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Le comportement sexuel de la souris mâle

A) Les étapes du comportement sexuel mâle

Le comportement sexuel est souvent divisé en trois phases par les éthologues : la première phase d’attraction des partenaires est suivie par la phase motivationnelle puis par la phase copulatoire qui correspond à l’accouplement lui-même (Thibault et Levasseur, 2001).

1) La phase d’attraction

La phase d’attraction repose sur l’émission passive et active de signaux qui permet aux deux partenaires de se trouver simultanément au même endroit. Cette phase d’attraction fait généralement suite à une exploration du territoire souvent effectuée lors des périodes d’activité nocturne des Rongeurs. Chez la souris, cette phase repose presque exclusivement sur l’olfaction qui permet de détecter des marquages urinaires et des fèces riches en phéromones. Ces marquages donnent un renseignement spatial de très bonne résolution (un individu du sexe opposé est passé exactement à cet endroit) mais un renseignement temporel de faible précision (quand est-il passé ?). En effet, les signaux olfactifs s’estompent avec le

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temps et se retrouvent disposés selon un gradient de concentration depuis la source d’émission. L’ensemble de ces molécules permettent de renseigner sur l’identité, le statut reproducteur et l’éloignement génétique des individus. Ainsi, lors de la phase d’attraction, le mâle présentera une investigation accrue pour un marquage olfactif appartenant à une femelle sans parasite, pubère (Ferrero et al. 2013), au statut hormonal proche de l’ovulation et éloignée génétiquement (Asaba et al. 2014; Pfaff et Joels, 2016).

Durant cette phase, le mâle va également émettre quelques vocalisations ultrasonores comprises entre 30 et 110 kHz. Ces vocalisations, déclenchées au contact de l’urine de femelle, permettent au mâle de signaler sa présence et possèdent un rôle attracteur vis-à-vis des femelles. Cette phase d’attraction aboutit donc à la présente simultanée du mâle avec une ou plusieurs femelles dans une zone restreinte, ce qui déclenche alors la deuxième phase du comportement sexuel : la phase motivationnelle (Figure 7A).

Figure 7 : Succession des 3 phases du comportement sexuel de la souris mâle, adapté de Pfaff et al. (2008)

(A) Lors de la phase d’attraction, la détection des molécules olfactives présentes dans l’urine et les fèces permet d’identifier la présence d’un individu du sexe opposé avec une résolution spatiale excellente mais avec une faible résolution temporelle. Le mâle remonte alors le gradient olfactif et émet quelques vocalisations ultrasonores qui permettent de signaler sa présence et d’attirer les femelles.

(B) Lors de la phase motivationnelle (pré-copulatoire), le mâle et la femelle sont à proximité et effectuent des investigations ano-génitales associées à des vocalisations ultrasonores.

(C) Lors de la phase copulatoire, le mâle effectue plusieurs montées comprenant des poussées pelviennes extra ou intra vaginales jusqu’à l’éjaculation.

A

B

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2) La phase motivationnelle

La phase motivationnelle, également appelée phase pré-copulatoire ou encore phase appétitive, représente l’étape durant laquelle s’exprime la motivation sexuelle. Cette phase regroupe l’ensemble des interactions entre le mâle et la femelle qui permettent l’initiation de la copulation à proprement parler. Durant cette phase, le mâle présente une augmentation importante de son activité locomotrice et entreprend des contacts directs avec l’ensemble des femelles à proximité. Il s’en suit alors une série d’investigations ano-génitales et faciales réciproques associés à des marquages urinaires. Le mâle va ensuite réaliser seul les flairages et les léchages allant souvent jusqu’à soulever le flanc de la femelle avec son museau lors d’épisodes de « rooting ». De nouvelles vocalisations ultrasonores sont émises avec des variations de fréquence et d’amplitude différentes de celles de la phase d’attraction. Leur signification n’est pas encore élucidée bien que leur rôle dans la facilitation du déclenchement du comportement sexuel soit établi (Asaba et al. 2014; Holy et Guo, 2005) (Figure 7B).

3) La phase copulatoire

La phase copulatoire, également appelée phase consommatoire, commence avec la première montée du mâle sur la femelle réceptive. Le mâle maintient fermement la femelle par ses flancs et réalise plusieurs poussées pelviennes. La réussite de l’accouplement repose sur la réceptivité de la femelle qui s’illustre par la posture de lordose adoptée suite à la stimulation des flancs et du périnée lors des montées du mâle. La femelle s’immobilise, étend ses pattes arrière, soulève sa queue et adopte une cambrure du dos qui facilite les poussées pelviennes. Ces poussées pelviennes sont rapides (20Hz) lorsqu’elles sont extra-vaginales ou lentes (2Hz) et de grande amplitude lorsqu’elles sont associées à l’intromission du pénis dans le vagin. La montée s’achève après quelques dizaines de secondes et laisse place à des toilettages génitaux, reflets de l’intensité de l’érection (Collins et al. 2009). De nouvelles montées avec ou sans intromission se succèdent durant environ 30 minutes jusqu’à la dernière montée où s’effectue l’éjaculation, caractérisée par des poussées pelviennes de très faible amplitude et de haute fréquence (20Hz) suivies par une torpeur d’environ 20 secondes. Le mâle effectue alors de nouveaux toilettages et présente un désintérêt pour la femelle (Figure 7C).

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4) Le comportement post-éjaculatoire

L’éjaculation provoque chez la souris un état de quiescence sexuelle. Cet état est bien documenté chez de nombreux Rongeurs comme le rat, Rattus rattus. Ainsi, on définit classiquement le temps entre une première éjaculation et une nouvelle montée comme l’intervalle post-éjaculatoire. Durant la première partie de cet intervalle, le mâle ne répond à aucun stimulus et présente un désintérêt total pour la femelle réceptive : il s’agit de la période réfractaire absolue. La deuxième partie de cet intervalle est appelée période réfractaire relative car sa durée peut être réduite par des stimulations électriques sous-cutanées (Barfield et Sachs, 1968) ou par l’introduction d’une nouvelle femelle réceptive (Zucker et Wade, 1968). Lorsque des rats s’accouplent sans restriction, ils atteignent généralement une dizaine d’éjaculations, séparées par des intervalles post éjaculatoires de quelques minutes. Le rat rentre ensuite dans une période de satiété sexuelle totale qui dure plusieurs jours.

Ces paramètres sont difficilement applicables à la souris qui présente un comportement sexuel différent : contrairement au rat, il est rare d’observer plusieurs éjaculations lors d’un même comportement sexuel pour la plupart des souches de laboratoire. En effet, l’intervalle qui sépare deux éjaculations est en moyenne de 2 jours pour les souches DBA/2J et B6D2F (Mcgill et Tucker, 1964).

Il est cependant possible d’observer un deuxième accouplement quelques minutes après une éjaculation pour certaines souches comme les AKR/J ou les C3H/HeJ qui mettent respectivement 25 minutes et 45 minutes après une première éjaculation pour entreprendre une nouvelle copulation avec une nouvelle femelle (Mosig et Dewsbury, 1976). L’ensemble de ces observations indique qu’il existe au sein de la même espèce Mus musculus une certaine diversité de comportement de copulation associée à une variabilité inter-individuelle, comme cela sera développé partie II-B.

Pour la souche C57Bl/6J utilisée pour cette thèse, l’intervalle qui sépare deux éjaculations est en moyenne de 2 jours mais il peut s’étendre de 1 à 38 jours selon les individus (Mosig et Dewsbury, 1976). Cette caractéristique rend l’étude du comportement post-éjaculatoire difficile à caractériser tant la durée de l’intervalle post-post-éjaculatoire se confond avec la satiété sexuelle.

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