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La langue dans l’Union européenne

201. L’Union européenne est actuellement la forme la plus avancée d’intégration des Etats dans une organisation internationale. Dans ce contexte multinational, donc plurilingue, dans lequel l’élaboration, l’interprétation et l’application de textes juridiques sont essentielles, comment est gérée la question linguistique ? Quel est le rôle de la langue dans le processus politique d’intégration ? L’Union européenne a pour assurer un fonctionnement cohérent établi des règles de gestion de la question linguistique (§1). Sa diversité linguistique a néanmoins des conséquences sur sa construction (§2).

§1- Le régime linguistique communautaire

202. Le fonctionnement linguistique de l’Union européenne est fixé par le droit communautaire primaire et secondaire (A). La question de la langue dans l’Union européenne conduit par ailleurs à s’interroger sur l’hypothèse d’un jus commune européen (B).

A- Le fonctionnement linguistique de l’Union européenne

203. L’Union européenne donne à de nombreuses langues le statut de langues de travail (1). Du fait des élargissements successifs, le nombre de celles-ci a fortement augmenté ces dernières années (2).

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204. A l’origine, le régime linguistique communautaire était structuré autour des langues authentiques, qui sont les « langues dans lesquelles sont rédigés les traités instituant les communautés », des langues officielles, « employées dans les communications entre les institutions et l’extérieur », et des langues de travail, qui permettent la « communication inter-institutionnelle et intra-institutionnelle de la communauté »255.

205. Depuis le règlement CE n°1/1958 du 15 avril 1958, les langues officielles et de travail des institutions européennes sont confondues. Au fil des élargissements, l’Union Européenne a atteint le nombre de 21 langues officielles256. L’usage de ces langues officielles est garanti par plusieurs dispositions. Le Traité de Rome de 1958 prévoit ainsi que les Etats membres communiqueront avec les institutions européennes dans l’une des langues officielles de leur choix, et que celles-ci leur répondront dans la même langue. En outre, le Traité d’Amsterdam dispose, dans son article 21, que « tout citoyen de l'Union peut écrire à toute institution ou organe visé au présent article ou à l'article 7257 dans l'une des langues visées à l'article 314258 et recevoir une réponse rédigée dans la même langue ». De même, l’article 41-4 de la Charte des droits fondamentaux prévoit que « toute personne peut s'adresser aux

255 Isabel Schübel-Pfister, op. cit., p. 326

256 Allemand, anglais, danois, espagnol, estonien, finnois, français, grec, hongrois, italien, irlandais, letton, lituanien, maltais, néerlandais, polonais, portugais, slovaque, slovène, suédois, tchèque. Ce sont les différentes langues nationales des pays membres de l’UE.

257 Article 7 du traité d’Amsterdam : « 1. La réalisation des tâches confiées à la Communauté est assurée par:

— un parlement européen, — un conseil,

— une commission, — une cour de justice, — une cour des comptes.

Chaque institution agit dans les limites des attributions qui lui sont conférées par le présent traité.

2. Le Conseil et la Commission sont assistés d'un Comité économique et social et d'un Comité des régions exerçant des fonctions consultatives ».

127 institutions de l'Union dans une des langues des traités et doit recevoir une réponse dans la même langue ». Quant aux divers textes de portée générale de l’union européenne et au Journal Officiel des Communautés européennes (JOCE), ils seront rédigés dans l’ensemble des langues officielles de l’union.

206. Par ailleurs, comme le rappelle la Délégation Générale à la Langue Française, « le français est, par tradition, la langue du délibéré dans le système juridictionnel communautaire. Les arrêts et avis de la Cour de Justice des Communautés européennes et du Tribunal de première instance sont ainsi rendus en français, les traductions étant ensuite faites dans toutes les autres langues officielles »259.

207. Pour autant le français occupe-t-il une place prépondérante au sein des institutions européennes ?

208. Ce n’est pas l’avis de la délégation générale à la langue française, qui considère que « la place du français au sein des institutions européennes [a connu] un nouveau recul en 2005, particulièrement marqué en ce qui concerne la conception et la production de documents écrits. […] Le dernier élargissement tend, en effet, à réduire la place de notre langue en vertu d’un double mouvement, l’un massif du recours à l’anglais, l’autre plus marginal de diversification au bénéfice des langues des nouveaux entrants »260. L’anglais serait donc massivement utilisé dans les institutions européennes, au détriment du français.

259 Ministère de la culture et de la communication, délégation générale de la langue française, Rapport au

Parlement sur l’application de la loi du 4 aout 1994 relative à l’emploi de la langue française, 2006, p. 85

http://www.culture.gouv.fr/culture/dglf/garde.htm, consulté le 19 juillet 2007

260 Ministère de la culture et de la communication, délégation générale de la langue française, op. cit. 2007, p. 86

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209. La Délégation Générale de la Langue Française base notamment ce constat sur les chiffres suivants, communiqués par la direction générale de la traduction de la Commission européenne :

Langues de rédaction d’origine des documents à la Commission

Anglais Français Allemand Autres

1996 45,7% 38% 5% 12% 1997 45% 40% 5% 9% 1998 48% 37% 5% 10% 1999 52% 35% 5% 8% 2000 55% 33% 4% 8% 2001 57% 30% 4% 9% 2002 57% 29% 5% 9% 2003 59% 28% 4% 9% 2004 62% 26% 3% 9% 2005 68,5% 16,4% 3,8% 11,3%

210. L’élargissement de 2004 semble avoir été de paire avec une hausse de l’utilisation de l’anglais, la Délégation Générale à la Langue Française allant même jusqu’à considérer que « la prépondérance de l’anglais tend à devenir une

129 suprématie : sa place n’a jamais été aussi forte au sein de la Commission européenne (+22, 8 points depuis 1996) »261. Par ailleurs, la Délégation Générale à la Langue Française note que le choix de la langue dans laquelle sont conduits les travaux du Conseil de l’Union européenne dépend en partie du choix effectué par le pays qui en exerce la présidence. Dans ce contexte, le recours à la langue française est très fréquent, grâce notamment aux arrangements concernant l’interprétation instaurés dans les différents groupes de travail262.

211. Concernant le contact institutionnel avec le public, la prédominance de l’anglais est plus marquée. En effet, si l’usage du français n’est pas rare en salle de presse, où il arrive à la présidence d’utiliser une langue autre que sa propre langue pour répondre aux journalistes, la Délégation Générale à la Langue Française relève, à l’issue d’une « observation détaillée des sites internet de la Commission conduite dans le cadre du plan pluriannuel pour le français dans l’Union européenne […] présentée dans le rapport 2005 », que l’anglais est nettement prédominant, avec cependant des variations selon les sites263. Enfin, comme l’explique la Délégation Générale à la Langue Française, « l’office européen de sélection du personnel (EPSO), chargé de l’organisation des concours de recrutement des fonctionnaires de l’ensemble des institutions européennes utilise indifféremment l’anglais, le français et l’allemand sur son site internet et dans ses relations avec les candidats. 264» En

261 Ministère de la culture et de la communication, Délégation Générale de la Langue Française, op. cit. 2007, p. 87

262 Cf., notamment pour une étude détaillée des usages linguistiques en fonction des présidences ; Ministère de la culture et de la communication, Délégation Générale de la Langue Française, op. cit. 2007, p. 87- 89

263 Ministère de la culture et de la communication, Délégation Générale de la Langue Française, op. cit. 2007, p. 88

264 Ministère de la culture et de la communication, Délégation Générale de la Langue Française, op. cit. 2007, p. 89

130 revanche, le recours à l’anglais domine dans les documents de soumission d’appels d’offre265.

2- La multiplication des langues de travail

212. Au 30 avril 2004, l’Union européenne comptait 15 membres et 12 langues authentiques. Avec le dernier élargissement, 20 langues officielles doivent cohabiter. L’article 290 du Traité CE dispose que

« le régime linguistique des institutions de la Communauté est fixé, sans préjudice des dispositions prévues dans le règlement de la Cour de justice, par le Conseil statuant à l'unanimité. »

Ainsi l’article 1er du règlement n°1 du 15 avril 1958 dispose que

« les langues officielles et les langues de travail des institutions de la Communauté sont l'allemand, le français, l'italien et le néerlandais. »

La version consolidée de ce texte, modifié par l’acte d’adhésion de 2003, prévoit que « les langues officielles et les langues de travail des institutions de l'Union sont l'espagnol, le tchèque, le danois, l'allemand, l'estonien, le grec, l'anglais, le français, l'italien, le letton, le lituanien, le hongrois, le maltais, le néerlandais, le polonais, le portugais, le slovaque, le slovène, le finnois et le suédois. »

Par ailleurs, l’article 6 du même texte dispose que

« les institutions peuvent déterminer les modalités d'application du régime linguistique dans leurs règlements intérieurs. »

265 Ministère de la culture et de la communication, Délégation Générale de la Langue Française, op. cit. 2007, p. 89

131 Aucune n’a vraiment statué sur cette question, mais à l’heure actuelle prédominent le français et surtout l’anglais dans les relations interinstitutionnelles.

213. On peut d’ailleurs noter l’intérêt qui a été accordé à une initiative privée, le Manifeste pour le français langue juridique de l’Europe. Le 13 octobre 2004, Monsieur Maurice Druon, en tant que Secrétaire perpétuel honoraire de l’Académie française, a lancé un manifeste pour le français langue juridique de l’Europe. L’objet en est d’obtenir que le Conseil européen convienne que « pour tous les textes ayant valeur juridique ou normative engageant les membres de l’Union, la rédaction déposée en français soit celle qui fait référence»266. Ce texte a été favorablement accueilli et signé par de nombreuses personnalités comme Monsieur Mario Soarès, ancien président du Portugal, Monsieur Bronislaw Geremek, ancien ministre des affaires étrangères de Pologne, Monsieur Abou Diouf, secrétaire général de l’OIF267. En outre, Monsieur Maurice Druon a été auditionné par la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, le 8 février 2005, cette commission ayant par la suite déposé une proposition de résolution, dont Monsieur Edouard Balladur, alors président de la Commission, a saisi le Premier ministre, « rappelant que le droit constitue l’un des instruments privilégiés de la construction européenne et proposant qu’en cas de divergences d’interprétation liées à des problèmes linguistiques, la version française fasse foi268».

214. La volonté de construire un ensemble politique cohérent impose de se poser la question de la langue dans l’Union européenne, car, comme l’écrit Monsieur Alain Supiot, « s'il n'est pas absurde de plaider pour [l’adoption de l’anglais comme unique

266 Ministère de la culture et de la communication, Délégation Générale de la Langue Française, op. cit. 2007, p. 90

267 Ministère de la culture et de la communication, Délégation Générale de la Langue Française, op. cit. 2007, p. 90

268 Ministère de la culture et de la communication, Délégation Générale de la Langue Française, op. cit. 2007, p. 90

132 langue véhiculaire], il est en revanche malsain de l'imposer hypocritement, sans débat ouvert sur le régime linguistique de l'Union. Cela ne peut qu'alimenter la désaffection des peuples pour des institutions européennes qui feignent d'ignorer leur diversité»269. Or le droit est l’un des éléments de la construction politique : l’élaboration d’un ensemble cohérent, particulièrement en matière juridique, a comme préalable une communication et une compréhension aisées.

215. La langue est donc à notre sens à la fois un outil de la construction politique de l’Union européenne, et un enjeu politique pour cette construction politique. La volonté de préservation de l’identité culturelle des Etats membres de l’Union européenne, via le multilinguisme, se heurte en effet à de nombreuses difficultés pratiques. Au final, en pratique, le multilinguisme affirmé politiquement par l’Union européenne, mais relativement inopérant en réalité, conduit à favoriser l’essor d’une langue véhiculaire, l’anglais. Résoudre la question linguistique, tout en poursuivant la construction de l’Union européenne, et en préservant l’identité culturelle des Etats souverains qui la constituent, est un défi politique majeur. Mais la langue peut aussi apparaître comme un outil de cette construction.

B- L’harmonisation du droit : l’hypothèse d’un jus commune européen

216. La question de la langue, du vocabulaire et de la terminologie juridique a ainsi été abordée, au sein de l’Union européenne, lors des discussions sur l’élaboration de textes communs en matière de contrats internationaux, voire de l’élaboration d’un jus commune moderne. Plus largement, ce questionnement à propos de l’adéquation entre terminologie commune et concepts communs est inhérent à toute tentative d’élaboration de projets d’unification du droit. Au sein de l’Union européen, les discussions à propos d’harmonisation peuvent tirer bénéfice du précédent du jus commune, qui considérait que le rapprochement entre systèmes juridiques passait d’abord par l’élaboration d’une méthode commune (1), qui permettait la mise en

133 évidence de principes et notions communs aux divers systèmes juridiques européens (2).

1- La diversité des ordres juridiques unis par une méthodologie commune

217. Selon Monsieur Bergel, « un ordre juridique complet est un ensemble de règles régissant la vie en société qui dispose de ses sources du droit originaires, dans lesquelles il puise sa propre validité, et de ses appareils de contrôle et d’exécution forcée, si bien qu’il n’est tributaire d’aucun autre pour la création ni pour l’application des normes qui le composent. »270 Quant à Cornu, il considère que l’ordre juridique relatif à une entité est « l’ensemble des règles de Droit qui la gouvernent »271. Le droit est relatif, d’autant plus étatique après le développement à partir du XIXème siècle des codifications nationales. Les relations transnationales, et plus particulièrement les relations économiques transnationales, remettent de fait en cause cette structuration. L’Union européenne doit donc, dans son fonctionnement interne, pour remplir les objectifs qu’elle s’est fixée, parvenir à dépasser cet écueil.

218. La construction européenne conduit au rapprochement des droits. La forme de ce rapprochement est à discuter. On peut distinguer principalement entre uniformisation du droit, unification et harmonisation. Selon Cornu, l’uniformisation du droit est « une modification de la législation de deux ou plusieurs pays tendant à instaurer dans une matière juridique donnée une réglementation identique. ». » Quant à l’unification, il s’agit d’une « uniformisation du droit applicable à une matière juridique donnée dans un ou plusieurs pays. » Enfin l’harmonisation consiste à « unifier des ensembles législatifs différents par élaboration d’un droit nouveau empruntant aux uns et aux autres» 272. Madame Fin-Lauger ajoute qu’« on distingue

270 J. L. Bergel, Théorie générale du droit, Paris, Dalloz, 2003, p. 144

271 Cornu, op.cit., p. 601

134 traditionnellement l’uniformisation, qui consiste à élaborer une règle commune à plusieurs pays et unique tant sur la forme que le fond, de l’unification, qui recherche une règle commune, mais seulement au niveau du contenu et non de la forme, de l’harmonisation, qui permet de faciliter la convergence tout en autorisant la divergence sur le fond »273. Quant à Madame Mireille Delmas-Marty, elle distingue entre « « unification » quand les règles nationales deviennent identiques et « harmonisation » stricto sensu quand les règles tendent seulement à se rapprocher autour de principes communs, mais peuvent rester différentes. »274

219. L’Union européenne semble donc plutôt opter pour une harmonisation du droit. En effet, la diversité juridique étant compliquée d’un multilinguisme inhérent au regroupement d’Etats, la voie la plus raisonnable semble être l’identification de principes communs aux différents droits nationaux, permettant le rapprochement de ceux-ci, et ce d’autant plus que l’Europe bénéficie du précédent historique jus commune.. La notion de jus commune a connu un grand succès doctrinal depuis les années 1950. Des auteurs comme Monsieur Reiner Schülze en Allemagne ou Madame Marie-France Renoux-Zagamé en France font appel à ce concept pour « justifier l’émergence d’un droit commun » 275 en Europe. La réflexion actuelle à propos de l’harmonisation du droit en Europe et de l’instauration d’un droit privé européen commun tire des leçons du jus commune, complété par les paramètres linguistiques et terminologiques spécifiques à l’Union européenne.

220. Le jus commune repose d’abord sur la méthodologie.

Marty, Paris, PUF, 2004, p. 38

..,274 Mireille Delmas-Marty, « Le phénomène de l’harmonisation. L’expérience contemporaine »,

Harmonisation du droit des contrats en Europe, sous la direction de Christophe Jamin et Denis Mazeaud, Paris,

Economica, 2001, p. 29

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221. Dans une Europe marquée par le pluralisme juridique, était enseigné, du Moyen-âge à la fin du XVIIème siècle, un jus commune consistant non pas tant à un ensemble de règles de droit matériel qu’à une manière commune d’appréhender les problèmes, susceptible de féconder les solutions législatives et coutumières et d’en assurer la cohérence. La base de ce droit commun était le droit romain, dont la mise en application variait selon les lieux, plus ou moins fortement combiné avec un droit local276. Selon Oppetit, le jus commune « nourri de méthodologie, de principes et de concepts, […] a permis, pendant des siècles, aux juristes européens d’aborder de manière évolutive et rationnelle les questions les plus diverses »277. A cela s’ajoutent des « valeurs de civilisation » qui seraient véhiculées par le jus commune. Ce droit était d’abord le produit d’une doctrine uniforme, influencée par le droit commun, enseignée dans les universités du continent et renforcée par l’existence d’un droit propre aux commerçants et de formes juridiques communes, en matière de mariage et de successions, à la noblesse de toute l’Europe.

222. En effet, pour qu’un jus commune puisse émerger, il fallait d’abord dépasser la territorialité des règles de droit, dues notamment à l’importance de la coutume, et la diversité des sources de droit278, malgré la portée du droit romain. Au Moyen-âge cohabitaient le droit romain, plus théorique que réellement appliqué, le droit canonique, qui s’imposait à tous les chrétiens d’Europe, et le jus commune, « système juridique forgé à partir des droits savants (mais aussi d’autres sources

276 « L’expression jus commune, souvent utilisée pour traduire cet empire du droit romain par-dessus les frontières, regroupe des réalités différentes, des degrés divers d’intensité de la réception Dans certaines parties de l’Europe, par exemple en Italie ou dans le sud de la France, le droit romain règle la plus grande partie des relations de droit privé, sans rencontrer d’obstacles importants de la part des droits territoriaux réduits à l’état de souvenir ou de portion congrue. Ailleurs le droit romain sert de toile de fond à un paysage juridique comportant des zones de résistance au droit territorial un peu plus importantes […] », Jean-Louis Halpérin, Histoire des droits en Europe, de 1750 à nos jours, Paris, Flammarion, 2004, p. 19

277 Bruno Oppetit, op. cit.

278 Jean-Louis Halpérin, « Jus commune : histoire et problématique », pensée juridique française et harmonisation

européenne du droit, sous la direction de Bénédicte Fauvarque-Cosson, Paris, Société de législation comparée,

136 parfois coutumières), que les juristes présentaient comme concernant tout l’Occident, même s’il n’était pas automatiquement applicable devant tout tribunal279 ».

2- La mise en évidence de principes communs

223. C’est pourquoi il semble difficile de soutenir que le jus commune fut plus qu’une méthodologie et avait atteint le statut d’ordre juridique positif.

224. Selon Monsieur Jean-Louis Halpérin, « le jus commune correspond certainement à une réalité de la science du droit : la notion, élaborée par les Glossateurs, a joué un rôle important dans la doctrine juridique du Moyen-âge et des Temps Modernes. De manière plus localisée, elle a continué à être utilisée au XIXème

siècle. Et même sa résurrection récente peut être analysée comme une preuve de sa place incontestable dans l’histoire de la pensée juridique ». Mais « pour ce qui est des règles de droit et de leur ancrage dans la société, l’existence du jus commune apparaît plus limitée dans l’espace et dans le temps »280. A son apogée, le jus commune n’a donc été qu’un droit supplétif susceptible281, d’ailleurs rapidement mis en difficulté par l’émergence, dès le XVIème siècle, du nationalisme juridique. L’apparition d’un droit national en France est ainsi attestée par l’Edit de Saint-Germain-en-Laye d’avril 1679 qui, dans son article 14, prévoit l’instauration dans les Universités d’un enseignement du droit français. Les juristes chargés de cet enseignement, tel Pothier à l’Université d’Orléans, ont donc dû dégager des principes communs aux diverses sources françaises du droit principalement les ordonnances royales et les coutumes. La