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À PROPOS DES PRÉJUGÉS

3. RÉFLEXION-DÉBAT DU JOUR 2 :

L'effet des institutions sur la structuration du clivage ethnique au Rwanda.

En ce deuxième jour du Colloque nous avons eu le privilège d'assister en groupe à l'ouverture officielle par le Général de brigade Amadou Toumani Touré, la présidente de la FIAU Monique Mujawamariya et le Conseiller en relations internationales membre du CA de FIAU, Hassan Bâ, en présence de représentants du Corps diplomatique du Mali, d'ONG locales et d'ONG internationales. Leurs discours empreints de sérénité, de lucidité et d'espoir, ont su émouvoir l'assistance et élargir les réflexions du débat.

La presse locale couvrait l'événement c'est-à-dire la radio, la télévision, les journaux et les agences de presse internationales. Nous avons eu l'occasion de voir un de ces reportages à la télévision d'État et une revue de presse de la couverture médiatique sera complétée ultérieurement.

Les institutions en jeu dans l'évolution du Rwanda vers des crises de gouvernance avec des débordements ethniques

SYNTHÈSE DU JOUR 2

Les facteurs externes en jeu dans le déclenchement des crises de gouvernance et leurs débordements ethniques

Les facteurs internes aux institutions

- le choix délibéré du pouvoir colonial des critères ethnistes dans le recrutement et la promotion au sein des institutions communes du pays (exécutif, législatif et judiciaire);

- la volonté politique affirmée du pouvoir colonial de ne pas faire accéder le Rwanda à une véritable démocratisation des institu-tions. Un des participants a annoncé au groupe qu'il était en possession d'un projet de démocratisation des institutions qui avait été élaboré mais que les Belges ont fait disparaître des documents de l'époque.

Ce document se trouve aujourd'hui en Allemagne;

- l'appui constant des forces extérieures à des régimes sans volonté politique de démocratisation des institutions;

- la substitution du concept de démocratie par la déculturation ou la création d'un vide culturel au sein de la société rwandaise;

Parmi les facteurs internes, le groupe cite notamment :

- la superstructure du pouvoir indéfinissable et incontrôlable, les institutions étaient alors une façade;

- le système en place, type d'oligarchie absolue, n'avait en tête que le modèle du roi;

- chaque pouvoir successif n'a trouvé de véritable justification que par la violence au détriment des populations;

- ces institutions paraissaient inadaptées par rapport à la mentalité du peuple rwandais qui restait de type monarchique.

On retrouve donc des institutions qui nient la valeur humaine, qui crée des catégories de sous-hommes.

On observe alors un pouvoir qui se considère comme absolu, qui refuse la société civile, où toutes les ONG sont récupérées par les détenteurs du pouvoir qui est monolithique, des politiques et coalitions.

Les objectifs de la légitimation institu-tionnelle des pratiques discriminatoires

Démarche chronologique de l'évolution des institutions vers des crises de gouvernance avec des débordements ethniques

Les objectifs :

- la “politique du ventre”, le pouvoir signifiant l'accès au valoir, à l'avoir et aux savoirs;

- massacres et génocide légitimaient le maintient du pouvoir :

- violations permanentes des droits de la personne humaine, clientélisme;

- exclusion de ceux qui n'appartiennent pas à ce cercle;

- impossibilité de cohabitation des Tutsi et des Hutu;

- système de parrainage mafieux (armée, akazu);

- utilisation systématique de l'arme de la diffamation pour éliminer les témoins gênants;

- maintenir la population dans l'insécurité physique et morale;

- pas d'autonomie et de séparation réelle du pouvoir.

- les régimes de 1959 à 1994 sont d'idéologie suprémaciste :

- la notion de légitimité est complexe;

1895 : Lutte fratricide entre deux clans dirigeants pour le contrôle du pouvoir royal avec élimination physique et systématique des présumés opposants à la nouvelle équipe dirigeante.

1920 : Imposition des travaux forcés à l'ensemble de la population suivie du départ en exil des Rwandais qui con-testaient ce système de corvées.

1931 : Première crise de gouvernance avec des débordements qui déboucha sur la monopolisation des institutions communes (exécutif, législatif et judiciaire) entre les mains d'une seule ethnie.

1934 : Institutionnalisation du clivage ethnique.

Attribution de l'ethnie à partir des critères physiques (taille, longueur du nez) et économiques (nombre de va-ches : 10 vava-ches et plus = Tutsi;

moins de 10 vaches = Hutu

Vulgarisation des théories ethniques et/ou raciales des ethnologues euro-péens.

- l'émergence d'une nouvelle classe politique n'ayant pas de caractère héréditaire c'est-à-dire en rupture avec la tradition de transmission héréditaire du pouvoir, du savoir et des richesses à travers les généra-tions;

- l'implantation d'une forme de démo-cratisation des institutions qui n'était pas adaptée à la réalité rwandaise et qui a bénéficié de l'appui de la communauté internationale et du monde des organi-sations non gouvernementales (ONG).

On assiste alors à la légalisation institutionnelle de la discrimination ethnique des institutions, l'interdiction des Tutsi dans les forces de sécu-rité, le port des cartes d'identité ethnique. On développe aussi l'esprit de clocher, minable, manipulable, le manque d'autocritique.

- la colonisation a eu des impacts dévasta-teurs sur la société rwandaise;

- à la fin des années 50, le roi était accepté mais les chefs étaient contestés;

- les Belges avaient instauré des travaux forcés qui ne plaisaient pas à la population.

1954 : Suppression de l'institution d'Ubuhake sans mécanisme de substitution.

Début d'une prise de conscience des Hutu des problèmes d'inégalités sociales entre les ethnies.

Début des revendications indé-pendantistes de l'élite Tutsi.

1959 : 1re crise de gouvernance avec des violences ethniques organisées.

1973 : Coup d'état militaire précédé des massacres ethniques organisé par l'élite dirigeantes.

1980 : Légalisation d'une pratique discri-minatoire appelée équilibre ethnique et régional au sein des institutions com-munes du pays.

1994 : Dernière crise de gouvernance ayant abouti au génocide d'une ethnie et aux massacres des opposants à l'élite dirigeante.

Conclusion sur l'effet des institutions du pays dans l'évolution du Rwanda vers des crises de gouvernance avec des débordements ethniques.

a) Quiconque gagne régularise et légalise de nouvelles institutions mais les degrés d'inégalité d'accès aux institutions communes ainsi que les formes d'expression de ces inégalités varient peu d'une époque à l'autre. Voici quelques éléments qui sont considérés par les participants comme des invariants ou des constantes dans le fonctionnement des institutions rwandaises et qui ont un rôle à jouer dans l'évolution du Rwanda vers des crises de gouvernance avec débordements ethniques :

- la force prime sur le droit c'est-à-dire que tout se passe comme si le pouvoir est au dessus du bien et du mal, que sa légitimité ne se discute pas et que ceux qui détiennent le pouvoir doivent se montrer aussi puissants que possible;

- les supérieurs sont inaccessibles c'est-à-dire que tout se passe comme si les su-bordonnés considèrent leurs supérieurs comme une catégorie de gens à part et que les détenteurs du pouvoir sont en droit d'avoir des privilèges;

- un conflit latent existe entre ceux qui ont le pouvoir et ceux qui ne l'ont pas, c'est-à-dire que tout se passe comme si la meilleure façon d'accéder à la hiérarchie des institutions communes est de renverser ceux qui détiennent le pouvoir;

- la participation des personnes ou des groupes sociaux exclus du pouvoir est difficile à obtenir à cause de leur manque de confiance dans les institutions communes monopolisées par les proches ou alliés de l'équipe dirigeante.

b) Avec les crises de gouvernance ayant des débordements ethniques, il y a absence de continuité dans les institutions communes. C'est ainsi qu'autour des années 60, comme beaucoup d'autres pays africains, le Rwanda a été secoué par une revendication démocratique majeure qui a transformé les institutions communes et remplacé l'élite monoethnique qui avait monopolisé la carte politique, économique et intellectuelle du pays.

À cette occasion, le groupe ethnique majoritaire sur le plan démographique, en s'appuyant sur l'Église et l'État colonial, a redéfini l'ethnie comme une entité politique pertinente dans l'accès aux institutions communes du pays. Le cadre de référence de ces institutions communes n'était pas prioritairement l'égalité des chances et la redéfinition civique des rapports sociaux entre Rwandais d'ethnies différentes mais la promotion d'une nouvelle élite monoethnique au détriment de l'ancienne élite.

c) La culture de l'impunité, de la terreur et de l'impuissance est un des outils institutionnels qui ont marqué l'évolution du Rwanda vers des crises de gouvernance avec des débordements ethniques.

Cette culture de l'impunité, de la terreur et de l'impuissance s'explique en partie par la perpétuation du modèle de monarque absolu, que les participants ont appelé “le modèle royal”, dans la gestion des institutions communes du pays.

Ce modèle de gestion des institutions communes du pays qui a marqué tous les régimes successifs se caractérise notamment par les éléments ci-après :

- les inégalités d'accès aux institutions communes se traduisent ultérieurement en inégalité de pouvoir et de richesse qui peuvent se transmettre à travers les générations.

Cet état de fait a été qualifié par les participants de “politique du ventre” dans la gestion des institutions communes;

- les subordonnés ont de forts besoins de dépendance vis-à-vis de leur supérieurs, ces derniers ont à leur tour de forts besoins de dépendance vis-à-vis leurs propres supérieurs. Cette situation de dépendance extrême a été qualifiée par les participants de

“système de parrainage mafieux” dans la gestion des institutions communes.

Cette culture de l'impunité, de la terreur et de l'impuissance s'explique également par des facteurs externes aux institutions propres à la société rwandaise. Un de ces facteurs déterminant a été sans conteste l'État colonial qui a créé ce que les participants ont qualifié de “déculturisation ou de vide culturel” en imposant de nouvelles institutions communes sans prendre suffisamment en considération les caractéristiques du milieu rwandais.

Cette déculturation ou vide culturel de la société rwandaise n'a pas favorisé l'émergence d'une organisation sociale privilégiant :

- une gestion du patrimoine commun qui mobilise et associe un maximum de personnes dans les institutions du pays;

- une gestion de partage et de mise en commun des privilèges, des gratifications et des profits liés à l'accès aux institutions communes du pays;

- une attitude de sensibilité envers la qualité de vie et le bien-être de tous les Rwandais quelle que soit leur appartenance familiale, régionale, ethnique;

- le recours à toutes les intelligences disponibles, en particulier celles des communautés de base, pour mieux faire face à la complexité des crises de gouvernance au Rwanda et leurs débordements ethniques.

Au contraire, le vide culturel créé par le contact avec la culture institutionnelle de l'État colonial a renforcé et perpétué la primauté de la force sur le droit c'est-à-dire la loi de la jungle qui s'est perpétuée à travers l'émergence d'une culture de l'impunité, de la terreur et de l'impuissance d'une population victime et otage de son élite. Dans cette primauté de la force sur le droit, qui gagne le pouvoir prend tout, celui qui le perd, perd tout, même sa vie.

d) Dans l'évolution du Rwanda vers des crises de gouvernance avec des débordements ethniques les facteurs internes à l'organisation sociale renvoient, en fait, à des facteurs externes plus ou moins masqués au départ. Et c'est ainsi que, par exemple :

- la monopolisation des institutions communes par l'élite Tutsi a été rendue possible par l'idéologie suprémaciste des ethnologues européens sur l'existence au Rwanda d'une race de l'époque d'aristocrates Tutsi nés pour commander et d'une race inférieure de roturiers Hutu nés pour servir.

- la monopolisation des institutions communes par l'élite Hutu de l'époque post-coloniale a été rendue possible par l'idéologie suprémaciste des politicologues européens sur la démocratisation des institutions communes. Dans cette démocratisation des institutions, l'accès du peuple majoritaire Hutu (un homme, une voix) aux secteurs-clés de la vie nationale devait se faire au détriment des autres ethnies taxées de minoritaires.

Une analyse de l'articulation entre facteurs internes et facteurs externes des crises de gouvernance avec des débordements ethniques est de ce fait indispensable si l'on veut éviter de prendre les effets pour les causes. Cette analyse à double intérêt :

- permettre de repérer les aspects du fonctionnement des institutions du pays les plus sensibles aux phénomènes extérieurs;

- permettre une prise de conscience du changement possible à l'intérieur des institu-tions communes en voyant les limites éventuelles dues aux facteurs externes dans

l'évolution du Rwanda vers des crises de gouvernance avec des débordements ethni-ques.

1. THÈME DE LA JOURNÉE :

Les représentations issues de notre histoire personnelle et de la mémoire collective qui colorent ou déforment, à notre insu, notre façon d'agir, de penser et de ressentir à l'égard des autres ethnies.

Notre façon d'agir, de penser et de ressentir à l'égard des personnes d'un ethnie différente est souvent le reflet des expériences heureuses ou moins heureuses que nous avons vécues avec quelques membres de cette ethnie. Elle est aussi en partie déterminée par les croyances, mythes, contes pour enfants, histoires, etc. véhiculées par notre milieu d'appartenance à propos de cette ethnie et que nous avons intériorisés tout au long de notre éducation.

Les expériences personnelles de même que les acquis de la mémoire collective sont en grande partie à l'origine de la vision que nous avons de nous-mêmes et des autres perçus et/ou vécus comme différents en fonction de leur groupe d'appartenance (famille, ethnie, formation politique, etc.)

Cette vision de nous-mêmes et des autres a un effet déterminant sur nos sentiments d'ouverture ou de rigidité à l'égard de la diversité ethnique rwandaise.

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