• Aucun résultat trouvé

MULTIPLES MARCHÉS RURAUX AU NIGER

5. L'im portance déterminante d'une analyse solide des problèmes fonciers

L 'i m p o r t a n c e d e s p r o b l è m e s f o n c i e r s e t d e l a d é l i m i t a t i o n

D 'ores et déjà, la fo rê t est un espace indispensable à la vie et à l'a c tiv ité des populations rurales par (Bibliographie N ° 17):

- les activités pastorales de to u t ou partie de la population, - les activités de cueillette de produits divers,

- la collecte d'u ne part considérable du bois de service et du bois de feu pour l'a u to-consom m ation rurale, - le bûcheronnage du bois de feu à but lucratif d'une partie de la population,

- la dynam ique de défrichem ent par une partie de la population dans certaines zones.

La création des marchés ruraux va accroître très fortem ent l'in té rê t et la valeur économ ique de la forêt pour les populations rurales. Il va en résulter inéluctablement une importance accrue de la question foncière sur les forêts.

La disparition de la fo rê t naturelle et l'installation de la désertification sont des résultats directs de la réglementation foncière et forestière coloniale qui a enlevé leur légitimité aux régimes fonciers coutum iers. Ceci a conduit ensuite du fa it de l'incapacité de l'adm inistration à assurer la gestion des espaces naturels à la place et contre les populations rurales à la "tragédie des ressources en accès libre".

Les ressources ligneuses naturelles sont utilisées par tous sans souci de pérennité mais ne sont plus gérées par personne. En outre, le code forestier et ses modalités souvent brutales et arbitraires d'application a diminué l'a ttra it et l'in té rê t pour les populations de gérer voire de planter des arbres.

Ce sont ces constatations qui ont amené le Niger à la mise en oeuvre de la stratégie énergie domestique et à la réforme de sa réglementation et de sa fiscalité forestière pour donner aux ruraux le contrôle de la gestion des arbres et de la végétation naturelle. Les populations ne pourront pas participer a ctivem ent à la gestion de leurs ressources locales ta n t que les questions de contrôle et de régime foncier ne seront pas clarifiés ou résolus.

A l'heure actuelle pour l'exploitation commerciale du bois, peu ou prou n 'im p o rte qui peut aller couper n 'im p o rte où; l’ exploitation du bois de chauffe est donc "déconnectée" du problème foncier. C 'est souvent un problème pour les paysans qui se sentent dépossédés de leur ressource ligneuse et de sa mise en valeur. La création d 'u n marché rural (sans ou avec aménagement forestier villageois) en délim itant des zones (de coupe et d'aménagement) où l'e xp lo ita tio n sera réservée aux bûcherons membres du groupem ent va brutalem ent assurer une "re-connection” directe de l'exp lo itation du bois de chauffe avec la question foncière.

Si actuellement, les droits fonciers coutum iers de certains villages apparaissent plus ou moins flous ou sont dans la pratique plus ou moins remis en cause par les habitants d'autres ethnies, il est certain que la perspective de création d 'u n marché rural du bois de feu et donc de revenus im portants et réguliers tirés de la fo rê t va réactiver ou cristalliser des oppositions ou des conflits fonciers actuellement plus ou moins latents. En effet, au fu r et à mesure que les populations se rendent com pte réellement de l'in té rê t financier de l'op ération, les co n flits risqueront de prendre plus d'a m p leur non seulement dans les zones de bois m ort mais aussi de bois vert.

Ne pas tenir com pte, de façon fondamentale et dès l'origine, de la question du foncier forestier reviendrait donc à allumer à coup sûr une bombe à retardement dont l'explosion aurait pour e ffe t de :

* générer des co n flits autour de la question du bûcheronnage et de la coupe com m erciale du bois. Il serait à craindre que certains de ces conflits ne soient violents et ne se term inent par des m orts, com m e cela arrive à l'occasion de certains conflits pastoraux ou agro-pastoraux;

* réactiver, exacerber ou faire apparaître certains conflits plus ou moins latents relatifs aux problèmes pastoraux ou agro-pastoraux concernant les mêmes espaces forestiers;

* entraîner des dégradations volontaires du couvert forestier de la part de certains groupes se considérant com m e exclus du bénéfice de la commercialisation du bois (ou de leurs usages pastoraux) en violation de leurs droits légitimes : feux de brousse, non respect des mises en défens tem poraires de régénération, vols de bois, autres délits...

* dans tous les cas com prom ettre l'existence ou le fonctionne m e nt autonom e du marché rural et faire de sa création un échec dont les conséquences interdiraient définitivem ent ou très durablem ent la mise en valeur des ressources forestières sur toute la zone d 'in tervention prioritaire concernée.

Le problème de la délim itation des zones de coupe pour les marchés ruraux sans aménagement forestier, com m e celui de la délim itation des zones à aménager et des zones de coupe pour les marchés ruraux avec aménagement forestier villageois constitue donc une étape fondamentale. Si à ce stade apparaissent des conflits ou des obstacles à une délim itation véritablem ent consensuelle (sans restriction ni arrière-pensée) de la part de toutes les populations avoisinantes ou concernées (éleveurs) il sera indispensable de suspendre la procédure et de ne pas se lancer dans la création d 'u n marché rural voué à l'échec et à une m o rt certaine.

Il co nvient donc d'observer rigoureusement les règles ci-dessous énoncées qui puissent véritablement minimiser les problèmes fonciers et empêcher qu'ils deviennent un obstacle à la création des marchés ruraux et des aménagements forestiers villageois.

Le marché rural, comme l'am énagem ent forestier villageois d o it être stricte m e n t conçu dans un cadre VILLAGEOIS. La délim itation des périmètres d 'e x p lo ita tio n ou d 'e xp lo ita tio n et d'aménagem ent doit être opérée à l'inté rieu r des lim ites foncières coutum ières d'U N SEUL VILLAGE.

Il est indispensable de respecter strictem ent les limites foncières coutum ières et de s'abstenir d 'im po ser de nouvelles limites foncières entre villages.

Il serait prudent d 'é vite r d'installer des périmètres d'e xp lo ita tio n ou d'am énagem ent forestier villageois sur des zones situées trop près des limites du terroir forestier villageois toujours susceptibles d'être l'o b je t de contestation ou de discussion avec d'a utres villages.

Préalablement à toute délimitation, il faut s'assurer d 'u n consensus local large et inciter à la concertation la plus complète entre les autorités du village concerné et celle des villages riverains, comme avec certains partenaires éloignés (problèmes pastoraux) et avec les autorités locales (chef de canton).

Ce consensus local doit être e ffe c tif à un double niveau : . au niveau intra-villageois,

. au niveau inter-villageois.

Le respect strict des limites foncières coutumières

Les limites foncières coutumières sont une donnée sociologique fondam entale de la situation du monde rural. Maillage déterm inant de l'espace local, résultat historique du peuplement, des co n flits anciens et de la structuration politique, leur évolution ne se fait généralement qu'à un rythm e beaucoup plus lent que les évolutions démographiques ou socio-économiques qui transform ent le monde rural. Il ne manque pas d'exemples nombreux, au Niger com m e dans toute l'A friq u e sahélienne pour attester que des tentatives autoritaires de remettre en cause ces lim ites coutum ières sont des sources de conflits ensuite durables et difficiles (voire quasiment impossibles) à régler. Elles co n stitu e n t une donnée de base à prendre en com pte et d o n t il fa u t s'accom m oder.

Il en résulte partout une grande diversité des situations foncières de villages proches, résultant d'une histoire du peuplem ent largement marquée par des migrations de populations aux activités parfois différentes. Certains villages, généralement les plus anciens, ou ceux de l'ethnie historiquem ent dom inante dans la zone considérée disposent de larges réserves foncières et de ressources de végétation naturelle considérables, alors que des villages to u t proches se contenten t de terroirs exigus et ne disposent d'aucun d ro it sur la végétation naturelle qui les environne.

La création des marchés ruraux vise à rationaliser la gestion des ressources naturelles en la confiant localement aux populations rurales, mais il n'entre ni dans les compétences du projet ni dans la mission de l'adm inistration de l'E nvironnem ent de procéder dans les zones d 'in tervention à une réform e agraire qui serait de fait une redistribution foncière des ressources naturelles plus égalitaire entre les d ifférents villages d 'u ne même zone d'in tervention.

L'existence de droits fonciers coutum iers reconnus sur les espaces de végétation naturelle à exploiter et/ou à aménager constitue donc un critère incontournable de sélection pour les villages où l'ad m inistra tion de l'E nvironnem ent envisage par l’ action du projet de susciter la création de marchés ruraux.

La n é c e s s ité d 'u n e large c o n c e rta tio n e t d 'u n co nsensus lo c a l c o m p le t, in te r e t in tra -v illa a e o is

Mais les droits fonciers coutum iers ne sont pratiquem ent jamais des droits exclusifs et absolus au bénéfice de la population d'u n seul village. Presque partout existent des droits relatifs secondaires ou des usages partiels reconnus aux populations de certains villages voisins (ou à des groupes ethniques plus lointains) : droits de coupe de bois de chauffe ou de bois de service pour l'autoconsom m ation, droits pastoraux, droits de cueillette de produits divers... L'existence de ces droits secondaires fa it de leurs détenteurs des partenaires incontournables ayant leur mot à dire pour la création d 'u n marché rural et donc pour la délimitation d 'u n espace de végétation naturelle sur le terroir du village détenteur des droits fonciers traditionnels.

Cela imposera de veiller à ce que s'instaure préalablement à la création d 'u n marché rural (avec ou sans aménagement forestier villageois) sur le terroir d 'u n village une réelle concertation avec les villages voisins pour régler les problèmes pastoraux et ceux des autres droits ou usages secondaires. C 'e st à cette condition que l'on limitera au m inim um les jalousies inter-villageoises et que l'on parviendra au contraire à un consensus et à initier une dynamique de collaboration inter-villageoise basée sur les avantages que le village bénéficiaire du marché rural pourrait consentir en contrepartie de la perturbation de l'usage des droits secondaires à ses voisins.

Dans cette affaire, le rôle des autorités administratives et coutum ières locales sera généralement déterminant. En particulier, on devra veiller à s'assurer dès le début la collaboration du chef de canton qui sera bien souvent l'interm édiaire nécessaire pour régler une m ultitude de problèmes.

Il conviendra de veiller à ce que le consensus local sur la création du marché rural et, le cas échéant de l'am énagem ent forestier villageois, existe au niveau inter-villageois mais aussi au niveau intra-villageois ou certains groupes socio-économ iques ou ethniques peuvent avoir des intérêts divergents, voire antagonistes.

La prise en com pte fondam entale de tous les droits fonciers coutum iers est la base de l'établissem ent des marchés ruraux villageois. Il est nécessaire de vérifier contradictoirem ent

Dans le cas fréquent où plusieurs marchés ruraux voisins seront créés sur un même m assif forestier (chacun sur son terroir villageois), il sera souvent utile et parfois nécessaire de m ettre en place une structure de concertation permanente inter-villageoise, sous la form e d'u n Comité inter-villageois de gestion sylvo-pastoral. Ce Comité ne devrait pas avoir le rôle de gestion commerciale et pouvoir s'im m iscer dans la gestion financière des structures locales de gestion. Son rôle de gestion se situerait à un autre niveau de coordination inter-villageoise pour la gestion com m une des divers usages des espaces forestiers et en particulier des problèmes pastoraux. C 'est au sein de cette structure que les groupes sociaux ou ethniques non concernés par le bûcheronnage mais concernés par l'espace forestier et son utilisation (mise en défens, par exemple) pourraient débattre et régler les problèmes avec les représentants des marchés ruraux du bois. Ce Comité veille donc à ce que le marché rural seul ou avec aménagement ne rem ette pas en cause les droits coutum iers d'u tilisa tion de la forêt.

Le cas des villages sans ressources foncières forestières

On peut se demander s'il est possible d'envisager la création d ’ un marché rural et d'une structure de gestion autonom e dans un village sans droits fonciers coutum iers sur la végétation naturelle avoisinante, où se pratique déjà le bûcheronnage commercial (par exploitation sur le terroir d'u n autre village) et où existe une demande et une m otivation réelle pour cette perspective ?

Ou, serait-il envisageable de créer un marché rural et une structure locale de gestion com m une aux deux (ou plus) villages, celui qui détient les droits fonciers et celui sans droits fonciers qui pratique déjà le bûcheronnage com m ercial ?

Dans un tel cas, les trois alternatives possibles sont simples et peuvent être schématisées comme suit:

* Créer un marché rural dans un village sans droits fonciers sur des terres de végétation naturelle, * Créer un marché rural com m un à deux villages avec une structure locale de gestion unique, * Ne pas créer de marché rural dans un village sans droits fonciers sur des terres de végétation

naturelle.

Il s 'a g it m aintenant de procéder à un choix raisonné entre elles qui tiennent le meilleur compte possible de tous les objectifs essentiels de la stratégie énergie domestique.

Nous éliminons d'emblée la deuxième alternative : "Créer un marché rural com m un à deux villages avec une structure locale de gestion unique", pour les raisons suivantes :

* Créer une telle structure commune à deux villages reviendrait à imposer de concevoir une structure organisationnelle de la structure locale de gestion à deux étages, au niveau villageois et au niveau inter­ villageois; donc créer une structure lourde, nécessairement bureaucratique, probablem ent dispendieuse, et fo n ctio n n a n t de façon complexe (donc opaque pour les bûcherons) et en large partie pour elle même et non pas en fo n ctio n de l'o b je c tif du marché rural: vendre du bois et gérer un espace de végétation naturelle. * Cela reviendrait à instaurer une coupure entre les bûcherons et la structure locale de gestion ou entre les deux niveaux de la structure locale de gestion, à susciter une défiance résultant de la com plexité des prises de décision et des com ptes et porterait en germe des conflits qui pourraient bien se révéler fatals pour le marché rural.

* L'autonom ie de la structure locale de gestion serait de fa cto remise en cause très rapidem ent à cause de la com plexité des problèmes à régler qui imposeraient l'in te rve n tio n soit des services locaux de l'en viron nem ent soit des structures locales de l'adm inistration du m ouvem ent coopératif (B0).

50 Cette intervention serait inutile ou ponctuelle pour les marchés ruraux fo n c tio n n a n t dans un cadre villageois, tellem ent plus simple où les gens sont habitués à régler seul ensemble tous leurs problèmes

La troisièm e solution de l'alternative : "Ne pas créer de marché rural dans un village sans droits fonciers sur des terres de végétation naturelle" est sans conteste la plus prudente et devrait, être privilégiée aussi souvent que possible. D 'a u ta n t plus qu'elle ne crée pas l’ irréparable et peut être considérée com m e provisoire ou temporaire. Sa mise en pratique laissera néanmoins à chaque fois un fo rt sentim ent d 'in satisfaction dans la mesure où ne seront pas valorisés deux éléments positifs im portants: l'a ttitu d e positive de la population d 'u n village où se pratique déjà le bûcheronnage d ’ une part et d'autre part une ressource forestière q u'il serait utile de gérer de façon plus rationnelle et conservatoire.

La première solution: "Créer un marché rural dans un village sans droits fonciers sur des terres de végétation naturelle", est-elle enfin possible? Elle présente des avantages réels mais aussi représente des risques considérables et indéniables q u 'il faudra apprécier chaque fois aussi précisément que possible.

Ces risques ou inconvénients sont les suivants :

* Il est possible que le village titulaire des droits fonciers traditionnels accepte de consentir au village sans terres de végétation naturelle un droit d'exploitation de la végétation (avec ou sans contrepartie; ce droit de coupe n 'é ta n t en aucune manière l'équivalent d'u n droit foncier et ceci étant explicite) en n 'a yant pas une claire conscience de l'in té rê t économique représenté par cet avantage q u 'il consent. A u bout de peu de tem ps sa perception se précise et le village "donateur" regrette son geste. Il risque alors de n'a voir de cesse que lorsqu'il aura repris son bien pour l'exploiter à son p ro fit propre. Le marché rural du village sans droits fonciers risquerait alors de n'a voir qu'une existence éphémère créant des rancoeurs et attisant une attitude négative de ce village vis à vis du village titulaire des droits fonciers traditionnels.

* L 'a ctivité commerciale liée au bois-énergie est très développée dans certains villages sans ressources foncières forestières. C 'est le cas de certains villages ayant des marchés traditionnels de bois "bord de ro u te ". La mise en place des marchés ruraux ailleurs pourrait se traduire par une réduction de l'activité commerciale liée au bois-énergie dans ces villages avec pour conséquence la suppression des revenus tirés de la vente du bois. En outre ces groupes de population pourraient s'opposer à certaines mesures proposées notam m ent l'in te rd ictio n d'aller s'approvisionner dans la zone du marché rural, qui con stitu e pour eux le seul lieu de collecte du bois de chauffe, de service et de produits fourragers.

* Il est probable que le village sans droits fonciers sur les terres de végétation naturelle envisage la création du marché rural com m e un élément d'une stratégie à long terme visant à se faire reconnaître des droits sur la fo rê t q u 'il exploite. Comme il a déjà été indiqué il n'entre pas dans la mission du Projet de s'im m iscer dans les problèmes fonciers inter-villageois et de paraître favoriser une telle démarche, au dem eurant parfaitem ent comprise par les villageois du village détenteur des droits fonciers traditionnels. Le Projet devra donc veiller à ce que le droit de coupe consenti au village "sans droits fonciers" par le village qui en est détenteur ne puisse en aucun cas être assimilé à un droit foncier et fasse l’ objet d'une procédure faisant intervenir dès le départ les autorités locales et coutumières, en particulier le chef de canton.

Dans ces conditions si la création d'u n marché rural dans un village sans droits fonciers traditionnels sur la zone de végétation naturelle à exploiter (et éventuellement à aménager) est envisagée, il conviendra im pérativem ent de s'assurer par précaution que les conditions suivantes sont bien remplies:

Il ne fa u t pas envisager la création d 'u n marché rural dans un village sans droits fonciers sur les zones de végétation naturelle à exploiter si parallèlement n 'e s t pas aussi crée un marché rural dans le village détenteur des droits fonciers. Les zones de coupe (ou à aménager) des deux villages devront être différentes et clairem ent délimitée (autant que possible séparées par un espace suffisant pour éviter les c o n flits ultérieurs).

Le premier marché à créer sera toujours celui du village détenteur des droits fonciers coutum iers.

Lors de la création du marché rural dans le village sans droits fonciers coutum iers il faudra absolum ent veiller à ce que la zone de coupe attribuée et délimitée soit de superficie suffisante pour assurer un fonctionne m e nt normal du marché rural en