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À PROPOS DES PRÉJUGÉS

3. RÉFLEXION-DÉBAT DU JOUR 3 :

L'organisation et la conduite des crises de gouvernance avec des débordements ethniques.

Les principales crises de gouvernance avec des débordements ethniques

Le jour 3 était consacré aux réflexions-débats entourant les crises de gouvernance et leurs débordements ethniques. Dans la matinée, le groupe fut rassemblé en plénière afin de faire une mise au point sur le déroulement à ce jour des activités. Les participants ont été invités à faire part de leurs sentiments ou opinions sur des idées oubliées, des constats, et plusieurs ont profité de l'occasion pour s'exprimer. Comme de nombreux participants sont de l'extérieur du Rwanda, et que le ministre Charles Mwugande est disposé à le faire, l'animateur principal a demandé au groupe s'il souhaitait le rencontrer pour lui poser des questions sur divers sujets. Les partici-pants ont accepté cette démarche. La matinée fut donc consacrée au travail en ateliers. Après le déjeuner, le travail en plénière fut entrepris.

Les groupes ont identifié les principales crises de gouvernance et leurs débordements ethniques.

Deux principales ont été évoquées, la crise de 1959 et la crise plus récente aboutissant au génocide de 1994. Diverses interprétations furent fournies autour des faits connus, faits qui furent énumérés et analysés. Il faut également noter que des choses positives émergent des crises, notamment un nouvel accès à l'éducation, au pouvoir et aux ressources des Hutu avec la révolution de 1959 et la rentrée des réfugiés Tutsi au pays après 1994.

La journée fut suivie d'une visite au marché et un cocktail pour l'ensemble du groupe à la résidence de l'Ambassadeur des États-Unis au Mali et ancien Ambassadeur au Rwanda;

monsieur David Rawsen.

Synthèse des réflexions-débats

Dans les principales crises de gouvernance ayant connu des débordements ethniques, le jeu des acteurs évolue en fonction d'une certaine dynamique. Dans ce sens, tout crise de gouvernance avec des débordements ethniques peut être considérée comme un mouvement dans lequel des tactiques d'acteurs vont apparaître, des coalitions se former et se défaire, des positions changer et des ajustements se faire.

Le tableau qui va suivre donne quelques exemples de la dynamique des acteurs dans les principales crises de gouvernance qu'a connues le Rwanda depuis Rucunshu jusqu'à nos jours.

Rucunshu vient pour illustrer le cas d'une crise de gouvernance où les débordements touchaient une partie de l'élite appartenant à la même branche ethnique que la nouvelle équipe dirigeante.

SYNTHÈSE DU JOUR 3

1895 :Rucunshu 1931 :La tutelle du Mwami par la puissance coloniale et l'Église catholique

1959 :La révolution sociale

1 la stratégie utilisée = l'affrontement

Le tandem Kabare - Kan-jogera, en désaccord avec la désignation de Ru-talindwa à la tête du pays, choisit l'épreuve de force.

Il critique la décision prise et use de son pouvoir pour s'y opposer en cherchant éventuellement à rallier d'autres acteurs plus indécis.

2. Objectifs de la crise

- Installation d'un pou-voir clanique dont la d'intimidation des can-didats concurrents ou opposants à la nouvelle élite dirigeante.

1 La stratégie utilisée = l'affrontement

Le tandem État colonial -Église catholique, en désac-cord avec l'attitude de Mu-singa vis-à-vis du christia-nisme et de la culture euro-péenne en général, choisit de le remplacer par son fils Rudahigwa. Des coalitions se font entre l'Église, l'État colonial et l'élite Tutsi pour monopoliser les pouvoir entre les mains de l'élite Tutsi.

2 Objectifs de la crise

- installation d'un pou-voir colonial fort dont la légitimité ne se dis-cute pas;

1 La stratégie utilisée = l'affrontement

Le tandem État colonial -Église en désaccord avec forment entre l'Église, l'État colonial et l'élite Hutu pour monopoliser le pouvoir entre les mains de l'élite Hutu.

2 Objectifs de la crise

- installation d'un pou-voir monoethnique Hutu fort dont la légiti-mité ne se discute pas;

- contrôle des institutions ou opposants à la nou-velle élite dirigeante.

1973 :Hégémonie de la puissance militaire 1994 :Crise sociétaire ayant abouti au génocide

1 La stratégie utilisée = l'affrontement

Le tandem Élite et officiers Hutu du Nord, en désaccord avec la politique régionaliste et les ambitions de Kayibanda de briguer un nouveau mandat décide de prendre le pouvoir par les armes.

2. Objectifs de la crise

- installation d'un pouvoir monoethnique et régional Hutu fort dont la légitimité ne se discute pas;

- contrôle des institutions communes du pays à travers des techniques rôdées d'intimidation physique, d'intimidation et de condamnation extrajudiciaires des candidats concurrents ou opposants potentiels à la nouvelle élite dirigeante.

1 La stratégie utilisée = l'affrontement

Le tandem du FPR et l'élite des Réfugiés rwandais, en désaccord avec la politique de Kigali leur refusant le droit au sol rwan-dais, choisit la solution militaire pour imposer son droit à la terre. Des coalitions se forment entre le FPR, l'élite des réfugiés et les partis d'opposition pour le partage de pouvoir entre les diverses formations politiques reconnues.

2 Objectifs de la crise

- renversement ou maintien en place d'un pouvoir monoethnique

- contrôle des institutions communes du pays à travers des techniques rôdées de guérilla, d'élimination et de condam-nation extrajudiciaires des candidats concurrents ou opposants potentiels à la nouvelle élite dirigeante.

3 Les agents de la crise - la famille Kabare et ses

alliés de l'Élite Tutsi du clan des Bega

- les milices fidèles à Kabare et à sa soeur la reine-mère Kanjogera.

4 Les groupes sociaux victi-mes et otages de cette crise - holocauste de la famille entière de Rutalindwa et amis fidèles qui s'ensevelirent sous les me-nace permanente finit par jeter Musinga sous la protection de l'État colonial

3 Les agents de la crise - l'État colonial par la

voix du gouverneur qui annonce à Rudahigwa que par désignation du roi des Belges, c'est lui qui est le Mwami du Rwanda

- l'évêque du Rwanda, Mgr Classe, qui lui désigne le titre de règne correspondant à la règle dynastique du pays.

4 Les groupes sociaux victi-mes et otages de cette crise - destitution du Mwami chrétien et prêt à colla-borer à une véritable tornade de l'Esprit saint : élite et paysans se convertirent à la reli-gion catholique et le Rwanda fut consacré au Christ

- déportation du roi déchu et de toute sa famille qui lui était res-tée fidèle.

3 Les agents de la crise - l'État colonial en la

per-sonne du colonel Logiest

- l'Église catholique en la personne de Mgr

4 Les groupes sociaux victi-mes et otages de cette crise - destitution et exil du

Mwami régnant

- holocauste de l'élite Tutsi et du milieu de Tutsi qui furent con-traints à l'exil pour échapper à une mort certaine

- élimination progressive des Tutsi des postes de décision dans les insti-tutions communes du pays

3 Les agents de la crise

- la famille Habyarimana et ses alliés de l'élite Hutu du Nord

- les officiers Hutu du Nord - l'armée fidèle à Habyarimana

4 Les groupes sociaux victimes et otages de cette crise

- destitution et mise en résidence surveil-lée du président renversé jusqu'à ce que mort s'ensuive

- assassinat de l'élite dirigeante Hutu fidèle au président déchu

- élimination progressive de l'élite Hutu du Sud des postes de décision dans les institutions communes du pays

3 Les agents de la crise

- la famille Habyarimana et ses alliés de l'élite Hutu

- les milices et les jeunes interahamwe - la garde présidentielle et les militaires

fidèles à Habyarimana

- le FPR et ses alliés de l'opposition intérieure.

4 Les groupes sociaux victimes et otages de cette crise

- assassinat du président au pouvoir - génocide des Tutsi et tueries massives

des opposants Hutu suspects d'allé-geance au FPR

- départ en exil de millions de Hutu - représailles à l'encontre des Hutu

accu-sés de complicité avec les auteurs du génocide

Conclusion des réflexions-débats

Sans aller dans les détails, les participants ont formalisés les principaux constats qui se retrouvent dans les diverses crises de gouvernance au Rwanda et leurs débordements ethniques.

1er constat : Au départ de toute crise, il y a un conflit latent entre ceux qui détiennent le pouvoir et ceux qui veulent le conquérir.

On retrouve donc à la base de chaque crise deux groupes qu'on peut appeler : “le groupe des opposants” et le “groupe des fidèles à l'élite qui détient le pouvoir”.

Chaque groupe est composé de plusieurs personnes ayant en charge le contrôle du pouvoir en place. À la tête de chaque groupe, quelqu'un exerce le rôle d'animateur ou de leader du groupe. La composition du groupe est souvent monoclanique ou monoethnique mais dans tous les cas le groupe est exclusivement composé des fidèles à la cause de l'animateur ou leader du groupe.

2e constat : Au fur et à mesure de l'évolution de chaque crise, le groupe qui veut accéder au pouvoir présente des revendications qui se heurtent au manque d'ouverture du pouvoir en place. Des coalitions apparaissent qui cherchent à rallier des acteurs indécis. Parmi les techniques utilisées pour rallier les indécis, les participants au Colloque ont notamment cité : la manipulation de la population et son conditionnement à une obéissance aveugle, ainsi qu'à l'impuissance face au crime à travers :

- des techniques d'intimidation (arrestations arbitraires, exécutions extrajudi-ciaires, massacres sélectifs et systématiques);

- des techniques de persuasion négociée (utilisation des médias pour diaboli-ser l'adversaire, corruption, privilèges, etc.);

- radicalisation des positions (cristallisation des revendications sur base clani-que, ethniclani-que, régionale, etc.), suspension des partis politiques ou de la Constitution, création des milices comme machines à tuer, comportement ambigu et double langage de la part des animateurs ou leaders à la base de la crise sur le terrain.

3e constat : L'issue de toutes les crises de gouvernance avec des débordements ethniques est un affrontement entre deux noyaux durs qui veulent contrôler le pouvoir. Le prix humain de cet affrontement est très élevé mais, en même temps, difficile à évaluer sur le plan tant individuel que collectif. Les exemples ci-après ne sont donnés qu'à titre indicatif pour illustrer les conséquences qui sont communes à toutes les crises de gouvernance ayant connu des débordements ethniques :

- mort inexpliquée ou exil des chefs d'État qui détenaient le pouvoir au mo-ment de la crise et de ses proches. Un nombre impressionnant de victimes, de veuves, d'orphelins et de réfugiés;

- peur et méfiance entre les descendants des victimes et bourreaux;

- banalisation et utilisation de la violence organisée (guerre, répression, tortu-re, etc.) pour accéder ou se maintenir au pouvoir, etc.

- impunité permanente et légalisation des crimes commis pour se hisser ou se maintenir au pouvoir. Tout se passe comme s'il y avait des lois et règlements spécifiques aux crimes commis par les vainqueurs et d'autres qui ne s'appliquent qu'aux crimes commis par les vaincus;

- renforcement continu du fossé créé entre les ethnies par les principales crises de gouvernance au Rwanda et leurs débordements ethniques.

1. THÈME DE LA JOURNÉE :

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