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PARTIE III : ATTEINTE DES FAISCEAUX DU LANGAGE ET PRONOSTIC

3.1.2. Récupération de l’aphasie après un AVC

La récupération de l’aphasie semble dépendre des facteurs indépendants des sujets, comme la sévérité des déficits phasiques et la taille de la lésion, et des facteurs dépendants des sujets, comme l’âge, le sexe, la latéralité et le status éducatif et professionnel.

3.1.2.1. Facteurs indépendants

La récupération spontanée d’une aphasie, tel que pour les autres déficits entraînés par l’AIC, semble maximale dans les premières semaines qui suivent l’infarctus puis décroit

Les études suggèrent que la rapidité de récupération de l’aphasie est inversement proportionnelle à sa sévérité. En effet, l’étude de PEDERSEN et al. (1995)119, fait sur un cohorte de 881 patients post AIC, montre que à l’admission il y avait 38% de patients aphasiques, dont 18% l’étaient toujours à la fin de la prise en charge. Dans cette étude la stabilisation du trouble phasique dépendait de la sévérité initiale, ainsi pour les patients avec une aphasie légère, modérée et sévère, elle était observée après 2, 6 et 10 semaines post-AVC, respectivement. A 6 mois, 54% des patients présentant initialement une aphasie légère avaient complètement récupéré, contre seulement 8% des aphasiques sévères.

Bien que la gravité initiale de l’aphasie était indiquée comme le facteur pronostic essentiel, les données suggèrent que l’évolution spontanée pourrait dépendre du type d’atteinte. Les données de LASKA et al. (2001)120, montrent que à 18 mois, 24% des 119 patients aphasiques évalués avait récupéré complètement (70% en cas d’aphasie légère), 43% conservaient un trouble phasique et 21% étaient décédés. Le pourcentage d’aphasie globale passait de 25% à la phase aiguë à seulement quelques pourcents à 18 mois. De même, la proportion d’aphasie de Wernicke passait de 25 à 10%, alors que celle d’aphasie de conduction augmentait de 13% à 23%, mais vers une forme moins sévère. Cependant, DEMEURISSE et al. (1980)121, n’ont trouvé aucune différence dans la récupération des aphasiques de Broca et de Wernicke, bien que tous les patients avec ces types de déficits présentaient une amélioration plus grande que les aphasiques globaux.

Même si quelques études (LASKA et al. (2001)120 et PEDERSEN et al. (2004)122) décrivent une évolution ordonnée selon le type d'aphasie, PEDERSEN et al. 2004122, suggèrent que cette dernière ne permet pas de prédire le degré de récupération sans considérer la gravité de l’aphasie.

Les données montrent que tous les aspects du langage présentent un certain degré de récupération spontanée. Cependant, ils ne sont pas proportionnels entre eux. En effet, LOMAS et KERTESZ (1978)123, ont étudié la récupération spontanée chez 31 patients aphasiques. A 3 mois, quel que soit le type d’aphasie, tous les composants du langage avaient progressé, mais surtout la compréhension orale. A l’inverse, la fluence verbale et la dénomination étaient moins sensibles à la récupération spontanée. Au-delà de cette phase de récupération spontanée, l’évolution de l’aphasie dépendrait essentiellement de la réponse à la rééducation, notamment orthophonique.

La présence des troubles sévères apparaît comme un facteur de mauvais pronostic vital. LASKA et al. (2001)120, à 18 mois post-AVC, ont rapporté une mortalité deux fois plus importante chez les aphasiques par rapport aux non-aphasiques. La mortalité était d’autant plus élevée quand l’aphasie initiale était sévère. Ainsi, PEDERSEN et al. (1995)119, à 6 mois post-AVC, ont rapporté une mortalité 3 fois supérieure chez les patients avec une aphasie sévère, par rapport à ceux avec une aphasie légère (Figure 25).

Figure 25 : Le rapport de l'aphasie entre l’admission et le suivi à 6 mois, dans l’étude de PEDERSEN et al. (1995)119.

De même, la présence des troubles de compréhension apparaît comme un facteur de mauvais pronostic fonctionnel. PAOLUCCI et al. (2005)124, ont classé 240 patients aphasiques post-AVC en 3 groupes, selon leur présentation clinique initiale : non-aphasiques, aphasiques avec trouble de la compréhension et aphasiques sans trouble de la compréhension. Bien que tous les patients bénéficiaient de la rééducation, les patients avec troubles de la compréhension avaient à la fin de la prise en charge un bénéfice sur leur autonomie (mesurée sur l’indice de Barthel) 4 fois plus faible que les autres, aphasiques ou non.

Un autre facteur indépendant qui peut influencer la récupération de l’aphasie est la taille de la lésion. FRIDRIKSSON et al. (2002)125, ont trouvé que celle-ci n’était pas corrélée aux scores obtenus avec le Bedside Evaluation Screening Test et le Boston Naming Test. Toutefois, les patients avec des grandes lésions étaient plus susceptibles d'avoir une aphasie sévère, que les participants ayant des scores plus faibles (à 1 mois post-AVC). Cependant, NAESER et al. (1998)126, ont rapporté une corrélation négative

significative entre la taille de la lésion des patients et leurs scores de dénomination (BDAE) à < 16 mois (r : -0.60 ; p<0.05) et à > 4 ans (r : -0.821 ; p<0.01). En plus, les données de NAESER et al. (1987)127, montrent qu’il y avait une corrélation significative entre la compréhension du langage (Token Test (r :-0,96 ; p<0.001) ; BDAE Z score (r :-0,92 ; p<0.001) ; Identification des parties du corps (r :-0,93 ; p<0.001)) et la quantité de lésion du lobe temporal dans l'aire de Wernicke. Il n'y avait pas de corrélation significative entre la compréhension et la taille totale de la lésion. Les patients présentant des lésions conservant au moins la moitié de l'aire de Wernicke (n=5) avaient une bonne compréhension à 6 mois post-AVC. Les patients présentant des lésions dans plus de la moitié de l'aire de Wernicke (N=5) avaient une mauvaise compréhension, même un an après l’AVC.

3.1.2.2. Facteurs dépendants

Les facteurs influant sur le degré de récupération, comme l’âge et le sexe, ont été également étudiés, mais les résultats obtenus sont controversés. L’influence du sexe a été étudié par BASSO et al. (1982)128, qui ont trouvé que les femmes avaient une récupération significativement plus haute que les hommes dans l'expression orale (p<0.05), mais pas dans la compréhension auditive. Cependant, cette étude était faite avec des patients aphasiques de diverses étiologies (pas seulement des AVC), et en plus, les femmes évaluées avaient une aphasie moins sévère à l’admission, par rapport aux hommes. D'autres études ont trouvé que le sexe n'avait pas d'influence sur la récupération du langage des patients victimes d’AVC119.

En ce qui concerne l’âge, une étude réalisée par LASKA et al. (2001)120, a rapporté une plus grande amélioration chez les patients plus jeunes (âge moyenne 69 années (56 ± 79 ans) ; p<0.01). Cependant, PEDERSEN et al. (1995)119, ont trouvé que l’influence de l’âge sur la récupération était minime.

Les données de SANTOS-LASAOSA et al. (1999)129, suggèrent que l'âge avancé des patients (n=288) était un des indicateurs indépendants de mauvais pronostic, à 90 jours post-AVC (p=0.006). Les patients avec un meilleur pronostic avaient un âge moyen de 69.7 ans (±12.02), par rapport aux 73.9 ans (±10.02), qui avaient une mauvaise fonctionnalité.

Le rôle de la latéralité est encore discuté, mais les données suggèrent qu’elle n’a pas d’influence sur le degré de récupération. L’étude rétrospective de BASSO et al.

(1990)130, montre qu’il n’y avait pas de différence significative dans l’évolution des patients aphasiques droitiers (n=12) et gauchers (n=12) appariés. A la fois, PEDERSEN et al. (1995)119, ne trouvent pas une relation significative entre la latéralité et la récupération des patients aphasiques post-AVC.

D’autres caractéristiques individuelles des sujets, comme leur statut éducatif et professionnel prémorbide, semblent avoir une corrélation avec la sévérité initiale de l’aphasie. En effet, CONNOR et al. (2001)131, ont rapporté dans un cohorte de 39 sujets, que celle-ci était sensiblement plus élevée chez les sujets avec des niveaux éducatifs et professionnels plus faibles (r :0.39 ; p<0.05). Toutefois, le taux de récupération (la pente de la courbe de récupération) était le même quelque fut le statut éducatif ou professionnel (Figure 26).

A la fois, GONZÁLEZ-FERNÁNDEZ et al. (2011)132, ont étudié 173 patients aphasiques post-AVC et ont constaté que les patients avec 12 années ou plus d’éducation avaient moins d’erreurs dans des tâches de compréhension auditive et écrite, dénomination écrite, lecture, et épellation orale et écrite, à 24 heures post-AVC. Ces résultats suggèrent que le temps d’éducation rend l’accès aux formes écrites du langage moins vulnérable, après une lésion.

Figure 26 : Sévérité de l’aphasie pour les personnes de status socio-économique (SES) élevé et faible, à 4 et 103 mois post-AVC. La gradation de l’Aphasia Severity Rating Scale est inversement proportionnelle aux déficits (CONNOR et al. (2001))131.

En conclusion, la récupération de l’aphasie semble dépendre fondamentalement de sa sévérité initiale et probablement de la taille de la lésion, car l’influence des autres facteurs, tels que le type de déficit, le genre, l’âge, et la latéralité est encore controversée.