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Autres modifications cérébrales induites par l’expérience sexuelle

Améliorations comportementales et modifications cérébrales et endocrines induites par l’expérience sexuelle

C) Dans les autres modèles animaux

II. Modifications cérébrales induites par l’expérience sexuelle

2) Autres modifications cérébrales induites par l’expérience sexuelle

Les autres modifications cérébrales touchent des régions diverses qui ont pour point commun d’exprimer des récepteurs des hormones stéroïdes comme l’hippocampe, le cortex préfrontal ou encore le noyau accumbens.

- Stimulation de la neurogenèse hippocampique par l’expérience sexuelle

L’effet de l’expérience sexuelle sur la neurogenèse hippocampique a été étudié en détectant Ki-67, un marqueur de prolifération cellulaire ainsi que la bromodésoxyuridine (BrdU), un analogue structural de la thymidine capable de s’intégrer dans l’ADN lors des phases de réplication. La détection de ces molécules a été effectuée après induction de l’expérience sexuelle par une exposition quotidienne de quelques heures à une femelle réceptive pendant de 14 jours (Glasper et Gould, 2013; Leuner et al. 2010) (Figure 45).

Figure 45 : L’expérience sexuelle stimule la neurogenèse hippocampique chez le rat (Glasper et Gould, 2013 ; Leuner et al. 2010)

(A) L’expérience sexuelle est induite par une exposition quotidienne de 14 jours à une femelle réceptive. Le nombre de cellules Ki-67 et BrdU immuno-réactives est détecté 14 jours plus tard par IHC.

(B) Quantification du nombre de cellules BrdU positives détectées dans le gyrus denté de l’hippocampe. (C) Quantification du nombre de cellules Ki-67immuno-réactives détectées dans le gyrus denté de l’hippocampe.

Ces deux études indiquent que chez les mâles sexuellement expérimentés, la prolifération cellulaire est plus importante au niveau du gyrus denté. D’après les auteurs, cette augmentation de la prolifération serait régulée par la testostérone et par des neuropeptides libérés durant l’accouplement dans l’hippocampe, comme l’ocytocine. Compte tenu du rôle joué par l’hippocampe dans les processus d’apprentissage (Deng et al. 2010), il est envisageable que cette augmentation de la neurogenèse participe, au moins en partie, à l’amélioration des paramètres comportementaux associées à l’expérience sexuelle.

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- Arborisation dendritique et expérience sexuelle

Les épines dendritiques sont des protrusions post-synaptiques qui permettent d’intégrer des signaux excitateurs (Hering et Sheng, 2001). La modification de leur taille ou de leur densité est souvent associée à des mécanismes de plasticité synaptique et d’apprentissage (Nimchinsky et al. 2002; Sala et Segal, 2014).

Les modifications de l’arborisation dendritique ont été observées par coloration de Golgi-Cox suite à l’induction de l’expérience sexuelle par une exposition prolongée de 7 jours à une femelle réceptive (Glasper et al. 2015). Les rats sexuellement expérimentés présentent une augmentation de la densité d’épines dendritiques des cellules granulaires du gyrus denté et des cellules pyramidales du cortex préfrontal (Figure 46).

Figure 46 : L’expérience sexuelle augmente la densité d’épines dendritiques des neurones du gyrus denté et des neurones pyramidaux de cortex préfrontal chez le rat (Glasper et al. 2015)

(A) Mmicrographie représentative et quantification de la densité en épines dendritiques des neurones pyramidaux du cortex préfrontal après coloration de Golgi-Cox.

(B) Micrographie représentative et quantification de la densité en épines dendritiques des neurones du gyrus denté après coloration de Golgi-Cox.

Ces études suggèrent que l’expérience sexuelle induit une modification des réseaux hippocampiques et corticaux conduisant à une augmentation de leur réactivité. Cependant, une limite sur la pertinence de ces études réside dans le fait que les modifications observées ne sont peut-être pas spécifiques à l’expérience sexuelle. En effet, ces régions ne font pas directement partie du circuit cérébral contrôlant le comportement sexuel et sont connues pour être activées lors de protocoles d’interaction sociale.

A B

ép in es d en d ritiq u es/10µ m ép in es d en d ritiq u es/10µ m Cortex Hippocampe

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- Modifications du circuit de la récompense par l’expérience sexuelle

Le comportement sexuel est une récompense naturelle qui active le circuit de la récompense en provoquant la libération de dopamine dans le système mésolimbique (Balfour et al. 2004; Fiorino et al. 1997; Fiorino et Phillips, 1999; Pfaus et al. 1990). Plusieurs modifications sont induites par l’expérience sexuelle dans ce circuit notamment au niveau du noyau accumbens. Dans les études suivantes, l’expérience sexuelle a été induite par 5 accouplements réalisés sur 5 jours consécutifs.

Les modifications de l’arborisation dendritique ont été observées par coloration de Golgi-Cox dans le noyau accumbens (Pitchers et al. 2010a). Les rats sexuellement expérimentés présentent une augmentation du nombre de dendrites et une augmentation de la densité d’épines dendritiques dans ce noyau cérébral (Figure 47). La différence observée entre rats naïfs et sexuellement expérimentés est observable uniquement après un délai de 7 jours à partir de la fin du protocole d’expérience sexuelle. Cela indique que ces modifications structurales nécessitent un certain temps avant d’être induites et/ou stabilisées.

Figure 47 : L’expérience sexuelle augmente le nombre de dendrites et la densité d’épines dendritiques des neurones du noyau accumbens chez le rat (Pitchers et al. 2010a)

Les neurones du noyau accumbens de rats sexuellement expérimentés possèdent davantage de dendrites et une densité plus importante d’épines dendritiques que des rats naïfs.

Ces modifications de la microstructure du noyau accumbens sont accompagnées d’une modification des niveaux d’expression des récepteurs du glutamate. En effet, des rats sexuellement expérimentés présentent une augmentions des niveaux de NMDA NR1 le jour suivant le protocole d’expérience ainsi qu’une augmentation des niveaux de AMPA GLUR2 une semaine après la fin du protocole d’expérience sexuelle. Ces analyses ont été combinées à des analyses de la localisation membranaire et intracellulaire des sous unités des récepteurs. Bien que les résultats soient délicats à interpréter, ils indiquent que l’expérience sexuelle s’accompagne de processus dynamiques de recyclage et de relocalisation des différentes sous-unités des récepteurs du glutamate dans le noyau accumbens.

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Contrairement aux différences d’expression des sous-unités qui évoluent sur plusieurs semaines après l’arrêt du protocole d’expérience sexuelle, les modifications des propriétés électrophysiologiques des neurones épineux du noyau accumbens sont visible un jour après l’induction de l’expérience sexuelle et se maintiennent plusieurs mois (Pitchers et al. 2012) (Figure 48).

Figure 48 : L’expérience sexuelle augmente la réponse NMDA des neurones épineux du noyau accumbens chez le rat (Pitchers et al. 2010a)

L’enregistrement des courants AMPA et NMDA enregistrés après stimulations du cortex préfrontal indiquent que l’expérience sexuelle induit une augmentation des courants NMDA dans les neurones épineux du noyau accumbens. Cette augmentation est observée durant plusieurs semaines qui suivent la fin de l’induction de l’expérience sexuelle.

Les enregistrements des réponses des neurones épineux ont été réalisés suite à des stimulations du cortex préfrontal. Les courants dépendants des récepteurs AMPA ne sont pas modifiés par l’expérience sexuelle contrairement aux courants NMDA qui sont augmentés dans les neurones des rats sexuellement expérimentés. Cette augmentation des courants NMDA est observée dès le lendemain du protocole d’induction de l’expérience sexuelle et se maintient pendant plusieurs semaines. Bien que ces résultats indiquent une potentialisation de la réponse du noyau accumbens par l’expérience sexuelle, ils n’ont été obtenus qu’après stimulation du cortex préfrontal, qui d’après les auteurs, ne représente pas l’afférence majoritaire qui régule l’activité de ces neurones, surtout lors de la réalisation du comportement sexuel.

Cette augmentation de la réponse du circuit de la récompense est confirmée par l’augmentation du nombre de cellules Δc-Fos immuno-réactives. En effet, cette forme tronquée et très sable de c-Fos, dont la participation aux processus de renforcement comportementaux n’est pas encore élucidée, est davantage exprimée dans le noyau accumbens de rats sexuellement expérimentés (Pitchers et al. 2010b).

Ainsi, l’expérience sexuelle induit des modifications de l’arborisation dendritique, des niveaux d’expression de sous-unités des récepteurs du glutamate et augmente les propriétés électriques des neurones du circuit de la récompense. La potentialisation de ce circuit peut

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expliquer, au moins en partie, l’augmentation de la motivation sexuelle et l’augmentation de l’efficacité comportementale induite par l’expérience sexuelle.

Jusqu’à présent, les études présentées dans cette partie se sont intéressées aux modifications cérébrales induites par l’expérience sexuelle. Afin de caractériser les mécanismes moléculaires impliqués, l’approche inverse est également possible. Les études suivantes ont perturbé spécifiquement certains systèmes cérébraux par des administrations pharmacologiques dans le but d’observer de potentiels déficits dans la mise en place de l’expérience sexuelle.

3) Perturbation de l’expérience sexuelle par inhibition pharmacologique