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3.3 LA DESCRIPTION DE L’EXPÉRIENCE DE DÉLOCALISATION

3.3.2 Aspects humains de la délocalisation

3.3.2.1 Contexte dans l’entreprise « source »

Tel que mentionné précédemment, les employés ont été informés du dossier enclenché dès le début, soit dès que le conseil d’administration a mandaté une équipe dédiée à commencer le processus d’impartition. Malgré les précautions prises et le désir de tenir informés les employés touchés de l’avancement du dossier tout au long des négociations, inévitablement l’insécurité et le stress chez les employés surgissent. Les rumeurs commencent à circuler à savoir quels fournisseurs sont dans la course et lequel obtiendra le contrat d’impartition. L’entreprise « source » offrait un support aux employés en répondant à leurs questions via un site intranet, mais elle ne pouvait évidemment pas contrôler les rumeurs, les craintes et le stress des employés suite à une telle nouvelle. De plus,

comme la culture organisationnelle est très forte, les employés s’identifiaient beaucoup à l’entreprise et ne désiraient nullement la quitter.

« […] y avait une fierté, y avait une fidélité…envers cette entreprise là

[entreprise « source »], fait que les gens ont senti ça comme

étant…comme un coup traître là, les gens se sont sentis trahis par l’[entreprise « source »] pis…ça a été très très très difficile pour beaucoup d’employés. (…) ce genre de trahison là, pis y comprenaient pas pourquoi (…) » (Employé 1; p.6).

En effet, comme la décision venait de l’employeur et que les employés affectés n’avaient pas choisi de le quitter pour un autre, il semble que ce soit plus difficile à vivre et à comprendre de leur part que s’ils avaient de leur propre gré décidé de quitter l’entreprise. Pour plusieurs des employés qui se voyaient donc transférés, cette première annonce faite par le vice président principal des technologies de l’information « a été la bombe d’Hiroshima! » (Employé 4; p.21). Cette période d’instabilité, d’insécurité et de stress a duré près d’un an chez les employés, car même si ceux-ci avaient une certaine confiance envers les engagements de sécurité d’emploi et de principes RH pris, tant que la lettre de prise en charge du fournisseur n’était pas signée, cette question préoccupait les employés. Cette lettre de prise en charge étant la confirmation pour l’employé que son nouvel employeur était officiellement la firme experte choisie.

La gestion et le support organisationnel a continué à se manifester. En effet, une autre grande annonce regroupant tous les employés touchés, faite par la première vice présidence des TI, était le choix du fournisseur. Évidemment, les rumeurs avaient déjà commencé à circuler avant l’annonce officielle du choix du fournisseur.

« D’une part y a beaucoup de rumeurs qui circulent quand des choses de même se font. On l’a appris [le choix du fournisseur] un peu dans les corridors, pis on attendait une confirmation officielle. Et y a eu la confirmation officielle, c’est-à-dire qu’à un moment donné…le premier vice-président a réuni tous les employés dans une salle où y nous a dit bon…voici où on est rendu tatata…y a eu une négociation, on a fait un choix de fournisseur et c’est eux autres qui bon…y a tout un processus qui…qui s’enclenche là » (Employé 2; p.4).

Par la suite, les employés transférés ont été rencontrés par les ressources humaines des deux entreprises, tel que décrit précédemment. Chacun était rencontré

personnellement afin de déterminer et discuter de ses nouvelles conditions de travail. À ce niveau, les employés rencontrés en entrevue disent que cette portion du processus du transfert s’est bien effectuée, de manière professionnelle et consciencieuse.

« Chacun était rencontré personnellement pour vérifier c’est quoi ses nouvelles conditions de travail, etc. Son nouveau salaire…ça changeait pas vraiment pour personne là, mais quand même les assurances pis le fonds de pension, comment ça va marcher ces affaires là pis…mais non ça, j’pense que ça a été bien fait là, (…) Y ont fait ça très professionnellement là parce que j’pense que, j’pense qu’ils le savent là que…que ça affecte beaucoup les gens, toute l’insécurité qui a autour de ça là […] » (Employé 3 ; p.8).

Même si les employés admettent que les rencontres individuelles se sont bien déroulées, ceci n’empêche pas le fait que la majorité des employés ont trouvé pénibles de subir cette décision, n’ayant aucun pouvoir sur celle-ci et n’étant pas en mesure d’exprimer leur opinion. En effet, tel que souligné par les employés interviewés, les employés ne voulaient pas quitter l’institution financière et réagissaient fortement à cette décision. Ils prenaient celle-ci de façon très personnelle et avaient l’impression d’une trahison de sa part, ce qui rendait le climat très tendu.

« Y en a qui sont…y en a qui ont pris ça, oui, très personnel…c’est comme…c’est comme pôpa pis môman y me mettent dehors… (…) À ce point là là. Tsé le lien de confiance s’est coupé. Tsé pour eux autres, l’ [entreprise « source »] c’était leur entreprise, y finissaient leurs jours avec l’[entreprise « source »], y prenaient leur retraite, c’était…tsé…pis là du jour au lendemain…Plung!! Y en a qui ont pris ça très dur » (Employé 4 ; p.8).

Selon les employés interviewés, la plupart des collègues transférés se sont sentis trahis et ne voulaient pas quitter l’institution financière. En effet, un seul employé interviewé s’est dit content d’apprendre qu’un transfert d’entreprise s’accomplirait. Celui-ci y voyait de meilleures opportunités de travail, de nouveaux défis qui se présenteraient à lui. À travers cette impartition, il y avait du positif pour lui et il éprouvait un réel désir de travailler pour une entreprise spécialisée en TI.

« Moi ça me tentait, mais j’dois dire que j’étais quasiment un des seuls (…) Mais les gens avaient beaucoup beaucoup de craintes à transférer

d’une entreprise à l’autre parce qu’on était bien encadrés, bien entourés chez l’[entreprise « source »], c’est quelqu’un qui prend soin de son personnel etc. Mais moi je regardais plus personnellement, pour moi c’était plus…pour les opportunités de travail qui se présentaient […] Moi j’ai embarqué vraiment dans le bateau pis j’étais positif […] J’pense qui avait pas grand monde comme moi, mais dans ma tête là, ouais, j’voyais ça comme une opportunité […] » (Employé 3; p.7).

Ce genre de discours chez les employés qui se voyaient transférés était donc présent, mais plutôt rare. Bref, les employés interviewés évaluent globalement que l’institution financière a bien géré le dossier d’impartition quant à la façon dont ils ont annoncé le choix du fournisseur aux employés transférés, le support qui leur a été offert ainsi qu’en ce qui a trait aux rencontres individuelles. Par contre, malgré toutes ces précautions le climat était tout de même tendu tout au long de la négociation. Les employés étaient stressés, insécures et préoccupés par toute cette réorganisation.