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MULTIPLES MARCHÉS RURAUX AU NIGER

2. Gestion des terroirs et gestion viable des ressources naturelles

73 Notons au passage que cette stratégie coïncide avec celle qui consiste à relever le prix du bois-énergie à la consommation en vue d'une substitution par d'autres énergies et de délester ainsi la pression sur les formations forestières.

74 Cet aspect à été un peu trop oublié dans la stratégie globale de "responsabilisation" des populations. La responsabilité est incontestablement une condition nécessaire au développement, elle n'est pas suffisante et on a un peu tendance à l'oublier trop vite

La "gestion des terroirs” a besoin d'un environnement institutionnel approprié et de règles définies et appliquées : droit foncier, réglementation relatives aux associations et aux organisations rurales ou locales, à l’exploitation des ressources naturelles... Par exemple, la responsabilisation des populations en matière de gestion des ressources naturelles ne peut se concevoir sans qu'elles aient l'usufruit exclusif de la ressource, ce que reconnaît la réglementation relative aux marchés ruraux, qui est une avancée considérable.

L'existence d'une réglementation satisfaisante n'est elle-même pas suffisante :

- les populations doivent pouvoir y recourir pour faire respecter leurs droits, ce qui suppose d'abord qu'elles en soient informées. Sur ce point, il peut s'agir d'une fonction essentielles des agents d'un projet gestion des terroirs placés comme conseillers auprès des populations.

- les aspects contraignants doivent être respectés : il est rare qu'un droit ne s'accompagne de devoirs. Sur ce point, le rôle des projets d'appuis institutionnels (tel le PE II / ED) est d ’ appuyer, de former et de donner les moyens nécessaires aux agents des services concernés. La répression, qui a été tant décriée parce qu'elle a quelquefois été abusive, ne doit pas être déjugée: dans la grande majorité des pays le code de la route ne serait sans doute pas respecté s'il n'y avait la crainte du policier. Pourtant sa nécessité, pour épargner des vies humaines, est connue de tous et l’on pourrait s’attendre à une autodiscipline (7B). S'agissant de gestion des ressources naturelles telles les "forêts" (76), on peut penser qu'une certaine répression en vue d'un respect d’ une réglementation bien conçue (77), expliquée, compréhensible et appliquée à tous, est nécessaire. Cela est évidemment absolument incompatible avec une fonction de conseiller auprès des populations telle que devraient l’assumer des agents de proximité d'une opération "gestion des terroirs". A l'inverse, des agents exerçant la répression auront beaucoup de mal à jouer un rôle de conseiller. Il apparait donc là une articulation quasi-obligatoire entre des projets de gestion des terroirs, appuyant par leur agents les initiative des populations, et des projets d'appui institutionnels, appuyant les agents des services concernés par la mise en place et la surveillance des réglementations.

3 . Gestion des terroirs et émergence d'organisations locales

Les projets de développement ont, par le passé, rarement eu un effet structurant durable sur le monde rural. Leur démarche "top-dow n" n'en faisait pas une préoccupation majeure. Mais par ailleurs, il existait une certaine propension à déléguer aux populations la gestion d'opérations difficilement rentables dans leur contexte, difficilement gérables par les projets, donc pour lesquelles il n'y avait que peu d'enjeux: coopératives d'intrants, caisse de cotisations (forages, maraîchage...), etc... Ce manque d'enjeux n'a pas été une condition favorable à une réelle appropriation par les intéressés, et les échecs relativement fréquents ne peuvent donc étonner.

76 Ce qui montre, au passage, que l'homme peut être relativement déraisonnable, pour ne pas dire suicidaire. L'intérêt ne suffit pas toujours pour induire un comportement "raisonnable" - ce qui peut mettre un bémol et hypothèse mentionnée plus haut selon laquelle les populations ne devraient pas détruire des ressources qui leur rapportent

76 Cette observation n'est pas valable pour des ressources tels les bas-fonds, dont la mise en valeur s'accompagne presqu'automatiquement par une gestion plus durable : la réalisation de digues, de micro-barrages, de sites maraîchers, de vergers va dans le sens d'une protection et d'un aménagement de la ressource.

77 Une réglementation bien conçue ne doit notamment pas être impossible à respecter : on ne peut empêcher la coupe d'arbres nécessaires à la fabrication des pilons... Une gestion plus dynamique du parc est à envisager en agro-foresterie : le "propriétaire" d'un arbre devrait être autorisé à couper un sujet âgé dès lors qu'il a "élevé" - par plantation ou protection de la régénération - deux ou trois sujets jusqu'à une taille suffisante pour mettre à l'abri des "dents” .

Les marchés ruraux comme les coopératives forestières, au contraire, sont assez rapidement l'objet d'enjeux importants au regard des ressources financières des villages concernés, que ce soit à travers les revenus des paysan-bûcherons pour le bois qu'ils ont récolté ou les revenus de la structure locale de gestion voire pour les coopératives à travers les travaux d'aménagements effectués lorsqu'ils sont payés ou encore l'emploi de personnes...

L'expérience des coopératives forestières au Niger semble montrer qu'un dysfonctionnement est généralement observable après la première phase de mise en place au cours de laquelle les projets effectuent un suivi assez rapproché, suivi pouvant s'apparenter à une substitution. Il convient donc de s'interroger sur une démarche adéquate en matière de création de telles structures. La place laissée d'emblée aux intéressés dans les organisations mises en place dans le cadre de projets de gestion de terroirs (comités d ’ attribution de financements souverains, par exemple) fait que ces derniers ont sans aucun doute un rôle positif à jouer en matière de mise en place d'organisation locales, qu'il s'agisse de marchés ruraux ou de toute autre forme d'organisation locale.

4 . Gestion des terroirs et arbitrage entre intérêts divergents

L'expérience de la gestion des terroirs montre que le village solidaire et unitaire est un mythe. S'agissant ici des "forêts", il est clair que des intérêts divergents apparaissent rapidement entre les bûcherons, les éleveurs et éventuellement les femmes qui effectuent la cueillette et le ramassage du bois pour les besoins domestiques ruraux. Les aménagements classiques des forêts tels qu'ils ont été mis en place par les coopératives forestières conduisent par exemple, s'ils sont respectés, à une marginalisation des éleveurs et des femmes.

La vision globale qui soutend la gestion des terroirs et la finalité de maîtrise locale du développement font que toute marginalisation d'un groupe est problématique: il est peu vraisemblable qu'un développement harmonieux puise se concevoir à long terme dans un contexte où un groupe marginalise un autre groupe.

Du point de vue économique, il s'agirait à tout le moins d'évaluer ce qui est le plus rentable et donc le plus efficient pour catalyser un processus de développement local global : la brousse comme source de bois ou la brousse en tant que source de fourrage ? Il est vraisemblable que ce soit un peu un compromis entre les deux

, 7 8 )

La démarche gestion des terroirs, mettant l'accent sur le développement local et l'émergence de structures locales de décision ("décentralisation" et non délocalisation), appuyant l'élaboration par les intéressés de nouvelles règles et pratiques de mise en valeur de leurs ressources, peut corriger les effets négatifs d'une vision trop sectorielle. L'appui à des instances locales d'arbitrage capables de désarmer les conflits d'intérêts latents (agriculteurs-éleveurs autour du foncier ou des points d'eau, bûcherons-éleveurs au niveau des "forêts", ...) et d'une manière plus générale de restituer une place suffisante aux groupes marginalisés (jeunes, femmes, immigrants...) dans la dynamique de développement est en tout cas une des finalités de cette génération de projets de gestion de terroirs.

Là encore, en conséquence, une articulation réussie entre des projets "gestion des terroirs" et les projets sectoriels serait un garant que les conflits d'intérêts puissent trouver des solutions négociées et ne pas dégénérer en conflits ouverts susceptibles de remettre en cause une organisation existante et de manière plus large une dynamique de développement.

78 Mais il n'existe pas à notre connaissance d'étude pluridisciplinaire sérieuse posant ainsi le problème des aménagements des brousses.