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La crise macroéconomique dans les entreprises

Partie 2. Les apports des monographies

2. De quelle(s) crise(s) parle-t-on ?

2.2. La crise macroéconomique dans les entreprises

L’échelle de l’établissement n’étant pas pertinente pour appréhender les effets de la crise (notamment sur les indicateurs tels que le chiffre d’affaires ou la rentabilité), nous adoptons ici d’emblée le niveau de l’entreprise. Toutes les entreprises (sauf FERROV, PHARMA et SANSFIL) font face à une baisse sensible de leur chiffre d’affaires liée à la crise macroéconomique, prenant la forme d’une crise sectorielle et d’une conjoncture nettement dégradée.

2.2.1. Les pertes d’activité liées à la crise macroéconomique

La crise économique prendra le plus souvent une déclinaison sectorielle. Ainsi, la crise du secteur du bâtiment affecte par exemple directement ELEVATION (production d’ascenseurs) qui voit son chiffre d’affaires chuter de 40% en 2008, TRACTPLUS dont l’activité chute de 77% entre 2008 et 2009, mais aussi BTP ou encore PEINT. La crise du secteur de l’industrie automobile et de l‘aéronautique affecte FORGE dont les commandes chutent de 40% en 2009, mais encore PNEU, AERO et EQUIP et surtout GRENAILLE (dont le chiffre d’affaires est divisé par 2 en 2009). D’autres secteurs sont touchés comme le secteur financier (BANQUE), celui du conseil en ressources humaines (CONSEIL, dont l’activité de conseil en recrutement connaît une baisse brutale en 2009), ou encore dans une moindre mesure celui de l’industrie pharmaceutique dont les commandes baissent à partir de 2009 (groupe PHARMA, dont le chiffre d’affaires continue certes à augmenter, mais en raison de variations de change et de périmètre8). Enfin, la crise déprime la consommation, via la baisse de pouvoir d’achat et les

restrictions d’accès au crédit (COOP).

L’effet de cette crise macroéconomique n’est bien sûr pas de même ampleur pour toutes les entreprises, mais il est parfois décrit comme brutal. Comme le souligne le RD de ELEVATION :

« Nous, l’immobilier on était très présents, donc l’Espagne nous aidait à avoir une croissance,

un chiffre d’affaires formidable jusqu’en 2007 et en 2008, début 2008, avant vraiment la crise économique généralisée, on perd pratiquement 40% de chiffre d’affaires parce que c’est passé pratiquement à 0. C’était très très violent ! ». Ce sentiment domine aussi chez EQUIP

dont le RD affirme : « Baisse d'activité chez nous, très sensible fin 2008 et les six premiers

mois de l'année 2008, aucun effet, rien, on était partis pour faire une pas trop mauvaise année. Par contre 2009, ça a été dramatique puisque entre 2008 et 2009 (...) on a fait 45% de CA en moins. On est passé de 250 millions à 140 millions, un truc comme ça, c'était vraiment très violent sur 2009».

Par ailleurs, si ces effets sont parfois violents, ils peuvent être néanmoins temporaires, certaines entreprises renouant alors assez rapidement avec la croissance (AERO, FORGE, EQUIP et même PNEU). C’est le cas de l’industrie aéronautique qui connaît des difficultés réelles mais très transitoires et qui anticipe simultanément une forte croissance des commandes à venir. Ce caractère parfois

transitoire est important pour comprendre la manière dont les ajustements seront ou non réalisés

ou acceptés.

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Notons enfin que la crise économique peut se manifester de manière indirecte, alors que ni le secteur d’activité de l’entreprise, ni même son chiffre d’affaires, ne semblent affectés. C’est ainsi le cas de FERROV qui, fournisseur de la SNCF et positionné sur une niche en pleine croissance, ne connaît aucune baisse d’activité. Néanmoins, la crise économique produit une intensification de la concurrence dans son secteur pourtant assez préservé, avec l’arrivée d’entreprises fuyant leurs propres marchés sinistrés. Cette montée de la concurrence va certes entraîner une baisse des prix, mais surtout une politique de débauchages massifs par les nouveaux concurrents qui va mettre l’entreprise en difficulté. Ainsi, le RP-CGT résume les manifestations de la crise par ces départs massifs : « la crise, je la transformerais dans le sens où tout le monde s’en va ». Ces difficultés sont aggravées par un autre effet indirect de la crise : le groupe auquel appartient FERROV connaît lui une crise de sa branche électrique et va imposer une modération salariale à FERROV, l’empêchant alors de conserver ses salariés. FERROV, pourtant épargnée par la crise sur son secteur, la subit alors de manière indirecte, via ces deux canaux différents.

2.2.2. Activité versus rentabilité

Comme nous l’avons déjà souligné, les effets de cette crise sur l’activité sont néanmoins à distinguer des effets sur la rentabilité : si les chutes des deux indicateurs vont souvent de pair, ils ne sont pas systématiquement corrélés ou simultanés. Ainsi, la perte d’activité n’est pas toujours le signal pertinent de l’amorce des difficultés.

ELEVATION par exemple connaît, avant d’être affectée par la chute de son activité en 2008, une croissance forte mais de gros problèmes de rentabilité, liés à des prix de vente trop faibles par rapport à ses coûts de production :

« En gros on a eu une crise de croissance. On a crû de 15-20 % en 2005-2007. Ça, ça n’a pas

forcément été bien géré. Il y a aussi eu des hausses de prix de matières premières très fortes sur les métaux. Donc pour beaucoup de raisons on a eu du mal. On a réussi à produire mais on a produit trop cher et on ne vendait pas assez cher et en même temps on a dû aussi faire des baisses de prix. Donc tout ça mis bout à bout, ça fait que l’entreprise a perdu beaucoup d’argent en 2006 et en 2007».

Et paradoxalement, c’est parallèlement à sa chute d’activité, à partir de 2009, que l’entreprise parvient à redresser ses comptes et à renouer avec les bénéfices en 2011. De même, les bénéfices de BTP ont été affectés par une baisse des prix sur les années 2007-2008, permettant de protéger l'activité jusqu’en 2009. La crise pour BTP est, selon certains membres de l'équipe de direction, un révélateur de mauvaises pratiques de gestion, trop centrées sur la croissance au détriment de la rentabilité.

Autre exemple, FORGE connaît une baisse d’activité en 2008 mais ne subit de dégradation de ses résultats financiers qu’à partir de 2011 :

« Ce qu’il faut comprendre dans nos activités, c’est que les impacts économiques ne se font pas

ressentir immédiatement (…). Quand vous êtes en phase de décélération, généralement vous arrivez à maintenir votre rentabilité assez bien parce que vous videz votre stock et c’est des frais financiers en moins, vous prenez des mesures d’adaptation assez rapides à l’activité elle-même

donc ça vous fait des charges variables qui disparaissent. Par contre, quand vous êtes en phase de reprise, l’année 2011 nous a coûté très très cher » (RD).