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PARTIE II : ATTEINTE DU FAISCEAU CORTICOSPINAL ET PRONOSTIC

2.2.5. Atteinte du faisceau corticospinal

2.2.5.1 Rappel anatomique : le faisceau corticospinal

Dans le cerveau humain, le faisceau corticospinal (FCS) est le faisceau neural le plus important pour la fonction motrice, par conséquent la préservation ou le rétablissement du FCS est obligatoire pour une bonne récupération chez les patients atteints d'un AVC, spécialement pour la fonctionnalité de la main et le mouvement des doigts avec un contrôle moteur fin29.

Quand l’AVC a affecté le système Pyramidal, les patients habituellement manifestent une hémiparésie controlatérale73. Les composants qui peuvent produire une déficience motrice comprennent entre autres au niveau cortical : le cortex moteur primaire (M1), le lobe pariétal, le cortex pré-moteur, et l'aire motrice supplémentaire (SMA).

Le système Pyramidal, appelé ainsi parce que ses axones atteignent les pyramides bulbaires, est formé par les voies Corticobulbaire et Corticospinale, dont les origines se situent dans le cortex cérébral ou néocortex73. Le FCS provient d'un vaste territoire

cortical y compris le cortex somatosensoriel et pariétal, mais la plupart des fibres dérivent des aires motrices primaires et pré-motrices74.

Le FCS est la plus grande connexion entre le cortex moteur et la moelle épinière, et conduit des informations entre les structures corticales supérieures et les motoneurones commandant la motricité volontaire des bras, des jambes et du torse (Voir la Figure 20). Les fibres qui proviennent de M1, situé dans le gyrus precentral, représentent seulement entre 30 et 60% de toutes les fibres corticospinales. 30% des fibres proviennent du PMC, et de la SMA. Toutes ces fibres sont impliquées dans la régulation de l'activité musculaire. Mais il y a des fibres qui proviennent d'autres zones du cerveau, comme le cortex sensoriel primaire et secondaire (aire associative), qui ne commandent pas la fonction motrice, mais qui régulent la transmission des stimuli sensoriels75.

Figure 20 : Faisceau Corticospinal dès le cortex à la moelle épinière (NETTER (2002). Modifié)77.

La composante precentrale du FCS naît dans le gyrus precentral dans l'aire de Brodmann 4 (BA 4). Dans la pratique clinique, le cortex moteur primaire a été traditionnellement considéré comme une aire exécutive des mouvements volontaires

simples, envoyés via le FCS aux muscles individuels. Cependant, les études de cartographie du cerveau humain, suggèrent que BA 4 participe à des processus de plus grande complexité, telles que les séquences complexes de mouvement des doigts, la structuration spatio-temporelle de l'activité musculaire, la planification des mouvement, l'apprentissage de la dextérité manuelle et la rotation mentale d'objets76.

Après la naissance corticale depuis de chacun des hémisphères, les fibres qui forment le FCS convergent dans la Corona Radiata et descendent pour le bras postérieur de la capsule interne (PLIC) et le pédoncule cérébral, puis croisent au niveau des pyramides bulbaires, et forment des contacts monosynaptiques avec les motoneurones de la corne antérieure de la moelle épinière74.

Dans la moelle épinière 70-90% des axones croisent d’un coté à l’autre

(« décussation des pyramides »), pour descendre par le cordon latéral, le reste continue

au long de la moelle épinière comme le FCS direct (cordon ventral). Le FCS direct mène l'information des représentations corticales du cou, des épaules et du tronc, en innervant des muscles posturaux, pour l'ajustement bilatéral nécessaire lors du déplacement des segments du corps. Le FCS croisé mène l'information des membres75.

Approximativement, la moitié des axones qui décussent constituent le FCS croisé. L'autre moitié est distribuée par la formation réticulaire du bulbe rachidien, en formant la composante corticobulbaire du système pyramidal73.

2.2.5.2 Atteinte du faisceau corticospinal dans l’AVC et corrélats anatomiques

Après l’avènement des méthodes de DTI, il est possible d’étudier l’intégrité des faisceaux de substance blanche, en utilisant des paramètres comme la fraction d’anisotropie (FA) et la diffusivité moyenne (MD). Ces paramètres peuvent être corrélés à d’autres mesures cliniques ou d’imagerie, afin de mesurer leur impact sur le déficit et la récupération ultérieure.

Les études montrent que, après un AVC, la diminution de la FA du FCS ipsilésionnel est due probablement à la fois :

• à une dégénérescence axonale et à une gliose primaire (dans la zone de lésion) ; et • à une dégénérescence secondaire (à distance de la lésion, la dégénérescence

La FA réduite du FCS ipsilésionnel est associée à une diffusivité radiale élevée, ce qui suggère que la perte d'intégrité de l’axolemme et/ou de la gaine de myéline contribuent à la réduction de l’anisotropie29.

Les études cliniques avec l'IRM ont rapporté une relation directe entre le degré d'atteinte du FCS et la déficience du membre supérieur controlatéral post-AVC74.

Après l’AVC, l'intégrité des voies de substance blanche peuvent être affectées localement et à distance de la lésion primaire. Il a été montré que la perturbation des voies est associée avec le degré de déficience fonctionnelle des patients et la réponse à la thérapie de rééducation.

Dommages directement dus à la lésion

Il est difficile de séparer les dommages directement dus à la lésion primaire de ceux dérivés de la dégénérescence Wallérienne, car cette dernière commence peu de temps après l’AVC, et la plupart des études sont réalisées après ce délai. En effet, les données de COLEMAN et al. (1998)20, montrent que les événements précoces de la dégénérescence Wallérienne pourraient débuter moins de 24 heures après l’AVC. Néanmoins, le degré de l’atteinte directe, ischémique du faisceau corticospinal joue un rôle dans le potentiel de récupération. Ainsi dans l'étude de ROSSO et al. (2010)78, la baisse de l’ADC (témoin quantitatif de la sévérité de l’ischémie 24 heures après l’AVC) du faisceau corticospinal était le meilleur prédicteur d’imagerie du devenir fonctionnel des patients à 3 mois post l’AVC (p=0.001).

Dans une autre étude réalisée à la phase subaiguë (dans les 3 premiers jours post l’AVC), le degré d’intégrité du faisceau corticospinal était associé à la récupération des patients. NELLES et al. (2008)79, ont trouvé que l’interruption des fibres du faisceau, évaluée par la tractographie, était négativement corrélé avec le score moteur à 3 mois post-AVC (p=0.01, Kendall ), alors que la taille de l'infarctus n'était pas corrélée.

Ces deux études montrent que dès la constitution de l’infarctus le degré d’atteinte du faisceau est corrélée à la récupération à long terme des sujets.

Dommages liés à la dégénérescence Wallérienne

La dégénérescence Wallérienne est une dégénérescence neuronale progressive secondaire à une lésion qui provoque l’interruption entre l'axone et le corps

central, habituellement dans un délai de 24 heures après la lésion, et comprends la désintégration du cytosquelette axonal, la rupture de la membrane axonale, ainsi que la décomposition de la gaine de myéline20.

La FA et les valeurs de diffusion (ADC, MD, 1, 2 et 3) sont influencées par plusieurs facteurs, y compris la myélinisation, le diamètre, la densité et la cohérence d'orientation des axones. Après un AVC, on peut trouver une diminution progressive de la FA au long du FCS au-dessous de la lésion primaire, ce qui refléterait la perte de l'intégrité axonale due à la dégénérescence Wallérienne29. Comme les axones dégénèrent, les structures environnantes et les gaines de myéline sont également perdues, ce qui théoriquement produit une plus grande diminution du volume globale de la substance blanche, par rapport à la substance grise80.

La physiopathologie de la dégénérescence Wallérienne montre que, pendant les premiers jours post-AVC, la perte des structures axonales peut entraîner une diffusion moins restreinte dans l'orientation perpendiculaire à la direction principale des fibres et, par conséquent, une augmentation des valeurs de diffusivité radiale, 2 et 3, et une diminution de la valeur de diffusion axiale, 1. La désintégration des structures axonales augmenterait la diffusivité perpendiculaire à la direction de la fibre ( 2 et 3), alors que la désintégration de la membrane myélinique et les débris cellulaires créeraient des nouvelles barrières de diffusion, conduisant à une diminution de la diffusivité parallèle à la direction de la fibre principale et un 1 réduit81.

D'un point de vue clinique, le degré de dégénérescence Wallérienne est inversement proportionnel au degré de récupération des patients victimes d’AVC61. Les résultats de l'étude de LIANG et al. (2007)82, montrent que, au cours de la récupération neurologique, la dégénérescence secondaire dans le faisceau de fibres au-dessus et au-dessous de la lésion primaire persiste et s’aggrave. La dégénérescence secondaire (diminution des valeurs de FA) est associée avec le pourcentage de variation des scores NIHSS (dessus (-0.47 ; p=0.04) et au-dessous (-0.51 ; p=0.03) de la capsule interne) et du Fugl-Meyer (au-dessus (-0.56 ; p=0.02) et au-dessous (-0.68 ; p=0.01) de la capsule interne). Ce phénomène peut être vu même au-delà de 12 semaines après le début de l'AVC. Dans l'étude de THOMALLA et al. (2004)81, ont été détectés des changements de diffusion liés au commencement d'une dégénérescence Wallérienne du FCS dans les 2 premières semaines post-AVC. Les mesures de fraction d’anisotropie, de diffusivité axiale ou

radiale étaient corrélées avec les performances motrices, mesurées par l’échelle NIHSS, au moment de l'examen (-0.748 ; p=0.020) et à 3 mois post-AVC (-0,692 ; p=0.039). Par contre, la corrélation entre les paramètres de la DTI (ratio FA= FCS lésé/FCS sain) et le score du Motricity Index qui était significative au moment de l’examen (0.740 ; p=0.023), ne l’était plus avec le score réalisé 3 mois plus tard. Cette différence est peut être liée au fait que le Motricity Index contient des items plus complexes sur le membre supérieur (flexion-extension de coude et préhension manuelle) que celles de l’échelle NIHSS (tenir la position de l’épaule à 90º pour quelques secondes). Il n’en reste pas moins que, même si la dégénérescence Wallérienne est un phénomène « secondaire », elle pourrait affecter les possibilités de récupération des patients.