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Dans la section précédente, nous avons énoncé des propriétés portant sur les discrétisa-tions à savoir être bien répartie, être bien ordonnée, se raner, être auto-similaire ou fortement auto-similaire qui nous serviront par la suite. Dans ce paragraphe, on montre non seulement qu'elles ne sont pas vides, mais on donne aussi quelques exemples concrets de grilles qui vérient certaines de ces hypothèses.

Grilles de discrétisations uniformes sur le tore. L'exemple le plus simple, qui servira d'ailleurs pour les simulations numériques, est celui du tore Tn = Rn/Zn de dimension n ≥ 2 muni des discrétisations selon les grilles de discrétisation uniformes d'ordres N, dénies à partir du domaine fondamentalIn = [0,1]n deTn :

On vérie facilement que la suite(EN)N∈N est bien répartie et bien ordonnée, en prenant les cubes centrés en les points deEN (voir la fugure1) :

CN,(i1/N,...,in/N)=

On montre aussi facilement que la suite(EN)N est auto-similaire, avec leshjqui sont toutes des composées de translations avec des homotéties. Néanmoins, ces grilles ne se ranent pas.

Pour obtenir des grilles qui se ranent, on modie un peu la dénition des grillesEN : on prend une suite(kN)N∈N strictement croissante d'entiers et pose

EN =

De même qu'auparavant, on vérie facilement que cette suite de grilles est bien répartie, bien ordonnée et auto-similaire, et si on suppose de plus que pour tout entierN,kN divise kN+1 ce qui est le cas par exemple lorsquekN =pN avecpun entier plus grand que 2 alors la suite est fortement auto-similaire (donc se rane). Le cas oùkN =pN corres-pond à la discrétisation uniforme deTn selon la décomposition en basepdes nombres de

Figure 1. Grilles de discrétisation uniformes d'ordre5sur le toreT2(à gauche) et sur le cubeI2 (E0N au milieu etE1N à droite) et cubes associés

Rn/Zn; lorsqu'on prendp= 2 (resp.p= 10), on retrouve ce que l'on peut attendre d'une discrétisation numérique : eectuer une discrétisation binaire (resp. décimale) à l'ordreN, autrement dit discrétiser selon les sommets des cubes d'ordre2N (resp.10N), cela revient à tronquer chaque coordonnée binaire (resp. décimale) du pointx∈In à laN-ième décimale, i.e. à travailler avec une précision numérique xée(5).

Grilles de discrétisations uniformes sur le cube. De la même manière, on peut dénir des discrétisations uniformes sur le cube In = [0,1]n en posant, toujours avec une suite (kN)N∈N strictement croissante d'entiers,

EN0 = auxquelles on associe les cubes(6) (voir la gure1)

CN,(i1/N,...,in/N)=

De même qu'auparavant, on vérie facilement que cette suite de grilles est bien répartie, bien ordonnée et auto-similaire (voir la gure 2), et si on suppose de plus que pour tout entierN, kN divisekN+1, alors la suite est fortement auto-similaire (donc se rane).

On peut aussi prendre des discrétisations non plus selon les bords de cubes, mais selon leurs centres, en prenant avec des cubes qui, cette fois-ci, sont bien plus naturels (voir la gure1) :

CN,(i1/N,...,in/N)=

5. Même si en pratique l'ordinateur travaille en format ottant, ce qui fait que le nombre de chires après la virgule après lequel on tronque n'est pas le même selon que l'on se place au voisinage de 0 ou loin de 0.

6. Attention, ces cubes ont leurs sommets sur les points de la grille d'ordrekN1.

Figure 2. Auto-similarité des grillesE0N

Et de nouveau, on vérie aisément que cette suite de grilles est bien répartie, bien ordonnée et auto-similaire (mais ne se rane jamais).

Grilles de discrétisation sur une variété quelconque. En fait, on peut généraliser les discrétisations E0N sur le cubeIn au cas d'une variété quelconqueX, à l'aide du théorème d'Oxtoby-Ulam(7) :

Théorème 13 (Oxtoby, Ulam). Sous les hypothèses que l'on a faites sur X et λ, il existe une applicationφ:In→X telle que :

Comme on l'a dit, ce théorème nous permet de dénir des grilles de discrétisations sur X à partir des discrétisations uniformes sur le cube : pour une application φ vériant les conclusions du théorème d'Oxtoby-Ulam et(kN)n∈N une suite strictement croissante d'en-tiers, l'image parφ des discrétisations uniformes (strictes) EN0 d'ordres kN sur le cubeIn dénit une suite de grilles de discrétisations sur la variétéX. Les propriétés vériées par les grilles sur In se transmettent facilement aux grilles de X : on vérie facilement que cette suite de grilles est bien répartie, bien ordonnée et auto-similaire, et qu'elle est fortement auto-similaire pour peu que pour tout entierN,kN divisekN+1.

7. Que les auteurs ont prouvé dans l'article traitant de la généricité de l'ergodicité dans l'ensemble des homéomorphismes conservatifs (voir [OU41]).

Remarque 14. L'exemple englobe aussi le cas oùX=In,λ= Lebet où les grilles sont les images des grilles EN par un unique homéomorphisme de X préservant la mesure de Lebesgue.

On peut même être plus général :

Proposition 15. Si on a une suite (EN)N de grilles sur le cube In dont les éléments ne sont par sur le bord du cube, alors son image parφdénit une suite de grilles sur X qui vérient les mêmes propriétés que la grille initiale sur le cube.

Remarque 16. Avec cette méthode, on peut retrouver les discrétisations uniformes sur le tore à partir de discrétisations sur le cube : il sut de prendre les grilles sur le cube :

EN = i1

N, . . . ,in

N

∈In

∀j,0≤ij≤N−1

, les cubes

CN,(i1/N,...,in/N)=

n

Y

j=1

ij

N , ij+ 1 N

, et de prendre pourφla surjection classique du cubeIn sur le toreTn.

PARTIE I

DISCRÉTISATIONS D'UN HOMÉOMORPHISME CONSERVATIF GÉNÉRIQUE

Rappelons que l'on a xé une fois pour toutes une variétéX et une bonne mesureλsur X, ainsi qu'une suite de grilles de discrétisation(EN)N∈N(voir la dénition3). On suppose de plus que cette suite de grilles est bien répartie et bien ordonnée (voir la dénition 9).

Dans cette partie, on s'intéressera aux discrétisations des éléments de Homeo(X, λ); ainsi les homéomorphismes seront systématiquement supposés conservatifs.

4. Types d'approximation denses

Plutôt que de parler de propriété portant sur les discrétisations, on utilisera la notion plus précise de types d'approximation :

Dénition 17. Un type d'approximation T = (TN)N∈N est une suite de parties de l'ensembleF(EN, EN)des applications deEN dans lui-même.

SoitU un ouvert de Homeo(X, λ); un type d'approximation T est dit dense dansU si pour tout f ∈ U, tout ε > 0 et tout N0 ∈ N, il existe N ≥ N0 ainsi que σN ∈ TN tels quedN(f, σN)< ε(on rappelle quedN est la distance def|EN àσN considérées comme des applications deEN dansX).

Le but de ce paragraphe est d'établir que chaque type d'approximation dense apparaît une innité de fois parmi les discrétisations d'un homéomorphisme générique.

Théorème 18. Soient U un ouvert(8) de Homeo(X, λ) et T un type d'approximation dense dans U. Alors pour un élément générique f de U et pour tout N0 ∈ N, il existe N ≥N0 tel que fN ∈ TN.

Ce théorème constituera (presque) systématiquement la seconde étape conduisant à l'ob-tention d'une propriété des discrétisations d'un homéomorphisme générique, la première étant de montrer que le type d'approximation qui nous intéresse est dense. Nous tâcherons, dans la section 6, d'établir le plus de corollaires possibles de ce théorème, montrant par là que la démarche prouver qu'un type d'approximation est dense puis appliquer le théorème 18 constitue une méthode générale d'obtention de propriétés de discrétisations(9).

Passons à la preuve du théorème18. En pratique, nous partons d'un type d'approxima-tions dense, donc d'applicad'approxima-tions discrètes, et nous voulons obtenir des propriétés vériées par des homéomorphismes. L'outil qui nous permet de reconstruire un homéomorphisme à partir d'une application nie σN : EN → EN, autrement dit de faire l'opération inverse d'une discrétisation, est la proposition d'extension des applications nies :

Proposition 19 (Extension des applications nies). Soient (x1, x2, . . . , xk) et (y1, y2, . . . , yk) deux k-uplets de points deux à deux distincts de X \∂X ( i.e. pour tout i 6= j, on a xi 6= xj et yi 6= yj). Alors il existe f ∈ Homeo(X, λ) tel que pour tout i∈ {1, . . . , k},f(xi) =yi. De plusf peut être choisi de telle sorte que simaxid(xi, yi)< δ, alors d(f,Id)< δ.

L'idée de la preuve est assez simple : il s'agit de composer des homéomorphismes qui ont un support de taille ε et qui sont des symétries centrales à l'intérieur de ce support.

On construit alors une suite (zj)1≤j≤k telle que z1 = x1, zk = y1 et d(zj, zj+1) < ε/10. En composant k−1 homéomorphismes comme au dessus, tels que chacun envoie zj sur zj+1, on obtient un homéomorphisme conservatif qui envoie x0 sur y0. La mise en ÷uvre de ces remarques est alors essentiellement technique. Le lecteur désirant trouver une preuve détaillée pourra consulter la partie 2.2 de [Gui12].

Cela nous permet de construire des homéomorphismes à partir d'un type d'approximation dense :

Lemme 20. Soient U un ouvert de Homeo(X, λ) et T = (TN)N∈N un type d'approxi-mation dense dans U. Alors pour tout N0 ∈ N, l'ensemble des homéomorphismes f pour lesquels il existeN ≥N0 tel que la discrétisationfN def soit dansTN, est dense dansU.

8. Bien souvent, nous prendrons simplementU= Homeo(X, λ).

9. Même si certaines propriétés peuvent être prouvées de manière diérente : par exemple on peut montrer le corollaire 39 en insérant des fers à cheval dans la dynamique d'un homéomorphisme donné, à l'aide du théorème de modication locale (théorème32, pour une présentation de la technique dans un autre cadre voir la partie 3.3 de [Gui12]) ; on peut aussi montrer une variante du corollaire27en modiant un homéomorphisme donné de telle manière à ce qu'il ait une orbite périodique dont les points sont presque sur les grillesEN (qui sont supposées se raner), au module de continuité def près, pour que la vraie orbite du point périodique et l'orbite discrétisée coïncident.

Preuve du lemme20. Soient f ∈ U, N0 ∈ N et ε > 0. Puisque T est un type d'ap-proximation dense dans U, il existe N ≥N0 et σN ∈ TN tels que dN(f, σN) < ε. Soient x1, . . . , xqN les éléments deEN. Alors pour tout entier`, d(f(x`), σN(x`))< ε. On modie σN en une application bijective σ0N : EN → X dont la discrétisation sur EN est égale à σN : on pose σN0 (x1) = σ(x1) et dénit σ0N par récurrence en choisissant σN0 (x`) de telle manière queσ0N(x`)soit diérent desσN0 (xi)pouri≤`, quePNN0 (x`)) =PNN(x`))et qued(f(x`), σN0 (x`))< ε.

Puisqueσ0N est bijective, on peut appliquer la proposition19aux pointsf(x`)etσN0 (x`); cela nous donne un homéomorphisme préservant la mesure ϕ tel que ϕ(f(x`)) = σ0N(x`) pour tout`et qued(ϕ,Id)< ε. Posantf0 =ϕ◦f, on ad(f, f0)≤εetf0(x`) =σN0 (x`)pour tout`et par conséquentfNN.

Le théorème18s'en déduit facilement :

Preuve du théorème 18. Notons (xN,`)1≤`≤qN les éléments de EN et considérons l'en-semble (notantρN la distance minimale entre deux points deEN)

\

N0∈N

[

N≥N0

σN∈TN

nf ∈ U | ∀`, dN f(xN,`), σN(xN,`)

< ρN 2

o.

Cet ensemble est clairement une intersection dénombrable d'ouverts, et sa densité est une conséquence directe du lemme20. De plus, on voit facilement que ses éléments vérient les conclusions du théorème.

5. Théorème de Lax

Maintenant que l'on a montré le théorème 18, il nous faut obtenir des types d'approxi-mation denses. Et là encore, nous disposons d'un théorème que nous utiliserons systéma-tiquement : le théorème de Lax, plus précisément une amélioration énoncée par S. Alpern [Alp76] qui permet d'approcher tout homéomorphisme par une permutation cyclique des éléments d'une grille de discrétisation.

Théorème 21 (Lax, Alpern). Soient f ∈ Homeo(X, λ) et ε > 0. Alors il existe un entierN0 tel que pour toutN ≥N0, il existe une permutation cyclique des éléments de EN notéeσN telle que d(f, σN)< ε.

De la même manière qu'un ensemble compact métrique peut être vu comme un en-semble ni à ε près , la philosophie du théorème de Lax est que les discrétisations d'un homéomorphisme conservatif sont des permutations cycliques àε près . En pratique, ce théorème sert à casser les homéomorphismes en petits morceaux. La combinaison du théorème de Lax et de la proposition d'extension des applications nies (théorème19) per-met de montrer facilement la généricité de la transitivité dansHomeo(X, λ)(de nouveau, voir [AP00] ou la partie 2.4 de [Gui12]) ; dans notre cas, en appliquant le théorème 18, on en déduit qu'une innité de discrétisations d'un homéomorphisme générique sont des permutations cycliques. L'objet de la section6 est de trouver des variantes du théorèmes

de Lax, qui en sont en même temps des corollaires, pour obtenir d'autres propriétés des discrétisations d'un homéomorphisme générique.

Nous donnons brièvement la très jolie preuve du théorème de Lax(10), essentiellement combinatoire, et basée sur le lemme des mariages ainsi que sur un lemme d'approximation d'une permutation par une permutation cyclique dû à S. Alpern. Le lecteur désirant trouver les preuves de ces lemmes pourra consulter la partie 2.1 de [Gui12]. C'est dans cette preuve que l'on utilise le fait que les discrétisations sont bien réparties et bien ordonnées.

Lemme 22 (Lemme des mariages). Soient E et F deux ensembles nis et ≈ une relation entre les éléments de E et de F. On suppose que l'ensemble des éléments de F associés à un sous-ensemble E0 deE est de cardinal plus grand que celui deE0, autrement dit que :

∀E0⊂E, Card(E0)≤Card{f ∈F | ∃e∈E0:e≈f}.

Alors il existe une application injectiveΦ :E→F telle que pour tout e∈E,e≈Φ(e). Lemme 23 (Approximations cycliques dans Sq, [Alp76])

Soientq∈N etσ∈Sq (on voitSq comme le groupe des permutations deZ/qZ). Alors il existe τ ∈Sq telle que |τ(k)−k| ≤2 pour tout k (où|.| désigne la distance dansZ/qZ) et telle que la permutationτ σ soit cyclique.

Preuve du théorème 21. Soit f ∈ Homeo(X, λ) et ε > 0. Considérons un entier N0 tel que pour toutN≥N0, les cubes d'ordreN (donnés par l'hypothèse être bien répartie ), ainsi que leurs images par f, ont un diamètre plus petit que ε. On dénit une relation ≈ entre les cubes d'ordreN−1comme suit :C≈C0 si et seulement sif(C)∩C06=∅. Puisque f préserve la mesure λ, l'image de l'union de`cubes intersecte au moins ` cubes, on peut donc appliquer le lemme des mariages (lemme 22) : il existe une application injective ΦN

de l'ensemble des cubes d'ordreN dans lui-même (donc bijective) telle que pour tout cube C,f(C)∩ΦN(C)6=∅. Posant σN l'application qui envoie le centre de tout cubeC sur le centre du cubeΦN(C), on obtient :

dN(f, σN)≤sup

C

diam(C) + sup

C

diam(f(C))

≤2ε

Reste à montrer que l'on peut prendre pour σN une permutation cyclique. Numérotant les cubes de manière à ce que deux cubes consécutifs soient adjacents (c'est possible car les grilles sont bien ordonnées), on utilise le lemme 23, qui nous donne une permutation cycliqueσN0 qui est2 sup(diam(C))-proche de σN. On a donc trouvé un entier N0 et pour toutN ≥N0, une permutation cyclique σN0 deEN qui est4ε-proche def.

6. Comportement individuel des discrétisations

On peut désormais aborder les premiers résultats à propos du comportement des discréti-sations d'un homéomorphisme conservatif générique ; on étudie le comportement individuel des discrétisations, c'est à dire ne concernant qu'un ordre de discrétisation et un seul. Comme on l'a déjà dit, en s'aidant du théorème 18, il sut de trouver des types d'approximations

10. Qui sera reprise lors de la démonstration du lemme48.

denses pour obtenir directement des résultats sur les discrétisations. En pratique, ces types d'approximation denses sont tous obtenus à partir de variantes du théorème de Lax (théo-rème21).

On rappelle que l'on a xé une suite (EN)n∈N de grilles de discrétisation qui est bien répartie et bien ordonnée (voir la dénition9), que l'on note fN la discrétisation de l'ho-méomorphismef etΩ(fN)l'ensemble invariant maximal pourfN.

Nous nous eorcerons de montrer que pour les propriétés dynamiques(P)les plus simples portant sur les applications nies, pour un homéomorphisme conservatif génériquef, la suite (fN)N∈N des discrétisations def contient une innité d'éléments vériant (P) mais aussi une innité d'éléments vériant son contraire. Par exemple, on montre que pour un homéo-morphisme génériquef, l'ensemble invariant maximalΩ(fN)est tantôt de cardinal maximal, i.e.Ω(fN) =EN (corollaire24), tantôt de cardinal petit (corollaire27), et même mieux, que le cardinal de l'image defN est petit pour une innité d'entiersN (corollaire39). Le temps de stabilisation(11), lui aussi, est tantôt nul (corollaire24, par exemple), tantôt de l'ordre de Card(EN)(corollaire29). Enn, concernant la dynamique de l'applicationfN|Ω(f

N), tantôt cette application est une permutation cyclique (corollaire24), voire bicyclique (remarque25, voir aussi le corollaire37), tantôt c'est une application ayant beaucoup d'orbites (corollaire 41).

En premier lieu, on déduit directement du théorème de Lax que les permutations cycliques des ensemblesEN, forment un type d'approximation dense dansHomeo(X, λ). En combinant cela avec le théorème18, on a :

Corollaire 24 (Miernowski, [Mie05]). Pour un homéomorphisme générique f ∈ Homeo(X, λ), pour tout N0 ∈ N, il existe N ≥ N0, tel que fN soit une permutation cyclique.

Remarque 25. On peut faire la même chose avec des permutations bicycliques, qui sont des permutations ayant exactement deux orbites, dont les longueurs sont premières entre elles (voir [Gui12]).

La première variante du théorème de Lax concerne l'approximation par des applications dont l'ensemble invariant maximal est petit, ce qui est contraire à ce qui se passe dans le corollaire24.

Proposition 26 (Première variante du théorème de Lax)

Soitf ∈Homeo(X, λ). Alors pour toutε >0et tout ε0>0, il existeN0∈N tel que pour toutN ≥N0, il existe une applicationσN :EN →EN, telle que dN(f, σN)< εet

Card(Ω(σN))

Card(EN) = Card(Ω(σN)) qN

< ε0,

et telle que EN soit recouvert par une unique orbite (pré-périodique) deσN.

11. Autrement dit le plus petit entierktel quefNk(EN) = Ω(fN).

Preuve de la proposition26. Soit f ∈ Homeo(X, λ), ε > 0 et x un point récurrent de f. Il existe un entier τ > 0 tel que d(x, fτ(x)) < ε8; cette inégalité reste vraie pour des discrétisations assez nes : il existe un entierN1tel que pourN ≥N1, on a les inégalités

d(x, xN)< ε

8, d fτ(x), fτ(xN)

< ε

8 et τ qN < ε0.

En utilisant le module de continuité defτ, le théorème de Lax (théorème21) nous donne un entierN0≥N1tel que pour toutN≥N0, il existe une permutation cycliqueσN deEN

telle quedN(f, σN)< ε2 etdN(fτ, στN)< ε8. Alors d(xN, σNτ(xN)) ≤ d(xN, x) +d x, fτ(x)

+d fτ(x), fτ(xN) +d fτ(xN), στN(xN)

< ε 2.

On compose alorsσN par l'application (non bijective) envoyantσNτ−1(xN)surxN et égale à l'identité ailleurs (voir la gure3), autrement dit on considère l'application

σ0N(x) =

xN six=σNτ−1(xN) σN(x) sinon.

L'applicationσ0N possède une unique orbite injective dont l'orbite périodique associée, autre-ment ditΩ(σN0 ), est(xN, σN(xN), . . . , σNτ−1(xN)). Par conséquentσN0 vérie les conclusions de la proposition.

Une application directe du théorème18donne :

Corollaire 27. Pour un homéomorphisme génériquef ∈Homeo(X, λ), on a limN→+∞Card(Ω(fN))

Card(EN) = 0.

Plus précisément, pour un homéomorphisme générique f, pour toutε >0 et tout N0∈N, il existeN ≥N0 tel que Card(Ω(fCard(ENN))) < εet que que EN soit recouvert par une unique orbite (pré-périodique) defN.

Le même type d'idée conduit à la proposition suivante :

Proposition 28. Soitf ∈Homeo(X, λ) ayant au moins un point périodique de période p. Alors pour toutε >0, il existeN0∈Ntel que pour toutN ≥N0, il existe une application σN :EN →EN telle que Card(Ω(σN)) =petdN(f, σN)< ε, et telle queEN soit recouvert par une unique orbite (pré-périodique) de σN.

Preuve de la proposition28. Il sut de remplacer, dans la preuve de la proposition 26, le point récurrent par un point périodique de périodep.

Or, comme nous allons le montrer, le fait de posséder un point périodique est générique parmi Homeo(X, λ)(voir aussi [DF00] ou la partie 3.2 de [Gui12]). Une application adé-quate du théorème de Baire amène à un ranement du corollaire27:

xN

σN(xN)

στ−1N (xN) σN2(xN)

στN(xN)

στ+1N (xN)

σqNN−2(xN) σNqN−1(xN)

xN σ0N(xN)

σN0τ−1(xN) σ02N(xN)

σN(xN)

σN0τ+1(xN)

σN0qN−2(xN) σ0qNN−1(xN)

Figure 3. Modication d'une permutation cyclique

Corollaire 29. Soitε >0. Un homéomorphisme génériquef ∈Homeo(X, λ)possède un point périodique d'orbiteε-dense et de plus, pour une innité d'entiers N, la discrétisation fN possède une unique orbite périodique, dont la période est indépendante de l'entier N et égale à la plus petite période des points périodiques ε-denses de f;EN est alors recouvert par une unique orbite (pré-périodique) de fN.

Pour montrer le corollaire29, on introduit la notion de point persistant.

Dénition 30. Soit f ∈Homeo(X). Un point périodiquex de f de période p est dit persistant si pour tout voisinageU de x, il existe un voisinage V de f dans Homeo(X)tel que toutfe∈ V ait un point périodiquexe∈U de périodep.

Exemple 31. L'endomorphisme deRn

h=

λ1 (0) ...

(0) λn

, avecQ

λi = 1et λi6= 1pour touti, préserve la mesure et possède un point xe persistant à l'origine (voir par exemple la page 319 de [KH95]). Si on poses le renversement d'une coordonnée deRn, l'applicationh◦f préserve elle aussi la mesure et possède un point xe persistant à l'origine.

A1

σ1

σ2

Σ A2

f1

f2

B1 τ1

τ2

B2

Λ

Figure 4. Cadre de la technique de la modication locale

Enn, nous aurons recours théorème de modication locale des homéomorphismes conser-vatifs, qui permet de remplacer localement un homéomorphisme par un autre. Géométri-quement évident et de preuve élémentaire en dimension deux, il se déduit facilement du (dicile) annulus theorem ; pour plus de précisions on pourra se référer à [DF00] ou bien la partie 3.1 de [Gui12].

Théorème 32 (Modication locale). Soient σ1, σ2, τ1 et τ2 quatre plongements épaississables(12) deSn−1 dansRn, tels que σ1 soit dans la composante connexe bornée(13) de σ2 et τ1 dans la composante connexe bornée de τ2. Soient A1 la composante connexe bornée deRn1etB1 la composante connexe bornée deRn1;Σla composante connexe deRn\(σ1∪σ2)ayantσ1∪σ2 pour frontière etΛla composante connexe deRn\(τ1∪τ2) ayant τ1∪τ2 pour frontière ; A2 la composante connexe non bornée de Rn2 et B2 la composante connexe non bornée de Rn2 (voir la gure 4).

Supposons que Leb(A1) = Leb(B1) et Leb(Σ) = Leb(Λ), et donnons-nous deux homéo-morphismes préservant la mesure fi : Ai →Bi, tels que soit chacun préserve l'orientation de Rn, soit chacun la renverse. Alors il existe un homéomorphisme préservant la mesure f :Rn→Rn égal à f1 sur A1 et àf2 surA2.

Ce théorème étant local, on peut tout à fait l'appliquer en remplaçant l'espace Rn par un ouvertO deRn, ou bien encore mieux, à l'aide du théorème d'Oxtoby-Ulam (théorème 13), en remplaçantRn par tout ouvert de carte de la variété X et la mesure de Lebesgue par la mesureλ.

Preuve du corollaire29. Soitε >0. On commence par poserUp l'ensemble des homéo-morphismes qui possèdent au moins un point périodique persistant de période pd'orbite ε-dense (au sens strict), mais aucun point périodique de période strictement inférieure à p

12. Un plongementid'une variétéM dansRnest dit épaississable (en anglais bicollared) s'il existe un prolongementj:M×[−1,1]Rntel quejM×{0}=i.

13. Par théorème de Jordan-Brouwer, le complémentaire d'un ensemble homéomorphe àSn−1 possède bien deux composantes connexes : une bornée et une non.

d'orbiteε-dense (au sens large). Les ensemblesUp sont ouverts et deux à deux disjoints. De plus leur union est dense ; en eet, pourf ∈Homeo(X, λ), si f possède au moins un point périodique d'orbiteε-dense, alors on choisit un point périodique xde f d'orbiteε-dense et de période minimale p, et on perturbe f de manière à le rendre persistant, en évitant de

d'orbiteε-dense (au sens large). Les ensemblesUp sont ouverts et deux à deux disjoints. De plus leur union est dense ; en eet, pourf ∈Homeo(X, λ), si f possède au moins un point périodique d'orbiteε-dense, alors on choisit un point périodique xde f d'orbiteε-dense et de période minimale p, et on perturbe f de manière à le rendre persistant, en évitant de

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