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Quels enseignements pour l’enquête REPONSE ?

Partie 3. Retours sur l’enquête REPONSE

2. Quels enseignements pour l’enquête REPONSE ?

L’analyse qualitative des modes d’ajustements déployés par les établissements enquêtés permet de mettre en évidence plusieurs éléments échappant au volet quantitatif (2.1), dont certains nous ont suggéré des propositions de modification du questionnaire de l’enquête REPONSE (2.2.).

2.1.

Les éléments qui échappent à l’enquête

L’analyse qualitative a évidemment permis une analyse plus approfondie et plus détaillée du phénomène étudié. En particulier, les entretiens ont, tout d’abord, permis de reconstituer le séquençage des ajustements et les modalités de la prise de décision afférente. Ont pu par exemple se faire jour des arbitrages proposés ou imposés (PEINT), des contreparties exigées (FORGE, TRACPLUS). Ainsi la Direction de FORGE a-t-elle demandé une mobilité interne (polyvalence) en échange d’une politique égalitaire de chômage partiel. De même, la Direction de TRACTPLUS a-t-elle exigé une renégociation de l’accord sur le temps de travail en contrepartie de la diminution du nombre de licenciements dans le cadre d’un P.S.E.

Ont pu également être précisées les marges de manœuvre plus ou moins limitées dont disposaient les acteurs de l’établissement non seulement en termes d’autonomie vis-à-vis de l’entreprise, du groupe ou de l’UES, mais également en termes financiers (problèmes de trésorerie). De ce point de vue, la question très générale posée sur l’autonomie des établissements en matière d’évolution des salaires et d’emploi est apparue à plusieurs reprises mal renseignée31. Par exemple, dans le cas de

TRACTPLUS, le représentant de la Direction déclare une autonomie importante en matière d’investissement et d’emploi. Or l’entretien avec ce dernier conduit à nuancer fortement cette autonomie vis-à-vis du groupe auquel l’établissement est rattaché : en l’absence d’autofinancement, l’entreprise propose des projets d’investissement qui sont acceptés ou pas par la Direction du groupe qui les finance ; de même en matière d’emploi, c’est la Direction du groupe qui a imposé des suppressions d’emploi, ne laissant à la Direction locale que le choix des modalités et le chiffrage. L’enquête de terrain conduit aussi à mettre en évidence le poids de l’histoire du site, ou celui de la dynamique des ajustements passés, dans les modalités adoptées pendant cette nouvelle crise. Plusieurs Directions interrogées évoquent l’existence d’expériences précédentes (des licenciements collectifs dans le cas d’ELEVATION, un plan social dans le cas de FORGE, un P.S.E. avec des départs contraints dans le cas de TRACTPLUS) pour justifier un changement de stratégie. Parce que ces expériences se sont soldées par un conflit (ELEVATION, TRACTPLUS) ou une désorganisation de l’activité productive (FORGE), elles ont conduit à l’adoption de nouvelles modalités d’ajustement (départs volontaires dans le cas d’ELEVATION et TRACTPLUS, flexibilité interne dans le cas de FORGE). Enfin, le travail qualitatif a permis de préciser les modalités et l’intensité des ajustements opérés ainsi que leur segmentation entre les différentes composantes de la main-d’œuvre. Les ajustements en termes d’emploi (départ volontaire, licenciement, chômage technique, mobilité interne) et de rémunération (gel ou modération) n’ont pas touché de la même façon les salariés selon leur âge (jeunes versus âgés) ou leur fonction (personnel de production versus personnel indirect, salariés versus associés, cadres versus non cadres). Cette segmentation échappe en grande partie à l’enquête

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0.12. Par rapport au siège ou à la maison mère de l’entreprise ou du groupe, quelle est l’autonomie de décision de votre établissement en matière d’investissement, d’évolution des salaires, d’emploi ?

quantitative. Il en va de même pour l’intensité des ajustements et leurs modalités. Au-delà de la question relative à la variation en volume des effectifs de l’établissement32, le questionnaire ne

renseigne pas sur les différentes modalités d’ajustement du volume de l’emploi (arrêt des recrutements, fin des contrats courts, intérim, licenciements, départs volontaires) ni sur leur intensité (pourcentage de salariés concernés).

2.2.

Les propositions de reformulation du questionnaire

En lien avec ces différents éléments qui échappent au moins partiellement à l’enquête, les différentes monographies réalisées conduisent à proposer la révision ou l’ajout d’items au questionnaire.

Tout d’abord, la question du périmètre ou des frontières de l’établissement/de l’entreprise s’est révélée très confuse dans l’esprit des interviewés. Dans le cas des entreprises multi-établissements, l’entretien avec le représentant de la Direction a fait apparaître que l’établissement n’était pas l’échelle pertinente d’observation. Ce dernier éprouvait, en effet, beaucoup de difficultés à isoler la situation de l’établissement de celle du reste de l’entreprise, voire, le cas échéant, du groupe. D’ailleurs dans le cas de TRACTPLUS comme dans celui d’AERO, la déclaration du nombre de salariés dans l’établissement renvoie en fait au nombre de salariés dans l’entreprise (multi-établissements). De ce point de vue, il conviendrait sans doute de revoir l’ordre des questions en commençant par les questions sur la structure de l’entreprise, avant d’aborder celles sur l’établissement.

Il serait souhaitable ensuite de préciser la question relative à l’autonomie de l’établissement (question 0.12). La question, formulée d’une manière très générale, ouvre à des interprétations diverses, induisant la faible qualité de l’information récoltée. L’établissement peut avoir une autonomie limitée vis-à-vis de l’entreprise et, parallèlement, l’entreprise peut disposer d’une autonomie importante vis-à-vis du groupe (FORGE). A l’inverse, l’autonomie en matière d’emploi peut être qualifiée d’importante par l’interviewé s’il considère la latitude en matière d’embauche ou de licenciement individuels, et se révéler très faible en termes de licenciements collectifs (TRACTPLUS). La question apparaît manquer d’autant plus sa cible que la problématique de « qui décide quoi » est ressortie très fortement du travail de terrain.

La question de la dépendance économique est également apparue mal renseignée. Ainsi dans le cas de PEINT, le représentant de la Direction a indiqué dans le questionnaire que son établissement exerçait une activité de sous-traitance (questions 4-4a et b)33 et lors de l’entretien il est revenu sur

cette déclaration, se positionnant comme « preneur d’ordres » plutôt que comme « sous-traitant ». En fait, les ordres viennent d’autres sociétés du groupe et il n’y a donc pas de contrat de sous- traitance, PEINT restant le concepteur de ses produits :

"Pour le groupe oui, nous sommes sous-traitants, nous sommes un fournisseur interne de

solutions et de peintures […]. On ne signe pas de contrats de sous-traitance, mais des contrats de fourniture de marchandises, parce que le know how est chez nous" (R.D., PEINT).

324.7. Dans votre l’E… quelle évolution des effectifs a été enregistrée, au cours des trois dernières années (2008, 2009, 2010),

pour les cadres, les commerciaux, les techniciens et agents de maîtrise, les employés, les ouvriers, l’ensemble des salariés.

De même, dans le cas de FORGE, l’établissement apparaît dans le questionnaire comme « sous- traitant », mais, lors de l’entretien, le représentant de la Direction refuse ce qualificatif. Si l’établissement est bien dépendant pour 70% de ses commandes d’un constructeur aéronautique, il n’est pas lié à celui-ci par un contrat de sous-traitance. Aussi l’interviewé préfère-t-il parler de « partenariat ».

A l’inverse, dans le cas de FERROV, l’établissement n’est pas preneur d’ordres selon le questionnaire de l’enquête ; or pendant l’entretien, le représentant de la Direction déclare que l’établissement est un « sous-traitant » de la SNCF et de la RATP, qui sont ses principaux clients et lui ont imposé des « qualifications » spécifiques.

Ces différents retours du terrain conduisent à préconiser une reformulation de la question, soit dans un sens plus restrictif en précisant ce que l’on entend par « sous-traitance » au sens de l’INSEE par exemple (voir point 4 de l’encadré n°8 sur la sous-traitance), soit, si l’on cherche à capter une situation de dépendance économique, dans une formulation plus large faisant référence à une situation de « sous-traitance ou de preneur d’ordres ».