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Régulations nerveuses et endocrines du comportement sexuel mâle

C) Progestérone et fonctions de reproduction chez le mâle

La progestérone est une hormone stéroïde sexuelle essentiellement étudiée pour son rôle dans la régulation de la fertilité et du comportement sexuel femelle. Libérée en quantité importante par l’ovaire lors de la phase lutéale, elle participe entre autre à l’induction du comportement de lordose et au développement de la muqueuse utérine. Néanmoins, cette hormone est aussi synthétisée de façon importante chez le mâle au niveau des cellules de Leydig et des glandes surrénales, puisque les taux plasmatiques de progestérone sont identiques entre les hommes et les femmes en phase folliculaire (Oettel et Mukhopadhyay, 2004). Bien que peu de données soient disponibles sur les rôles physiologiques joués par la progestérone chez le mâle, elle semble impliquée dans la régulation du sommeil, de la respiration, de l’activité du système immunitaire, de l’absorption rénale et des paramètres

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cardiovasculaires associés à la régulation de la pression artérielle (Oettel et Mukhopadhyay, 2004).

L’implication de la progestérone dans la régulation des fonctions de reproduction du mâle est loin d’être établie de façon consensuelle. Historiquement, la progestérone a été associée à la régulation du comportement sexuel de la femme et donc opposée à la stimulation du comportement sexuel de l’homme. Une étude réalisée en 1958 (Heller et al. 1958) a relaté la diminution de la libido de quatre hommes qui avaient reçu une injection intramusculaire de progestérone. De cela a découlé des traitements destinés aux patients présentant des comportements sexuels paraphiles grâce à deux substances majoritairement utilisées en Amérique du Nord, l’acétate de medroxyprogestérone et l’acétate de cyproterone. Ces deux molécules, mimant les effets de la progestérone, diminuent les concentrations plasmatiques de testostérone et bloquent l’action des androgènes dans les tissus cibles selon des modalités encore débattues (augmentation de la dégradation hépatique de la testostérone, inhibition de sa réduction en dihydrotestostérone ou encore compétition au niveau du récepteur des androgènes). Cependant, le mécanisme d’action précis de ces substances progestatives est loin d’être compris tant le rôle de la testostérone dans le comportement sexuel a été surestimé alors même que la corrélation entre testostérone plasmatique et comportement sexuel excessif n’a jamais été vérifiée. Néanmoins, le domaine d’étude s’intéressant au rôle de la progestérone dans le contrôle des fonctions de reproduction de l’homme est en plein essor, ayant notamment pour optique la mise au point de contraceptifs masculins (Mathew et Bantwal, 2012; Wang et Swerdloff, 2010).

De façon assez paradoxale, il semble convenu que la progestérone stimule la maturation et la capacitation des spermatozoïdes chez l’homme (Foresta et al. 1992) et possède un effet pro-érectile dans un modèle particulier de privation de sommeil chez le rat (Andersen et al. 2007, 2004). Des expériences réalisées sur des cultures de cellules de Leydig indiquent que les molécules progestatives possèdent des effets opposés sur la synthèse de testostérone selon la dose et la molécule étudiée. Ainsi, les relation dose-réponse présentent des allures en U non-linéaires et rendent les résultats difficiles à interpréter (Oettel et Mukhopadhyay, 2004).

Chez le rat, la progestérone semble associée à un effet activateur du comportement sexuel. La restauration de la copulation suite à la castration par la testostérone est améliorée par une supplémentation en progestérone alors que l’injection systémique quotidienne de RU486, antagoniste des récepteurs de la progestérone, diminue le pourcentage d’animaux intacts qui réalisent des montées lors de test d’accouplement (Witt et al. 1995) (Figure 33).

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Figure 33 : Effet de la progestérone sur la restauration de la copulation après castration chez le rat, adapté de Witt et al. (1995)

Pourcentage de mâles présentant des montées lors d’un test d’accouplement effectué deux semaines après castration (castré), castration et supplémentation en progestérone (castré + P), castration et supplémentation en testostérone (castré +T), castration et supplémentation en testostérone et progestérone (castré + (P+T) ou chez des mâles intacts ou injectés quotidiennement avec du RU486, un antagoniste des récepteurs de la progestérone (intact + RU486).

Cet effet activateur de la progestérone semble confirmé par la corrélation observée entre la progestérone plasmatique et l’efficacité de l’accouplement déterminée par la fréquence d’éjaculation chez le rat (Alvarenga et al. 2010).

De façon opposée, la progestérone a un effet inhibiteur sur la restauration du comportement sexuel après castration chez le hamster. Le pourcentage d’animaux effectuant montées, montées avec intromissions et éjaculations est plus faible lorsque la supplémentation en testostérone et accompagnée de progestérone (DeBold et al. 1978; Witt et al. 1995) (Figure 34). De façon intéressante, la restauration de la copulation suit l’ordre observé chez le rat avec un retour des montées puis des intromissions et enfin des éjaculations.

Figure 34 : Effet de la progestérone sur la restauration de la copulation après castration chez le hamster, adapté de DeBold et al. (1978) et Witt et al. (1995)

Pourcentage de mâles présentant des montées sans intromissions (% mount), des montées avec intromission (%intro) et au moins une éjaculation (% ejac) lors de tests d’accouplement effectués tous les 3 jours, 8 semaines après castration. Les animaux sont injectés quotidiennement avec une solution de testostérone (T 150µg ; trait plein) ou une solution de testostérone + progestérone (T 150µg + P 2,5mg ; trait pointillé).

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Chez la souris, l’injection quotidienne de progestérone possède un effet globalement inhibiteur sur le comportement sexuel. Alors que les faibles doses (0,25mg par jours) n’ont aucun effet, les doses les plus élevées aboutissent à une augmentation de la durée des investigations ano-génitales et à une diminution du nombre de montées avec intromissions (Erpino, 1973). De façon concordante avec ces résultats, les mâles KO pour le récepteur de la progestérone ne présentent pas de problème de fertilité (Couse et Korach, 1998) mais présentent une altération du comportement sexuel avec notamment une diminution de la fréquence de montée (Phelps et al. 1998). De plus, la copulation des mâles KO est davantage impactée par la castration et la restauration par la supplémentation en testostérone est moins efficace que pour des mâles sauvages. Ces résultats indiquent que des synergies et des interactions semblent exister entre les voies de signalisation des différents stéroïdes. Ces synergies pourraient être le résultat d’interactions directes entre les différents récepteurs des stéroïdes comme cela a déjà été montré entre les récepteurs de l’œstradiol et de la progestérone (Ballaré et al. 2003).

Une partie des effets de la progestérone sur le comportement sexuel s’effectue par une action au niveau cérébral notamment au niveau de la mPOA. En effet, cette région est riche en récepteurs de la progestérone (Lauber et al. 1991) et la micro-injection de progestérone améliore les paramètres du comportement sexuel alors que la micro-injection d’antagonistes des récepteurs inhibent ces mêmes paramètres chez la souris et le rat (Andersen et Tufik, 2006).

Ainsi, malgré certaines contradictions, la progestérone semble avoir un rôle plutôt activateur du comportement sexuel mâle via une action, au moins partielle, au niveau de la mPOA. Cet effet est vraisemblablement modulé par d’importantes interactions avec les voies de signalisation des autres stéroïdes sexuels.

En conclusion, bien que l’implication des stéroïdes sexuels dans la régulation des comportements de reproduction soit totalement admise, les mécanismes moléculaires ainsi que les cinétiques d’action exacts sont loin d’être établis, comme en témoignent les nombreuses études souvent contradictoires. Cette difficulté provient entre autre des différents modèles utilisés, tantôt castrés, supplémentés grâce à des implants, injectés ou encore intacts et étudiés en conditions physiologiques. Ces hormones modulent quelque uns des nombreux systèmes de neurotransmission présents dans la mPOA qui exercent une action inhibitrice ou activatrice sur les différentes composantes du comportement sexuel.

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Le comportement des Rongeurs est réalisé selon une suite ordonnée et séquentielle d’actes moteurs. Néanmoins, ce comportement est sujet à une amélioration de ses paramètres motivationnels et copulatoires. Ce phénomène porte le nom d’expérience sexuelle. Cette amélioration est associée à des modifications cérébrales et endocrines des différents systèmes, précédemment décrits comme impliqués dans le contrôle de l’exécution du comportement sexuel.

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Chapitre 3

Améliorations comportementales et modifications