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Régulations nerveuses et endocrines du comportement sexuel mâle

B) Mécanismes moléculaires d’action de la testostérone

2) Les récepteurs de la testostérone et de ses métabolites

Au niveau cérébral, la testostérone et la dihydrotestostérone se lient aux récepteurs des androgènes (AR) alors que l’œstradiol se lie aux récepteurs des œstrogènes (ER). Ces récepteurs ont été initialement décrits comme exerçant un unique rôle de facteur de transcription. Cependant, il est aujourd’hui clair que ces récepteurs exercent des actions cellulaires rapides et modulent des voies de signalisation sans translocation dans le noyau. Certains auteurs utilisent la distinction génomique/non-génomique pour caractériser ces deux modalités d’action. Les termes « voie classique » et voie « non-classique » seront préférés dans cette partie. En effet, l’activation des voies de signalisations cytosoliques peut

in fine aboutir à la modulation de la transcription de gènes cibles, rendant le qualificatif «

non-génomique » inexact.

- Les récepteurs AR

La première modalité d’action de l’AR passe par la voie classique. En absence d’hormone, les récepteurs AR sont engagés dans un complexe multi-protéique cytosolique qui maintient les récepteurs dans un état inactif grâce à des protéines chaperons : HSP90, HSP70 et HSP40. La fixation de la testostérone ou de la dihydrotestostérone (qui possède une affinité 3 fois supérieure pour les AR) induit la déstabilisation du complexe et provoque la dimérisation des récepteurs qui sont transloqués dans le noyau (Azad et al. 2015). Le dimère actif se lie sur des séquences spécifiques de l’ADN au niveau des éléments de réponse aux hormones (ARE : androgen responsive elements) grâce à des domaines en doigt de zinc et recrute des coactivateurs transcriptionnels ainsi que la machinerie de transcription. Le pic de transcription est le plus souvent observé quelques heures après la stimulation par les androgènes. Cette voie classique est facilement identifiable par l’utilisation d’inhibiteurs de la transcription ou de la traduction qui abolissent les effets cellulaires observés (Foradori et al. 2008).

Les autres modalités d’action de l’AR font intervenir des mécanismes plus rapides qui ne nécessitent pas la translocation nucléaire du récepteur. Tout d’abord, les androgènes possèdent la capacité d’interagir directement comme modulateur allostérique de certains récepteurs comme les récepteurs GABAA, modulant ainsi les propriétés de perméabilité membranaire et d’excitabilité des cellules (Rahman et Christian, 2007; Rahman et al. 2006). Les androgènes peuvent également se fixer au niveau de récepteurs membranaires couplés à des protéines G, appelés mAR (membrane associated androgen receptor). Certains de ces récepteurs identifiés sont codés par des gènes différents de celui de l’AR, comme ZIP9 et

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GPRC6A mais des recherches sont toujours en cours afin de cloner et de purifier les autres récepteurs qui sont exprimés de façon spécifique selon le type cellulaire étudié. Certains de ces mAR sont des isoformes tronquées du récepteur AR de la voie classique, comme notamment AR9 et AR45 (Foradori et al. 2008; Yang et al. 2011). Le point commun de ces récepteurs membranaires réside dans leur capacité à activer des protéines G, ce qui aboutit à une augmentation rapide et transitoire de la concentration intracellulaire en calcium. Cette augmentation est permise par l’activation de canaux calcium voltage-dépendant de type L (origine extracellulaire) ou par l’activation de la voie de signalisation IP3-DAG qui déclenche la libération de calcium depuis le réticulum endoplasmique (origine intracellulaire).

L’augmentation de la concentration intracellulaire en calcium aboutit à l’activation de plusieurs voies de signalisation par l’intermédiaire de la protéine kinase C (PKC) ou de la calmoduline (CAM) qui active notamment la protéine kinase A (PKA) ou les voies Mitogen-activated protein kinases (MAPK).

Les androgènes peuvent également stimuler l’activité de la PKA par un mécanisme rapide qui implique la sex hormone binding globulin (SHBG). Cette glycoprotéine, qui assure le transport sanguin des stéroïdes hydrophobes, est reconnue au niveau d’un récepteur à 7 domaines transmembranaires, le « sex hormone binging globuline receptor » (SHBGR). Ce récepteur, couplé à une protéine G active l’adénylate cyclase qui synthétise de l’AMPc ce qui aboutit à l’activation de la PKA (Nakhla et al. 1999).

Enfin, les androgènes peuvent exercer une action rapide en se fixant à des récepteurs AR intracellulaires, similaires à ceux de la voie classique, qui se dimérisent et recrutent directement des kinases de la famille des c-Src qui activent les voies MAPK, dont notamment la voie ERK1/2 (Extracellular signal-regulated kinase). Cette activation aboutit à la phosphorylation de ERK1/2 qui transloque dans le noyau et module la transcription de gènes

via la phosphorylation de coactivateurs transcriptionnels. Néanmoins, la distinction

fonctionnelle entre la voie classique et la voie non classique peut s’avérer délicate car l’activation des voies de signalisation de la voie non-classique module l’efficacité de l’action transcriptionnelle de l’AR de la voie classique. En effet, l’activation de la PKA aboutit à la phosphorylation indirecte de l’AR (ce qui module son activité de régulateur de transcription). De plus, la translocation nucléaire de pERK1/2 dans le noyau aboutit à la phosphorylation de coactivateurs qui interagissent avec l’AR mais également de coactivateurs qui régulent la transcription de l’AR lui-même. L’ensemble des mécanismes de la voie classique et non classique sont résumés dans la Figure 31.

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Figure 31 : Voies classique et non-classique de l’action cellulaire des récepteurs des androgènes (AR)

Les androgènes, testostérone et dihydrotestostérone (ronds bleus) sont liés à la SHBG (sex hormone binding globulin) dans la circulation sanguine. Une fraction libre est libérée à proximité des cellules cibles. Les flèches rouges représentent des activations induites par des phosphorylations. Les ronds rouges représentent l’ajout d’un groupement phosphate.

(1)La voie classique consiste en une action transcriptionnelle de l’AR qui nécessite plusieurs heures avant d’aboutir à des effets cellulaires visibles. L’AR est dans un état inactif lié à des protéines chaperons (HSP : heat shock porteins) dans le cytosol. La fixation des androgènes provoque la libération de l’AR qui s’homodimérise et transloque dans le noyau. Le dimère actif se fixe sur des séquences spécifiques (ARE : androgen response elements) et recrute des coactivateurs transcriptionnels ainsi que la machinerie de transcription. Les ARNm transcrits sont ensuite traduits dans le cytosol ce qui aboutit à la synthèse de nouvelles protéines.

La voie non-classique est caractérisée par des cinétiques beaucoup plus courtes et par l’absence de translocation des AR dans le noyau.

(2) Les androgènes peuvent agir comme modulateurs allostériques de certains récepteurs comme les récepteurs GABAA ce qui module les propriétés de perméabilité membranaire et d’excitabilité des cellules.

(3) Les androgènes peuvent se fixer au niveau de récepteurs membranaires mAR couplés à des protéines G (membrane associated androgen receptor). Cette fixation aboutit à une augmentation de la concentration en calcium intracellulaire en activant des canaux calciques de type L (Ca-L) ou en stimulant la libération de calcium depuis le réticulum via l’activation de la voie inositol triphosphate (IP3). Cette augmentation active des voies de signalisation via la protéine kinase C (PKC) et la calmoduline (CAM).

(4) Les androgènes liés à la SHBG peuvent se fixer à un récepteur à 7 domaines transmembranaires, le sex hormone binding globuline receptor (SHBGR). Cette fixation aboutit à l’activation d’une protéine G qui active l’adénylate cyclase qui produit de l’AMPc ce qui active la protéine kinase A (PKA).

(5) Enfin les androgènes peuvent se fixer sur l’AR intracellulaire qui recrute des kinases de la famille des c-Src ce qui active les voies Mitogen-activated protein kinases (MAPK).

(6) Les voies classiques et non-classiques sont interconnectées : l’activation de la PKA aboutit à la phosphorylation indirecte de l’AR ce qui module son activité de régulateur de transcription ; l’activation des voies MAPK aboutit à la translocation de la pERK1/2 dans le noyau qui va phosphoryler des coactivateurs qui interagissent avec l’AR de la voie classique ainsi que des coactivateurs qui régulent la transcription de l’AR lui-même.

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La plupart des études permettant d’identifier les différents types de récepteurs et les voies de signalisation activées par les androgènes ont été menées in vitro sur des cellules de Sertoli, Leydig ou encore des cultures primaires de neurones. Il est donc probable que les modalités d’action des androgènes présentées figure 31 ne soient pas toutes présentes dans un même neurone et puissent différer selon le type cellulaire considéré.

- Les récepteurs ER

Les ER peuvent exercer leurs effets par une voie classique et par une voie non-classique. Dans la voie classique, les deux isoformes ERα et ERβ (respectivement codés par les gènes ESR1 et ESR2) sont engagés dans un complexe multi-protéique cytosolique qui maintient les récepteurs dans un état inactif grâce à des protéines chaperons de la famille des HSP. La fixation des œstrogènes, majoritairement l’œstradiol, induit la déstabilisation du complexe et provoque la formations d’homodimères (ERα-ERα ou ERβ-ERβ) ou d’hétérodimères (ERα-ERβ) qui sont transloqués dans le noyau (Micevych et Kelly, 2012). Le dimère actif se lie sur des séquences spécifiques de l’ADN au niveau des éléments de réponse aux hormones (ERE : estrogen responsive elements) grâce à des domaines en doigt de zinc et recrute des coactivateurs transcriptionnels ainsi que la machinerie de transcription. La voie non classique d’action des ER fait intervenir des mécanismes plus rapides qui ne nécessitent pas la translocation nucléaire du récepteur. De façon assez similaire aux androgènes, l’œstradiol peut se fixer directement au niveau de canaux ioniques et de récepteurs canaux comme certains canaux perméables au K+ (Valverde et al. 1999) et certains récepteurs nicotiniques (Paradiso et al. 2001) modulant ainsi les propriétés de perméabilité membranaire et d’excitabilité des cellules.

L’œstradiol possède également la capacité de se fixer à des récepteurs membranaires que l’on regroupe sous le nom de mER (membrane associated estrogen receptor). Ces récepteurs peuvent être des isoformes tronquées des récepteurs ERα et ERβ de la voie classique (comme R-X et GqmER) ou des récepteurs codés par gènes différents de ESR1 et

ESR2 (comme GPR30) (Heldring et al. 2007). Le point commun de ces récepteurs

membranaires réside dans leur capacité à activer des protéines G. Selon la protéine G impliquée, l’activation des mER aboutit à une augmentation rapide et transitoire de la concentration intracellulaire en calcium par l’activation de la voie de signalisation IP3-DAG ou à l’activation de voies de signalisations liées à la PKC, à la PKA et à la calmoduline (Arevalo et al. 2015). Certains mER ont également la capacité d’interagir directement avec des récepteurs métabotropiques du glutamate (mGluR) ce qui potentialise leur réponse et

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augmente la phosphorylation du facteur de transcription CREB (c-AMP Response Element-binding protein) (Micevych et Dominguez, 2009).

Enfin, certaines formes non tronquées des ER, similaires à ceux de la voie classique, peuvent interagir avec les kinases de la famille des c-Src qui activent les voies MAPK (Varricchio et al. 2007). De façon intéressante, les ER possèdent des acides-aminés directement phosphorylables par pERK1/2 (Driggers et Segars, 2002) et par la PKA (Lannigan, 2003). Cette phosphorylation effectuée dans le cytosol permet d’activer les récepteurs ER qui sont transloqués dans le noyau et jouent leur rôle d’activateur de la transcription sans même avoir fixé d’œstradiol (Heldring et al. 2007). Ces éléments renforcent l’idée que la distinction voie génomique et voie non-génomique n’est pas la plus pertinente. L’ensemble des mécanismes de la voie classique et non classique des ER sont résumés dans la Figure 32.

Ainsi, il apparaît que les récepteurs AR et ER partagent de nombreuses voies de signalisations intracellulaires communes. Certaines études indiquent même une interaction possible entre ces deux récepteurs au niveau des kinases de la famille c-Src (Migliaccio et al. 2000). Grâce à leur capacité d’action sur des cinétiques longues (voie classique) et rapides (voie non-classique) et leur implication dans l’activation de voies de signalisation et de propriétés membranaires des cellules excitables, les récepteurs des stéroïdes jouent un rôle majeur dans la régulation du comportement sexuel.

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Figure 32 : Voies classique et non-classique de l’action cellulaire des récepteurs des œstrogènes (ER)

L’oestradiol (ronds violets), œstrogène majoritaire, est lié à la SHBG (sex hormone binding globulin) dans la circulation sanguine. Une fraction libre est libérée à proximité des cellules cibles. Les flèches rouges représentent des activations induites par des phosphorylations. Les ronds rouges représentent l’ajout d’un groupement phosphate. (1) La voie classique consiste en une action transcriptionnelle des ER, trouvés sous deux formes majoritaires ERα et ERβ. Cette action nécessite plusieurs heures avant d’aboutir à des effets cellulaires visibles. Les ER se trouvent dans un état inactif lié à des protéines chaperons de la famille des HSP (heat shock porteins) dans le cytosol. La fixation de l’oestradiol provoque la libération des ER qui se dimérisent en homodimères (ERα-ERα ou ERβ-ERβ) ou hétérodimère (ERα-ERβ) puis transloque dans le noyau. Les dimères actifs se fixent sur des séquences spécifiques (ERE : estrogen response elements) et recrutent des coactivateurs transcriptionnels ainsi que la machinerie de transcription. Les ARNm transcrits sont ensuite traduits dans le cytosol ce qui aboutit à la synthèse de nouvelles protéines.

(2) L‘œstradiol peut également agir comme modulateur allostérique de certains récepteurs K+ et de certains récepteurs nicotiniques (ACh) ce qui module les propriétés de perméabilité membranaire et d’excitabilité des cellules. (3) L‘œstradiol possède la capacité de se fixer au niveau de récepteurs membranaires regroupés sous le nom de mER couplés à des protéines G (membrane associated estrogen receptor). L’activation des mER aboutit à une augmentation rapide et transitoire de la concentration intracellulaire en calcium par l’activation de la voie de signalisation IP3-DAG ou à l’activation de voies de signalisations liées à la PKC, à la PKA et à la calmoduline (CAM). Certains mER ont également la capacité d’interagir directement avec des récepteurs métabotropiques du glutamate (mGluR) ce qui potentialise leur réponse.

(4) Enfin l’œstradiol peut se fixer sur les ER intracellulaires qui recrutent des kinases de la famille des c-Src ce qui active les voies Mitogen-activated protein kinases (MAPK).

(5) Les voies classiques et non-classiques sont interconnectées L’activation de la PKA et de ERK1/2 peuvent aboutir à la phosphorylation des ER ce qui induit leur translocation dans le noyau sans même avoir fixé d’œstradiol. De plus, la forme activée de ERK1/2 (pERK1/2) peut transloquer dans le noyau et phosphoryler des coactivateurs qui interagissent avec les ER.

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3) Récepteurs des stéroïdes AR et ER et régulation du comportement sexuel