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Comment produire des couples origines-destinations domicile-travail

Chapitre 1 : Des données pour répondre aux changements de paradigme des

1.3 Élargir l'éventail des données pour répondre aux nouvelles questions

1.3.3 Comment produire des couples origines-destinations domicile-travail

fines ?

Les données décrites dans le fichier MOBPRO ont pour supports géographiques les communes de résidence et d'emploi. Nous proposons de ventiler les lieux de résidence et d'emploi à l'intérieur des communes pour produire un fichier « synthétique ». L'idée n'est pas de retrouver les localisations réelles des ménages enquêtés, mais de conserver les répartitions des données attributaires à l'intérieur des communes. A partir de l'échantillon du recensement nous allons redistribuer les observations dans tout le territoire des communes afin de disposer d'une exhaustivité spatiale. Dès lors nous pourrons effectuer des analyses de mobilité sur des territoires plus fins que la commune en choisissant le support le plus adapté au problème. Les couples domicile-travail sont dits synthétiques parce qu'ils sont issues d'un processus de construction mathématique. Ce processus modélise à des degrés de complexité divers la répartition à grande échelle des lieux de résidence actifs, de leur lieu de travail et du choix du mode de transport, dont le fichier MOBPRO donne la répartition au niveau communal, avec la précision de son taux de sondage.

Ce travail de ventilation à une échelle plus fine rappelle les travaux sur l'inférence écologique (ecological inference) de Gary King (King, 1997). L'inférence écologique consiste à reconstruire des attributs individuels (ou à un niveau plus fin) à partir d'observations agrégées. La méthode peut amener à faire des erreurs ou des amalgames si l'on ne contrôle pas bien la relation entre les supports géographiques. L'exemple célèbre est de déduire faussement à partir d'effectif de criminels et d'étrangers, la proportion des criminels étrangers et nationaux. L'erreur écologique (ecological fallacy) a été bien identifiée (Visser, 1994) (Freedman,1999) (Kousser, 2001).

Afin d'éviter ce type d'erreur Gary King propose de se servir des méthodes de l'analyse spatiale (Crawford et Young, 2004) et notamment la régression multiple géographiquement pondérée. Pour chaque zone à l'intérieur des communes nous allons appliquer des coefficients pondérateurs. Comme nous traitons de données de mobilité, donc de couples origines- destinations, nous devrons effectuer une régression multiple pondérée géographiquement pour les origines et une pour les destinations, tout en préservant le lien d'interdépendance entre ces localisations.

Pour construire ces coefficients nous allons nous servir de données de contrôle externes au recensement. Nous allons tirer ces données de contrôle de la structure spatiale à grande échelle des lieux de résidence et d'emploi obtenues par d'autres sources. C'est l'utilisation de données de contrôle qui va permettre de modéliser l'organisation interne des communes. Une des limites de ces méthodes est toutefois leur méthode de résolution. Nous utilisons des tirages de Monte-Carlo et il est difficile de valider les agencements de localisations produits. La solution proposée est de ré-agréger les couples origines-destinations synthétiques produits par cette ventilation spatiale à un niveau un peu plus grossier que les données de contrôle mais plus fins que les communes. Nous espérons ainsi retrouver la représentativité statistique et contrôler les risques d'erreur écologique. De cette manière, nous espérons construire une matrice de déplacement domicile-travail sur un support suffisamment fin pour effectuer des analyses de mobilité telles que le demande le nouveau paradigme des politiques de transport et de mobilité durable. Une question est de déterminer de quelle résolution spatiale nous avons besoin en matière de mobilité. Ceci fait l'objet du deuxième chapitre.

Conclusion du premier chapitre

Dans le contexte du développement durable, nous assistons à un changement de paradigme des politiques de transport. Ce changement de paradigme nécessite des données plus précises géographiquement et offrant une information riche sur les profils socio- économiques. En effet, la mobilité des individus évolue en fonction d'une dynamique diffusante des lieux de résidence et d'une dynamique focalisante des lieux de travail. La technologie des transports a permis à ces dynamiques de suivre pendant plusieurs décennies ces chemins opposés mais portés par la croissance économique. Or aujourd'hui, il apparaît depuis bientôt deux décennies que cette croissance n'est pas durable et que le transport contribue trop au changement climatique. Le changement de paradigme imposé par les politiques de facteur 4 nécessite l'abandon de l'amélioration de l'accessibilité par l'augmentation des vitesses pratiquées par les voitures. L'amélioration de l'accessibilité doit être ciblée sur les modes et une organisation des transports les moins consommateurs en énergie fossile. Les nouveaux objectifs de politiques de transport doivent également tenir compte des logiques de choix résidentiel et des stratégies de localisation des activités. Elles conduisent à formuler une demande nouvelle d'information fine sur la mobilité et les territoires à laquelle les dispositifs de la statistique publique ne peuvent pas répondre. Pour disposer de données fines sur la mobilité il faudrait beaucoup augmenter leur taux d'échantillonnage et ce n'est pas possible financièrement.

De nouvelles sources d'information issues des gestionnaires des infrastructures de transport et de télécommunication apparaissent. Leur principal inconvénient est qu'il leur manque une base socio-économique représentative. Elles apportent néanmoins des connaissances sur les variations temporelles. L'avenir paraît au croisement des sources de données. Nous proposons d'asseoir les opérations de couplage de données en s'appuyant sur une source de référence socio-économique pourvue d'un support géographique adaptable et modifiable à volonté, pas trop petit cependant pour conserver une certaine robustesse. Les données de mobilité du recensement offre une information sur les profils socio-économiques mais ont un support spatial trop grossier (le support communal). Nous proposons donc de construire une telle base en produisant un fichier de couples domicile-travail synthétiques localisées le plus finement possible grâce à des méthodes d'inférence écologique contrôlées par des sources à grande échelle.

De cette manière, nous proposons de répondre au besoin de données dans le contexte du développement durable non pas en produisant de nouvelles enquêtes de terrain mais en travaillant sur les supports des données d'enquêtes. Un support est un outil conceptuel dont la résolution conditionne la richesse des analyses. Notre travail de raffinement des données du recensement a pour objectif d'améliorer la finesse des analyses descriptives des territoires. Toutefois, les supports de données remplissent d'autres fonctions. Dans le prochain chapitre nous allons voir qu'effectivement les données sont produites, diffusées, et analysées à l'aide de plusieurs supports et dans certains cas un même support rempli toutes ces fonctionnalités. Nous allons donc observer en quoi les différentes fonctionnalités des supports interagissent entre elles et conditionnent les analyses descriptives.