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1. Introduction

1.4. Méthodes

2.4.4 Réalisation de la flexion

La flexion est, dans le cas le plus standard, un mécanisme morphologique qui consiste en la combinaison d’un radical et d’un affixe [dont] l’expression de sa catégorie flexionnelle est imposée par la langue34

Les formes variées que nous observons pouvant correspondre à des référents tout aussi variés, nous nous sommes demandé si généralement, les flexions de genre et de nombre attendues dans le système du français étaient réalisées. Nous comparons également ces paramètres avec la nature du terme en question, en particulier les adjectifs et les noms.

2.4.4.1 Finale -N ou -NE et genre grammatical

Comme nous l’avons vu précédemment les graphies végan.s et vegans sont parfois utilisées. Devons-nous en conclure que pour certains grapheurs, végane serait la forme féminine de végan, forme masculine et donc générique en français ?

Pour répondre à cette question, nous croisons la présence ou l’absence de -E après le N, avec le genre du référent du terme concerné. Par genre nous entendons ici, le marquage de genre que nous attendrions normalement dans le système du français. Il est donc peu surprenant que le nombre de référents qualifiés de « masculin » dépasse largement ceux considérés comme

« féminin », puisqu’en français « le masculin l’emporte » lorsque le genre est inconnu, règle justement neutralisée dans le cas d’un terme épicène.

Présence ou non de -E en fonction du genre grammatical du référent Finale Genre grammatical du référent

Total Masculin Féminin Indéterminé

Eff %C Eff %C Eff %C Eff %C

-N(S) 240 57,0 69 42,6 5 55,6 314 53,0

-NE(S) 179 42,5 90 55,6 3 33,3 272 45,9

Composé 2 0,5 3 1,9 1 11,1 6 1,0

Total 421 100,0 162 100,0 9 100,0 592 100,0

Nous constatons en croisant le genre du référent avec l’utilisation ou non de -E, que lorsque le référent est féminin, la graphie -NE est plus souvent utilisée que lorsqu’il est masculin, ce qui laisse penser qu’une partie des journalistes utilise le -E pour marquer une flexion de genre, ne considérant donc pas le terme comme épicène.

Par ailleurs en anglais le terme vegan, comme la grande majorité des mots, est également épicène, nous pourrions donc imaginer conserver cette caractéristique en français en intégrant le mot anglais à la langue sans le modifier. Le Larousse en ligne propose d’ailleurs les trois graphies « végan, végane ou vegan », où les deux premières sont les versions masculine et féminine du même « adjectif et nom », et la dernière un « adjectif invariable et nom invariable35». Il nous semble alors pertinent de comparer l’usage de la flexion, selon que le terme concerné est un nom ou un adjectif.

Nature / Genre grammatical Présence ou non d’un -E final

Total

-N -NE Composé

Eff. %L Eff. %L Eff. %L Eff.

Adjectif / Masculin 151 55,7 120 44,3 0 0,0 271

Adjectif / Féminin 65 43,6 82 55,0 2 1,3 149

Nom / Masculin 71 55,9 54 42,5 2 1,6 127

Nom / Féminin 2 18,2 8 72,7 1 9,1 11

Adjectif adverbialisé / Masculin 2 40,0 3 60,0 0 0,0 5

Non pertinent 23 79,3 5 17,2 1 3,4 29

Total 314 53,0 272 45,9 6 1,0 592

Il apparaît bien que la flexion est plus souvent réalisée sur les noms que sur les adjectifs féminins, tandis que les termes épicènes (masculins avec -NE) se retrouvent dans des proportions similaires dans les noms et adjectifs (et sont même un peu plus courants parmi les adjectifs). Il semble donc que lorsque le terme est habituellement fléchi dans les deux langues, il est plus susceptible de l’être en français, même si la flexion de genre n’existe pas en anglais

Enfin nous nous demandons quels usages parmi ceux sus-décrits, sont plus susceptibles d’apparaître avec des guillemets. Dans le tableau ci-dessous, les termes sont classés du plus au moins « francisé » (-NE : masculin étant nécessairement épicène, et -N : féminin appartenant nécessairement au système de l’anglais).

Marquage typographique en fonction de la présence ou non de -E et du genre grammatical -E final / Genre

grammatical

Marquage typographique

Total

Aucun Guillemets

Eff %L Eff %L Eff

-NE / Masculin 175 97,8 4 2,2 179 -NE / Féminin 89 98,9 1 1,1 90 -N / Masculin 213 88,8 27 11,3 240 -N / Féminin 59 85,5 10 14,5 69 Non pertinent 13 92,9 1 7,1 14 Total 549 92,7 43 7,3 592

Nous constatons que lorsque VEGAN comporte un -E final il est beaucoup moins susceptible d’être entre guillemets, et d’autant moins s’il est féminin. Au contraire lorsqu’il ne comporte pas de -E final il est encore plus susceptible d’être entre guillemets s’il est féminin. Il semble donc bien que lorsque le terme est moins assimilé de par sa graphie, les journalistes ont également tendance à marquer l’étrangeté du terme par des guillemets.

2.4.4.2 Marquage du nombre

Plus de 28 % des occurrences considérées comportent un -S à la fin, contre près de 71 % qui n’en ont pas (et 1 % de termes composés)36.

La règle habituelle en français veut que l’ajout de la lettre -S à la fin d’un nom ou d’un adjectif marque le nombre, c’est-à-dire qu’il signale un référent multiple. Cette règle, qui existe aussi en anglais, ne s’y applique cependant qu’aux noms et pas aux adjectifs.

Nous relevons dans notre corpus des occurrences qui ne comportent pas cette lettre, et correspondent pourtant à un référent multiple, par exemple :

(8)A ceux qui en ont assez des pâtisseries vegan et "gluten-free", aussi fades à goûter qu'ennuyeuses à regarder, voici une invention food abominable : le freakshake. (L’Obs-541)

(9)Les causes animales et écologiques méritent mieux qu’une opposition entre méchants carnivores et gentils «végétaliens», ces végétariens qui renoncent aux autres produits d’origine animale que la viande, avant de devenir «vegan», rejetant en plus cuir, laine, zoos et toute domestication animale. (L’Humanité-448)

La flexion plurielle n’est donc pas systématisée. Il est parfois difficile de déterminer si le référent concerné est unique ou multiple, précisément parce que du fait de cette variation dans la

graphie, nous ne pouvons savoir si vegan est censé renvoyer à un référent nécessairement singulier, ce qui signifierait qu’il qualifie marque dans l’énoncé ci-dessous, ou pourrait y qualifier

soins.

(10)L'ex-dirigeante de L'Oréal Paris et de Lancôme, Sue Nabi, lance Orveda, une marque de soins vegan. (Le Figaro-438)

Enfin dans l’extrait ci-dessous, vegan arrive à la fin d’une énumération où il est bien malaisé de savoir s’il qualifie « préférences alimentaires », ou l’idée plus généralement sous-entendue de régime, ou encore les personnes que le questionnaire permet de connaître.

(11)Un questionnaire permet aux restaurateurs de recueillir des données pour mieux les connaître (préférences alimentaires, allergies, sans gluten, vegan, etc.) (L’Express-497)

Dans le tableau ci-dessous, nous croisons la présence ou non d’un -S final avec le nombre du référent auquel le terme concerné renvoie. Les quelques occurrences dont le nombre du référent était impossible à déterminer sont considérées comme non-pertinentes.

Présence ou non d’un -S final en fonction du nombre grammatical du référent -S final Nombre du référent

Total Unique Multiple Non-pertinent

Eff %C Eff %C Eff %C Eff %C

Non 344 99,4 68 28,5 6 85,7 418 70,6

Oui 0 0,0 168 70,3 0 0,0 168 28,4

Composé 2 0,6 3 1,3 1 14,3 6 1,0

Total 346 100,0 239 100,0 7 100,0 592 100,0

Lorsque le terme se termine par -S il correspond systématiquement à un référent multiple, ce qui montre que cette forme correspond bien à une flexion plurielle comme le préconise la norme du français. Mais dans 28,5 % des cas, cette règle n’est pas appliquée puisque c’est une forme sans -S final qui est utilisée pour un référent multiple.

Nous nous demandons également si la nature du terme peut jouer sur le fait que la flexion plurielle lui est appliquée : en effet, nous supposons que les emplois en tant qu’adjectif sont moins susceptibles d’être fléchis que les noms, puisque la flexion plurielle est la même en anglais pour les noms, mais ne s’applique pas aux adjectifs.

Présence ou non d’un -S final en fonction de la nature et du nombre grammatical du référent Nature / Référent Présence ou non d’un -S final

Total

Sans -S Avec -S Composé

Eff. %L Eff. %L Eff. %L Eff.

Adjectif / Unique 285 99,7 0 0,0 1 0,3 286 Adjectif / Multiple 63 44,7 77 54,6 1 0,7 141 Nom / Multiple 5 5,1 91 92,9 2 2,0 98 Nom / Unique 39 97,5 0 0,0 1 2,5 40 Non pertinent 26 96,3 0 0,0 1 3,7 27 Total 418 70,6 168 28,4 6 1,0 592

Nous constatons que la flexion est beaucoup plus courante, en fait presque systématique, lorsque le terme est utilisé en tant que nom, alors qu’elle ne concerne qu’un peu plus de la moitié des emplois en tant qu’adjectif. Cette différence est plus importante que la flexion de genre, et semble donc confirmer l’influence de l’anglais sur le choix de réaliser la flexion ou non, d’autant plus importante que la flexion et la forme qu’elle prend correspondent en français et en anglais.

Enfin nous pouvons nous demander quels usages parmi ceux sus-décrits, sont plus susceptibles d’apparaître avec des guillemets. Dans le tableau ci-dessous, les termes sont classés du plus au moins « francisé ».

Marquage typographique en fonction du degré de marquage du nombre Marquage du nombre Marquage typographique

Total

Aucun Guillemets

Eff %L Eff %L Eff

Flexion plurielle 156 92,9 12 7,1 168

Sans -S / Unique 323 93,9 21 6,1 344

Sans -S / Multiple 59 86,8 9 13,2 68

Non pertinent 11 91,7 1 8,3 12

Total 549 92,7 43 7,3 592

Les terme dont le référent est multiple mais pour lesquels la flexion n’est pas réalisée sont environ deux fois plus susceptibles d’être entre guillemets que les autres. Nous constatons donc là encore que les guillemets semblent bien être un moyen de marquer l’étrangeté d’un terme, allant souvent de pair avec un emploi non assimilé, même si cette concordance est moins flagrante qu’avec la flexion de genre.