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Chapitre 2 : Les fonctionnalités des supports d'enquêtes

2.1 Les trois fonctions des supports spatiaux des données de mobilité

2.1.3 Les référentiels de localisation

Nous nous sommes mis dans la peau d'un utilisateur de données et nous avons mis en lumière le besoin de disposer de données de mobilité sur des supports répondant aux besoins d'analyse. Un utilisateur peut seulement agréger les données sur des supports alignés à celui de diffusion et donc agrandir les espaces d’analyse. Ceci ne permet pas de répondre aux objectifs du Grenelle de l'Environnement. Les utilisateurs attendent une réponse de la part des producteurs de données. La construction de données zonales représentatives de leur espace nécessitant de connaître à l'avance les critères d'analyse des utilisateurs. Auparavant les besoins exprimés par les collectivités territoriales pouvaient être satisfaits avec des supports alignés à leurs limites administratives. Pour des besoins différents, la solution proposée est un support régulier avec un certain nombre d'indicateurs pouvant être agrégés. Pour autant, le problème de l'agrégation demeure. Nous présentons ici le cas de l'agrégation des variables de localisations. Un support assurant exclusivement la fonction de localisation et de mesure des distances est utilisé. Ce référentiel de localisation est plus fin que le support de base de tirage. Puis ces mesures sont diffusées par l’intermédiaire d'un support plus grossier, la base de tirage diffusable.

Le référentiel de localisation est le dispositif géographique qui permet de localiser les observations et en particulier les origines et destinations des déplacements. Les référentiels peuvent être de plusieurs ordres. La localisation la plus fine est apportée par un support spatial ponctuel repéré dans l'espace par une adresse postale, des coordonnées GPS ou issues d'un positionnement par antennes GSM. Elle peut être obtenue également par un zonage fin comme le code postal au Royaume Uni ou en Amérique du Nord, ou le carroyage utilisé par l'Enquête Globale Transport d’Île-de-France (EGT). En effet, contrairement aux enquêtes Ménages-Déplacements, l'EGT utilise un support de recueil des origines-destinations très fin. Les origines et destinations des déplacements sont récoltées sur un support carroyé de 100m

recouvrant toute l’Île-de-France48. Les observations sont localisées sur ce support et la

représentativité statistique est assumée à l'échelle du support de tirage. Sur la carte 15 nous avons pu représenter les distances d'accès à vol d'oiseau aux stations de transport en commun des déplacements domicile-travail. L'EGT a fourni les points de passage des trajets composant les déplacements. A l'aide de ces informations, le praticien peut, par exemple, effectuer des analyses sur les aires de rabattement à une échelle fine.

Mais de manière générale l'information sur les distances est difficile à collecter, l'EGT est un cas particulier. De plus, la précision des réponses des enquêtés varient selon les modes de transport. Les voitures ont un compteur mais pour les transports en commun et les autres modes les distances ne peuvent pas être demandées aux enquêtés. Lorsque nous ne disposons pas des distances parcourues ou si le référentiel de localisation est grossier nous devons effectuer des mesures de distances après coup. Il faut alors avoir une méthode pour

48 Les enquêtes Globale Transport antérieurs à 2010 ont un référentiel de localisation moins fin, de l'orde de 300m.

calculer ces distances a posteriori (Gascon, 2009). Le Certu propose de calculer les distances à posteriori à partir des centres des zones du référentiel de localisation49 mais sans connaître

les barycentres des origines ou des destinations. Ce qui pose des biais d'agrégation. « En pratique, la longueur d’un trajet sera supposée égale à la distance entre les zones fines origine et destination du trajet en considérant que les extrémités de ce déplacement sont situées en un point unique par zone : leur centroïde » (Gascon, 2009,p.12)

La documentation ajoute que l’estimation des distances réellement parcourues peut être réalisée selon plusieurs modes opératoires et donnent des résultats légèrement différents : - « si les distances sont estimées à partir des longueurs à vol d’oiseau [...] le passage aux distances parcourues se fait à l’aide de coefficients correcteurs forfaitaires voisins de 1,3 » - « si les distances sont estimées à partir de l’utilisation d’un Système d'Informations Géographiques (comprenant des recherches d’itinéraires) et d’une base de données routières, les résultats obtenus sont plus proches des distances réellement parcourues car la méthode intègre directement les réseaux de voirie »50

-« dans le cas où un modèle de prévision de trafic est utilisé, les résultats sont les plus proches de la réalité car les réseaux de voirie et le comportement des usagers sont pris en compte. » En effet, le modèle prend en compte la congestion contrairement à l'utilisation des distances dites à vides par les SIG51.

Les opérations de mesure des distances sont cruciales pour répondre aux enjeux climatiques. A l'aide de la longueur des déplacements parcourus nous pouvons estimer la consommation d'énergie et les émissions de polluants. « Les premiers travaux de calcul des émissions de CO2 à partir d’une EMD ont été réalisés par l’INRETS dans les années 1990 à

travers l’élaboration de BEED (Budgets Énergie Environnement Déplacements) sur plusieurs agglomérations françaises (Gallez et Hivert, 1998) »,(Bouzouina, Quetlard et Toilier, 2013, p.10). Pour le trafic automobile, il est appliqué un coefficient d'émissions de GES en fonction de certains critères : vitesses, cylindré des véhicules, la norme et le type de carburation, démarrage à froid, etc. Les coefficients d’émissions sont issus de programmes de

49 Dans la méthodologie standard « Certu » le référentiel de localisation est appelé zones fines. 50 Les indicateurs en lien avec la distance proposée par le rapport du groupe Francis Cuillier est le

distancier INRA Odomatrix. C'est un distancier de chef-lieu de commune à chef-lieux de commune.

51 Notons qu'une mesure de distance à l'aide d'un SIG en ayant au préalable calibré des vitesses sur le graph routier revient à faire de la modélisation de trafic.

recherche européens nommé COPERT (Ntziachristos et Samaras, 2000). Les coefficients sont appliqués à la longueur des déplacements. La mesure des distances peut être effectuée de plusieurs manières. Gallez et Hivert ont d'abord mesurés les distances rectilinéaires aux centroïdes des zones du référentiel de localisations des EMD. Plus récemment, Hivert, Nguyen, Merle et al (2014) mesurent la distance sur le réseau de transport à l'aide d'un système d'information géographique. Ces méthodes de mesures de distance a posteriori posent cependant un problème de précision car la localisation fine des origines-destinations n'est pas connue. Cette localisation est un identifiant de zone, qui est approximée par un point central pour le calcul des distances (le point central est au choix : le centre géométrique, le chef-lieux (mairie), etc). Or ce point peut introduire un biais s'il n'est pas confondu avec le barycentre des observations (illustration 16).

Les mesures des distances sont dans tous les cas dépendantes de la finesse du support de localisation. Et plus le référentiel de localisation est fin moins le biais d'agrégation est grand. Si l'enquête EGT a un support de 100m, c'est rarement le cas des autres EMD.

En dépit de la finesse du référentiel de localisation il faut se méfier de la ré- agrégation des indicateurs. En effet, il faut par la suite agréger sur des supports homogènes selon le critère d'accessibilité pour offrir une donnée représentative. Il faut diffuser les mesures de distances sur des territoires ayant les mêmes accessibilités (homogène en termes de distances et/ou de temps de déplacements). En reprenant l'illustration 15 des aires de rabattement, nous remarquons que si nous construisons un indicateur de distance moyenne d'accès aux stations de transport par secteur de tirage la moyenne des distances peut ne pas être représentative des secteurs de tirage. Les moyennes peuvent ne pas être représentatives car le taux d’échantillonnage est trop faible et l'agrégation rassemble des observations au sein de territoires dont les comportements sont en réalité hétérogènes.

Nous en avons terminé avec la présentation des différentes fonctions que doivent assurer les supports de l'information géographique. Nous remarquons que les trois fonctions à remplir ne convergent pas toujours vers le choix d'un même support.

-les supports d'analyses doivent répondre à des questions diverses. Dans une démarche descriptive, ils peuvent seulement être construits par agrégation. Pour faire des analyses fines il faut recourir à de la modélisation, selon l'exemple des modèles de trafic.

-le support de base (production-diffusion) doit permettre de produire des échantillons représentatifs au sein des zones (le premier critère est généralement la localisation au lieu de résidence).

-le référentiel de localisations doit être le plus précis possible pour mesurer avec précision les distances.

Nous allons maintenant montrer comment ces fonctions sont remplies dans le cas d'enquêtes à faibles effectifs et dans celui du recensement de la population à fort taux d'échantillonnage.