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3.2 Fréquences et formes des violences homophobes observées ou révélées

3.3.2 La nature des violences

3.2.2.3 La violence symbolique

L’analyse des entrevues menées auprès des acteurs des milieux communautaire et judicaire a permis de révéler une troisième forme de violence, soit la violence symbolique. Rappelons-

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nous que cette dernière « provoque une souffrance dont le noyau central est l’atteinte portée au moi identitaire » et qu’elle comporte « toujours une dimension proprement psychologique : l’anxiété de se sentir vulnérable, le sentiment diffus (ou trop éclatant) d’être mis en infériorité » (Braud, 2002 : 34)

Premièrement, au sein des cas relatés, la victime subit de l’homophobie indirecte de son entourage ou de son environnement qui tient des propos qui établissent une supériorité de l’orientation hétérosexuelle. En effet, le message, tant transmis que reçu, est celui d’une infériorité d’un groupe social dû aux caractéristiques qui lui sont associées, ici une diminution des individus en fonction de leur homosexualité :

Souvent l’homophobie on va le voir, bon exemple, quelqu’un va nous téléphoner parce qu’elle a de la difficulté à accepter son orientation sexuelle et, en même temps, elle se dit que je crains tellement, surtout chez les jeunes, que je crains tellement de l’homophobie de la part de ma famille et de mes amis […] L’homophobie, le plus souvent lorsque je suis en contact avec des événements comme ça, c’est à l’intérieur de gens qui veulent se dévoiler, faire leur coming out, qui sont craintifs et souvent avec raison. Souvent ils ont tenté une approche et ils ont pu être rejetés par leurs parents – Luc, Gai-Écoute

(Il est facile de) viser plus facilement (les homosexuels) pour des crimes d’ordre économique, parce qu’ils ne vont pas se plaindre, parce qu’ils vont avoir peur par exemple de divulguer leur homosexualité si jamais il y a un contact avec la police, alors je vais jouir d’une certaine impunité! Donc je choisis le groupe en question parce que la personne fait partie d’un tel groupe social –Paul, avocat LGBT et Immigration

La violence symbolique, soulève Paul, peut être observée lorsque des personnes appartenant à la communauté homosexuelle sont ciblées et abusées en raison de leur orientation, et bien que non-physique ou verbale, elle peut aussi devenir d’ordre économique.

Deuxièmement, Paul ajoute qu’une violence gratuite peut aussi résulter de l’impression qu’une certaine personne possède un ou des attributs homosexuels, jugés inférieurs, et légitimer la violence à son endroit par le ou les agresseurs. :

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Et puis les autres phénomènes qu’on peut voir sont les incidents de violence dans le village. Il y avait encore, il y a pas très longtemps, deux phénomènes que je voyais, soit des skins ou néofascistes qui voulaient manger du pédé ou tabasser des tapettes. D’ailleurs, j’ai assisté à un événement ou c’était pas des tapettes, mais un jeune arabe qu’ils avaient pris pour un pédé à la sortie de la station de Métro (du Village gai) et ils l’ont tabassé à coups de pied dans le ventre avec des caps d’acier et tout ça. Et de voir des jeunes qui arrivent de la banlieue, West-Island par exemple, qui arrivent samedi soir avec un peu d’alcool et font carrément du harcèlement – Paul, Avocat LGBT et Immigration

Troisièmement, de témoignages reçus et de sa propre expérience, Karl indique que l’agresseur peut adopter un comportement perçu typiquement homosexuel et l’infliger à sa victime en termes de soumission. Cette pratique s’apparente à celle des initiations et vient souligner l’infériorité qui, selon les agresseurs, devrait caractériser les groupes de minorités sexuelles :

Dans les vestiaires, c’est encore un gros problème. D’ailleurs, le petit gars quand on était à Baie-Comeau, c’est ce qu’il disait : les gars veulent pas qu’il se déshabille dans le vestiaire après le sport parce qu’il pense qu’il veut coucher avec tout le monde […] C’est assez étrange d’ailleurs parce que des gars qui se disent hétérosexuels peuvent être même des agresseurs sexuels par rapport aux gens qui sont ciblés homosexuels […] Moi, ils se mettaient et ils se bandaient, ils se faisaient bander devant moi dans le vestiaire pour essayer de m’exciter, ben voyons ! Si vous êtes hétéros, c’est quoi ce comportement-là tsé, il y a beaucoup d’homophobes qui vont avoir ce genre de comportement-là, on en entend des fois même ils l’ont violé – Karl, formateur en milieu scolaire

Dans un même ordre d’idées, Louis relate des manifestations d’hostilité reçues chez Gai- Écoute, organisation clairement vouée à répondre aux questionnements liés à l’homosexualité :

Il y a du niaisage qui est fait à Gai-Écoute. Il y a des appels d’hostilité qui sont faits à Gai-Écoute, et ça arrive, oui oui! […] il y avait un intervenant […] il s’est fait appeler 12 fois pour des conneries […] des jeunes qui déconnent, oui vous êtes gais, gang de fifs […] Tsé ils vont appeler pis nous juger – Louis, Gai-Écoute

Finalement, une autre forme de violence symbolique mise en relief par Sandra et Paul est l’intervention et le message envoyé par les représentants de l’ordre. Qu’il s’agisse

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d’arrestations de masse, d’intervention ciblée sur un groupe social précis ou de violence physique exercée par des policiers, l’homophobie peut également revêtir cette forme, laissent- ils entendre :

Lui, il était là et il s’est fait, ben c’est un jeune trans, et il s’est fait rentrer dedans pendant une manif tsé, et c’était une violence à cause de, soit son expression de genre ou de son, c’est un jeune gars trans, mais c’est ça, c’était une attaque physique par la police, les antiémeutes – Sandra, Astérisk

On a eu quelques dossiers à l’époque qui relevaient d’arrestations massives dans les bars, des choses comme ça, avec souvent des comportements abusifs, justement de la part des policiers : des mots insultants, de traiter les hommes arrêtés en femelles, ainsi de suite et ainsi de suite. Parfois, il y avait parfois des tentatives de refuser qu’ils puissent rencontrer un avocat – Paul, Avocat LGBT et Immigration

Premièrement, l’ensemble des intervenants témoignent observer une occurrence peu élevée des violences homophobes, mais reconnaissent les lacunes en termes d’outil de détection et le manque de connaissances inhérentes à la problématique. Toutefois, Karl reconnaît l’ampleur du phénomène en milieu scolaire et déplore le déni de certaines institutions en regard de l’intimidation, plus largement des violences verbales homophobes. Les policiers reconnaissent le phénomène de sous-déclaration, mais indiquent, par leur témoignage, faire difficilement une distinction entre violence homophobe et violence conjugale chez les couples de même sexe.

Deuxièmement, la violence verbale homophobe est la plus fréquemment observée ou témoignée aux intervenants, encore plus dans un contexte scolaire, allant parfois jusqu’à la qualifier de commune : plusieurs intervenants se réfèrent à l’intimidation pour qualifier et reconnaître les violences verbales à connotation homophobes.

Troisièmement, les violences physiques et sexuelles, bien qu’ils n’y aient pas tous été confrontés, ils relatent des exemples marquants d’agressions qui témoignent de l’existence de la problématique, tels que des voies de faits simples, d’infliction de lésions corporelles, d’agression sexuelle et, dans sa forme extrême, d’homicide. La complexité de la

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détermination d’une violence physique ou sexuelle basée sur l’orientation sexuelle de la victime est aussi soulevée.

Finalement, la violence symbolique, où l’atteinte au moi identitaire de la victime crée une anxiété à se sentir vulnérable et d’être mis en infériorité en regard de son orientation sexuelle, peut : être d’ordre économique lorsque ciblées et abusées en raison de leur orientation, légitimer la violence à l’endroit de certaines personnes qui possèdent un ou des attributs jugés homosexuels alors qu’elle s’identifie hétérosexuelle et se traduire par l’adoption d’un comportement perçu typiquement homosexuel et l’infliger à sa victime en termes de soumission. En addition, des manifestations d’hostilité à l’égard d’organisations ouvertement vouées à la communauté LGBT et l’abus physique ou verbal de représentants de l’ordre en raison de l’orientation sexuelle sont aussi des formes que revêt la violence symbolique.