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Chapitre 1 : Etat de l’art

3. Modèles et mécanismes

3.2. Etudes expérimentales des mécanismes de transport

Il existe une seule étude spécifique aux mécanismes de transport mis en jeu dans la corrosion des alliages à base nickel en milieu de type primaire, qui a été réalisée par Carrette et al. [Car02a, Car03]. Toutefois, plusieurs éléments mis en évidence dans d’autres études apportent des informations supplémentaires sur ces mécanismes de transport [Szk90, Mac04a, Del04]. Ainsi, il a été montré qu’au delà de 250 °C, l’oxyde se formant à la surface de l’alliage 600 en milieu aqueux hydrogéné est globalement un semiconducteur de type n [Szk90]. Ce résultat semble indiquer que les défauts ponctuels majoritaires au sein de la couche d’oxyde sont soit des interstitiels métalliques, soit en substitution dans le sous-réseau anionique.

Concernant les phénomènes de précipitation, plusieurs travaux [Mac04a, Del04] ont montré que des oxydes ou hydroxydes de fer et de nickel précipitent à la surface d’échantillons de chrome pur exposés en milieu saturé de type primaire. Ce résultat met en évidence une influence de la saturation du milieu sur la croissance de la couche externe. Delabrouille [Del04] a de plus montré par MET-EDS sur coupe transverse que le fer et le nickel diffusent à travers la couche d’oxyde se formant sur le chrome pur.

Des travaux originaux ont été menés par Machet et al. [Mac04a, Mac04b, Gal06, Mac07] dans l’objectif de caractériser le type de loi rendant le mieux compte des cinétiques de formation de la couche protectrice à la surface des alliages 600 et 690 exposés en milieu de type primaire à 325 °C. La cinétique d’oxydation est mesurée pour des durées d’exposition allant de à 0,3 à 10,6 minutes. Cette cinétique est ajustée par une loi parabolique, une loi logarithmique directe et une loi logarithmique inverse. Les ajustements sont ensuite extrapolés sur des durées de plusieurs centaines d’heures et comparés aux courbes cinétiques expérimentales obtenues pour des temps d’exposition s’échelonnant entre 20 et 400 heures. Seul l’ajustement par une loi logarithmique directe est compatible avec les courbes expérimentales obtenues pour ces temps beaucoup plus longs. Les auteurs concluent à une croissance limitée par le transport des électrons à travers la couche par effet tunnel, même si l’épaisseur des couches d’oxyde mesurée (de l’ordre de 30 nm) paraît trop élevée pour que ce type de phénomène ait lieu. De plus, la loi logarithmique directe n’est pas discriminante vis-à-vis du mécanisme en raison du grand nombre de modèles pouvant conduire à ce type de loi [Kof87].

Enfin, Carrette et al. [Car02a, Car03] ont réalisé deux expériences, mettant en œuvre soit des traceurs, soit des marqueurs inertes, visant à caractériser les mécanismes de transport impliqués dans la croissance de la couche d’oxyde se formant à la surface de l’alliage 690 exposé en milieu aqueux à 325°C.

3.2.1.

Expérience des traceurs de Carrette et al.

[Car02a, Car03]

Un essai de corrosion séquencée a été réalisé sur l’alliage 690 en milieu de type primaire à 325°C en autoclave statique. La première séquence de 144 heures est réalisée en milieu H2O et la seconde, de 2016 heures, est réalisée en milieu D2O. Les profils élémentaires obtenus sur cet échantillon par analyse SIMS montrent que le deutérium est présent dans toute la couche d’oxyde et semble s’accumuler à l’interface oxyde/alliage, ce qui conduit les auteurs à conclure à une croissance de la couche d’oxyde à cette interface, via la diffusion de l’espèce OH- par des courts circuits de type joints de grains [Car02a, Car03].

Les profils élémentaires obtenus mettent toutefois en évidence une couche d’oxyde majoritairement riche en fer et nickel. Or, ce type de couche étant souvent issu de phénomènes de précipitation en milieu saturé [Car02a], et généralement composée de cristallites éparses de ferrite de nickel [Gar98, Pan02, Del04], la question de l’influence de la morphologie de cette couche sur le profil obtenu peut alors être posée. De plus, le suivi du profil de deutérium peut en effet rendre compte de la diffusion de l’espèce OD-, mais il peut aussi rendre compte d’une diffusion de l’hydrogène seul, sous la forme de deutons ou de deutérium. En effet, l’insertion de l’oxygène de l’eau deutérée dans le réseau de l’oxyde peut conduire à la libération de deutons en solution, eux même se réduisant en deutérium dissous suivant la réaction :

Les deutons ou le deutérium pouvant alors diffuser à travers la couche d’oxyde pour aller se dissoudre dans l’alliage, comme cela a été mis en évidence dans l’étude des phénomènes de corrosion sous contrainte (CSC) de l’alliage 600 en milieu de type primaire [Foc99]

. Les résultats de Carrette [Car02a, Car03] semblent d’ailleurs mettre en évidence la présence de deutérium en surface de l’alliage sous-jacent.

3.2.2.

Expérience des marqueurs de Carrette et al.

[Car02a, Car03]

Un essai de corrosion d’une durée de 24 heures a été réalisé en milieu statique de type primaire à 325 °C sur des échantillons d’alliage 690 ayant subi une implantation de 129Xe. La position des atomes de Xe est repérée avant et après essai par spectroscopie de rétrodiffusion Rutherford (RBS). Cette expérience met en évidence une croissance anionique de la couche largement majoritaire et une faible croissance cationique.

Un point remarquable de ces résultats n’est pas discuté par les auteurs. La couche d’oxyde formée lors de cet essai après une durée de seulement 24 heures présente une épaisseur du même ordre de grandeur (environ 100 nm) que celles des couches formées après plus de 2000 heures d’essai [Car02a], sur les échantillons n’ayant pas été marqués. L’implantation de xénon peut avoir fortement modifié le taux de défauts superficiel dans la zone d’implantation, ce qui peut expliquer cette augmentation de la vitesse d’oxydation. En revanche, sans savoir par quels mécanismes le taux de défauts en surface de l’alliage influe sur les cinétiques de croissance de ces couches d’oxyde, il est difficile de conclure quant à la possibilité de transposer ou non ces résultats à l’ensemble des phénomènes d’oxydation des alliages à base nickel en milieu de type primaire, quel que soit l’état de surface. Enfin, il convient de mieux appréhender l’origine de la part cationique observée et son lien éventuel avec l’édification de la couche externe.

3.3.Bilan

L’étude non exhaustive des différents modèles recensés dans la littérature montre qu’aucun des modèles proposés n’est susceptible de rendre compte de l’influence des différents paramètres et notamment de l’écrouissage superficiel, sur les cinétiques de corrosion et de relâchement. Seul le modèle de Carrette [Car02a, Car02c] semble pouvoir rendre compte a posteriori de l’allure des cinétiques d’oxydation, mais il ne peut en aucun cas être considéré comme prédictif. L’établissement d’un modèle prédictif passe nécessairement par une étude approfondie des mécanismes d’édification de l’oxyde et de l’influence des différents paramètres pertinents recensés aux paragraphes 1 et 2 sur ces mécanismes. Cette étude a été entreprise par Carrette [Car02a, Car03], il semble intéressant de l’approfondir en cherchant à distinguer les mécanismes de croissance des couches interne et externe, ainsi que l’influence du taux d’écrouissage superficiel sur ces mécanismes.