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Une méta-analyse des études récentes met en avant des effets modérés des revalorisations du salaire minimum sur l’emploi aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Allemagne

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1. Une méta-analyse des études récentes met en avant des effets modérés des revalorisations du salaire minimum sur l’emploi aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Allemagne

Les effets du salaire minimum sur l’emploi ont fait l’objet d’une revue de littérature récente par A. Dube dans un rapport commandé par Her Majesty’s Treasury121 et publié en Novembre 2019. Ce rapport discute des méthodes d’évaluation des effets du salaire minimum sur l’emploi et recense les travaux académiques sur le sujet aux États-Unis et au Royaume Uni principalement.

Avant de reprendre les résultats de la méta-analyse, notre groupe revient sur quelques aspects méthodologiques.

Les méthodes empiriques d’évaluation du salaire minimum

120 La majorité des organisations ont ainsi reconnu que le Semestre européen était l’instrument le plus approprié pour orienter les réformes dans ce domaine et toutes se dont dites favorables à l’élaboration de recommandations -pays en matière de salaire pour renforcer la participation des partenaires sociaux.

121 Le rapport est disponible en anglais à l’adresse suivante: https://www.gov.uk/government/publications/impacts -of- minimum-wages-review-of-the-international-evidence.

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L’interprétation et la portée des évaluations micro-économétriques causales des effets sur l’emplo i du salaire minimum reposent sur la population de référence étudiée, la stratégie d’identificat io n utilisée ainsi que l’indicateur retenu pour mesurer l’effet sur l’emploi.

La population étudiée

Un très grand nombre de publications sur l’effet du salaire minimum sur l’emploi a porté sur des sous-groupes de population susceptibles d’être au salaire minimum (les jeunes, les travailleurs dans le secteur de la restauration), ou sur les travailleurs au salaire minimum avant son changement de niveau (les personnes en emploi au salaire minimum). Le choix de ces populations spécifiques permet de détecter plus facilement des effets précis du salaire minimum puisque celui-ci touche particulièrement la population étudiée. Néanmoins, les résultats obtenus sont difficile me nt généralisables à l’ensemble de la population (cf. tableau V.2). Les études sur ces sous-groupes de population ont été très nombreuses, particulièrement aux États-Unis.

D’autres publications, notamment parmi les plus récentes, s’intéressent aux emplois à bas salaires dans leur ensemble, que ce soit au sein des entreprises offrant de nombreux postes à bas salaire ou plus généralement l’ensemble des emplois rémunérés autour du salaire minimum (cf. tableau V.2). Ce choix de population étudiée permet d’évaluer l’effet du SM sur l’ensemble des emplois au salaire minimum mais ne permet pas de suivre la composition démographique de ce groupe. C’est notamment le choix réalisé dans l’étude la plus aboutie actuellement sur l’effet emploi du salaire minimum aux États-Unis122.

122 The effect of minimum wages on low-wage jobs, The Quarterly Journal of Economics, 2019 Cengiz, D., Dube, A., Lindner, A., & Zipperer, B 134(3), 1405-1454.

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Tableau V.2 : Effets emploi du salaire minimum : Portée et limites des populations de référence étudiées

Population de

référence Avantage Inconvénient

Sous-groupe susceptible d’être impacté par le salaire minimum

(les jeunes, les employés de restauration rapide)

Facile de détecter un effet lorsque le groupe cible est principalement employé au salaire minimum et réagit donc beaucoup au salaire minimum

Validité externe du résultat faible et résultats spécifiques au sous -groupe si les effets du salaire minimum sont hétérogènes entre différentes populations. Ne prend pas en compte les effets sur de réallocation sur d’autres secteurs ou groupes de population. Seuls 20% des travailleurs au salaire minimum aux US sont des adolescents. Travailleurs en

emploi au salaire minimum

Permet de suivre d’autres variables que l’emploi : l’évolution des salaires et de la durée des contrats suite à une modification du salaire minimum.

Ne mesure pas les effets du salaire minimum sur les personnes en dehors de l’emploi

Effets sur les emplois des entreprises à bas - salaire

Effets sur le nombre de postes à bas salaires au sein des entreprises à bas salaires. Champ moins restreint que les approches précédentes.

Les effets quantifiés omettent les éventuelles réallocations de travailleurs vers les entreprises à plus haut salaires ou les changements dans la composition de la main d’œuvre au sein des entreprises à bas salaires.

Effet sur l’ensemble des emplois au salaire minimum - Approche bunching

Effet agrégé. Quantifie l’évolution du nombre d’emploi au salaire minimu m, en comparant le nombre total d’emplo i en-dessous du salaire minimum post- réforme et au salaire minimum après la réforme.

Pas d’approche démographique, ne prend pas en compte les éventuelles modifications de population de travailleurs au salaire minimum (exclusion des jeunes, ou des moins qualifiés pour une recomposition vers des plus qualifiés/ plus expérimentés). Source : DG Trésor.

La méthode d’évaluation

Pour identifier les effets du salaire minimum sur l’emploi, les évaluations économétriques causales nécessitent un groupe de contrôle c’est-à-dire un groupe de comparaison qui n’a pas été affecté par l’évolution du salaire minimum et dont les évolutions passées d’emploi sont similaires au groupe étudié. L’effet du salaire minimum sur l’emploi est alors estimé par la méthode des doubles - différences en comparant l’évolution de l’emploi dans les deux groupes. Pour que cette différe nce d’évolution soit totalement imputable au salaire minimum, une hypothèse de « tendance commune » est faite : en l’absence de variation du salaire minimum, l’emploi aurait évolué de manière simila ire dans les deux populations considérées. Elle doit être vérifiée entre le groupe étudié et son groupe de contrôle avant l’implémentation de la hausse du salaire minimum.

En pratique, dans les études les plus anciennes, le groupe de comparaison est constitué de travaille urs non affectés par le salaire minimum : les travailleurs des régions non concernées par le changement de salaire minimum, par ceux des secteurs exclus (lorsque les accords de rémunération varient par

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industrie), ou encore par les salariés dont la rémunération est légèrement au-dessus du salaire minimum.

Dans les études les plus récentes, ce groupe contrefactuel peut être reconstruit à partir de plusieurs régions ou secteurs similaires (méthode du contrôle synthétique), ou peut être constitué de travaille urs dans des régions et secteurs qui sont moins affectés. L’effet du salaire minimum est alors estimé grâce aux différences d’exposition aux variations du salaire minimum. Plus précisément, l’effet est estimé en comparant l’évolution de l’emploi dans des régions avec une part plus ou moins importante de travailleurs au salaire minimum. Autrement dit, ces méthodes nécessitent une hétérogénéité dans l’intensité de traitement entre région ou secteur, i.e, entre régions ayant des parts différentes de travailleurs au salaire minimum. Ces nouvelles approches permettent d’évaluer l’effet du salaire minimum de manière plus générale, notamment les revalorisations qui concernent l’ensemble d’un pays comme c’est le cas en France. La plupart des évaluations récentes de l’instauration du salaire minimum en Allemagne en 2015 ou du salaire minimum au Royaume-Uni utilisent cette approche.

L’indicateur retenu

Deux grandeurs sont généralement utilisées pour quantifier les effets emploi du salaire minimum. La première est l’élasticité de l’emploi à une variation du salaire minimum :

ε = Δ𝐸𝑚𝑝𝑙𝑜𝑖𝑡

Δ𝑆𝑎𝑙𝑎𝑖𝑟𝑒 𝑀𝑖𝑛𝑖𝑚𝑢𝑚𝑡. Cet indicateur permet de chiffrer, toutes choses égales par ailleurs, le nombre d’emplois créés ou détruits par une variation de 1% du salaire minimum.

Cependant, il ne permet pas de comparer entre études et pays les effets estimés. En effet, une variatio n de 1% de salaire minimum peut induire des variations de salaire moyen très différentes pour les entreprises selon la part de leurs salariés à bas salaires. Prenons le cas de deux études, l’une réalisée dans un pays où 30% des travailleurs sont rémunérés au salaire minimum et l’autre dans un pays où seulement 1% de travailleurs est rémunéré au salaire minimum. Une augmentation de 10% du salaire minimum (en ignorant les effets de contagion du salaire minimum sur les autres salaires) induit une augmentation de 10%*30%=3% du salaire moyen, tandis que dans le deuxième pays, l’augmentatio n du salaire moyen sera de 0,1%. Pour comparer les effets sur l’emploi d’une augmentation du salaire, il faut prendre en compte son effet sur le salaire moyen. L’indicateur permettant de comparer les effets emploi d’une variation de salaire minimum à variation de masse salariale donnée est l’élastic ité de l’emploi au salaire moyen.

106  La méta-analyse

Dans son rapport pour le Trésor britannique, Arindrajit Dube présente l’élasticité de l’emploi aux variations de salaire moyen induites par une variation de salaire minimum pour 55 publicat io ns académiques (cf. graphique V.3). Ces études académiques portent sur les États-Unis, le Royaume- Uni, l’Allemagne et la Hongrie.

L’élasticité médiane estimée est autour de -0.17, signifiant que :

i. plus de 50% des études recensées mettent en évidence, dans le pire des cas, un effet négatif modéré du salaire minimum sur l’emploi ;

ii. pour ces études, une augmentation du salaire minimum a des effets plus importants sur le salaire moyen que sur l’emploi (1/6ème).

Lorsque l’on se restreint aux élasticités correspondant aux études portant uniquement sur des groupes larges (études sur les emplois à bas salaires), l’élasticité médiane estimée est alors plus faible et se situe autour de -0.04. Une majorité des élasticités estimées n’est pas significativement différente de zéro. Ainsi, la méta-analyse conclut que dans les pays étudiés les effets du salaire minimum sur l’emploi sont modestes. Nous revenons en fin de chapitre sur l’interprétation de ces résultats et leur transposition possible au cas français.

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Graphique V.3 : Élasticité de l’emploi aux variations de salaire minimum et intervalle de confiance

Source: Impacts of Minimum wages, review of international evidence, Arindrajit Dube, 2019.

Notes : Les figures creuses correspondent à des élasticités estimées sur des sous -groupes spécifiques avec une validité externe faible, les figures pleines sont estimées sur les travailleurs pauvres, les emplois à bas salaires, avec une validité externe plus importante. Le bleu correspond aux études conduites aux États -Unis, le vert au Royaume Uni et le rouge dans d’autres pays (principalement Allemagne et Hongrie).

2. Les effets sur l’emploi de l’instauration du salaire minimum en Allemagne en 2015.

En janvier 2015, l’Allemagne a introduit un salaire minimum national de 8,50 euros de l’heure. Avant cette introduction, environ 15% des employés étaient rémunérés en-dessous de ce salaire horaire (cette proportion s’élevait à 25% dans les territoires de l’ancienne RDA). L’instauration du salaire minimum en Allemagne a fait l’objet de nombreuses études et projets de recherche en cours. Dans l’ensemble, celles-ci concluent que l’introduction du salaire minimum en Allemagne a eu un effet

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