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DÉTOUR ET AUTONOMISATION

Dans le document Écritures en chemin (Page 155-158)

« Paradoxes de difficultés d’apprentissage de la lecture aux cycles 2 et 3 de l’école élémen-

taire »

Directrice de thèse : Martine Lani-Bayle (Nantes). Membres du jury : Jean-Louis Le Moigne (Aix en

Provence), Philippe Meirieu (Lyon-Lumière), André De Peretti (Paris), Dominique Violet (Bordeaux).

Nantes, novembre 2000.

Il s’agit d’une recherche réalisée par un rééducateur en psychopédagogie, travaillant au sein des Réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED) à l’école élémentaire. Dans son cursus, les cycles 2 et 3 (répartis sur six années) représentent les stades d’acquisition, pour l’élève, des codes gra- phiques, de leurs symboliques et de leurs règles d’utilisation en vue de progresser vers des apprentis- sages plus complexes. Entre l’âge de 5 et 7 ans (cycle 2), on privilégie la maîtrise de l’acte lexique (règles et codes de la langue écrite) et l’accès aux premières formes de manipulation sur les quantités codifiées. Puis entre l’âge de 8 et 10 ans (cycle 3), l’élève est invité à perfectionner ces savoirs dits « fondamen-

taux », par l’appropriation d’outils qui lui permet- tront de rendre opératoires, analytiques et formelles, ses utilisations combinées des langages graphiques. Cette période de six années voit ainsi le complexe cheminement de la pensée opératoire vers la pensée formelle, telles que les a définies Jean Piaget. Tra- vaillant depuis dix années – en tant que maître spé- cialisé, à dominante psycho-cognitive, puis comme maître spécialisé à dominante psycho-affective – sur les processus en jeu dans l’apprentissage de la lec- ture, Marc Chatellier a voulu interroger le caractère parfois paradoxal de certaines difficultés pointées par les professionnels de l’institution scolaire.

Les différents regards portés sur l’apprentissage de la lecture à l’école élémentaire renvoient au pre- mier abord une image éclatée, confuse. La variété des discours et des pratiques (enseignants, ensei- gnants spécialisés), l’écart qui bien souvent sépare ces deux ordres de réalité, rendent délicate la com- préhension de la problématique de la difficulté d’ap-

prentissage de la lecture, rencontrée par certains su- jets-apprenants. Avec ces élèves, les pratiques de re- médiations (appelées AIS : Adaptation et Intégration Scolaire) empruntent à des stratégies diversifiées : in- dividualisées et/ou différenciées, rééducations mo- trices, cognitives et/ou psycho-affectives. Cepen- dant, toutes montrent leurs limites, interrogent les compétences des professionnels et partant, freinent la capacité de la communauté enseignante à interroger ses pratiques. On constate en effet que certains su- jets-apprenants répètent leurs difficultés comme au- tant de résistances à l’intelligence normée, défiant à leur manière et dans leur langage, les logiques d’ap- prentissage et de remédiation proposées par l’institu- tion. Tout se passe comme si ces sujets se détour- naient des « parcours pensés comme les plus directs » (ceux que la structuration logique des opérations co- gnitives est censée véhiculer et construire sens) pour affirmer, à travers des situations d’échec, leur para- doxale autonomie. Pour de tels sujets-apprenants, re- connus comme non déficients cognitifs et non-dys- harmoniques sur le plan affectif, les dispositifs d’aides spécialisées adaptatives mises en place à l’école élémentaire, depuis février 1990, sont des lieux d’émergence du paradoxe des difficultés d’ap- prentissage de la lecture, formellement différentes et singulières pour chaque sujet, et pourtant structurel- lement identiques du point de vue dynamique.

À partir de ce constat, une triple réflexion théo- rique est développée : sur un plan épistémologique et phénoménologique, l’exposé considère les phéno- mènes complexes en jeu dans l’interaction entre su- jets (enfant-élève, enseignant, parents) lors de l’ap-

prentissage de la lecture ; sur un plan conceptuel il analyse, selon la théorie des systèmes vivants auto- référentiels, l’articulation en boucle étrange entre schèmes opératoires, figurations symboliques et pro- cessus désirant ; enfin sur le plan institutionnel et pragmatique, il développe une approche centrée sur l’écoute des sujets, favorisant l’entrecroisement de deux formes de discours : celui des adultes (parents, maître de classe) et celui du sujet-apprenant (conscient/inconscient).

Une démarche clinique, basée sur l’intrication

Chemins de formation

étroite des deux statuts a priori séparés que consti- tuent pratiques d’enseignant spécialisé et chercheur en sciences de l’éducation, se montre alors le fil conducteur du développement du travail de la thèse. L’exploration en direction de cinq sujets-apprenants – signalés par un discours qui stigmatise la ou les dif- ficulté(s) –, est effectuée selon une approche métho- dologique croisée : d’un côté on considère, en réfé- rence au cadre éthno-méthodologique du récit de pratique, le discours conscient du sujet (le su) sur ses propres difficultés, et l’on mesure son caractère opé- ratoire de construction-déconstruction à un niveau métacognitif ; de l’autre, on mesure, en référence au cadre psychanalytique, les effets de l’écoute rééduca- tive sur la remise en circulation chez le sujet de son désir (l’insu), pour l’abduire comme fondement de l’articulation entre figurations symboliques, schèmes opératoires et processus désirant.

Le modèle développé emprunte alors à la notion

de hiérarchie enchevêtrée et de dialogie. Exposé sous la forme du détour :

– il témoigne d’un « dire à son insu » chez l’élève ; – il procède d’une signification (ou ensemble de si- gnifications) visant à la cohésion du sujet désirant – distinction fondamentale avec la notion piagétienne de sujet épistémique – plutôt qu’à sa cohérence logique ;

– il questionne la notion d’autonomie face aux concepts d’adaptation et d’accommodation cogni- tives.

Outre qu’un tel modèle interroge les notions de re- présentations et de discours institutionnels sur la structuration cognitive des apprentissages, les inves- tigations théorico-pratiques d’une telle enquête ques- tionnent, dès lors, la pragmatique de l’aide spéciali- sée et celle de la communication au sein de l’école. Partant, elles interrogent le socle théorique de la for- mation initiale des enseignants.

Dans le document Écritures en chemin (Page 155-158)