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POUR UNE RÉFLEXION ÉPISTÉMOLO GIQUE DE LA POSITION DE CHER-

Dans le document Écritures en chemin (Page 150-153)

CHEUR

L

E CHERCHEURapprend à observer une situation

en développant ses capacités d’analyse objec- tive tout en sachant que la véritable objectivité n’existe pas, car tout agent social est situé dans un groupe. Par exemple, c’est seulement en «objecti- vant sa propre position que le chercheur peut insti- tuer une distance par rapport aux dépendances qui le contraignent sans qu’il le sache, et ainsi, pratiquer le “désenchantement émotionnel” qui sépare le savoir scientifique des “représentations immédiates, des préjugés spontanés”. »1

Norbert Elias nous rappelle que si nous voulons comprendre les problèmes de la sociologie, nous de- vons être capables « de prendre mentalement nos dis-

tances avec nous-même et de nous percevoir comme un homme parmi d’autres.2 » C’est en ce sens que le

concept de distanciation proposé par ce sociologue est très important. Nous pouvons nous percevoir, « sur

les marches de l’escalier en colimaçon de la conscience individuelle » 3 comme un être humain

parmi d’autres et comme un élément d’un ensemble plus vaste, la société.

Pour observer une réalité sociale, le chercheur doit apprendre à se distancier. Il ne doit pas être pris dans les rets de la subjectivité. Mais cette position de cher- cheur en sciences humaines est très difficile car ce sujet est un être humain influencé inconsciemment par toutes les idées qui influencent son imagination, sa manière de penser, les mots qu’il choisit pour dé- crire une situation. En fait, les normes de la vie so- ciale sont incorporées dans nos habitus singuliers. Aussi, le sujet qui effectue une recherche sur un thème qui affecte un très grand nombre d’êtres hu- mains ne doit pas oublier qu’il est lui-même l’un d’entre eux et qu’il est fortement lié au réseau des in- terdépendances réciproques qui lient les individus.

La pensée, « cette manipulation muette des sym-

boles sociaux » 4est une chose apprise. Elle participe

du processus d’évolution sociale de l’enfant vers l’âge adulte. Tout ce que nous pensons comme évi-

Chemins de formation

dent, comme allant de soi, comme notre manière d’observer ou d’écouter, de porter un jugement sur une situation ne sont que des comportements appris lors de la période de socialisation. Un adulte a « une

capacité générale de synthèse, c’est-à-dire de mise en relation des événements. Mais toutes les liaisons spécifiques qu’il établit et tous les concepts qu’il uti- lise, en correspondance avec elles, lorsqu’il parle et que nous réfléchissons » 5sont le résultat de l’appren-

tissage et de l’expérience. Il est en mesure de « savoir

qu’il possède un savoir, d’observer sa propre faculté d’observation et la façon dont elle s’exerce. »6Il peut

réfléchir et aussi se regarder comme élément d’un ensemble plus vaste, agissant dans différentes confi- gurations.

Des études sociologiques empiriques très précises permettraient d’observer « les processus d’évolution

sur de longues périodes et d’éviter de se perdre dans des modèles sociaux saturés d’idéologie. »7Norbert

Elias nous rappelle que nous avons besoin « d’un sa-

voir sur le monde qui soit aussi réaliste que pos- sible » 8pour éviter les idéologies ou les faux espoirs.

Il a choisi la sociologie « parce qu’elle promettait de

dévoiler de nombreuses mythologies. »9C’est en ce

sens qu’il définit le sociologue comme un chasseur de mythes. Il voulait « lever le voile des mythologies

qui occultent notre vision de la société. »10

Le rôle du sociologue est de décrire ou d’expliciter les faits, la manière dont les sujets sociaux « vivent et

interprètent leur rapport au monde. »11Nous devons

considérer « les phénomènes sociaux comme des

choses détachées des sujets conscients. »12Tout tra-

vail de recherche doit être validé par une vérification

empirique. La sociologie a la mission de « s’attacher

à découvrir le fonctionnement des lois qui détermi- nent l’évolution »13de la société. La mission de la re-

cherche sociologique est d’essayer de rendre les pro- cessus sociaux « plus accessibles à l’entendement

humain. »14 La compréhension de ces mécanismes

pourrait permettre aux êtres humains « de s’orienter

dans le réseau des interpénétrations créées par leurs actions et leurs besoins. »15

LYLIANEGENDRE16

1. René Chartier, Avant-propos à engagement et distanciation, Norbert Elias, Fayard, 1993, p. 4.

2. Norbert Elias, Qu’est-ce que la sociologie ?, Agora Pocket, 1993, p. 7.

3. Norbert Elias, Norbert Elias par lui-même, Trop tard ou trop

tôt, Agora Pocket, 1995, p. 166.

4. Norbert Elias, Engagement et distanciation, p. 80. 5. Norbert Elias, Du temps, Fayard, 1996, p. 45. 6. Norbert Elias, La société des individus, p. 148.

7. Norbert Elias, Norbert Elias par lui-même, Trop tard ou trop

tôt, Agora Pocket, 1995, p. 164.

8. Norbert Elias, Norbert Elias par lui-même, Agora Pocket, 1995, 186 pages, p. 50.

9. Norbert Elias, ibid., p. 50. 10. Norbert Elias, ibid., p. 50.

11. Nathalie Heinich, La sociologie de N. Elias, Collection « Repères », La Découverte, 1997, p. 114.

12. Émile Durkheim, Les règles de la méthode sociologique, Quadrige, Presses Universitaires de France, 1997, p. 27.

13. Norbert Elias, Qu’est-ce que la sociologie, Agora, Éd. Poc- ket, 1996, p. 38.

14. Norbert Elias, La société des individus, ibid., p. 189. 15. Norbert Elias, ibid., p. 189.

16. DEA de sociologie.

BIBLIOGRAPHIE

NORBERTELIAS, Du temps, Fayard, 1996.

NORBERTELIAS, Norbert Elias par lui-même, Agora

Pocket, 1995.

NORBERT ELIAS, Qu’est-ce que la sociologie ?,

Agora Pocket, 1993.

NORBERT ELIAS, La Société des Individus, Éd.

Fayard, 1994.

NORBERT ELIAS, Engagement et Distanciation, Éd.

RELATIONS

ENTRE CONSTRUCTION DE SAVOIRS

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