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PARTIE II : ATTEINTE DU FAISCEAU CORTICOSPINAL ET PRONOSTIC

2.2.3. Facteurs liés à la lésion qui influencent la récupération

2.2.3.1. Le volume de la lésion

Une étude a révélé que les patients avec des volumes de lésion ischémique ou hémorragique, de 9 à 15.5 ml peuvent montrer différents degrés de récupération fonctionnelle, de l’absence de récupération jusqu'à une restitution complète49.

En effet, dans la littérature il y a des données contradictoires sur le pouvoir prédictif du volume des lésions post AIC. Dans l‘étude de YOO et al. (2012)50, les volumes des infarctus mesurée par l’imagerie pondérée en diffusion (DWI) étaient en corrélation avec la récupération clinique à 3 mois, mesuré par l’échelle de Rankin (Rho : 0.592 ; 95% IC : 0.453-0.703 ; p<0001)). Cependant, WARDLAW et al. (2002)51 avaient constaté chez 108 sujets qu’il y avait une tendance pour que les patients qui étaient morts ou dépendants (selon l’échelle de Rankin 3) à 6 mois post-AVC, étaient également plus susceptibles d'avoir une grande lésion, mais cette association univariée n'a pas atteint la significativité (p=0.17). Après avoir testé l'indépendance de l'association des facteurs prédictifs étudiés, les auteurs ont suggéré que le volume de la lésion n'avait aucune valeur ajoutée dans la prédiction du handicap à 6 mois post AVC (p=0.04), par rapport aux autres prédicteurs tels que l'âge (p=0.01) et les déficits

neurologiques initiaux mesurées par le Canadian Neurological Scale (p<0.001), et donc, qu’il n’était pas un prédicteur indépendant.

Par contre, BAIRD et al. (2001)52, avaient démontré que l’utilisation des données d'imagerie (taille de la lésion mesurée par les séquences de diffusion) en combinaison avec des facteurs cliniques neurologiques (mesurés par le score NIHSS) étaient plus précis pour prédire la récupération clinique, et que cette stratégie était plus performante que le facteur clinique ou d'imagerie utilisé tout seul.

En résumé, le volume de l’infarctus (que ce soit dans les premières heures ou à la phase subaiguë-chronique) est corrélé au handicap global. Il est plus incertain de savoir, si, par rapport au score clinique, il y a une valeur ajoutée ou non. Les scores cliniques (souvent mesurée par le NIHSS) prédisent bien l’évolution des déficits mineurs ou sévères, mais il est souvent plus difficile de le corréler au pronostic pour les déficits intermédiaires. La valeur ajoutée de l’imagerie pourrait prendre ici une place importante. En ce qui concerne des symptômes spécifiques, la localisation anatomique pourrait être un facteur déterminant expliquant le pronostic.

2.2.3.2. La localisation de la lésion

La localisation de la lésion est importante dans la récupération post-AVC.

La relation entre la localisation, la taille des lésions cérébrales, et l’atteinte fonctionnelle chez les patients post-AVC est controversée. CHEN et al. (2000)53, suggèrent que la combinaison de la taille de la lésion cérébrale et son emplacement, les deux ensemble, plutôt que la taille ou l'emplacement individuellement, était plus prédictif du degré d’atteinte fonctionnelle post-AVC. Ils ont établi des profils de lésions du cerveau chez 55 patients victimes d’AVC, en se basant sur la localisation et la taille des lésions, et la récupération motrice. Tout d'abord, tous les patients ont été divisés en cinq sous-groupes, en fonction de la localisation de leur lésion primaire (le cortex moteur, la corona radiata, la capsule interne, le putamen et le thalamus). Ensuite, chaque sous-groupe a été divisée selon le degré de récupération des patients, mesurée par l’échelle de Brunnström (bonne récupération: score moteur total 18 et mauvaise récupération : score moteur total < 18) à 6 mois après l'AVC. Puis ont été déterminés des seuils de volume prédictifs d’une bonne (ou mauvaise) récupération pour chacune des 5 localisations. Les seuils étaient de 75cm3 pour le cortex moteur, 4cm3 pour la corona radiata, 0.75 cm3 pour la capsule interne, 22cm3 pour le putamen, et 12cm3 pour

le thalamus. La sensibilité pour la prédiction de la bonne (ou mauvaise), récupération était de 100% dans les 5 localisations, et la spécificité était de 75%, 100%, 100%, 93% et 100% pour le cortex moteur, la corona radiata, la capsule interne, le putamen et le thalamus, respectivement.

Ces profils lésionnels corrélaient plus fortement avec le score moyen du FIM (Functional Independence Measure) et le score moteur (Brunnström), dans les deux délais post-AVC (1 et 6 mois), que la taille absolue ou relative de la lésion (mesurée à 1 mois post-AVC). La taille de la lésion absolue ne corrélait pas avec le score FIM à 6 mois post-AVC et seulement la taille relative de la lésion dans la partie postérieure de la corona radiata avait une corrélation négative avec le score moteur total (Figure 13).

Ces résultats montrent l’intérêt d’une approche combinant la localisation lésionnelle et le volume dans la prédiction de la qualité de la récupération motrice et fonctionnelle après un AVC.

Figure 13 : Corrélation entre les facteurs de lésion cérébrale et le score moyen de la Functional Independence Measure (FIM) et le score moteur total, lors du premier et du sixième mois après l’AVC. *Coefficient de corrélation de Spearman (rho) p<0.01 (CHEN et al. (2000). Modifié)53.

L’importance de la localisation a été évaluée aussi dans des études plus spécifiques. L’étude de ABELA et al. (2012)54, montre qu’une lésion dans l’aire somatosensorielle dans le gyrus post-central et le sillon intrapariétal, affecte de manière décisive la dynamique de la récupération, ce qui conduit à une récupération plus faible. Ces résultats suggèrent qu’une intégration sensori-motrice déficitaire a un impact significatif sur la motricité de la main et interfère avec la récupération après un AVC.

PUIG et al. (2011)55, ont comparé le degré d’atteinte du faisceau corticospinal à différents niveaux. Ils ont trouvé que l’atteinte au niveau du bras postérieur de la

capsule interne était le meilleur prédicteur associé à un mauvais pronostic moteur et à la sévérité clinique à l'admission (p<0.001) (Figure 14). Ces chercheurs n’ont pas trouvé une corrélation significative entre le volume de l'infarctus aigu et la récupération motrice à 90 jours post-AVC (p=0.176). Ainsi, la sensibilité, la spécificité et les valeurs prédictives positive et négative de la lésion au niveau du bras postérieur de la capsule interne, pour la récupération motrice à 90 jours étaient de 73.7%, 100%, 100% et 89.1%, respectivement. Les meilleurs modèles prédictifs obtenus à chaque point de temps, de l’étude de PUIG et al. (2011)55 sont dans la Figure 14. La Figure 14 montre que, même si la lésion de la capsule interne (CI) à <12 heures et à 72 heures post-AVC prédit la récupération fonctionnelle à 90 jours post-AVC, les items moteurs de l’échelle NIHSS étaient aussi prédictifs et surtout à 72 heures, étaient plus prédictifs que la lésion de la capsule interne.

Figure 14 : Modèles prédictifs de la récupération fonctionnelle (items moteurs de l’échelle NIHSS) à 90 jours post-AVC. CI : capsule interne. * p<0.01; ** p<0.001 (PUIG et al. (2011). Modifié)55.

La localisation de la lésion peut aussi être un indicateur de la présentation des déficits. Les données de HATAKENAKA et al. (2007)56, montrent que les patients avec une parésie dans la partie distale du bras, avaient des lésions dans le putamen postérieur, le bras postérieur de la capsule interne, et la moitié postérieure de la corona radiata, alors que les patients avec une parésie proximale, avaient des lésions focalisées sur le milieu de la corona radiata, en épargnant généralement la moitié postérieure du bras postérieur

de la capsule interne. La récupération fonctionnelle a été meilleure dans le groupe des patients avec une parésie proximale (Figure 15).

En outre, les données de SHELTON et al. (2001)57, montrent que pour les patients avec les membres supérieurs plégiques ou presque plégiques, la récupération motrice était meilleure dans ceux avec une lésion purement corticale (aire motrice supplémentaire (SMA), le cortex prémoteur (PMC) ou le cortex moteur (M1).

Ils ont constaté que la récupération motrice diminue progressivement selon la localisation de la lésion. De cette façon, pour les patients avec un membre supérieur pratiquement plégique (n=41) à l’admission, la récupération des mouvement isolés à 2 semaines après l'AVC pouvait être prédite sur la base de la localisation des lésions : (a) 75% pour ceux avec des lésions limitées au cortex (SMA, PMC, M1), (b) 38.5% pour ceux avec des lésions corticales et sous-corticales combinées, mais sans toucher la capsule interne, et (c) de 3.6% pour ceux avec une lésion de la capsule interne, plus adjacent à la corona radiata, les ganglions de la base ou le thalamus.

Figure 15 : Overlap des lésions selon la localisation de la parésie du membre supérieur. Dans le groupe des patients avec une parésie proximale (rangée en haut), des lésions sous-corticales incluent uniformément la partie centrale de la corona radiata, en épargnant généralement la moitié postérieure de la branche postérieure de la capsule interne. Le groupe des patients avec une parésie distale (rangée en bas), les lésions ont tendance à inclure le putamen postérieur, le bras postérieur de la capsule interne, et la corona radiata (Rouge : Overlap des lésions du groupe avec une parésie proximale; Vert : Overlap des lésions du groupe avec une parésie distale D ; Jaune : Overlap des lésions des deux groupes). (HATAKENAKA et al. (2007). Modifié)56.

L’importance des ganglions de la base a été aussi évaluée dans l’étude de MIYAI et al. (1997)58. Les patients présentant des lésions du cortex moteur avaient une meilleure récupération à 3 mois post-AVC, par rapport aux patients atteints de lésions limitées à la capsule interne ou aux ganglions de la base (p<0.05). Dans les deux dernières, les patients avaient une hypotonie, une paralysie flasque ou une déficience persistante de l’équilibre et de la marche.

La localisation de la lésion semble donc avoir un rôle critique dans la récupération fonctionnelle, en influant aussi dans la présentation de certains déficits moteurs. Ces données soulignent le pouvoir prédictif des lésions du faisceau corticospinal, surtout à niveau de la capsule interne, là où les fibres convergent.