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Partie I. Discrétisations d'un homéomorphisme conservatif

9. Simulations numériques

Nous exposons maintenant les résultats des simulations numériques portant sur les ho-méomorphismes conservatifs que nous avons menées. Nous cherchons par là à savoir s'il est possible d'observer les comportements tels que ceux obtenus dans la section6ou bien celui décrit par le théorème55 sur de véritables simulations numériques : il n'est pas évident a priori que les ordres de discrétisation décrits par ces résultats soient atteignables en pra-tique, ni que des exemples simples d'homéomorphismes se comportent de la même manière que les homéomorphismes génériques.

Rappelons que nous simulons des homéomorphismes du type

f(x, y) =Q◦P(x, y) ou f(x, y) =P◦Q◦P(x, y),

oùP et Qsont deux homéomorphismes du tore ne modiant qu'une seule coordonnée : P(x, y) = (x, y+p(x, y)) et Q(x, y) = (x+q(x, y), y),

et que nous discrétisons selon les grilles uniformes sur le tore : EN =

i1

N, . . . ,in N

∈Tn

∀j,0≤ij≤N−1

.

Pour obtenir des homéomorphismes conservatifs, nous avons choisip(x, y) =p(x)etq(x, y) = q(y). Nous avons eectué des simulations sur trois homéomorphismes conservatifs qui sont de petites perturbations de l'identité ou bien de l'automorphisme d'Anosov standard

A= 1 1

1 2

:

Pour commencer nous avons étudiéf1=P◦Q◦P, avec p(x) = 1

259cos(2π×227x) + 1

271sin(2π×253x), q(y) = 1

287cos(2π×241y) + 1

263sin(2π×217y).

Cet homéomorphisme conservatif correspond à une petite perturbationC0de l'identité.

L'expérience montre que même des systèmes dynamiques ayant des dénitions assez simples ont un comportement dynamique assez chaotique (voir par exemple [GT83]) ; on peut espérer que l'homéomorphismef1ainsi déni ait un comportement dynamique complexe, voire se comporte essentiellement comme un homéomorphisme générique, au moins pour de petits ordres de discrétisation. Remarquons que nous avons choisi des coecients qui n'ont pratiquement pas de diviseurs communs, de manière à éviter que des phénomènes arithmétiques, tels qu'une périodicité ou bien des résonances, n'introduisent de la régularité dans la dynamique de l'homéomorphisme considéré, que nous voulons aléatoire .

Ensuite nous avons simuléf2la composition de f1 avec l'automorphisme d'AnosovA, soitf2=P◦Q◦P◦A, ce qui en fait une perturbationC0petite de l'automorphisme d'Anosov standardA. Ainsi f2 est semi-conjugué à A, mais pas conjugué : à chaque orbite périodique deAcorrespond de nombreuses orbites périodiques pourf2. Comme pourf1, nous avons dénif2 dans l'espoir que le comportement de ses discrétisations soit assez proche de celui des discrétisations d'un homéomorphisme générique.

Enn nous nous sommes intéressés à l'homéomorphismef3=Q◦P◦A, où p(x) = 1

259cos(2π×x) + 1

271cos(2π×5x), q(y) = 1

287cos(2π×y) + 1

263cos(2π×7y).

Dans ce cas, f3 est une perturbation non seulement C0 petite, mais aussi C1 petite, de l'automorphisme d'Anosov standard. Un tel diéomorphisme est topologiquement conjugué à A; le but de la simulation d'une perturbation C1 de A, ce qui n'a pas

vraiment de sens dans l'optique de l'étude des homéomorphismes génériques, est de vérier si oui ou non le fait d'être topologiquement conjugué à une dynamique simple et bien connue change beaucoup le comportement des discrétisations.

Remarquons que l'homéomorphismef1 possède au moins un point xe (il sut d'annu-ler simultanément p(x) et q(y)) et que les homéomorphismesf2 et f3 possèdent au moins un point périodique de période inférieure à8 (pour voir cela, considérer l'image par Ades cubes de la subdivision d'ordre3, réduire modulo1/3et appliquer le théorème de Brouwer, et remarquer que cette construction est stable par petite perturbation). Ainsi, les résultats théoriques indiquent que, pour un homéomorphisme génériquef qui a une orbite périodique de période inférieure à8, une innité des discrétisations possède une unique orbite pério-dique, de longueur inférieure à8, et une sous-suite des mesures invariantesµfN tend vers une mesure invariante par f portée par une orbite périodique de période inférieure à 8. Nous pourrons tester si cela se vérie sur les simulations.

9.1. Comportement ensembliste. Dans un premier temps, nous nous sommes in-téressés à quelques quantités reliées au comportement ensembliste des discrétisations des homéomorphismes. Ces quantités sont :

le cardinal de l'ensemble invariant maximalΩ(fN), le nombre d'orbites périodiques de l'applicationfN, la taille maximale d'une orbite périodique pourfN.

Rappelons que d'après les corollaires24, 29 et 41, pour un homéomorphisme générique, le rapport Card(Ω(fqN N)) doit osciller entre 0 et 1 en fonction de N, le nombre d'orbites doit osciller entre 1 et (par exemple) √

qN et la taille maximale d'une orbite périodique doit osciller entre une constante etqN.

Nous avons calculé ces quantités pour des discrétisations d'ordres128kpourkallant de1 à100et les avons représenté sous forme de graphiques. Pour information, siN = 128×100, alorsqN '1,6.108.

Figure 7. Taille de l'ensemble invariant maximalΩ((fi)N)en fonction deN pourf1 (en haut à gauche), f2 (en haut à droite) etf3 (en bas à droite), sur les grillesEN, avecN = 128k,k= 1, . . . ,100

En ce qui concerne le cardinal de l'ensemble invariant maximalΩ(fN)(gure7), contrai-rement à ce que prévoient les résultats théoriques pour un homéomorphisme générique, pour toutes les simulations, le rapport Card(Ω(fqN N)) tend vers0lorsqueN augmente. Plus précisé-ment, le cardinal deΩ(fN)évolue de manière beaucoup plus régulière pour f1 que pourf2

etf3 : si pour unef1 la valeur de ce cardinal semble être la somme d'une fonction régulière croissante et d'un bruit aléatoire, pour f2 et f3 cette valeur semble être le produit d'une fonction régulière croissante et d'un bruit aléatoire. Nous n'avons pas d'explication à la forme parabolique de la courbe pourf1: cela traduirait le fait que le cardinal deΩ((f1)N)évolue de la même manière que √4

qN (alors que pour une application aléatoire d'un ensemble ni àq éléments dans lui-même il évolue de la même manière que√

q). Enn, il est intéressant de noter que pour f2, la taille de l'ensemble invariant maximal se distribue plus ou moins autour de celle de l'ensemble invariant maximal d'une application aléatoire d'un ensemble à qN éléments dans lui-même qui, asymptotiquement, dépend de manière linéaire de N et vaut environ16000pourN = 128×100 (voir [Bol01]).

Figure 8. Nombre d'orbites périodiques de (fi)N en fonction deN pour f1

(en haut à gauche),f2 (en haut à droite) etf3 (en bas à droite), sur les grilles EN, avecN = 128k,k= 1, . . . ,100

D'après les résultats des parties précédentes, pour un homéomorphisme génériquef, le nombre d'orbites périodiques de l'applicationfN doit osciller entre1et (par exemple)√

qN, ce qui n'est clairement pas le cas pour chacune des simulations. De plus, son comportement n'est pas du tout le même pourf1 et pourf2etf3(gure 8) : alors que pourf1ce nombre d'orbites arrive rapidement à une valeur aux alentours de2.104, pour n'augmenter faiblement par la suite, pour f2 et f3 il oscille entre les valeurs 1 et 18, sans que le comportement semble être modié lorsque l'ordre de la discrétisation augmente . Ces graphiques sont à rapprocher de ceux représentant la taille de l'ensemble invariant maximal Ω((fi)N) : si le nombre d'orbites périodiques et la taille de l'ensemble invariant maximal sont du même ordre de grandeur pourf1(à un facteur5près), ce qui signie que la période moyenne d'une orbite périodique est petite (ce qui n'est pas étonnant, vu quef1est une petite perturbation de l'identité), ils dièrent d'un facteur à peu près égal à103 pour f2 et f3, ce qui signie cette fois-ci que la période moyenne d'une orbite périodique est très grande. Cela peut en partie s'expliquer par le fait que l'automorphisme d'Anosov standard tend à mélanger ce qui

se passe au voisinage de l'identité. Toujours est-il que ces simulations (comme celles de la taille de l'ensemble invariant maximal Ω((fi)N)) laissent penser que les comportements au voisinage de l'identité et à celui de l'automorphisme d'Anosov standard sont bien diérents, au moins pour des petits ordres de discrétisation.

Figure 9. Longueur de la plus longue orbite périodique de(fi)N en fonction deN pourf1 (en haut à gauche),f2 (en haut à droite) etf3 (en bas à droite), sur les grillesEN, avecN= 128k,k= 1, . . . ,100

Concernant la taille maximale d'une orbite périodique pour fN (gure 9), là aussi son comportement ne correspond pas à celui d'un homéomorphisme générique : elle devrait oscil-ler entre1(ou8pourf2etf3) etqN, ce qui n'est pas le cas. Néanmoins, elle varie beaucoup selonN, d'autant plus que l'entierN est grand ; si les comportements qualitatifs sont pour ainsi dire identiques pour tous les types de simulations, il y a néanmoins des diérences quantitatives : la valeur maximale de la longueur maximale d'une orbite périodique est plus grande pourf3 que pourf2, et plus grande pourf2 que pourf1.

9.2. Comportement des mesures invariantes. Nous avons également simulé la me-sureµfNi pour les trois exemples d'homéomorphismes conservatifsf1,f2 etf3comme dénis à la page 39. Le but est de tester si oui ou non on peut observer en pratique des phéno-mènes tels que décrits par le théorème55. On ne peut évidemment pas espérer voir la suite (µfNi)N∈N s'accumuler sur toutes les mesures de probabilité invariantes par f, puisque ces mesures forment en général un convexe de dimension innie ; mais on peut tout de même tester si celle-ci semble converger ou non. Pour un C1-diéomorphisme proche de l'auto-morphisme d'Anosov standard, en l'occurrence f3, on peut tester si le comportement des mesures(µfN3)N∈N reète le fait quef3est conjugué à l'automorphisme d'Anosov standard.

Nous présentons des images de tailles 128×128 pixels représentant en échelle logarith-mique la densité de la mesureµfN : on colorie chaque pixel en fonction de la mesure portée par l'ensemble des points deEN qu'il recouvre, le bleu correspondant à un pixel qui est de mesure très petite et le rouge à un pixel qui est de mesure grande. Les échelles à droite de chaque image correspondent à la mesure du pixel en échelle logarithmique de base10: si le vert code le nombre−3, alors un pixel vert sera de mesure10−3pourµfN. Pour information, lorsqu'on représente ainsi la mesure de Lebesgue, les pixels ont tous une valeur d'environ

−4,2.

L'algorithme de calcul de ces mesures invariantes est de complexité linéaire en la taille de la grille de discrétisation, le voici :

Faire i:= 1

Tant que tous les points de la grille n'ont pas été parcourus, faire : Choisir un point x de la grille qui n'a pas encore été parcouru.

Parcourir son orbite en calculant ses images successives par fN, dire que chaque point de cette orbite est dans le bassin numéro i, et indenter à chaque fois la taille du bassin numéro i.

S'arrêter si on tombe sur un point y déjà parcouru, appeler j le numéro du bassin où est y;

si i6=j fusionner les bassins i et j et ajouter leurs tailles ; faire i:=i+ 1.

Calculer la longueur de chaque orbite périodique à l'aide de

l'algorithme de Floyd (autrement appelé algorithme du lièvre et de la tortue).

La valeur de µN est 0 en dehors des orbites périodiques, et égale à la taille du bassin divisé par la taille de l'orbite périodique sur tous les points d'une orbite périodique.

Figure 10. Valeur maximale de la mesureµN en fonction deN pour f1 (en haut à gauche),f2 (en haut à droite) etf3 (en bas à droite), sur les grillesEN, avecN = 128k,k= 1, . . . ,100

La valeur maximale de la mesureµN (gure10) devrait en théorie osciller entre1/qN et1 pourf1et entre1/qN et (au moins)1/8pourf2etf3, ce n'est pas le cas pour ces exemples.

Là aussi le comportement est bien diérent pourf1et pourf2 etf3 : pourf1 il semble que les valeurs de µN se distribuent bien entre la fonction nulle et une fonction linéaire enN, alors que pourf2 on observe des pics : il existe quelques rares valeurs deN pour lesquelles la valeur deµN est bien plus élevée qu'ailleurs. Ce comportement s'observe aussi surf3, où les valeurs deµN sont notablement plus faibles. Pour f1, la valeur maximale de la mesure µN semble globalement croître avecN, mais avec un comportement assez irrégulier, ce qui va plutôt dans le même sens que le théorème55. Enn, on remarque que la valeur maximale deµN est beaucoup plus faible pourf2et f3 que pourf1.

Les résultats des simulations des mesures invariantes def1, qui est une perturbation C0 conservative de l'identité, sont assez positifs, du moins ils s'accordent bien avec les résultats théoriques sur les discrétisations des homéomorphismes conservatifs génériques, en particulier le théorème55. Lorsqu'on discrétisef1(gure11), on observe tout d'abord une mesure plus ou moins bien distribuée dans le tore, puis, au fur et à mesure que le pas de la discrétisation se rane, apparaissent des endroits où la mesure s'accumule ; de plus ces lieux d'accumulation de la mesure changent du tout au tout pour des ordres de discrétisation diérents, et même successifs (voir la gure12). Cela semble tout à fait en accord avec ce qui se passe dans le casC0-générique, où la mesureµfN dépend beaucoup de l'ordre de discrétisation, plutôt que de l'homéomorphisme conservatif que l'on discrétise.

On observe aussi un autre phénomène : lorsque la taille de la grille de discrétisation est assez grande (aux alentours de1012×1012), on voit apparaître des domaines uniformément chargés par la mesure µfN, dont la taille semble inversement proportionnelle à la masse commune des pixels du domaine.

Dans le cas des discrétisations de f2, qui est une perturbation C0 conservative de l'automorphisme d'Anosov standard, les simulations sur des grilles de tailles2k×2k(gure 13) pourraient laisser penser que les mesuresµfN2 tendent vers la mesure de Lebesgue. En fait, en eectuant un nombre plus important de simulations, on se rend compte qu'il y a là aussi de fortes variations du comportement des mesuresµN (gure 14) : la mesure est tantôt bien distribuée dans le tore, et tantôt très singulière par rapport à la mesure de Lebesgue ; par exemple, pour une simulation sur une grille de taille20010×20010(en bas à droite de la première page de la gure14), il y a une orbite de longueur369qui concentre environ 84% de la mesure totale. En fait, le comportement des discrétisations semble le même qu'au voisinage de l'identité, modulo le fait que l'automorphisme d'Anosov standard Atend à diuser les orbites périodiques attractives des discrétisations dans tout le tore : pour beaucoup de valeurs de N, le fait de composer par A diuse le comportement de la mesure µfN2 par rapport à celui deµfN1, mais il arrive parfois (en fait rarement) qu'un point xe de (f1)N qui attire une grosse partie de EN se situe sur un des rares points périodiques de petite période pour A, cela crée alors une orbite périodique de (f2)N qui a une grosse mesure pourµfN2.

Il se passe plus ou moins la même chose pour f3, perturbation C1 conservative de l'automorphisme d'Anosov standard, que pour f2, à ceci près que les variations que l'on observe sont nettement moins fortes : les simulations sur des grilles de tailles2k×2k (gure 15) portent à croire qu'il y a convergence assez rapide vers la mesure de Lebesgue, de manière bien plus agrante que pourf2; cela pourrait être dû au fait que l'homéomorphisme étudié est topologiquement conjugué à l'automorphisme d'Anosov standard, et donc hérite de certaines de ses propriétés. Pourtant, lorsqu'on réalise des séries de simulations, on se rend compte qu'il y a là aussi certaines tailles de grilles pour lesquelles les mesures ne ressemblent plus tellement à la mesure de Lebesgue (gure16). On pourrait rapprocher ce phénomène d'un autre résultat de F. Abdenur et M. Andersson (voir [AA12]) : ils montrent que, pour une application continue du cercle dans lui-même, générique parmi les conjugués du doublement de l'angle, la suite(µN)N∈N s'accumule sur l'ensemble des mesures invariantes def.

Contrairement aux courbes de la section 9.1, les simulations des mesures µfNi reètent plutôt le comportement prédit par le théorème 55, à savoir une grande variabilité de ces mesures en fonction de l'ordreN.

DISCRÉTISATIONS D'UN HOMÉOMORPHISME DISSIPATIF GÉNÉRIQUE

Dans toute cette partie, on xe une variétéX et une bonne mesureλ, telles que dénies dans la section 2. Désormais, les homéomorphismes ne seront plus supposés conservatifs.

Plus formellement, on rappelle que l'on noteHomeo(X)l'ensemble des homéomorphismes dissipatifs deX (sans hypothèse de conservation d'une mesure donnée) ; on s'intéresse aux propriétés des discrétisations des éléments génériques deHomeo(X). On suppose que l'on a muni la variétéX d'une suite (EN)N∈N de grilles de discrétisations.

Les propriétés génériques topologiques des homéomorphismes dissipatifs ont fait l'objet d'un survol de E. Akin, M. Hurley et J. Kennedy [AHK03]. Néanmoins, les propriétés er-godiques des homéomorphismes génériques n'avaient pas été étudiées jusqu'au travail de F.

Abdenur et M. Andersson dans l'article [AA12], dans lequel ils s'intéressent au comporte-ment typique des sommes de Birkho ; dans ce but ils établissent un lemme technique qu'ils nomment shredding lemma et qui leur permet de montrer qu'un homéomorphisme générique est bizarre(18).

Dénition 58. Un homéomorphismef est dit bizarre si presque tout pointx∈X(pour la mesureλ) possède une limite de Birkhoµfx, maisf est totalement singulier (i.e. il existe un borélien de mesure pleine dont l'image parf est de mesure de Lebesgue nulle) et n'admet pas de mesure physique (une mesure borélienneµtelle que l'égalitéµ=µfx soit vérié sur un ensemble de pointsxde mesure de Lebesgue positive).

Contrairement au cas conservatif, la liberté que l'on gagne ici en n'imposant plus la conservation d'une mesure donnée permet de perturber tout diéomorphisme an de créer des attracteurs dont les bassins d'attraction recouvrent la quasi totalité de l'espace X. Cela constitue de plus une propriété ouverte ; de tels bassins d'attraction se voient sur les discrétisations. C'est au cours de cette construction que l'on utilisera le shredding lemma de F. Abdenur et M. Andersson.

Avec ce que l'on vient de dire, on peut d'ores et déjà remarquer que les propriétés des discrétisations d'homéomorphismes dissipatifs génériques sont bien diérentes de celles des discrétisations d'homéomorphismes conservatifs : si auparavant (presque) toutes les proprié-tés dynamiques possibles s'observaient sur les discrétisations d'un même homéomorphisme, le cas dissipatif révèle un comportement beaucoup plus homogène : la dynamique des dis-crétisationsfN d'un homéomorphisme f converge vers la dynamique def . Par exemple, les mesuresµfN s'accumulent sur une unique mesure, à savoirµfX, et non plus sur l'ensemble des mesures invariantes parf.

18. En anglais weird.

58

Dans leur article [AA12], F. Abdenur et M. Andersson essayent de dégager les propriétés ergodiques génériques des applications continues et des homéomorphismes de variétés com-pactes. Plus précisément, ils étudient les comportements des limites de Birkhoµfxpour un homéomorphismef ∈Homeo(X) générique et presque tout pointxpour la mesure de Le-besgue. Pour cela, ils dénissent quelques comportements intéressants des homéomorphismes vis-à-vis de ces limites de Birkho, dont celui qu'ils appellent bizarre (voir la dénition58) ; ils montrent ensuite, à l'aide du shredding lemma, qu'un homéomorphisme dissipatif géné-rique est bizarre(19). Rappelons ce lemme, dont la principale conséquence est qu'un homéo-morphisme générique possède un grand nombre d'ouverts attractifs, tous de mesures petites et décomposables en un petit nombre d'ouverts de petit diamètre :

Lemme 59 (Shredding lemma, F. Abdenur, M. Andersson, [AA12])

Pour ε > 0, il existe un ouvert dense Cε dans Homeo(X), tel que pour tout f ∈ Cε, il

Remarque 60. Quitte à modier un peu l'ouvert dense Cε, on peut de plus supposer que :

1. Les ouvertsWj,i ont leurs ensembles attractifs disjoints, i.e. que pour tout entierj et touti6=i0, on a(21)

19. Notons que de nouveau le comportement générique sur le cercle est bien diérent.

20. Un ouvert est dit régulier s'il est égal à l'intérieur de son adhérence.

21. Ces deux ensembles sont des intersections décroissantes de compacts, ils sont donc compacts et non vides.

59

Wj,1 = Wj,1

Wj,i+10 = Wj,i+1\

 [

i0≤i

\

m≥0

[

m0≥m

fm0(Wj,i0)

.

2. L'union des ouverts Wj,i est de mesure plus petite que ε : il sut de prendre leur intersection avec l'ouvertT

jf(Uj).

3. Chaque ensembleWj,icontient un point périodique attractif. En eet, pour toutε >0, il existex∈Wj,i etm >0tels que d(x, fm(x))< ε. On perturbe alorsf pour que le pointxsoit m-périodique attractif, et cela reste vrai sur tout un voisinage def. Ce lemme nous renseigne beaucoup sur la dynamique d'un homéomorphisme générique, qui en devient assez claire : on a beaucoup de puits dont les bassins d'attraction sont petits et qui attirent presque toute la variétéX. On a même convergence des ensembles attractifs du shredding lemma vers l'adhérence de l'ensemble des puits def :

Notation 61. Pour un homéomorphisme f ∈ Homeo(X), on note A0 l'ensemble des puits def, i.e. de l'ensemble des points périodiques dont l'orbite attire un ouvert non vide.

Corollaire 62. Soitf ∈T

ε>0Cε et Wj,i,ε les ouverts donnés par le shredding lemma pour le paramètre ε >0. Alors les ensembles

Aε=[

j,i

Wj,i,ε

convergent pour la distance de Hausdor lorsqueεtend vers0 vers un ensemble fermé. Cet ensemble est de mesure nulle(22) et coïncide génériquement avec l'adhérence de l'ensemble A0.

Preuve du corollaire62. Soient Cε les ouverts donnés par le shredding lemma et f un homéomorphisme appartenant auGδdenseT

m∈NC1/m. On veut montrer que les ensembles Aεtendent versA0lorsqueεtend vers0, cela revient à montrer que pour toutδ >0, il existe ε0>0tel que pour toutε < ε0, d'une partA0⊂B(Aε,δ)et d'autre partAε⊂B(A0, δ)(où

m∈NC1/m. On veut montrer que les ensembles Aεtendent versA0lorsqueεtend vers0, cela revient à montrer que pour toutδ >0, il existe ε0>0tel que pour toutε < ε0, d'une partA0⊂B(Aε,δ)et d'autre partAε⊂B(A0, δ)(où

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