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Les règles de solvabilité et l’impact de solvabilité 2

Dans le document l Enass Ecole nationale d assurances (Page 36-42)

La nouvelle norme de solvabilité des sociétés d’assurance européennes (solvabilité 2) va avoir des impacts importants sur la gestion des risques des entreprises du secteur.

Elle impose d’avoir un niveau de fonds propres disponibles qui reflétera le profil de risque propre à chaque assureur. Ce calcul sera fait sur la base d’un modèle standard ou d’un modèle interne à l’entreprise. Au-delà de ces exigences quantitatives solvabilité 2 introduit des exigences de qualité dans la gestion du risque, des contrôles internes, une plus grande transparence en particulier dans l’information au public.

En outre solvabilité 2 devrait entraîner une gestion plus prudente des placements en favorisant les placements liquides et bien notés. Elle devrait également inciter les assureurs à diversifier leur portefeuille de produits et à mieux tarifer en fonction du risque réel (arrêt des financements croisés). Enfin cette réforme donne une importance nouvelle à la gestion du risque opérationnel.

2.2.1 De solvabilité 1 à solvabilité 2

Les compagnies d’assurance sont réglementairement tenues de disposer d’un niveau de fonds propres suffisant afin de pouvoir sécuriser les engagements qu’elles contractent envers leurs assurés.

Ce niveau de fonds propres minimum est dans le système actuel (solvabilité 1) calculé de la manière suivante :

•en assurance vie : 4% des provisions mathématiques libellées en euros, 1% des provisions mathématiques libellées en unités de compte et 3‰ des capitaux sous risque (risque décès) ;

•en assurance non vie : de 16 à 18% des primes ou de 23 à 26% des sinistres.

Cela signifie concrètement qu’un assureur vie doit disposer d’un montant de fonds propres de 4M€ par tranche de 100M€ de provisions mathématiques en euros, et 1M€

par tranche de 100M€ de provisions libellés en UC.

Ce système qui a le mérite d’être simple, n’intègre que de façon imparfaite les spécificités de chaque assureur et les risques qui y sont liés. Cette règle de calcul uniforme implique un niveau de fonds propres requis identique quelles que soient les branches d’assurance. En outre elle n’intègre pas les risques liés à la gestion d’actif et aux inadéquations actif-passif. Enfin le risque opérationnel n’est pas pris en compte.

Dans le même temps l’émergence de nouveaux risques (climatique, pandémie, terrorisme) et la complexification des techniques et produits financiers a incité les organisations internationales à tenter d’assainir et rendre plus transparente la gestion des organismes financiers

C’est pourquoi, en s’inspirant de ce qui fût fait dans d’autres pays (Etats-Unis, Royaume-Unis, Japon), et dans le secteur bancaire (Bâle 2), le projet solvabilité 2 a été lancé au niveau européen afin de mieux adapter les fonds propres exigés des compagnies d'assurance et de réassurance avec l’ensemble des risques que celles-ci rencontrent dans leurs activités.

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2.2.2 Le projet solvabilité 2

« Aujourd'hui, le Comité européen des superviseurs [Ceiops] est en train de susciter une levée de boucliers générale en Europe. Il faut dire que les conséquences de ses calibrages seraient désastreuses pour le financement de l'économie et particulièrement pénalisante pour la détention d'actions : rien qu'en France, on évoque plusieurs dizaines de milliards d'euros de recapitalisation pour les assureurs ! C'est beaucoup d'argent pour pas grand-chose, quand on sait que le secteur a traversé la crise sans encombre et que l'assurance française n'a pas demandé un euro au contribuable. »14

Le projet solvabilité 2 est structuré en trois piliers :

Le premier pilier traite des aspects quantitatifs. Il vise à recalculer le montant des capitaux propres de la compagnie après avoir passé les actifs et les passifs en juste valeur (fair value) et à définir deux niveaux de fonds propres cibles :

•le MCR qui représente le niveau minimum de fonds propres en-dessous duquel l'intervention de l'autorité de contrôle sera automatique.

•le SCR qui représente le capital cible nécessaire pour absorber le choc provoqué par une sinistralité exceptionnelle.

Le deuxième pilier vise à fixer des normes qualitatives de suivi des risques en interne aux sociétés et définir comment l'autorité de contrôle doit exercer ses pouvoirs de surveillance dans ce contexte.

Le troisième pilier traite de la transparence, il a pour objectif de définir l'ensemble des informations détaillées qui devront être publiées.

La directive Solvency 2 adoptée en mai 2009 reprend en un seul document 13 directives concernant l’assurance vie, non vie, la réassurance et les groupes. Elle pose les principes fondateurs du projet. Ces principes sont actuellement suivis de mesures techniques d’implémentation (niveau 2). La transposition en droit national devrait avoir lieu entre 2011 et 2012 pour une entrée en vigueur de la directive fixée au 31 octobre 2012.

14 Bernard Spitz, président de la fédération des sociétés d’assurances – Les échos – 11/03/10

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1er pilier : exigences quantitatives

Dans le cadre du pilier 1 les sociétés sont amenées à présenter un bilan retraité et de confronter le niveau de fonds propres calculé à des exigences de capital reposant sur une évaluation des différents risques.

Retraitement des postes du bilan :

Le pilier 1 suppose le passage en valeur de marché des actifs et passifs. Pour les passifs une distinction est faite entre les passifs réplicables (« hedgeables ») évalués en valeur de marché et les non-replicables estimés sur un calcul du « best estimate » accompagné d’une marge de risque.

Les exigences de capital réglementaire :

Les exigences de capital dans solvabilité 2 reposent sur une évaluation des risques de l’assureur retranscrit au travers de 2 niveaux de capital cible :

Le MCR (Minimum Capital Requirement) :

Il représente un seuil minimum des fonds propres au dessous duquel l’entreprise verrait la poursuite de son activité menacée. Il y aura alors possibilité dans ce cas d’un retrait d’agrément par l’autorité de contrôle ou la mise en place d un plan de

« sauvetage ». Il est calculé par une formule liant les provisions et les primes. Il devrait se situer entre 25% et 45% du SCR surtout pour les sociétés non vie, le MCR pourra être plus faible pour les sociétés vie (grâce à la participation aux bénéfices).

Le SCR (Solvency Capital Requirement ) :

Le SCR devrait devenir l'outil principal de surveillance des autorités de contrôle. Il correspond à une possibilité de ruine de 0,5% sur un an ce qui représente un cas tout les 200 ans. Le modèle sera recalculé périodiquement et dès que le profil de risque de la société changera de façon significative.

Le SCR est basé sur l'exposition aux principaux risques : le risque de souscription en vie, non vie et santé, le risque opérationnel, le risque de marché et de contrepartie. Les assureurs et réassureurs seront contraints de mesurer leurs risques et de s'assurer qu'ils ont suffisamment de fonds propres pour les couvrir.

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Au niveau de l’actif une approche spécifique appelée de « l’homme prudent » se substitue aux règles actuelles de limitation et de dispersion des actifs. Ce principe suppose que l’assureur est libre dans le choix de ses actifs financiers mais sera pénalisé par une exigence de capital plus élevée à travers le calcul du SCR risque de marché. En l’état actuel de l’avancement du projet on lui reproche de pénaliser les placements actions. Une méthode alternative est mise en avant, le « dampener », permettant de corriger les effets courts termes et procycliques sur le calcul du capital requis en modulant les taux de chargement des actions en fonction de la duration des passifs.

Pour le calcul du SCR les compagnies devraient avoir le choix entre deux options.

Elles pourront, soit utiliser la méthode de calcul standard, soit adopter un modèle interne.

L'approche standard est actuellement en cours de calibrage. Il est probable que ceux ayant opté pour l'approche standard se voient imposer une exigence de capital supérieure à ceux ayant opté pour un modèle interne. Pour les compagnies voulant opter pour le modèle interne, un accord de l'autorité de contrôle sera requis préalablement à la détermination effective du SCR. L'approche par le modèle interne est certainement plus contraignante mais, au-delà du seul respect des contraintes réglementaires, elle devrait permettre une meilleure connaissance et analyse des risques par l’entreprise.

La mise en place d’un modèle interne suppose un investissement important (ressources internes, systèmes informatiques, ressources externes). Cet investissement sera plus facilement supporté par les groupes de tailles significatives avec des compétences actuarielles développées. Solvabilité 2 devrait permettre une approche mixte autorisant des modèles simplifiés incluant des éléments standards.

Cette approche devrait intéresser les assureurs et réassureurs de petite et moyenne taille qui ne seront pas en mesure de fournir une modélisation complète de leur activité.

2ème pilier : Exigences qualitatives

La première et principale obligation du pilier 2 pour les compagnies est d’avoir un système de gouvernance permettant un management pertinent et prudent. Ce système de gouvernance doit inclure au minimum une organisation transparente avec une allocation claire et appropriée des responsabilités et un système effectif assurant la transmission d’information.

Il existe ainsi six aspects clés attendus par la directive :

•la mise en place d’un dispositif de gestion des risques efficace ;

•la mise en place d’une fonction audit interne forte et indépendante. La fonction d'audit interne évaluera notamment l'adéquation et l'efficacité du système de contrôle interne et d'autres éléments du système de gouvernance. Elle sera exercée d'une manière objective et indépendante des fonctions opérationnelles.

•la mise en place d’une fonction actuarielle efficace. Elle sera chargée de coordonner le calcul des provisions techniques, garantir le caractère approprié des méthodes, des modèles sous-jacents et des hypothèses utilisées pour le calcul des provisions techniques.

•la mise en place d’une fonction conformité. Cette fonction permet de s’assurer que l’intégralité des activités de l’entreprise est conforme avec les réglementations en vigueur. Cette fonction, faisant partie intégrante du dispositif de contrôle interne,

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identifie, évalue, contrôle et reporte l’exposition au risque de non-conformité de l’entreprise.

•la mise en place d’un système de contrôle interne efficace élaboré autour d’une forte culture de contrôle mettant l’accent à tous les niveaux de l’entreprise sur l’importance du contrôle interne. Un reporting du dispositif de contrôle interne est mis en place au sein de l’entreprise. Ce reporting, permettant de suivre les risques inhérents significatifs liés à l’activité, sera régulièrement transmis au management de la société.

•s’assurer que les entreprises d’assurance et de réassurance conservent l’entière responsabilité du respect de l’ensemble des obligations qui leur incombent en vertu de la directive même si certaines activités sont sous-traitées.

La seconde obligation du pilier 2 constitue un développement majeur par rapport à solvabilité 1. Elle encourage les compagnies à adopter la démarche ERM (Enterprise Risk Management) afin qu'elles soient en mesure par elles-mêmes d'apprécier et de mesurer leurs risques. Un modèle est mis en avant : L’ORSA (Own Risk & Solvency Assesment).

Enfin l'autorité de contrôle aura les pouvoirs de contrôler la qualité des données et des procédures d'estimation, des systèmes mis en place pour mesurer et maîtriser les risques au cas où ils se matérialiseraient.

L'autorité de contrôle aura aussi le pouvoir d'imposer une marge de solvabilité complémentaire (capital add-on), sous certaines conditions, dans le cas où il aura été jugé que les risques ont été mal appréciés par la compagnie.

3ème pilier : Discipline de marché

Le pilier 3 traite de la publication / communication des informations afin de permettre au public (actionnaires et analystes) et aux autorités de contrôle de juger si l'analyse effectuée est fidèle à la réalité. Les assureurs et réassureurs auront donc à fournir les informations clés qui seront vérifiables et nécessaires à la détermination de leur exigence de capital. Ces informations devront, en particulier, couvrir les éléments suivants:

•Performance financière ;

•Profils de risques, données et hypothèses sur lesquelles ils sont basés ;

•Mesures d'incertitudes, incluant mesure d'adéquation des estimations antérieures et la sensibilité des résultats à la volatilité du marché ;

La commission européenne explique que « les assureurs appliquant les meilleures pratiques se trouveront là encore récompensés, cette fois ci par les investisseurs, les participants au marché et les consommateurs. »15. On peut craindre cependant que ceux qui seront les plus transparents soient indirectement pénalisés. Soit parce qu’ils donneront trop d’informations à leurs concurrents, soit parce qu’ils pourraient être pénalisés par le marché si celui-ci estime que tel ou tel risque est mal pris en compte.

15 Cf. Résumé de l’analyse d’impact – Commission des Communités Européennes p. 5 – 10/07/2007

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La directive de la commission européenne a pour principaux objectifs d’encourager une meilleure allocation des fonds propres, de mieux protéger les assurés en tentant de prendre en compte les risques portés par les organismes d’assurance et favoriser la compétitivité des organismes d’assurance européens.

En conséquence, une démarche de mise en conformité avec les futures exigences de solvabilité 2 doit répondre aux impératifs suivants :

•avoir une vision de l’ensemble des risques (financiers, techniques, opérationnels et organisationnels).

•se doter des « outils » et des compétences suffisantes.

•assurer une implication de tous les acteurs

Si le renforcement des fonctions actuarielles et de l’audit interne est clairement mise en avant par le projet, il en va de même pour les fonctions comptables et financières, et donc pour la fonction contrôle de gestion. Le système de gouvernance doit permettre la réalisation de la stratégie en rapport avec l’appétence aux risques définie par le management et par la mise en place d’une structure de gouvernance (personnes adéquates, comités, …) supportée par un processus de gestion des risques assurant une remontée d’information solide des risques encourus par la compagnie. Le contrôle de gestion dont la finalité est de favoriser le pilotage en mettant à disposition des dirigeants et principaux responsables des outils et dispositifs sur lesquels ils pourront s’appuyer, s’inscrit donc parfaitement dans l’objectif d’une meilleure gouvernance.

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Chapitre 3 - Le contrôle de gestion dans l’assurance

Dans le document l Enass Ecole nationale d assurances (Page 36-42)