• Aucun résultat trouvé

À PROPOS DES PRÉJUGÉS

3. RÉFLEXION-DÉBAT DU JOUR 4 :

Les réflexions-débats du jour 4 avaient pour finalité de se donner un cadre de référence commun qui guiderait les participants dans le choix des actions à entreprendre pour vivre ensemble harmonieusement.

Certains repères civiques communs ont requis l'adhésion de tous les participants et ont guidé leurs réflexions-débats sur ce que devraient être les relations entre citoyens rwandais dans les différents secteurs de la vie publique et de la vie ordinaire dans sa quotidienneté.

Pour établir ces repères civiques, les participants au Colloque se sont appuyés sur le principe commun suivant : au-delà de nos différences sociales, ethniques et autres, nous adhérons à la même communauté nationale et devrons accepter de participer en toute égalité à un devenir commun. À partir de ce principe commun, trois volets ont retenu l'attention des participants, à savoir :

Les choix de société pour rebâtir ensemble l'avenir du Rwanda

SYNTHÈSE DU JOUR 4

- les préjugés comme fondements du mal rwandais;

- la société et l'État comme lieu d'expression de ce mal;

- et l'individu comme acteur (une personne qui agit) et sujet (une personne qui subit) du mal rwandais.

Les participants au Colloque estiment, en effet, que le Rwanda est une société dont les préjugés ont été utilisés comme cheval de bataille par des idéologies ethnistes dans le seul but de conquérir ou de conserver le contrôle du pouvoir.

Les préjugés font partie intégrante de l'héritage linguistique et culturel du peuple rwandais. Le problème du mal rwandais n'est pas l'existence de ces préjugés mais leur utilisation néfaste par les stratégies de la manipulation dans un contexte de crise de gouvernance avec des débor-dements ethniques.

Mais pour les participants au Colloque, les préjugés ne sont pas les seuls éléments en cause dans le mal rwandais. La société rwandaise dans son ensemble vue dans son fonctionnement et ses institutions communes, doit se donner un ensemble de valeurs fondamentales devant guider l'État dans ses actions d'encadrement technique et politique de la population.

Les choix de société et les actions de l'État devraient consacrer le principe de la primauté de la loi. Cette obligation qu'aurait l'État de se conformer à ses propres lois marquerait une limite fondamentale de son pouvoir de vie ou de mort et constituerait l'un des critères essentiels définissant le fonctionnement des institutions communes du pays.

Par ailleurs, en tant que citoyens, nous avons tous des devoirs et des responsabilités à l'égard des droits et des principes généraux sur lesquels nous allons nous appuyer pour rebâtir ensemble l'avenir du Rwanda.

Les éléments qui vont suivre sont des principes fondamentaux choisis par les participants du Colloque pour rebâtir ensemble l'avenir du Rwanda.

Principe fondamental

Principe fondamental commun #1 : Lutter contre les préjugés ethniques ou racistes qui vont à l'encontre du principe d'égalité en valeur et en dignité avec son corollaire la non-discrimination Les inégalités entre les ethnies rwandaises dans l'accès aux institutions communes doivent être très sensiblement réduites.

La société rwandaise et particulièrement l'État doivent considérer ses citoyens comme égaux en valeur et en dignité, quelle que soit leur origine ethnique. Ce droit à l'égalité est fondé sur le prin-cipe de la non-discrimination qui doit être la pierre angulaire du système social à rebâtir ensemble.

Il y a discrimination ethnique lorsqu'une personne fait l'objet d'une exclusion ou d'une préférence à cause de son appartenance à une ethnie. Mais au-delà des comportements individuels discriminatoires, il faut enrayer des règles et des pratiques institutionnelles qui empêchent les membres d'une ethnie donnée d'accéder à certains emplois ou à certains services de la vie nationale.

En tant que citoyen, nous avons le devoir et la responsabilité humaine de combattre le racisme, l'ethnicisation des institutions communes et la discrimination sur toutes ses formes.

Principe fondamental commun #2 :Promouvoir une culture et un contrôle démocratique des institutions basés sur la compétence et le respect du droit à la sécurité des personnes et des biens Le droit doit primer sur la force : ainsi l'utilisation du pouvoir et de la force n'est légitime que pour faire le bien et non le mal.

Le droit à l'égalité entre les ethnies du pays et son corollaire le principe de non-discrimination doivent être à la base de la jouissance du droit à la sécurité que le pouvoir et la force de l'État doivent garantir à tous les citoyens rwandais quelles que soient leurs appartenances ethnique, régionale, familiale, politique, idéologique etc.

Actions à mener

1 Élaboration par les institutions significatives de socialisation (famille, école, Église, médias, mouvements et association des jeunes, etc.) doivent élaborer des programmes d'éducation et de formation visant à :

- désamorcer les complexes de supériorité et d'infériorité entre les ethnies rwandaises;

- combattre les préjugés ethniques faisant partie de l'héritage linguistique et culturel de la société rwandaise;

- réintroduire les préjugés valorisants ou positifs de la culture traditionnelle du Rwanda comme le rire destiné à détendre les rapports humains et à transformer les préjugés négatifs par l'humour.

2 Détribaliser les institutions communes du pays ainsi que la vie quotidienne des Rwandais : - en se mobilisant pour le dialogue entre les diverses composantes de la société rwandaise

(éviter le monologue à deux);

- en luttant contre la vision dichotomique de la société rwandaise la bipolarisation Hutu/Tutsi ou l'ethnicisation de la communauté rwandaise s'inspirant des théories ethniques ou racistes des ethnologues du début de la colonisation;

- en cultivant par l'exemple les valeurs porteuses d'espoir;

- en reconnaissant qu'il n'existe pas de cause hutu ou tutsi ainsi que l'existence des personnes qui ne se retrouvent pas dans cette catégorisation Hutu/Tutsi.

3 Le pouvoir et les institutions communes du pays doivent prévoir des mécanismes de répression contre tous les hymnes à la haine et tous les cultes à la violence organisée (guerre, répression, idéologie ethniste ou raciste, quel que soit le statut social des personnes concer-nées ou leur position hiérarchique dans les rouages du pouvoir.

4 Les détenteurs de pouvoir de décision, les leaders d'opinion, les membres influents, les leaders de groupe de pression, etc. doivent se mobiliser pour :

a) Déraciner les causes qui entretiennent ou perpétuent :

- la culture de l'impunité des crimes commis pour conquérir ou se maintenir au pouvoir;

Principe fondamental

Le droit à la sécurité vise à protéger la vie, l'intégrité physique, la vie privée de la personne, sa réputation et ses biens matériels. L'utilisation du pouvoir et de la force est légitime dans la mesure où ils protègent le citoyen rwandais contre toute atteinte ou violence physiques : génocide, exécution extrajudiciaire, mutilation, torture, viol, arrestation arbitraire, mauvais traitements, entrave à la liberté de mouvement, etc. En utilisant le pouvoir et la force pour exclure toute forme de violence ou de menace de violence, la société rwandaise en général et les institutions communes vont obliger les citoyens rwandais à régler leurs conflits de pouvoir ou autres par des moyens pacifiques tels que la négociation, la médiation, la conciliation ou l'arbitrage. La loi et les règlements allant dans ce sens du droit à la sécurité des personnes et des biens doivent s'appliquer à tous, de la même façon. Il est inacceptable que les détenteurs du pou-voir puissent bénéficier des privilèges leur permettant de faire une entorse au droit à la sécurité des personnes et des biens.

Principe fondamental commun #3 :Inventer un projet de société et de reconstruction nationale tenant compte du principe de la solidarité en ce qui concerne les ressources limitées du pays, l'accroissement démographique du peuple rwandais et les exigences préalables au retour des réfugiés.

Les principes d'égalité et de sécurité doivent rendre possible l'expression de la solidarité.

Cette solidarité doit être une force et une richesse de la société rwandaise. Elle devrait permettre à tous les Rwandais de participer à la vie collective du pays en s'épaulant les uns les autres dans leur originalité et leur différence. En s'appuyant sur le principe de solidarité, on peut généralement trouver des solutions mutuellement acceptables.

Le Rwanda doit devenir dans les faits une société dont les citoyens partagent un patrimoine commun. Dans le passé, l'accès aux bienfaits du patrimoine commun (pouvoir, savoir et richesse) a souvent été le privilège d'une élite monoclanique ou monoethnique qui détenait le pouvoir. Mais avec le temps et les drames successifs qu'a connus le peuple rwandais dans son ensemble, notre image du patrimoine commun doit être revue.

Actions à mener

- la culture du terrorisme des institutions communes à l'égard de la population et son corollaire la culture de l'impuissance du peuple rwandais face au terrorisme du pouvoir.

b) Exiger l'application du principe de primauté de la loi comme règle d'or ou règle standard (personne n'est au-dessus de la loi).

c) Casser le noyau dur des extrémismes de tout bord :

- en encourageant les leaders conséquents et consistants qui veulent rebâtir ensemble l'avenir du Rwanda sur des bases nouvelles :

- en dénonçant la globalisation criminelle d'une ethnie donnée en départageant les responsabilités en rapport avec le génocide contre les Tutsi 1994 et les actes de représailles à l'encontre des Hutu accusés de complicité avec les auteurs du génocide;

- en donnant des informations objectives sur les actes de bravoure des Rwandais qui ont transcendé le clivage Hutu/Tutsi au moment du génocide et des massacres collectifs de 1994.

5 En tant que citoyen rwandais, nous avons tous, chacun à son niveau de responsabilité, des devoirs et des responsabilités dans la définition d'un projet de société inclusif et solidaire destiné à :

- lutter contre la peur, le doute, la méfiance et la haine de l'autre en cultivant des sentiments d'ouverture à l'autre, quelles que soient ses positions idéologiques ou son origine;

- rendre possible la recherche sur l'histoire, les créations artistiques et littéraires, les initiatives économiques et sociales allant dans le sens de la solidarité collective du peuple rwandais;

- offrir une oreille attentive à ceux qui souffrent et à faire une lecture courageuse des événements tragiques qui ont endeuillé le pays. La société rwandaise dans son ensemble doit avoir, par principe, un devoir de solidarité collective à l'égard des personnes menacées dans leur bien-être économique et/ou social.

- encourager les Rwandais à se réapproprier leur héritage commun à travers la recherche historique ou des créations artistiques et scientifiques sur le Rwanda.

Principe fondamental

On peut même se demander si la réflexion sur la notion du patrimoine commun ne nous amènerait pas à revoir l'enseignement de l'histoire du Rwanda c'est-à-dire les héritages historiques, culturels, religieux, économiques, scientifiques et techniques que les générations passées ont légué à leurs descendants.

En présentant de manière exacte la contribution historique des Rwandais de toutes origines, l'histoire pourra peut-être faciliter le développement d'une plus grande solidarité entre les Rwandais, le développement d'une plus grande ouverture aux autres et le sentiment d'une appartenance commune.

Principe commun fondamental #4 :Promouvoir la démocratisation de la politique, le droit à l'expression ainsi que la liberté d'association politique en mettant un accent particulier sur la reconnaissance et respect du pluralisme

Les principes fondamentaux d'égalité, de sécurité et d'égalité doivent être à la base du principe du pluralisme qui implique la reconnaissance de la différence qu'elle soit d'ordre politique, idéologique, ethnique, régional, familial, physique, intellectuel, etc.

La seule présence au Rwanda des Hutu, des Tutsi et des Twa, des catholiques et des protestants, des hommes et des femmes, etc. en fait une société pluraliste.

Cette diversité existe et il faut composer et vivre avec. Le principe politique du pluralisme exige donc qu'une majorité (politique, démographique, etc.) veille, dans ses décisions, à ne pas empêcher certains citoyens rwandais, appartenant à une minorité (politique, démographique, etc.) ou partageant certaines caractéristiques (des femmes par exemple), d'exercer librement leur choix en toute égalité.

Le respect des exigences du pluralisme devrait garantir l'égalité entre Rwandais malgré leurs différences ou leur appartenance particulière. Pour rebâtir ensemble l'avenir du Rwanda, le pluralisme doit être un principe fondamental de redistribution du pouvoir et non un aspect secondaire de la démocratisation des institutions. Il exige non seulement que tous les Rwandais bénéficient des garanties fondamentales de protection de leurs droits, mais également que le pouvoir législatif lui-même soit tenu de respecter ces garanties lorsqu'il fait des lois.

Actions à mener

Les détenteurs de pouvoir de décision, les leaders d'opinion, les membres influents, les leaders de groupe de pression doivent se mobiliser pour promouvoir un contrôle démocratique des institutions communes du pays dans le but de :

- favoriser un feed-back permanent entre la base et le sommet en ce qui concerne la reconnaissance et le respect des droits fondamentaux;

- promouvoir les traditions démocratiques dans les institutions communes du pays;

- favoriser l'implantation d'un état de droit qui accepte la contradiction;

- faciliter un dialogue constructif entre les Rwandais vivant à l'intérieur du pays et ceux qui vivent à l'étranger en vue d'éviter le piège de la diabolisation des uns et des autres;

- mettre en place des mécanismes de protection contre les idéologies ethnistes des extrémistes ainsi que des mécanismes de prévention contre des crises de gouvernance ayant des débordements ethniques fratricides;

- encourager la démocratisation de la société à travers un débat de la société à travers un débat populaire national et un débat entre intellectuels.

1. THÈME DE LA JOURNÉE :

Un défi à relever : l'implantation d'une culture de la paix et de la non-violence dans les changements de gouvernance au Rwanda.

Même s'il n'y a pas de recette pour enrayer à jamais les crises de gouvernance et leurs débordements ethniques, il doit exister bien des voies pour mieux intégrer la formation à la paix et à la non-violence dans les changements de gouvernance.

L'implantation et la perpétuation d'une culture de la paix et de la non-violence doit permettre aux Rwandais de modifier leurs façons d'agir, de penser et de ressentir en ce qui concerne la confiance accordée à l'autre (perçu comme différent de par son appartenance) et les intentions qu'on lui prête dans ses stratégies d'accéder au pouvoir, au savoir et à l'avoir.

2. QUESTIONS SERVANT DE FIL CONDUCTEUR DE LA JOURNÉE :

En quoi une culture de la paix et de la non-violence peut-elle contribuer à enrayer pour toujours les crises de gouvernance avec des débordements ethniques ?

Documents relatifs