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Le contrôle forestier du trafic de bois-énergie: une nécessité vitale pour les marchés ruraux

Toute réglementation implique un contrôle de son application et la nouvelle réglem entation forestière du Niger mise en place par l'O rdonnance de 1992 ne fait pas exception à la régie. Toutefois, s'agissant d'une réglementation visant à redonner aux ruraux la légitimité et le monopole de la gestion et de l'explo itation des ressources ligneuses locales, certains pourraient s'étonner que la Stratégie Énergie Dom estique accorde au problème du contrôle une telle im portance et que ce docum ent lui réserve un chapitre.

Ce paradoxe disparaît si l'on se souvient que la nouvelle réglem entation forestière du Niger ne se contente pas d 'in s titu e r de nouveaux textes mais constitue d'abord un outil, privilégiant par la fiscalité forestière les incitations et la dissuasion économique pour assurer la transition progressive et la m utation structurelle des filières bois-énergie du régime de l'explo itation incontrôlée à celui des marchés ruraux et des aménagements forestiers villageois.

Dans une période où le changement des règles du jeu économ ique d o it induire une m odification im portante du com portem ent des acteurs le contrôle de l’ application des règles revêt une im portance stratégique.

Un des acquis mal connu mais fondam ental du projet réside dans la dém onstration faite que le contrôle efficace des entrées de bois en ville est possible et facile à obtenir pratiquem ent sans coût supplémentaire (78 % de taux de collecte en 1 9 9 0 à Niamey!) pourvu que la puissance publique décide e ffe ctive m e n t de la

nécessité du résultat (Bibliographie N ° 14).

1. Assurer la compétitivité économique des marchés ruraux face à l'exploitation incontrôlée

Les premières coopératives forestières créées au Niger dans les années q uatre-vingt comme celles de Guesselbodi ou Faïra avaient un caractère expérimental indiscutable: il s'agissait véritablem ent de prototypes au coût sans com m une mesure avec celui du produit de série mis à la disposition du consom m ateur.

Le bois de ces coopératives était commercialisé sur la base d 'u n calcul de coûts opérationnels et donc d'u n prix fixé autoritairem ent par l'adm inistration, sans référence avec les prix réels de marché du bois à la production primaire dans le cadre de l'exp lo itation incontrôlée. Il intégrait en e ffe t en plus des coûts de main d'oeuvre directe pour l'e xp lo ita tio n qui constituent l'essentiel du coût primaire de l'e xp lo ita tio n incontrôlée, des coûts supplémentaires considérables de:

* gestion, stockage, surveillance et commercialisation; * régénération de la ressource et travaux forestiers; * marge commerciale de la coopérative.

Dès le départ, et malgré une position géographique très favorable (Guesselbodi; 3Z) qui leur assurait une véritable rente de situation, les coopératives ont rencontré des d ifficu lté s de com m ercialisation bien compréhensibles puisque leur bois était vendu très au dessus des prix du marché.

Face à la mévente, ¡I a fallu année après année que l’ adm inistration recoure à des mesures exceptionnelles (33): la "ferm eture de la brousse", c'e st à dire la suspension tem poraire de la délivrance des permis de coupe pour contraindre les com m erçant-transporteurs de venir chercher les quelques milliers de stères produits sur les lieux de vente des coopératives (Bibliographie N ° 16).

La création des marchés ruraux et la nouvelle réglementation forestière du bois-énergie visent à assurer une rupture radicale avec cette situation antérieure et avec ces pratiques:

* D'une part il y a autant de différence entre la coopérative forestière de Guesselbodi et un marché rural qu'entre un véhicule prototype et la voiture de série qui en découle; la conception, le coût de réalisation, le co û t d 'u tilisa tio n sont sans commune mesure pour des performances souvent meilleures pour le véhicule de série.

Les marchés ruraux ont été conçus pour être mis en place en grand nombre donc avec un souci constant de sim plifier et d'assurer par une standardisation poussée la reproductibilité facile des techniques mises en oeuvre, d 'u ne sim plification maximale des structures et d'une lim itation drastique des coûts, aussi bien de création que de fonctionne m e nt.

Il im porte qu'après la fin du PE ll-VO, l'adm inistration de l'Environnem ent puisse avec les ressources de la fiscalité forestière continuer les opérations de création et de suivi des marchés ruraux (34);

* D 'autre part les marchés ruraux sont définis légalement comme des structures com m erciales autonomes qui vendent librem ent leur bois aux com m erçant-transporteurs en fo n ctio n des flu c tu a tio n s de l'o ffre et de la demande. Il y a donc libre fixation des prix du bois par les structures locales de gestion sans aucune intervention adm inistrative.

* Enfin et su rto u t la nouvelle fiscalité forestière différentielle (et l'existence de ces différentiels implique des révisions et des réajustements périodiques) vise à rétablir structurellem ent la co m p é titiv ité du bois des marchés ruraux face à celui de l'explo itation incontrôlée.

La nouvelle réglem entation est conçue de telle façon que les com m erçant-transporteurs aient intérêt à aller préférentiellem ent s'approvisionner sur les marchés ruraux p lu tô t qu'à pratiquer l'e xp lo ita tio n incontrôlée. Cette incitation économique ne peut être efficace sans une réforme profonde du systèm e de contrôle qui réduise la fraude fiscale sur le bois à un niveau résiduel et marginal.

Si le systèm e de contrôle est inefficace à assurer un recouvrem ent quasi-com plet de la taxe majorée sur l'e xp lo ita tio n incontrôlée, et si donc persiste à exister une im portante évasion fiscale une partie au moins des com m erçant-transporteurs pourront, tant que les marchés ruraux ne seront pas assez nom breux pour assurer une bonne couverture et une maîtrise efficace sur la ressource forestière, éviter de s'approvisionner sur les marchés ruraux à un coût "hors taxes" d'exploitation incontrôlée bien inférieur au prix de vente des marchés ruraux.

Le systèm e de contrôle est donc, to u t particulièrement en cette période transitoire de création des marchés ruraux un élément essentiel de fonctionne m e nt normal du système.

33 et sans fondem ent réglementaire.

34 Les propositions pour la deuxième phase du projet prévoient que ce sont, selon un mécanisme de préfinancement, les futures recettes fiscales affectées aux marchés ruraux qui serviront à financer leur création; les recettes fiscales affectées à l'e n viro n n e m e n t et au trésor public ne servant à financer que le système de contrôle forestier.

2. Le contrôle une dem ande préalable et explicite des ruraux dans la perspective de création des marchés ruraux

Les paysans interrogés sur les perspectives de création d 'u n marché rural dans leur village posent généralement presque im m édiatem ent le problème, car ils savent bien que sans un systèm e de contrôle efficace et sans le respect des dispositions de la fiscalité différentielle les marchés ruraux risquent d 'ê tre confrontés à d'insolubles problèmes de com m ercialisation.

Ils savent bien to u t le to rt que leur cause l'exp lo itation incontrôlée des com m erçant-transporteurs qui préfèrent amener en brousse des chômeurs urbains pour en faire des bûcherons salariés et leur payer le bois d'un chargement de bâchée à 7 ou 8 0 0 0 F CFA, plutôt que d'acheter le même chargem ent à 5 0 0 0 F CFA à des bûcherons villageois.

C 'est sans doute l'un des paradoxes de la Stratégie Énergie Dom estique au Niger que de viser à une gestion décentralisée (une autogestion) des ressources ligneuses par les populations rurales et de dépendre d'un renforcem ent du contrôle sur les transports et le commerce du bois vers les villes. Encore une fois le paradoxe n'est qu'apparent si l’ on songe que le renforcem ent du contrôle vise à m ettre en place un rééquilibrage des rapports ville- campagne au p ro fit des ruraux. Eux le com prennent bien qui ont vécu depuis plusieurs décennies une détérioration continue des term es de l'échange rural/urbain que l'explosion de l'exode rural et le développem ent des mégapoles a parfaitem ent reflété.

Il est certain que lorsque les marchés ruraux contrôleront l'accès aux zones les plus névralgiques de la ressource ligneuses le rôle du contrôle deviendra moins fondam ental.

Chapitre 11 : Le quota et le contrôle forestier des quantités exploitées et