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CHAPITRE VI : LE VÉCU DES VICTIMES DE VIOLENCE HOMOPHOBE

4.1 La construction du stigma homosexuel

4.2.3 Les réactions post-victimisation

Les victimes de violence homophobe ont aussi développé sur leurs réactions suite aux incidents homophobes dont ils considèrent avoir été victimes. Alex signale que ses réactions face aux expériences de victimisation à l’école secondaire diffèrent de celles vécues à l’âge adulte. Il attribue cette différence à une meilleure introspection et compréhension de son orientation sexuelle. Il estime néanmoins que les évènements de violence homophobe s’attaquent directement à l’identité individuelle des victimes, peu importe à quel moment ils sont vécus :

Je dirais que c’est différent la manière que je l’ai vécu à l’adolescence pis à l’âge adulte. Secondaire, ben je savais même pas, ben j’étais pas certain de comprendre ce que j’étais. Tsé j’étais dans une phase de découverte et à tous les jours, tu as des personnes qui te rappellent que tu ne mérites pas d’être sur terre pour ce que tu es. C’est pas juste des blagues parce que tu as un gros nez genre, ça attaque directement qui tu es. Tu es jeune, tu veux pas non plus faire du mal à ta famille pis tes amis à cause de ce que tu es, une grosse crisse de tapette! Faque je fermais ma gueule pis j’accumulais […] (maintenant) mon orientation je la vis bien à mon emploi, tout le monde est au courant et on se permet de faire des jokes de bon goût, faut aussi comprendre le second degré, mais sinon c’est ça. Mes amis, famille et collègues le savent et l’acceptent – Alex

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Pour sa part, Alex met en relief son état d’esprit lors des incidents vécus en milieu scolaire : J’étais carrément dans une phase où tu te demandes qui que tu es, là

t’as plein de monde qui pense savoir plus que toi ce que tu es pis ils s’acharnent sur toi pour montrer quoi ? Honnêtement je ne sais pas : que eux ils le sont pas, ou qui se pensent plus forts, sérieux je suis pas certain – Alex

Marc reconnait pour sa part avoir été choqué et fâché suite à l’évènement :

J’étais choqué un peu, j’étais plus fâché parce que ça m’était jamais arrivé. Moi je viens pas de Montréal, je viens de Rimouski. En région c’est encore plus « tough » que ça, tu comprends. Faque ça m’était jamais arrivé et pour moi ce n’est pas quelque chose d’acceptable et de concevable, je veux dire « what the fuck ». À quelque part ça m’a juste vraiment choqué […] il a vraiment fallu que j’en parle parce que ce n’est pas normal. J’étais outré, j’étais complètement fâché – Marc

Antoine, de son côté déballe une succession de sentiments allant de la colère, à un véritable choc nerveux s’accompagnant de la crainte de fréquenter certains endroits voire de sortir tout bonnement, pour finalement choisir de recommencer à vivre normalement sa vie tout en se tenant, plus qu’avant, sur ses gardes. Ce qui demeure pour lui, somme toute, c’est un sentiment de déception :

De la déception […] La première fois j’étais vraiment fâché, la deuxième fois c’était vraiment comme un choc nerveux après là […] Moi la première réaction que j’ai eu après la deuxième fois ça été : bon, je ne sortirai plus dans le Village, je vais sortir ailleurs, puis un moment donné tu reviens à la réalité et tu te dis : « NON, j’ai le droit, j’ai rien fait de mal » […] Mais oui je suis plus craintif. Tsé je suis vraiment plus craintif qu’avant, je fais attention et tout ça – Antoine Alors que pour Martin, ce qui subsiste, après une première réaction de colère, c’est un sentiment d’incompréhension :

Je l’imagine comme dans une scène de film très dramatique […] J’ai commencé à envoyer chier le monde qui me regardait sur leur balcon et je me rappelle de la rage que j’avais pour les gens qui me

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regardaient […] je suis retourné chez moi comme un peu énervé, bah oui c’est sûr, et surtout en me disant : What the fuck! Je ne comprenais pas ce qui c’était passé – Martin

À la lumière des témoignages que nous avons recueillis, nous retenons que l’état d’esprit des victimes lors et suivant les agressions diffère grandement d’un individu à un autre, notamment en raison des interactions pré-victimisation, soit les circonstances entourant la victimisation et du type de prise de contact avec les agresseurs, du cheminement individuel de la victime en regard de son orientation sexuelle et de la gravité des incidents de victimisation subis. Dans la gamme des émotions ressenties en regard de la victimisation vécue, notons le questionnement et l’incompréhension, l’étonnement, le stress et, dans une plus grande mesure, de la peur. Les témoignages qu’ont livré les victimes ont mis en évidence un grand désir de compréhension, notamment parce qu’elles ne se sentent pas en mesure de statuer sur les motivations primaires des agresseurs. Bien que les victimes reconnaissent que les motivations peuvent être multiples et non-exclusivement basées sur la haine des homosexuels, toutes rapportent l’utilisation d’un vocable péjoratif lors des agressions.

4.3 Les impacts des incidents de violence homophobe observés par les victimes