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Chapitre 1 Préambule épistémologique : sur la sociologie et la société

3. La question du pouvoir dans la théorie de Castoriadis

Le projet d’autonomie et la philosophie du social-historique sont deux dimensions clés au sein de l’œuvre de Castoriadis ayant ouvert une voie que nous proposons de suivre afin d’élaborer notre théorie du pouvoir. Bien qu’une grande valeur soit reconnue à ces dimensions, nous ne considérons pas pour autant l’œuvre de Castoriadis comme dépourvue de limites ou de lacunes. Toute grande œuvre cherchant à rendre compte des articulations les plus profondes et les plus fondamentales de l’animal créateur s’expose plus facilement que d’autres perspectives à la critique (et même à la réprobation) du fait du projet lui- même. Or, ici, ce n’est pas l’envergure du projet qui est aux sources de notre questionnement critique, au contraire. Nous voulons seulement poser une question théorique portant sur la place octroyée au pouvoir dans cet édifice et dégager une conséquence conceptuelle qui s’explicitera dans une critique de l’opposition autonomie/hétéronomie qui devrait rendre compte de la pluralité historique des sociétés humaines.

Le concept de pouvoir développé par Castoriadis n’est pas, selon nous, le plus solide de son œuvre. Nous croyons même qu’une réflexion plus minutieuse sur ce concept permettrait de relativiser certaines pointes de radicalisme de la thèse plus générale de L’institution

imaginaire de la société, qui demeure une œuvre de haute tenue philosophique, et pourrait

même ainsi en augmenter la pertinence et la puissance théoriques. Car, si avec cette thèse générale nous sommes satisfait de la réponse apportée à la question de savoir ce qu’est une société, il nous faut avouer être resté sur notre faim quant à la manière dont sont pensés les modes d’effectuation des significations imaginaires sociales, qui ne seraient ni affect ni passion ni intention (mais qui, en tant que pour soi, le sont!). La thèse de Castoriadis octroie selon nous une puissance trop grande et sans réserve au social-historique. En octroyant une consistance propre au pouvoir, nous croyons que la situation sera alors plus équilibrée.

Le pouvoir selon Castoriadis : tour d’horizon

Castoriadis aborde le concept de pouvoir par un couple conceptuel, pouvoir instituant et pouvoir institué. Nous voulons en fait soustraire le mot pouvoir du couple conceptuel

pouvoir instituant/pouvoir institué (qui devient ainsi le duo société et politique) pour conférer une consistance propre au pouvoir. Nous allons le voir, le concept de « pouvoir instituant » renvoie davantage à la notion de société elle-même, alors que la notion de pouvoir explicite renvoie plutôt spécifiquement à la notion de politique. Il y a, en fait, quasi identité à l’intérieur de chacun de ces couples et, au bout du compte, il ne reste rien qui caractérise spécifiquement le pouvoir. Avec Castoriadis, on se trouve avec un concept de pouvoir qui vaut pour deux ordre, un degré permanent et intangible, c’est l’infra-pouvoir, le pouvoir implicite ou le pouvoir instituant, dénominations qui sont toutes synonymes, et un second degré, qui est contingent et effectif, c’est le pouvoir explicite ou le pouvoir institué. Soulignons que selon Castoriadis, les déterminations conceptuelles de ce deuxième degré ne sont pas les mêmes selon que l’on se trouve à l’intérieur d’une société hétéronome ou autonome. Il s’agit là pour lui de la distinction entre « Le » et « La » politique. Cette dernière distinction obéit à la même logique qui plaçait la subjectivité et l’autonomie, tous deux comme projet, dans une catégorie à part à l’intérieur de la logique des strates de pour

soi. Or, il nous semble que dès lors qu’elle appartient à deux horizons différents, la

réflexion sur le pouvoir ne peut dissiper un certain brouillard rendant difficile la distinction conceptuelle de la société, du politique et du pouvoir.

Mais il y a plus. L’articulation du pouvoir instituant et du pouvoir institué que Castoriadis propose semble vouloir accorder une primauté au premier, ce que nous pouvons accepter sur le plan ontologique, mais ce qui devient toutefois beaucoup plus difficile à soutenir lorsque la réflexion quitte ce plan et porte directement sur l’effectivité. Nous ne contestons pas la primauté des significations imaginaires sociales. Seulement, la puissance du magma informe de significations faisant une société n’explique pas comment et pourquoi ce ne sont pas toutes les significations constituant une société qui ont primauté en un temps donné, ni pourquoi aussi cette situation varie dans le temps. Dans la contingence d’une société, il y a des acteurs sociaux (des individus sociaux toujours aussi animés par une part non domptée de leur psyché) qui pèsent souvent très lourds dans le cours effectif de la société et qui transportent en fait « un » imaginaire social-historique ne contenant ou n’exprimant pas l’ensemble du monde de significations sociales imaginaires qu’est la société.

Cette idée de la primauté du pouvoir dans la contingence mérite un éclaircissement. Afin de l’illustrer, prenons un exemple, celui de la société québécoise et de ses mutations dans le temps. Au-delà de toutes les joutes politiques entourant la bonne nomenclature à adopter pour reconnaître l’existence de la société québécoise, (société distincte, nation, etc.,) on doit dire qu’il existe bel et bien un monde de significations imaginaires sociales la caractérisant et que ce monde est définitivement distinct de celui de la société canadienne : un fort passé religieux catholique, un statut de société conquise, une langue, une révolution tranquille, etc. Bref, la société québécoise est un magma singulier de significations, lié à une chaîne événementielle qui lui appartient en propre. C’est dans ce monde de significations que puise chaque génération pour soutenir ses représentations du monde, participant ainsi à l’enrichissement et à la progression de ce même monde. Maintenant, si on cherche à caractériser l’être de la société québécoise telle qu’elle est aujourd’hui, il serait plutôt intellectuellement malhonnête de faire appel à ce magma dans sa totalité informe pour la définir de façon précise dans son actualité, comme si en 1534 Cartier avait planté la graine de ce qu’elle est aujourd’hui et que ce qu’elle est aujourd’hui n’en était que le prolongement arborescent. La société québécoise n’est plus une société catholique, même si cette signification sociale et historique demeure importante; elle n’est plus une société conquise, même si le discours sur la conquête ressurgit fréquemment et que le Québec est bel et bien une province et non un État souverain. Si nous voulons caractériser la société québécoise actuelle, il faudra le faire à partir du pouvoir qui la pousse dans cette contingence-ci, et pas dans une autre, ce sur quoi la religion catholique comme l’Empire britannique ont, de nos jours, bien peu d’emprise. La société québécoise est bien plus, comme la plupart des sociétés occidentales développées, poussée en avant par l’imaginaire social-historique du capital et son ordre social propre devant lequel le plus grand nombre s’incline aujourd’hui. Nous reviendrons plus tard à la question du pouvoir dans le monde contemporain, au dernier chapitre. Ce qui importe pour le moment est de saisir à partir de cet exemple pourquoi il nous semble important d’établir une typologie des sociétés en partant du phénomène du pouvoir tel qu’il se manifeste dans un espace-temps précis et non seulement à partir de l’être en soi de la société, de ses significations imaginaires sociales alors que c’est ce qu’accomplit l’opposition proposée par Castoriadis entre le pouvoir instituant et le pouvoir institué.

La conception du pouvoir chez Castoriadis n’est pas systématiquement exposée dans son œuvre. Elle est sous-entendue dans la thèse de L’institution imaginaire de la société sans être conceptualisée comme telle. Ce n’est que plus tard qu’elle va être traitée pour elle- même à l’intérieur de textes dont l’objet n’est pas toujours principalement la question du pouvoir, en guise d’introduction ou de mise en place du problème analysé. Il y a, bien entendu, chez Castoriadis, plusieurs analyses du pouvoir effectivement mis en œuvre comme, par exemple, celui de la bureaucratie soviétique, dans Socialisme ou Barbarie. Toutefois, les exposés strictement théoriques, ne visant que l’opérationnalisation du concept de pouvoir, sont plutôt rares. À notre connaissance, il existe seulement trois textes où l’on trouve un exposé un tant soit peu systématique sur la question et à partir desquels il va être possible d’éclairer sa conception. Le texte principal est sans contredit « Pouvoir, politique et autonomie » (1988) à l’intérieur duquel Castoriadis l’expose le plus systématiquement et le plus « longuement »64. Deux autres textes reprennent, plus tard, la même argumentation sur ce concept, « Imaginaire politique grec et moderne » (1990), d’une part, et d’autre part, « La démocratie comme procédure et comme régime » (1994)65.

Le pouvoir est élaboré dans ces deux derniers textes, mais d’une manière secondaire. À titre d’exemple, le texte « Imaginaire politique grec et moderne », poursuit davantage l’objectif de mettre en parallèle les imaginaires grec et moderne, dans le but d’éclairer la route potentielle du projet d’autonomie selon les potentialités d’aujourd’hui, qu’à théoriser le pouvoir proprement dit. En effet, il attache le fil de cette discussion sur le pouvoir presque immédiatement aux fibres mêmes de l’étendard du projet d’autonomie; la question du pouvoir n’en est que l’introduction.

L’infra pouvoir radical du social-historique

Castoriadis entend d’abord par pouvoir la capacité pour une instance, personnelle ou impersonnelle, d’amener quelqu’un à faire ce qu’il n’aurait pas fait seul. Le plus grand pouvoir serait alors de préformer quelqu’un de sorte qu’il fasse de lui-même ce que l’on voudrait qu’il fasse, sans aucun besoin de domination66. C’est un peu le sens de la première dimension du pouvoir identifiée par Castoriadis, le pouvoir instituant. Les significations

64 Tous deux se trouvant dans Carrefour du labyrinthe III (1990) 65 Tous deux se trouvant dans Carrefour du labyrinthe IV (1996). 66 Castoriadis, 1990, p. 144.

imaginaires sociales sont primordiales dans la forme que prennent les sociétés tout au long de l’histoire, dans les contenus qu’elles se donnent pour réalité et dans les institutions qu’elles se donnent aussi pour encadrer leur horizon. Elles sont le point de départ de toute effectivité sociale humaine, nous l’avons vu plus tôt. Castoriadis opère une sorte d’identification entre les significations imaginaires sociales, plus particulièrement l’imaginaire instituant, socle de la société instituée, et le premier versant de sa conception du pouvoir : « Nous ne pouvons penser cette création [la création social-historique] que comme l’œuvre non pas d’un ou de quelques individus désignables, mais de l’imaginaire instituant, auquel, à cet égard, nous donnerons le nom de pouvoir instituant67. » Le pouvoir instituant serait impersonnel et s’exercerait par tout le monde en général et par personne en particulier. Sans être nécessairement exercé objectivement pour tel, il se manifesterait à travers chaque opération fondamentale (au sens propre du terme) constituant la vie humaine, du berceau au tombeau.

Le pouvoir instituant serait pratiquement inexplicable, tant il serait enfoui dans les fibres mêmes du tissu de la société. Castoriadis disait : « il s’exerce, par exemple, du fait que tout nouveau-né dans la société subit moyennant sa socialisation l’imposition d’un langage; or un langage n’est pas qu’un langage, c’est un monde68 ». De plus, il n’est pas localisable. En tant que manifestation de l’imaginaire instituant, il est en quelque sorte exercé de facto par la société instituée. « Avant tout pouvoir explicite, et, beaucoup plus, avant toute "domination", l’institution de la société exerce un infra-pouvoir radical sur tous les individus qu’elle produit69. » Ce qui demeure le plus problématique ici est que ce pouvoir implicite posséderait un modus operandi propre, presque détaché de la réalité des rapports sociaux concrets – et même des individus – car, bien que Castoriadis en rattache l’exercice aux opérations fondamentales de la vie humaine, nécessairement toujours exercées par des personnes réelles, il tend néanmoins à le délier de cette attache. « On est ici très au-delà, disait-il, ou en deçà, de toute intention, volonté, manœuvre, conspiration, disposition de toute institution, loi, groupe ou classe assignables70. » Où sommes-nous alors ? Pourquoi

67 Castoriadis, 1996, p. 159-160. 68 Idem.

69 Castoriadis, 1990, p. 144. 70 Castoriadis, 1996, p. 224.

parler de pouvoir s’il n’y a pas de volonté ni d’intention, pas de groupe ni d’institution ou de classe assignables ?

On rejoint ici la réserve que nous avions exprimée plus tôt quant au fait que ce ne sont pas toutes les significations qui priment en un contexte donné. Il nous semble important d’établir une distinction nette entre la société (le pouvoir instituant) et le pouvoir tout court (qui n’est pas davantage le pouvoir institué), ce que ne fait pas Castoriadis. « Il reste que l’infra-pouvoir en question, disait Castoriadis, le pouvoir instituant, est à la fois celui de l’imaginaire instituant, de la société instituée et de toute l’histoire qui y trouve son aboutissement passager. C’est donc, en un sens, le pouvoir du champ social-histoire lui- même (…)71. » Le pouvoir n’obtient pas ici un horizon conceptuel propre, il est seulement identifié à la société.

L’institution du pouvoir explicite

Selon l’aveu même de Castoriadis, le pouvoir instituant ne parvient pas à maintenir et à reproduire parfaitement la société. Dans le cas contraire, la société serait demeurée perpétuellement identique à elle-même. Se superposant à ce premier degré du pouvoir et étant « produit » par lui, « il y a toujours eu et il y aura toujours un pouvoir explicite, institué comme tel, avec ses dispositifs particuliers, son fonctionnement défini, les sanctions légitimes qu’il peut mettre en œuvre72 ». Il y aurait quatre principaux facteurs expliquant pourquoi il est impossible pour l’infra-pouvoir d’opérer parfaitement la reproduction sociale, ce qui justifie la nécessité du pouvoir institué. Le premier facteur est la menace du monde présocial non signifié, la nature et ses imprévus, qui comporte toujours le potentiel d’ébranler les significations de la société (on peut penser à un volcan par exemple). Le second facteur est celui de la limite même de la socialisation de la psyché, processus qui ne parvient pas à la résorber totalement. Il y a, en troisième lieu, le fait qu’aucune société n’existe en étant seule dans le monde, elle rencontrera toujours d’autres sociétés à l’intérieur de son environnement et ces altérités sont susceptibles de constituer une menace potentielle pour elle. En dernier lieu, la société ne peut échapper à son propre mouvement qui, même s’il est fantasmé ainsi, ne parvient jamais à mettre en place un

71 Castoriadis, 1990, p. 145. 72 Castoriadis, 1996, p. 224.

principe de répétition parfaite. C’est pourquoi « il y a toujours, il y aura toujours, une dimension de l’institution de la société chargée de cette fonction essentielle : rétablir l’ordre, assurer la vie et l’opération de la société envers et contre tout ce qui, actuellement ou potentiellement, la met en danger73. » Il s’agit du pouvoir explicite.

Le pouvoir explicite rend compte de quatre dimensions : le pouvoir législatif (Nomos) et le pouvoir exécutif (qui serait l’exécution supposée du Nomos selon Castoriadis), qui peuvent demeurer enfouis dans l’institution et ne pas être objectivés ou affirmés pour tels, comme dans les sociétés archaïques par exemple. Les deux autres dimensions, les pouvoirs judiciaire (Diké) et gouvernemental (Telos), seraient quant à elles toujours explicitées dans la société considérée74. Castoriadis refuse d’inclure à la détermination conceptuelle du pouvoir explicite l’opposition ami-ennemi et le monopole de la violence légitime, parce que ce qui importe, selon lui, est que le pouvoir explicite détient le monopole de la parole légitime. « Le maître de la signification trône au-dessus du maître de la violence75 » disait- il. S’il semble y avoir identité entre l’infra-pouvoir et la société, il faut relever que la notion de pouvoir explicite s’apparente beaucoup à celle de politique. Les deux notions sont pratiquement identiques76. « C’est cette dimension de l’institution de la société, disait Castoriadis, ayant trait au pouvoir explicite, soit à l’existence d’instances pouvant émettre

des injonctions sanctionnables, qu’il faut appeler la dimension du politique77. » On le voit encore plus clairement lorsque Castoriadis distingue le politique de la politique et qu’il précise les modalités du pouvoir explicite à l’intérieur d’une société autonome : « Ce qui existe nécessairement dans toute société, c’est le politique : la dimension – explicite, implicite, parfois presque insaisissable –, qui a affaire avec le pouvoir, à savoir l’instance (ou les instances) instituée pouvant émettre des injonctions sanctionnables et qui doit comprendre toujours, explicitement, au moins ce que nous appelons un pouvoir judiciaire et

73 Castoriadis, 1990, p. 149. 74 Ibid. p. 150.

75 Idem.

76 « Mais en même temps toute société institue, et ne peut vivre sans instituer, un pouvoir explicite, à

quoi je relie la notion du politique; autrement dit, elle constitue des instances qui peuvent émettre des injonctions sanctionnables explicitement et effectivement » (Castoriadis, 1996, p. 160).

77 Castoriadis, 1990, p. 151. Castoriadis insiste, nous ne devons pas opérer une identification entre le

pouvoir et l’État, ce dernier n’étant qu’une forme contingente effective prise par le pouvoir institué, non la seule forme possible. « Une société sans État est possible, concevable, souhaitable. Mais une société sans institutions explicites de pouvoir est une absurdité, dans laquelle sont tombés aussi bien Marx que l’anarchisme » (Castoriadis, 1996, p. 222).

un pouvoir gouvernemental78. » La politique n’est pas une activité généralisée à l’intérieur du procès historique de l’humanité. Au contraire, elle n’appartient qu’aux sociétés autonomes, car une des caractéristiques fondamentales des sociétés autonomes ou démocratiques est qu’elles sont traversées par le questionnement critique ou philosophique de l’ensemble de ce que la société est79. « Or, dès que la question est ainsi posée [la question de l’auto-institution de la société], la politique engloutit, du moins en droit, le politique au sens défini plus haut80. » Nous rencontrons deux problèmes principaux avec cette proposition théorique du pouvoir explicite. D’abord, tout comme l’infra-pouvoir ne parvenait pas à se distinguer de la société, le concept de pouvoir explicite ne parvient pas à se démarquer clairement de celui de la politique. Ensuite, en combinant les deux types de pouvoir définis par Castoriadis, on se trouve face à une sorte de circularité laissant entendre qu’elle suffirait à expliquer l’entièreté du mouvement de la société. Or, on l’a vu, pouvoir implicite et pouvoir explicite sont « simplement » les deux dimensions primordiales de la société et de son dédoublement en instituant et en institué. Pouvoir et politique sont fondus dans la catégorie générale de la société et ils ne possèdent pas de niche conceptuelle qui leur soit propre. Cela a pour conséquence que nous devrons aussi clarifier le concept de politique avant d’entreprendre l’analyse de celui du pouvoir.

Dans un magnifique livre dont nous n’aborderons pas ici la thèse, L'argent, la mort, Lantz reproche justement à Castoriadis de ne pas reconnaître la nécessaire implication du pouvoir dans la formation du symbolisme : « Le symbolisme, dit-il, avant d’être l’expression de constantes de la structure de l’inconscient, comme le prétendent les psychanalystes, ou des structures logiques caractéristiques du cerveau humain, est le résultat d’une pratique du pouvoir qui instaure sa domination en cristallisant à son profit les significations et les évaluations charriées par les forces sur lesquelles il entend assurer son emprise81. » C’est le pouvoir qui tendrait selon Lantz à s’approprier le monopole de la symbolisation : « Il est donc inexact d’écrire, disait-il, comme Castoriadis que "la société" constitue son symbolisme. En identifiant la société et le pouvoir, malgré les intentions de cet auteur, on

78 Idem.

79 Le sens que donne ici Castoriadis à « la politique » est sensiblement le même auquel renvoient les

Grecs bien sûr, mais aussi Arendt ou encore Freitag.

80 Castoriadis, 1990, p. 166.

est inévitablement conduit à prendre le point de vue du pouvoir qui tire précisément sa