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3.3 LA DESCRIPTION DE L’EXPÉRIENCE DE DÉLOCALISATION

3.3.2 Aspects humains de la délocalisation

3.3.2.3 Réalité chez le nouvel employeur (landing)

Les locaux de l’entreprise « source » se situent en plein centre-ville. Le transfert des employés impactés n’a donc pas été pénible à ce niveau, car l’entreprise « destination » se situe à quelques pâtés de maisons seulement de l’entreprise « source ». Le temps de transport pour les employés étaient donc dorénavant sensiblement le même et le transport public était tout autant à proximité que chez l’institution financière.

Par contre, les deux entreprises ont des cultures différentes. L’entreprise « source » est plutôt paternaliste et désire offrir un service à la clientèle hors pair. Elle porte une très grande considération envers ses employés et s’assure de leur bien-être. La firme experte pour sa part est une entreprise cotée à la bourse axée sur les profits et la rentabilité. Celle-ci doit performer afin de satisfaire ses actionnaires. Considérant ces différences, l’adaptation des employés transférés n’a pas été chose facile pour plusieurs. Évidemment que quelques employés transférés se sont adaptés à la compagnie et à sa culture, mais d’autres n’étaient pas capables. Ils désiraient continuer à travailler uniquement pour le compte de l’entreprise « source » et refusaient de travailler pour d’autres comptes. Ces employés avaient en tête de travailler toute leur vie pour l’institution financière.

« […] j’pense que c’est des gens qui finalement…sont pas capables de s’habituer à un changement comme ça. Y étaient trop vendus à l’idée de passer leur vie chez [entreprise « source »], tsé y en a j’pense qui rentrent à quelque part là, pis quand tu rentres chez [entreprise « source »] y en a beaucoup j’pense qui rentrent avec l’idée de passer sa vie là… » (Employé 3; p.12).

Les employés transférés n’étaient pas les seuls à devoir s’adapter au changement d’entreprise, les clients de l’entreprise « source » devaient également s’adapter à cette nouveauté. En effet, des équipes étaient dédiées à chacun de leur client.

Dorénavant, comme l’entreprise « destination » possède elle-même plusieurs clients, elle ne pouvait offrir une équipe totalement dédiée aux clients de l’institution financière. Pour que les contrats d’impartition soient rentables pour la firme externe, celle-ci devait standardiser et flexibiliser afin de réduire le plus possible les coûts d’exploitation. Chaque employé de l’entreprise « destination » dite multi-clients doit donc être en mesure de pouvoir répondre à tous les clients de chaque contrat d’impartition de même nature. Cette façon de procéder rendait les clients de l’entreprise « source » quelque peu inquiets.

« […] ça vient beaucoup aussi du client qui va dire, ouin mais là r’garde j’avais telle telle personne là avant pis là c’est rendu c’est toute du monde que j’connais pas. C’est qui qui travaille là-dessus pis y connaissent-tu [entreprise « source »]… » (Employé 3; p.10).

L’entreprise « destination » comprend le désir des clients de l’entreprise « source » de vouloir des équipes dédiées comme avant l’impartition, mais il est impensable pour la firme externe de procéder de la sorte, car cette méthode génère beaucoup trop de coûts. L’adaptation aux façons de procéder de l’entreprise « destination » n’a donc pas été facile ni pour les clients de l’entreprise « source », ni pour les employés transférés. « […] mais fallait faire des synergies. (…) Choc de culture (pause et rire)… Ça pas été facile, et même encore aujourd’hui, je crois que…l’intégration, pour moi, est même pas complétée… » (Employé 4; p.7).

En plus de l’adaptation des employés à leur nouvelle organisation, les gestionnaires et les ressources humaines doivent quotidiennement gérer les iniquités perçues par les employés dans leur milieu de travail. Comme l’entreprise « destination » est une entreprise formée de l’acquisition de plusieurs autres entreprises, nous pouvons qualifier sa main-d’œuvre d’hétéroclite en raison de la diversité des entreprises d’où les employés proviennent. Comme les employés proviennent d’entreprises différentes et qu’ils ont chacun eu une compensation au niveau de leur salaire en fonction de leurs acquis, ceci crée plusieurs iniquités. En effet, deux employés faisant le même travail, mais provenant de deux entreprises différentes peuvent ne pas recevoir le même salaire. L’un d’eux peut par exemple recevoir plus par année, car lorsqu’il a été transféré son salaire avait été augmenté pour compenser le fonds de pension qu’il avait dans son ancienne entreprise. Lorsque les employés se

rendent compte de ses iniquités, le climat de travail devient inévitablement plus tendu

« […] fait que pour un gars qui arrive, pis tout l’monde se parle là, y s’disent tous leur salaire là, tout se sait là ici. Donc y arrive pis y dit eille, y fait la même chose que moi pis y a 15 000$ de plus? Ben oui c’parce que là y a un acquis qui venait de … à un moment donné les acquis à marche pu pis y fait qu’avec les années ça disparaisse ça … Faut que l’équité là se rétablisse (…) Mais on … y a beaucoup d’iniquités (…) Fait que dans mon équipe tu te retrouves, pis encore aujourd’hui là j’en ai comme ça là … d’autres on paye Internet [frais d’abonnement], d’autres on paye pas, des fois y en a qui ont un cellulaire etc …fait qui a beaucoup d’iniquité. Ça s’parle pis c’est des irritants pour les gens (…) (Employé 3; p.13).

La réalité chez le nouvel employeur est donc toute autre que celle dans l’entreprise « source ». Les employés transférés ont quitté une entreprise bien établie cultivant un fort sentiment d’appartenance, avec des employés tenant des profils culturels similaires, où ils sont très bien encadrés à chaque étape de leur carrière vers une entreprise cotée à la bourse et axée sur les profits, en pleine croissance et constituée d’employés provenant de divers milieux de travail. Les employés transférés ont ainsi vécu des changements significatifs en ce qui a trait à leur à leur qualité de vie au travail et à leurs conditions de travail.