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Chapitre 3 : Nature et structure de la couche d’oxyde

2. Caractérisation des couches d’oxyde par spectroscopie photonique

2.1. Caractérisation des phases par PEC et MPEC

2.1.1. Quelques données préliminaires concernant les gaps des oxydes

2.1.1.1.Gaps des oxydes de nickel, chrome et fer recensés dans la littérature

Les valeurs de gap, recensées dans la littérature, des différents oxydes susceptibles de se former lors de la corrosion des alliages à base nickel en milieu de type primaire sont indiquées dans ce paragraphe. Le gap est dit direct (respectivement indirect) lorsque la transition, de la bande de valence à la bande de conduction, directe (respectivement indirecte) est permise. Le type de transformée linéaire permettant la mesure de la largeur de bande interdite (comme indiqué en annexe 3) dépend de la nature de la transition électronique (directe ou indirecte). Cette information peut être discriminante si deux oxydes présentent des gaps très proches mais des transitions électroniques de natures différentes. Lorsque la littérature en fait mention, la nature de la transition ainsi que le type de semiconduction des oxydes étudiés sont également précisés.

La magnétite, Fe3O4, n’est pas un semiconducteur au sens propre. La conduction électronique n’a pas lieu via des bandes de conduction ou de valence mais par saut d’un état électronique localisé vers un autre [Ant03, Jen04]. Cet oxyde est quasiment conducteur, le gap équivalent à ce phénomène de conduction par saut est de l’ordre de 0,2 à 0,5 eV [Jen02, Ant03] correspondant à une gamme de longueurs d’onde non étudiée dans ces travaux.

L’hématite, Fe2O3, présente un gap indirect d’environ 2 eV [Gin77, But78, Wou04b, Gal05] et est un semiconducteur de type n [DiQ94, Hak98, Pia04].

L’oxyhydroxyde de nickel β-NiOOH (semiconducteur de type n) a une largeur de bande interdite indirecte Eg comprise entre 2,2 et 2,5 eV [Dag92, DiQ95, Wou96].

La solution solide rhomboédrique (Fe,Cr)2O3 présente une contribution indirecte à environ 2,65 eV [Wou04b].

La valeur du gap de l’hydroxyde de nickel Ni(OH)2 a été déterminée par Wouters [Wou96]

à l’aide des travaux de Di Quarto et al. [DiQ95] reliant la masse volumique des oxydes et des hydroxydes de chrome à leurs largeurs de bande interdite. Cette approche lui a permis de calculer une valeur de Eg de 2,7 eV. De plus, les résultats expérimentaux de Carpenter et al. [Car89]

, exploités par Wouters [Wou96], ont permis à cet auteur de déterminer, à partir de données expérimentales, un gap indirect de 2,8 eV pour Ni(OH)2.

L’oxyde de chrome Cr2O3 présente deux contributions indirectes [Hen00] à 3,0 et 3,5 eV, il peut être semiconducteur de type p ou isolant (à la fois de type n et p) selon les cas [Sun90, Hen00, Gal05]

.

NiO présente un gap de l’ordre de 3,7 à 3,9 eV. Cette transition est directe et cet oxyde est typiquement un semiconducteur de type p [Dar81, Dag92, DiQ95, Wou96].

Le gap du ferrite de nickel, NiFe2O4, a été calculé par Xu et al. [Xu05] à partir d’une approche ab initio permettant le calcul des interactions d’échange et de la densité d’état de cette structure cristalline. La valeur calculée par cette méthode est de l’ordre de 5 eV. Le gap de cet oxyde se situe à la limite des longueurs d’onde accessibles par PEC avec un flux de photons significatif et il ne pourra donc pas être étudié par cette technique.

Les valeurs de gap des chromites de nickel NiCr2O4 et de fer FeCr2O4 ne sont pas recensées dans la littérature. La présence d’une couche continue de Ni(1-x)FexCr2O4 sur les échantillons d’alliages à base nickel exposés en milieu de type primaire, mise en évidence par MET sur coupe transverse rend intéressante la perspective d’étudier le chromite mixte par PEC. La largeur de bande interdite de NiCr2O4 peut être déterminée par PEC à condition de disposer d’un échantillon de référence de cet oxyde. L’étude expérimentale réalisée dans cet objectif est présentée au paragraphe suivant.

2.1.1.2.Etude expérimentale des propriétés semiconductrices de NiCr2O4 La couche d’oxyde formée lors de l’oxydation sous air à 900 °C, pendant une durée de 3 heures, d’un échantillon d’alliage Ni-30Cr a été caractérisée par DRX comme constituée de Cr2O3 et NiCr2O4 (le protocole de préparation de l’échantillon et les résultats de l’analyse par DRX sont présentés en annexe 4). Les propriétés semiconductrices de Cr2O3 étant connues [Hen00]

, cet échantillon est utilisé comme référence dans l’étude par PEC du caractère semiconducteur de NiCr2O4.

Les photocaractéristiques en énergie réalisées sur cet échantillon sont présentées sur la figure 3.14. L’évolution du photocourant avec l’énergie du rayonnement incident (figure 3.14 (a)) révèle deux contributions principales quel que soit le potentiel appliqué. Une première contribution de basse énergie présente un maximum de photocourant pour une énergie incidente d’environ 3,3 eV et semble ne pas dépendre du potentiel appliqué. Une seconde contribution de plus haute énergie semble en revanche évoluer avec la polarisation. Cette dernière se caractérise par un photocourant faible à une polarisation proche du potentiel d’abandon (70 mV/ECS). Son intensité augmente pour des polarisations anodique (270 mV/ECS) et cathodique (-130 mV/ECS) de 200 mV par rapport au potentiel d’abandon. Le photocourant maximum est observé pour un potentiel appliqué de -130 mV/ECS et pour une énergie incidente de l’ordre de 4,6 eV.

Il est également possible de remarquer, sur la figure 3.14 (a), qu’entre ces deux contributions principales, la transition est « continue » à polarisation anodique, la phase du photocourant restant stable sur la plage d’énergie couverte par les deux contributions (figure 3.14 (b)). A contrario, à polarisation cathodique, une inversion du signe de la phase (figure 3.14 (b)), correspondant à une inversion du signe du photocourant, est clairement observée pour une énergie incidente d’environ 4 eV. Le semiconducteur associé à la contribution de basse énergie suit donc un comportement de type n, tandis que dépendant de la polarisation, le semiconducteur associé à la contribution de plus haute énergie suit tantôt un comportement de type n, tantôt un comportement de type p. Ce semiconducteur présente donc le comportement typique d’un isolant (à la fois de type n et p).

Enfin, une troisième contribution, mineure, présentant un photocourant faible mais significatif, est enregistrée pour une gamme d’énergie comprise entre 2,2 et 3 eV (figure 3.14 (a)). Son intensité ne semble pas dépendre du potentiel appliqué et le signe de la phase du photocourant (figure 3.14 (b)) est cohérent avec une semiconduction de type n.

La figure 3.15 présente les transformées mathématiques (présentées en annexe 3) indirectes, (Iph×hν)1/2 = f(hν), et directes, (Iph×hν)2 = f(hν), de l’évolution du photocourant en fonction de l’énergie du rayonnement incident. Ces transformées, outre la nature de la transition électronique responsable du photocourant, permettent de déterminer le gap des différentes phases contribuant à l’apparition de celui-ci. Il peut être noté ici qu’une quatrième

contribution est mise en exergue. En effet, quatre contributions, trois indirectes et une directe, sont mises en évidence sur les figures 3.15 (a) et (b).

La première contribution de basse énergie (figures 3.14 (a)), correspond à une transition indirecte dont le gap est de 3,0 eV (figures 3.15 (a)). En accord avec les résultats publiés par Henry et al. [Hen00] et le diffractogramme réalisé sur cet échantillon (présenté en annexe 4), cette contribution est attribuée à la présence de Cr2O3, cet oxyde étant ici semiconducteur de type n.

La deuxième contribution de plus haute énergie, présentant un comportement proche d’un isolant, correspond à une transition directe, dont le gap est d’environ 4,1 eV (figures 3.15 (b)). Le caractère isolant de l’oxyde associé à cette contribution est par ailleurs confirmé la photocaractéristique en potentiel, réalisée pour une énergie incidente de 4,4 eV et présentée sur la figure 3.16. Cette contribution, non référencée dans la littérature, est attribuée à la présence de NiCr2O4, mise en évidence sur cet échantillon par DRX (annexe 4).

Deux transitions indirectes, pour des énergies incidentes d’environ 2,2 et 2,8 eV, sont mises en évidence sur la figure 3.15 (a), et correspondent respectivement aux troisième et quatrième contributions, ces dernières étant a priori impossible à séparer sur le spectre en énergie présenté sur la figure 3.14 (a). Pourtant, les seuls oxydes mis en évidence par DRX sur cet échantillon sont Cr2O3 et NiCr2O4. Les données présentées au paragraphe précédent montrent que la contribution à 2,8 eV peut correspondre à la présence de Ni(OH)2 [Wou96]. Toutefois, celui ci n’est pas stable à 900 °C. De plus, la quantité d’hydroxyde doit être suffisamment faible pour être inférieure à la limite de détection de la DRX mais pas à celle de l’analyse par PEC. Cet hydroxyde peut être apparu lors de l’immersion de l’échantillon dans l’électrolyte basique (pH de 8) utilisée pour les mesures par PEC (annexe 3). Dans ce cas, la présence de Ni(OH)2 est également cohérente avec l’attribution de la seconde transition indirecte (2,2 eV) à la présence β-NiOOH [Dag92, DiQ95, Wou96]. En effet, l’oxydation de Ni(OH)2 en β-NiOOH lors d’une polarisation anodique, suivant la réaction :

Ni(OH)2 β-NiOOH + H+ + e- (E.3.1),

a déjà été mentionnée dans plusieurs études pour un potentiel appliqué de l’ordre de 300 mV/ECS [Mad83, Lar90, Wru93].

Si l’origine des deux contributions mineures et leur attribution peuvent être discutées, les deux contributions principales ont pu être attribuées sans ambiguïté à partir des données de la littérature et de l’analyse par DRX sous incidence rasante réalisée préalablement sur cet échantillon. Ces résultats ont permis de mettre en évidence une transition directe à environ 4,1 eV caractéristique de l’oxyde NiCr2O4.

Figure 3.14 : Photocaractéristiques en énergie obtenues sur un échantillon d’alliage Ni-30Cr oxydé 3 heures à 900 °C sous air, (a) évolutions du photocourant (Iph), en valeur absolue, en

fonction de l’énergie du rayonnement incident (hν) au potentiel d’abandon et pour des polarisations anodique et cathodique, (b) évolutions de la phase de Iph en fonction de hν pour

des polarisations anodique et cathodique.

Figure 3.15 : Transformées (a) indirecte, (Iph×hν)1/2 = f(hν), et (b) directe, (Iph×hν)2 = f(hν), de la photocaractéristique en énergie, obtenue pour une polarisation cathodique (figure 3.14

(a)), sur un échantillon d’alliage Ni-30Cr oxydé 3 heures à 900 °C sous air, mettant en évidence les gaps des différents semiconducteurs contribuant à l’intensité du photocourant.

0 4 10-9 8 10-9 1.2 10-8 1.6 10-8 2.2 2.6 3 3.4 3.8 4.2 4.6 5 5.4 V = - 130 mV/ECS V = 270 mV/ECS V = 70 mV/ECS Ip h e n A hv en eV -150 -100 -50 0 50 100 150 200 2.2 2.6 3 3.4 3.8 4.2 4.6 5 5.4 V = 270 mV/ECS V = - 130 mV/ECS p h a s e e n d e g ré s ( °) hv en eV (a) (b) 0 5 10-5 0.0001 0.00015 0.0002 2.2 2.4 2.6 2.8 3 3.2 (I p h .h v ) 1 /2 hv en eV 2,2 eV 2,8 eV 3,0 eV 0 1 10-16 2 10-16 3 10-16 4 10-16 5 10-16 6 10-16 7 10-16 8 10-16 4 4.1 4.2 4.3 4.4 4.5 (I p h .h v ) 2 hv en eV 4,1 eV (a) (b)

Figure 3.16 : Photocaractéristique en potentiel réalisée sur un échantillon d’alliage Ni-30Cr oxydé 3 heures à 900 °C sous air, traduisant l’évolution du photocourant avec le potentiel

appliqué, pour une énergie incidente de 4,4 eV, mettant en évidence le caractère à la fois semiconducteur de types p et n de la contribution associée.

Sur la base des données, concernant différents oxydes de nickel, chrome et fer, qui viennent d’être présentées, les résultats, issus de l’étude des propriétés semiconductrices des couches d’oxyde se formant lors de l’exposition des alliages à base nickel en milieu de type primaire, vont être discutés dans les paragraphes suivants.