à écouler leurs produits.

LES EFFETS ECONOMIQUES DE LA NOUVELLE TA X A T IO N SUR LES STRUCTURES DE PRIX DU BOIS-ENERGIE AUTOUR DE NIAMEY (cas de la chaîne dom inante type Torodi)

Catégories des marchés ruraux MARCHÉS RURAUX ZONES

F CFA/tonne de bois

CONTRÔLÉS (28) ORIENTÉS INCONTRÔLÉES

S tructure des prix hors taxes forestières:

Prix ou co û t de production primaire 2 9 0 0 2 9 0 0 2 1 0 0

C oût de tra n sp o rt 2 7 0 0 2 7 0 0 2 7 0 0

Taxe sur le bois-énergie - -

-prix de gros 1 0400 1 0 4 0 0 1 0 4 0 0

marge brute sur le prix de gros 4 7 0 0 4 7 0 0 5 6 0 0

Taxes sur le bois-énergie 1167 125 0 2 0 0 0

Structure des prix taxes comprises

Prix ou co û t de production primaire 2 9 0 0 2 9 0 0 2 1 0 0

C oût de tra n sp o rt 2 7 0 0 2 7 0 0 2 7 0 0

Taxe sur le bois-énergie 1167 125 0 2 0 0 0

prix de gros 1 0 4 0 0 1 0 4 0 0 1 0 4 0 0

marge brute sur le prix de gros 3 5 3 3 3 4 5 0 3 6 0 0

28 Au Niger les nouveaux textes réglementaires définissent que:

* l'e xp lo ita tio n "co ntrôlée" est celle pratiquée sur les "m archés ruraux" (structures commerciales définies par les textes et agrées par l'ad m inistra tion de l'Environnem ent) avec un am énagement forestier villageois;

* l'e xp lo ita tio n "orientée” est pratiquée sur les marchés ruraux simples (sans am énagement forestier villageois);

* l'e xp lo ita tio n forestière commerciale pratiquée hors des marchés ruraux est réputée être "in co n trô lé e " et à ce titre redevable de taxes forestières à un taux m axim um .

Ce tableau m ontre que le nouveau régime de taxation actuel n 'in s titu e pour les professionnels aucune incitation économ ique à aller chercher le bois préférentiellement sur les marchés ruraux.

Au contraire on assiste en mai 1993 à un b o y c o tt plus ou m oins larvé des marchés ruraux (les professionnels étant logiquem ent soucieux de voir s 'in stitu e r un régime qui à term e leur fermera to ta le m e n t l'accès libre aux ressources ligneuses et qui d'ores et déjà les prive de l'accès libre à celles qui sont les plus intéressantes.

Ainsi, sur l'axe Dosso, le bois était payé jusqu'à la réforme réglementaire et encore récemment, par les com m erçant-transporteurs aux tâcherons installés à Kodo ou aux vendeurs bord de route à K o ffo à 7 ou 8 0 0 0 F CFA / chargem ent de bâchée alors qu'à quelques kilomètres de là le bois du marché rural de Toudou (qui provient des mêmes zones forestières) n 'e st pas acheté alors qu'il est en vente à 5 0 0 0 F CFA / chargem ent.

Pour que l'in c ita tio n économique puisse jouer il faudrait que le différentiel entre l'e xp lo ita tio n orientée et l'e xp lo ita tio n incontrôlée soit encore augmentée d'au moins de 1.5 à 2 F CFA/Kg, c 'e s t à dire que le taux de taxation de l'e xp lo ita tio n incontrôlée dépasse les 120 0 F CFA/stère.

2. Redonner aux ruraux la légitimité de la gestion locale des ressources naturelles

La reconnaissance par l'Etat, m aintenant acquise au Niger depuis l'ordo nnance de 199 2 (29), de la légitimité des systèm es locaux de gestion des ressources naturelles apparait sans doute com m e le m oyen le plus rapide et ayant le meilleur rapport effica cité /co û t pour une gestion durable des ressources forestières.

La nouvelle réglem entation sur les marchés ruraux:

* parce qu'elle ne d éfinit les marchés ruraux que comme une structure com m erciale et en ne fix a n t à leur sujet q u 'u n cadre extrêm em ent large perm ettant de fa it toutes les adaptations

* parce qu'elle redonne explicitem ent la légitimité et la maîtrise de la gestion des ressources naturelles à la population rurale,

apparait com m e un moyen de re-dynamiser, faire évoluer les systèm es locaux coutum iers de gestion des ressources ligneuses (30) en leur donnant une nouvelle légitimité dans le cadre de la création de nouveaux espaces com m uns.

La perspective de cette nouvelle légitimité, confisquée par l'E ta t depuis les te xte s de 1935 édictés par la puissance coloniale et revendiquée comme un a ttrib u t essentiel par l'a d m in istra tio n forestière, semblait en 1989 et 1 990 encore un rêve parfaitem ent utopique et irréalisable à la grande majorité des ruraux nigériens. Une des premières tâches des équipes du PE ll-VO pour apprécier la faisabilité de la mise en place des marchés ruraux fu t très clairem ent "d'ouvrir l'horizon des possibles" aux yeux des villageois.

Cela fait, il s'avérait de façon quasi-générale que les ruraux assistaient im puissants, marginalisés et catastrophés à la dilapidation et à l'explo itation prédatrice des ressources ligneuses de leur te rro ir par les équipes de bûcherons salariés (chômeurs urbains) amenés directem ent par les com m erçant-transporteurs.

29 Le principe de cette reconnaissance avait déjà été form ulé dans un arrêté de 19 9 0 . 30 que leur absence de légitim ité réduisait à un simple usage (cueillette et pâturage)

A remarquer que même depuis la promulgation de la nouvelle réglem entation forestière, cette reprise de légitimité et de gestion ne va pas sans problème car bien souvent les villageois n 'o n t pas encore ni l'assurance ni les m oyens de faire respecter leur nouvelle autorité et les services de l'E nviron nem ent ne m e tte n t pas encore toute la diligence nécessaire (31) pour apporter aux villageois le soutien qu'ils réclam ent et d o n t ils ont besoin.

A cet e ffe t la nouvelle fiscalité forestière fixe une clé de répartition des recettes fiscales perçues au niveau des marchés ruraux, entre:

* le marché rural, afin d 'in cite r les com m unautés villageoises à se doter de marché ruraux,

* l'arrond issem ent dont relève le marché rural, afin d 'in cite r les collectivités territoriales à favoriser la création de marchés ruraux sur le territoire qu'elles administrent,

* le Trésor Public, afin de générer des recettes pour l'Etat.

Dans le cas de l'exp lo itation "incontrôlée", les recettes sont réparties entre l'arrondissem ent et l'Etat. En outre, la nouvelle fiscalité forestière fixe l'a ffe cta tio n des recettes pour chaque bénéficiaire en vue de contribuer à l'au to-financem ent des activités forestières:

* une part des recettes revenant aux marchés ruraux et aux arrondissements doit être investie dans des travaux de protection et de régénération des ressources forestières,

* une part des recettes revenant à l'E tat doit être affecté au financem ent du contrôle forestier.

Les taux de répartition des recettes en vigueur depuis mars 199 3 sont donnés au Tableau ci-après. RÉPARTITION DES RECETTES FISCALES

Bénéficiaire

Marchés ruraux Exploitation

"in co n trô lé e " "contrôlés" "orientés"

Marché rural 50% 3 0 %

Collectivité territoriale 40% 20% 10%

Trésor Public 10% 50% 9 0 %

31 Faute bien souvent de moyens que la nouvelle réglementation leur propose de mobiliser grâce à leur travail en faveur des ruraux.

3 . Peser sur les prix à la production primaire pour inciter à une gestion durable des ressources ligneuses par une plus juste rémunération des populations rurales

En in stitu a n t les marchés ruraux l'E tat nigérien certes restitue aux ruraux la légitim ité de la gestion et de l'e xp lo ita tio n des ressources ligneuses du terroir, mais surtout sur le plan économ ique il donne au marché rural le monopole de la vente locale du bois provenant du terroir villageois.

Ce m onopole va peser sur les prix à la production primaire pour trois raisons fondamentales: * D 'une part, les chaînes d'approvisionnem ent des villes sont transform ées et les com m erçant-transporteurs doivent renoncer à l'exp lo itation directe de la ressource et passer par l’ intermédiaire des marchés ruraux. La réform e réglementaire institue donc une rupture de charge, un stockage intermédiaire, une manutention, une gestion commerciale au niveau du marché rural toutes opérations qui économ iquem ent parlant s'an alysent en term es de coûts donc de hausse du prix du bois à la production.

* D 'autre part le marché rural est une structure commerciale villageoise, donc collective à form e mutualiste ou coopérative (très variable selon la diversité des situations villageoises) qui in tro d u it un niveau d'o rganisation plus élevé des producteurs. Regroupés dans la structure locale de gestion les bûcherons du marché rural fo rt de leur monopole local d'exploitation défendront m ieux leurs intérêts et discuteront beaucoup plus à égalité avec les com m erçant-transporteurs. Le partage des marges au sein de la filière évoluera donc en leur faveur, élevant ainsi le prix du bois à la production primaire.

* Enfin au fu r et à mesure que les marchés ruraux vont commercialiser du bois et apprécier de façon plus aiguë de l'im portan ce des revenus réguliers que peut leur apporter régulièrem ent la fo rê t si elle est gérée et exploitée de façon durable, ils vont parallèlement prendre conscience des coûts que leur imposera progressivem ent les travaux de régénération du potentiel ligneux pour garantir la durabilité de l'exploitation. La valeur de l'arbre sur pied s'élèvera progressivement à leurs yeux et ils chercheront à la faire passer dans le prix de vente primaire du bois qui tendra donc à moyen terme à s'élever.

Chapitre 10: Le contrôle forestier du trafic de bois-énergie: une nécessité