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Partie I. Discrétisations d'un homéomorphisme conservatif

7. Comportement en moyenne des discrétisations

On cherche maintenant à étudier le comportement en moyenne des discrétisations d'un homéomorphisme générique : par exemple on pourrait imaginer que si, pour un homéomor-phisme génériquef, l'évènement fN est une permutation cyclique a lieu une innité de fois, il reste malgré tout assez rare. Plus précisément on se propose d'étudier la fréquence d'apparition des propriétés portant sur les discrétisations des homéomorphismes génériques, au sens de Cesàro : si on se donne une propriété(P)portant sur les discrétisations, comment évolue la proportion entre 1 et M des discrétisations vériant la propriété (P) lorsque M tend vers l'inni ? Pour mener cette étude, on commence par faire une hypothèse supplé-mentaire sur la suite des grilles de discrétisation : on suppose qu'elle se rane (ce qui est le cas par exemple pour les discrétisations suivant les grilles uniformes d'ordres des puis-sances d'un entier, voir la section3). Ainsi on évite les problèmes arithmétiques délicats de superposition des grilles. Commençons par une dénition :

Dénition 42. On dit qu'une propriété (P) concernant les discrétisations est vériée en moyenne si pour tout N0 ∈ N et tout ε > 0, il existe N ≥ N0 tel que la proportion d'entiersM ∈ {0, . . . , N} tels quefM vérie(P)est supérieure à1−ε, autrement dit

lim

N→+∞

1

N+ 1Card

M ∈ {0, . . . , N} |fM vérie(P) = 1.

On se propose de montrer que pour la plupart des propriétés dont on a établi, dans la section précédente, qu'elles apparaissent sur une innité de discrétisations d'un homéomor-phisme générique, celles-ci sont en fait vériées en moyenne. Pour commencer on énonce un lemme technique :

Lemme 43. Soit T un type d'approximation dense dans Homeo(X, λ). Alors pour un homéomorphisme générique f ∈Homeo(X, λ), pour tout ε > 0 et tout α >0, la propriété (P) : EN contient au moins α sous ensembles disjoints, qui remplissent une part d'au moins 1−ε de EN, tous stables par fN, et tels que sur chacun d'eux la restriction de fN soit conjuguée à une application deT est vériée en moyenne.

En pratique, ce lemme permet d'obtenir bon nombre de propriétés vériées en moyenne, par exemple :

les propriétés quantitatives portant sur les discrétisations, comme par exemple le fait de posséder au moinsM orbites périodiques,

les propriétés d'existence de sous-dynamiques des discrétisations, comme par exemple le fait de posséder au moins une orbite périodique dense.

Preuve du lemme43. Considérons l'ensemble C= \

ε>0 N0∈N

[

N≥N0

( f ∈Homeo(X, λ)

1

N+1Card

M ∈ {0, . . . , N} |fM vérie(P) >1−ε )

,

on veut montrer que C contient unGδ dense de Homeo(X, λ). L'ensembleC est unGδ de l'ensemble générique T

N∈NDN, il sut donc de montrer sa densité parmi T

NDN. Soit f ∈Homeo(X, λ), N0 ∈N, δ >0 et ε >0; cela revient à trouver un homéomorphismeg, qui estδ-proche def et un entierN≥N0, tels que l'on ait

1

N+ 1Card

M ∈ {0, . . . , N} |gM vérie(P) >1−ε.

Cela est simplement obtenu en combinant la densité du type d'approximation T et le fait que les grilles sont fortement auto-similaires : on trouveN0 ∈N tel qu'il existe σN0 0 ∈ TN0 vériantdN0(f, σN0

0) < δ et puisque les grilles sont auto-similaires, on peut insérer la dynamique deσ0N

0 sur au moinsαsous-ensembles disjointsEeNj deEN dans une application σN deEN dans lui-même (comme à la proposition40) ; ces ensemblesEejN remplissant une part d'au moins 1−ε de EN. Finalement on reconstruit un homéomorphisme g dont la discrétisationgN est égale àσN et tel qued(f, g)< δ, par la même technique de preuve que pour le lemme20;gest l'homéomorphisme recherché.

Ce corollaire nous permet d'obtenir un certain nombre de propriétés du comportement moyen des discrétisations. On a par exemple une amélioration du corollaire29:

Corollaire 44. Pour homéomorphisme générique f ∈Homeo(X, λ), la propriété fN

possède une orbite périodique est ε-dense, et le cardinal de Ω(fN) est inférieur à ϑ(N) = o(qN) est vériée en moyenne.

Ou bien une amélioration du corollaire37:

Corollaire 45. Pour homéomorphisme génériquef ∈Homeo(X, λ) et pour tout ε >0, la propriété fN estε-topologiquement faiblement mélangeant(15) est vériée en moyenne.

Ou encore une amélioration du corollaire39:

Corollaire 46. Pour homéomorphisme génériquef ∈Homeo(X, λ) et pour tout ε >0, la propriété Card(fCard(EN(ENN))) < ε est vériée en moyenne.

Et une amélioration du corollaire41:

Corollaire 47. Pour homéomorphisme générique f ∈ Homeo(X, λ) et pour tout M ∈ N, la propriété fN possède au moinsM orbites périodiques est vériée en moyenne.

Néanmoins, remarquons que la propriété la plus simple portant sur les discrétisations, à savoir être une permutation cyclique, ne peut pas être prouvée à l'aide du lemme43. Pour cela, il nous faut un résultat un peu plus précis, que nous ne démontrons que pour le tore muni de discrétisations uniformes qui se ranent.

Lemme 48. Soit f ∈ Homeo(Tn,Leb) et ε > 0. On munit le tore de discrétisations uniformes comme dénies dans la section3, en choisissant la suite(kN)N∈Nde telle manière que la suite de discrétisations se rane. Alors il existe N0∈N tel que pour toutN ≥N0, il existe une permutation σN de EN, à distance au plus ε de f, telle que σN soit une permutation cyclique surEN0et que pour toutM ∈ {N0, . . . , N−1},σN soit une permutation cyclique surEM+1\EM.

Pour des raisons de simplicité, nous ne démontrons ce lemme que dans le cas où n= 2 (i.e. la variété est le tore T2) et oùkN = 2N. Les autres cas du lemme se prouvent de la même manière.

Preuve du lemme48. À l'aide du théorème de Lax (théorème 21), on commence par trouver un entierN0et une permutation cyclique σN0 deEN0 telle que dN0(f, σN0)< ε.

Regardons ce qui se passe à l'ordre N0+ 1. C'est sur EN0+1 que l'on va dénir une application σN00+1, qui sera proche de l'homéomorphisme f. Sur EN0, on dénit σ0N0+1 comme étant égal à σN0 (de manière naturelle). L'idée est alors de refaire la preuve du théorème de Lax (théorème21) pour les éléments deEN0+1\EN0. Pour cela, il faut trouver une partition deX en ensembles de mesures identiques, telle que chaque élémentAxde cette partition soit associé de manière bijective à un pointxdeEN0+1\EN0 et soit de diamètre petit . L'idée pour faire cela est de répartir équitablement la masse des cubes deEN0aux autres cubes.

Dans ce but, on découpe chaque cube de EN0 en huit sous-ensembles, dont quatre sont de mesure1/(6qN0+1)et quatre autres de mesure1/(12qN0+1)(voir la gure6) ; on aecte chacun des quatre premiers à un cube ayant un côté en commun avec le cube initial, et chacun des quatre derniers à un cube ayant seulement un sommet en commun avec le cube initial. On pose alors, pour tout élémentxdeEN0+1\EN0,Axla réunion du cubeCxainsi que de tous les sous-ensembles que l'on lui a aecté. Alors chaque ensembleAxest de mesure

15. Voir la dénition35.

Figure 6. Construction(16) du lemme48 pour deux grilles d'ordres 4 et 8 et zoom autour d'un point de la grille d'ordre4

5/(4qN0+1)et est de diamètre inférieur au triple du diamètre d'un cube deEN0+1. On peut donc appliquer le théorème de Lax à l'homéomorphisme f et à la partition {Ax}x∈EN de T2, partition que l'on numérote de la même manière que la partition EN0+1 (où l'on saute des numéros), ce qui nous donne une permutation cyclique surEN0+1\EN0, qui est proche def. Cela dénit l'applicationσN0 0+1là où elle ne l'était pas encore ; celle-ci est nalement proche def et permute cycliquement les éléments deEN0 ainsi que deEN0+1\EN0.

On termine par récurrence, en répétant l'opérationN−N0 fois.

Corollaire 49. Soitf ∈Homeo(Tn,Leb) etε >0; on rappelle que l'on suppose que la suite des grilles de discrétisation est bien répartie, bien ordonnée et fortement auto-similaire.

Alors il existeN0∈N tel que pour toutN ≥N0, il existe un homéomorphismeg à distance au plusεdef tel que pour toutM ∈ {N, . . . , N0}, la discrétisationgM soit une permutation cyclique deEM. On peut de plus supposer que cette propriété est vériée sur tout un voisinage deg

Preuve du corollaire49. Soitf ∈Homeo(Tn,Leb)etε >0. Le lemme48nous donne un entierN0 ∈N tel que pour tout N ≥N0, il existe une permutation σN deEN, à distance au plus ε/2 de f, telle que σN soit une permutation cyclique sur EN0 et que pour tout M ∈ {N0+ 1, . . . , N},σM soit une permutation cyclique surEM \EM−1. FixonsN ≥N0, l'idée est de modier légèrement les orbites de σN de telle manière que σN devienne une permutation cyclique sur tous les ensemblesEM. On commence par choisirxN0 ∈EN0, ainsi

16. Ne pas oublier que l'on identie certains points du bord !

quex0N

0+1 ∈EN0+1 qui lui est adjacent. On modie alors σN en intervertissant les points xN0 et x0N les images de deux points adjacents dans des grilles de discrétisation EM et EM+1. Alors pour toutM ∈ {N0, . . . , N}, la discrétisation surEM deσNM−1est une permutation cyclique.

De plus, l'applicationσNN est à distance au plus ε/2 deσN. Cela nous permet, à l'aide de la proposition19, d'interpoler σNN en un homéomorphismeg à distance au plus εde f tel que pour toutM ∈ {N0, . . . , N}, la discrétisation à l'ordre M de g soit une permutation cyclique deEM. Le lecteur attentif aura remarqué que dans ce cas les discrétisations degne sont pas dénies de manière unique et que selon les choix faits lors de la dénition dePN sur EN0 , celles-ci peuvent ne pas être des permutations cycliques. Si on veut éviter ce problème, il sut de modier légèrement l'applicationσMN ; cela assure de plus que les conclusions du corollaire sont vériées sur tout un voisinage deg.

Proposition 50. Pour un homéomorphisme générique f ∈ Homeo(Tn,Leb), la pro-priété fN est une permutation cyclique est vériée en moyenne.

Preuve de la proposition50. Soit l'ensemble

C= \ entierN ≥N0, tels que pour tout homéomorphismeg0 susament proche deg, on ait

1

N+ 1Card

M ∈ {0, . . . , N} |gM0 ∈P >1−ε,

mais un tel homéomorphismegest donné par une application directe du corollaire49, dans lequel on choisitN ≥N0 tel que de plusεkN > kN0.

Remarque 51. À l'aide de l'applicationφdonnée par le théorème13, on peut montrer un résultat similaire pour les images du cubeIn muni de ses discrétisationsEN0.

Remarque 52. En revanche, la propriété d'approximation par des permutations bicy-cliques ne passe pas en moyenne avec cette technique.

Remarque 53. Un calcul simple montre que tout ce que l'on a fait dans cette sec-tion s'applique également au comportement des discrétisasec-tions en moyenne de moyenne de

Cesàro, en moyenne de moyenne de moyenne de Cesàro, etc., autrement dit lorsqu'on étudie

Jusqu'à présent nous nous sommes intéressés uniquement aux comportements ensembliste et topologique des discrétisations. Dans cette partie, nous étudions leur comportement er-godique, et montrons qu'il varie lui aussi fortement suivant l'ordre de la discrétisation. Plus précisément, nous étudions la mesure µfN qui est la mesure invariante naturelle pour fN : c'est la limite au sens de Cesàro des poussées en avant de la mesure uniforme sur EN par les itérés de la discrétisationfN (voir la dénition7) :

µfN = lim

La mesureµfN est supportée par l'ensemble invariant maximal defN; elle est uniforme sur toute orbite périodique et le poids total d'une orbite périodique est proportionnel à la taille du bassin d'attraction de cette orbite. Un premier pas dans l'étude des mesures invariantes par les discrétisations a été eectué par T. Miernowski en 2006 ; dans la partie 8. de son article [Mie06], il démontre la proposition suivante :

Proposition 54. Soit f : X → X un homéomorphisme uniquement ergodique et µf son unique mesure de probabilité invariante. Pour tout N ∈N, soient γN ⊂EN un cycle périodique defN etνN la mesure de probabilité uniforme surγN. Alors on a la convergence faible νN * µf, et cela indépendamment des choix des cyclesγN.

La preuve de cette proposition est une conséquence facile du théorème de Prohrov (théo-rème 6) qui traduit la compacité de l'ensemble des mesures de probabilité sur X. De la même manière, on peut montrer un résultat similaire en remplaçant νN parµfN : si f est uniquement ergodique, alors il y a convergence faible des mesures µfN vers l'unique mesure µf invariante parf. Partant de là, on pourrait s'attendre à ce que pour un homéomorphisme génériquef ∈Homeo(X, λ), les mesuresµfN tendent vers la mesureλ. Il n'en est rien, la suite des mesures(µfN)s'accumule en fait sur toutes les mesures de probabilitéf-invariantes(17); plus précisément on a le théorème suivant :

17. Il est facile de voir que siN)N∈N est une suite de mesures, chacune invariante parfN, alors son ensemble d'accumulation est formé de mesuresf-invariantes. Cela traduit de nouveau le fait que le compor-tement des discrétisations d'un homéomorphisme générique est le plus chaotique possible .

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