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Depuis la réforme constitutionnelle de 1993, adoptée en 1994 et entrée en vigueur le 1er janvier 1995, la Belgique est devenue un État fédéral constitué de trois

Section I- La gestion de la langue par les Etats

94. Depuis la réforme constitutionnelle de 1993, adoptée en 1994 et entrée en vigueur le 1er janvier 1995, la Belgique est devenue un État fédéral constitué de trois

régions économiquement autonomes (la Région flamande, la Région wallonne et la Région de Bruxelles) et de trois communautés linguistiques (la Communauté française, la Communauté flamande et la Communauté germanophone). Deux catégories de francophones coexistent, d'une part, les Wallons de Wallonie parlant dans leur quasi-totalité le français, d'autre part, les Bruxellois parlant le français. Quatre régions linguistiques sont définies par l’article 4 de la Constitution révisée du 24 décembre 1970112. Ce sont :

- la région linguistique néerlandaise, composée de cinq provinces flamandes ;

- la région linguistique française, c'est-à-dire cinq provinces wallonnes, auxquelles ont été retirées les neufs communes germanophones de la province de Liège ;

- la région linguistique allemande, constituée de la province de Liège ; - la région linguistique bilingue, c’est à dire l’agglomération bruxelloise. Le régime linguistique belge trouve son fondement juridique dans la Constitution de 1994 qui, sera généralement considérée comme un véritable pacte posant les bases de la coexistence difficile des néerlandophones et des francophones113. Cette Constitution est complétée par de nombreuses lois linguistiques, dont les plus anciennes remontent à 1933. Elles concernent l’emploi des langues en matière

112 http://www.tlfq.ulaval.ca/axl/europe/belgiqueetat.htm, consulté le 20 février 2008

58 administrative, judiciaire, militaire, et fixent le régime linguistique de l’enseignement. La Belgique a trois langues officielles, le néerlandais, le français, et l’allemand. L’essentiel des dispositions en faveur de la défense de la langue française se retrouve dans le décret adopté le 12 juillet 1978 par le Conseil de la Communauté culturelle française de Belgique.

95. Cependant, l’usage étatique de ces langues officielles n’est pas uniforme. En effet, les langues utilisées par l’Etat fédéral varient en fonction de la zone géographique. Ainsi, l’Etat fédéral ne fonctionne qu’en néerlandais en Flandre, qu’en français en Wallonie et qu’en allemand dans la région de langue allemande114. En revanche, si l’Etat travaille dans une seule des trois langues, les communications officielles ne peuvent être faites dans une seule langue, le bilinguisme étant est une obligation légale. La Belgique a instauré une répartition des pouvoirs en fonction du groupe linguistique d’appartenance. La cour d’arbitrage, le Conseil d’Etat, la Cour de cassation, et de nombreux organismes gouvernementaux sont constitués pour moitié de Wallons et pour moitié de Flamands. Les mécanismes régissant le fonctionnement de l'État fédéral belge visent à supprimer l'infériorité numérique des francophones par rapport aux Flamands : au plan fédéral, on s’attache à organiser l’égalité entre les deux communautés, que ce soit au Conseil des ministres, dans les deux Chambres, la Cour constitutionnelle, etc. On aboutit donc à une situation où les francophones de Belgique sont tellement bien protégés qu'ils ne constituent pas, d’un point de vue juridique, une minorité115. La langue détermine donc des communautés dont la répartition dans la vie institutionnelle est effectuée à parité.

114 http://www.tlfq.ulaval.ca/axl/europe/belgiqueetat_pol-lng.htm, consulté le 20 février 2008

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96. Pourtant, dans les faits, pour l’individu, les conséquences de ce plurilinguisme sont différentes selon le lieu : « A Bruxelles, le bilinguisme officiel permet le choix individuel de la langue ; en Flandres et en Wallonie, en revanche, l’individu doit se soumettre au principe de territorialité »116. Ce système, basé sur des frontières territoriales et des communautés linguistiques, est peu satisfaisant d’un point de vue politique, puisque, comme l’a montré l’actualité récente117, et comme l’écrivait déjà Monsieur Daniel Baggioni en 1997, « ces dispositifs successifs n’ont pas mis fin aux insatisfactions « culturelles-linguistiques » des populations, surtout flamandes, qui poussent dans le sens d’un éclatement de fait de l’Etat118 national»119. Là encore, la langue est fortement liée à la situation politique de l’Etat, non plus comme simple symbole d’une unité nationale parfois sujette à caution, mais comme enjeu des rapports de force entre les différentes communautés coexistant dans l’espace national.

116 Daniel Baggioni, op. cit. 1997, p. 30

117 Voir. par exemple les discussions toujours vives autour du code du logement flamand, qui prévoit que les candidats à un logement social doivent se dire disposés à apprendre le néerlandais, et sa défense par le Premier Ministre belge Yves Leterme, qui déclare que « la méconnaissance d'une langue en Belgique est source d'injustices sociales » (http://www.levif.be/actualite/belgique/72-56-15589/sur-euronews--leterme-redevient-president-du-gouvernement-flamand.html); voir aussi Pierre Avril, « Vilvorde la Flamande refuse les francophones », Le Figaro, 26 juin 2008, à propos du test linguistique imposé par cette commune de Flandre aux citoyens souhaitant bénéficier de logements bon marché

(http://www.lefigaro.fr/international/2008/06/27/01003-20080627ARTFIG00011-vilvorde-la-flamande-refuse-les-francophones.php) et Pierre Avril, « Bataille linguistique en Flandre », Le Figaro, lundi, 14 avril 2008, p. 9, à propos des tensions linguistiques à Bruxelles, et de l’utilisation croissante de l’anglais dans cette ville.

118 La difficulté à constituer un gouvernement suite aux élections législatives de 2007 a mis en évidence la fragilité institutionnelle de la Belgique. Il a ainsi fallu 9 mois pour que les négociations entre les différentes communautés, représentées par 5 principaux partis politiques, aboutissent à la nomination le 18 mars 2008 d’Yves Leterme à la tête du gouvernement fédéral (cf. notamment Stéphane Dupont, « Accord a

minima pour la formation d'un gouvernement en Belgique », Les Echos, mercredi, 19 mars 2008, p. 6 ;

Jean-Pierre Stroobants, « La formation du gouvernement belge se heurte aux exigences des séparatistes flamands », Le Monde, samedi, 7 juillet 2007, p. 8 ; Jules Gheude, « Il est déjà trop tard pour sauver le royaume », Le Soir, 6 décembre 2007, p. 15 ; Jean-Pierre Stroobants, « Belgique, les origines d'une fracture », Le Monde, samedi, 15 septembre 2007, p. 23 )

60 2- L’articulation des droits des groupes linguistiques

97. Pourtant, dans les faits, pour l’individu, les conséquences de ce plurilinguisme sont différentes selon le lieu : « A Bruxelles, le bilinguisme officiel permet le choix individuel de la langue ; en Flandres et en Wallonie, en revanche, l’individu doit se soumettre au principe de territorialité »120. Ce système, basé sur des frontières territoriales et des communautés linguistiques, est peu satisfaisant d’un point de vue politique, puisque, comme l’a montré l’actualité récente121, ces dispositifs successifs n’ont pas mis fin aux insatisfactions « culturelles-linguistiques » des populations, surtout flamandes, qui poussent dans le sens d’un éclatement de fait de l’Etat.

98. Depuis 1898, la Belgique est donc un Etat qui doit légiférer dans un contexte