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Chapitre 1 : Etat de l’art

2. Cinétiques de corrosion des alliages à base nickel en milieu primaire

2.3. Paramètres physico-chimiques influençant les cinétiques de corrosion

Le tableau A.1.3 présente, de manière non exhaustive, les principaux résultats publiés dans la littérature, sur l’influence des divers paramètres physico-chimiques étudiés sur les cinétiques de corrosion, d’oxydation et de relâchement des alliages à base nickel exposés en milieu aqueux à haute température.

2.3.1.

Influence de la température

Gardey [Gar98] a mis en évidence par desquamation qu’une augmentation de la température de 325°C à 350°C conduisait à une diminution de la quantité totale de métal corrodé, dans le cas des alliages 600 et 690, ce résultat étant obtenu pour une durée d’immersion d’environ 1000 heures. En mesurant en continu le relâchement à 285 °C et 325°C, Carrette [Car04] a mis en évidence une diminution de la cinétique de relâchement avec l’augmentation de température. Ce résultat, qui peut sembler étonnant si l’on considère que la corrosion est un phénomène thermiquement activé, est expliqué par une vitesse d’édification de la couche protectrice plus élevée à plus haute température, la croissance de cette couche contrôlant le phénomène de relâchement en jouant le rôle de barrière de diffusion vis-à-vis des cations.

2.3.2.

Influence des concentrations en cations métalliques

Carrette et al. [Car02a, Car02c, Car03] ont montré par desquamation que la corrosion et le relâchement diminuent drastiquement lorsque le milieu est saturé en cations métalliques. Les résultats obtenus par SIMS sur les cinétiques d’oxydation sont parfois contradictoires. Dans

certaines études, la saturation du milieu semble n’avoir aucune influence sur l’épaisseur de la couche d’oxyde [Car03], mais une augmentation significative de cette épaisseur en milieu saturé par rapport aux résultats obtenus en milieu dynamique non saturé a aussi été observée [Car02a]. Ce dernier résultat semble cohérent avec une augmentation de la quantité d’oxydes précipités en milieu saturé en cations métalliques.

2.3.3.

Influence de la concentration en hydrogène dissous

McIntyre et al. [McI79] ont étudié l’influence de la concentration en hydrogène dissous sur l’épaisseur de la couche d’oxyde formée après 168 heures d’exposition en milieu aqueux à 285 °C. Ces auteurs mettent en évidence une augmentation de l’épaisseur, et de la proportion de nickel au sein de cette couche lorsque la teneur en hydrogène dissous diminue. Ce résultat est attribué à une diminution de la solubilité du nickel lorsque le pouvoir oxydant du milieu augmente. Les résultats obtenus par Soustelle et al. [Sou99], pour une durée d’exposition de 300 heures à 360 °C, mettent en revanche en évidence une épaisseur de la couche d’oxyde et une quantité de métal corrodé qui passe par un maximum pour une pression d’hydrogène de 0,3 bar en équilibre avec le milieu aqueux, le relâchement semblant quant à lui décroître continuellement avec le pouvoir oxydant. Enfin, ces auteurs mettent en évidence un effet très marqué de la teneur en hydrogène dissous sur l’alliage 600 alors que celui-ci est quasiment inexistant sur l’alliage 690.

Il est donc difficile, à la lueur de ces résultats, de dégager une influence claire de la teneur en hydrogène sur les cinétiques de corrosion, d’oxydation ou de relâchement. Leur interprétation se heurte à une influence complexe de ce paramètre, qui peut être à la fois d’ordre thermodynamique et cinétique. En termes de cinétique, l’influence du pouvoir oxydant sur la vitesse de croissance de certains oxydes est bien connue dans la littérature [Sar00]

.L’influence thermodynamique de la teneur en hydrogène a quant à elle été abordée au paragraphe 1.3.4.4. et peut jouer à la fois sur le pH du milieu et par suite sur la solubilité des oxydes ou directement sur leur stabilité thermodynamique [Car00].

2.3.4.

Influence de la nature de l’alliage

Concernant les cinétiques de corrosion, plusieurs auteurs [Gar98, Car02a] ont montré que celles-ci étaient plus rapides sur l’alliage 600 que sur l’alliage 690, attribuant cette meilleure résistance de l’alliage 690 à un taux de chrome plus élevé. La même tendance a été observée sur les cinétiques de relâchement mesurées en continu [Car02a] (présentées sur la figure 1.4), ce résultat pouvant être attribué à la formation d’une couche plus protectrice sur les alliages plus riches en chrome.

Concernant les cinétiques d’oxydation, les résultats recensés dans la littérature sont parfois contradictoires. Ainsi, Machet et al. [Mac02, Mac04a, Mac04b, Mac04c, Gal06, Mac07] mettent clairement en évidence une augmentation de l’épaisseur de l’oxyde avec le temps plus importante dans le cas de l’alliage 690 que dans celui de l’alliage 600 (figure 1.5). Ce résultat semble être confirmé par les cinétiques d’oxydation mesurées par SIMS par Carrette et al. sur l’alliage 600 [Car02a] et sur l’alliage 690 [Car02a, Car02c, Car03] en milieu dynamique non saturé à 325°C, même s’il peut être remarqué que les mesures réalisées par desquamation conduisent au résultat inverse. La tendance est nettement moins claire si référence est faite aux mesures réalisées ponctuellement pour quelques durées d’essai à 360 °C. Ainsi Angeliu et al. [Ang93] indique qu’après 100h d’exposition à cette température, les couches formées sont légèrement plus épaisses sur l’alliage 690 que sur l’alliage 600. D’autres travaux indiquent l’inverse pour

une durée d’exposition de 300 heures [Sou99, Pan02]. Toutefois, Panter[Pan02] obtient ce résultat à partir de mesures locales réalisées au MET, cette tendance étant moins claire sur les profils obtenus par SIMS. A nouveau à partir de l’observation de coupes transverses au MET, Delabrouille [Del04] met en évidence une augmentation de l’épaisseur de la couche d’oxyde lorsque le taux de chrome dans l’alliage diminue, pour une durée d’exposition d’environ 1000 heures. Enfin Machet et al. [Mac01], à cette même température montre que la couche d’oxyde formée est plus épaisse sur l’alliage 690 que sur l’alliage 600 jusqu’à une durée d’essai de 280 heures, où la tendance s’inverse.

Les résultats de Panter et Delabrouille [Pan02, Del04] mettent de plus en évidence une déchromisation de l’alliage sous-jacent d’autant plus importante que le taux de chrome dans l’alliage est faible, ce résultat étant cohérent avec la formation d’une couche protectrice riche en chrome résultant d’une oxydation préférentielle de cet élément.

La dépendance de la cinétique d’édification de la couche d’oxyde avec la teneur en chrome de l’alliage peut s’interpréter par une influence de l’activité en chrome de l’alliage sur la cinétique de croissance de la couche riche en chrome ; cette influence conduisant à l’édification d’une couche protectrice plus épaisse sur l’alliage présentant le plus fort taux de chrome. Parallèlement, sur l’alliage présentant le moins fort taux de chrome, la cinétique de croissance de la couche externe est susceptible d’être plus élevée, en raison d’une couche interne moins protectrice.

Pour conclure sur l’influence de la composition de l’alliage vis-à-vis de la cinétique d’oxydation, il est donc nécessaire de différencier couche protectrice et couche externe, comme c’est le cas pour les épaisseurs de couche mesurées par XPS par Machet et al. [Mac04a, Mac04b, Mac04c, Gal06, Mac07],

ou à partir desrésultats de Carrette [Car02a] en milieu dynamique non saturée à 325 °C, où la couche externe est quasiment inexistante. Enfin, lorsque ces deux couches ne sont pas différenciées, comme c’est souvent le cas lors des essais réalisés à 360 °C qui viennent d’être présentés, il apparaît hasardeux de comparer leurs résultats avec ceux obtenus à 325 °C, sans tenir compte de l’évolution de la solubilité des oxydes constituant la couche externe avec la température et de l’influence de la saturation du milieu.

2.3.5.

Influence du taux d’écrouissage

Il a été plusieurs fois établi que les vitesses de corrosion augmentent avec le taux d’écrouissage [Gui97, Gui98, Gar98, Car02a, Car02c]. L’étude des cinétiques de relâchement mesurées en continue a également permis de mettre en évidence le rôle néfaste de l’écrouissage superficiel [Car02a, Car02c, Mol04]

. Ainsi, l’écrouissage des échantillons conduit à l’apparition d’une couche de microstructure perturbée, caractérisée par une faible taille de grains et une forte densité de dislocations. La présence de ces défauts en surface de l’alliage favorise la cinétique de relâchement, l’élimination de cet écrouissage superficiel par un traitement d’électropolissage conduisant à une diminution drastique de la vitesse de ce phénomène.

Carrette [Car02a] a étudié par MET l’influence du taux d’écrouissage sur l’épaisseur de la couche d’oxyde formée après 2160 h d’exposition en milieu dynamique non saturé à 325°C. Ses résultats montrent que les épaisseurs de la couche d’oxyde et de la zone déchromée augmentent avec le taux d’écrouissage. Sur l’échantillon électropoli, la couche d’oxyde observée n’est d’ailleurs pas continue et aucune couche déchromée n’est mise en évidence. Ce résultat semble donc montrer qu’une augmentation de l’écrouissage, en

augmentant la densité de courts-circuits de diffusion, favorise la formation d’une couche protectrice riche en chrome.

2.4.Bilan

L’étude des résultats issus de la littérature, concernant les cinétiques de corrosion des alliages à base nickel en milieu aqueux à haute température permet de dégager quelques tendances générales. Les courbes cinétiques de relâchement et d’oxydation présentent des allures caractéristiques de phénomènes dont la vitesse diminue avec l’augmentation du degré d’avancement. Ces allures sont caractéristiques des phénomènes d’oxydation à haute température conduisant à la formation d’une couche d’oxyde protectrice [Sar00], mais ne correspondent pas au cas du régime pur de diffusion [Car02a, Mac04a], qui conduit à une loi parabolique classique [Wag33]. L’allure des courbes cinétiques rend donc compte de la complexité des mécanismes mis en jeu dans ce phénomène de corrosion.

Ainsi, une augmentation de la température conduit globalement à une diminution de la vitesse de relâchement [Car04] qui est attribuée à la formation plus rapide, suite à l’activation thermique, d’une couche protectrice plus épaisse, qui joue donc le rôle d’une meilleure barrière de diffusion. Pourtant, l’élévation de température conduit également à une augmentation du coefficient de diffusion des cations qui doivent traverser la couche protectrice pour être relâchés en solution. C’est l’influence simultanée de la température sur ces deux phénomènes qui conduit à la cinétique de relâchement observée. Comprendre l’évolution temporelle de cette cinétique avec la température implique nécessairement de comprendre l’influence spécifique de ce paramètre, à la fois sur les mécanismes de relâchement et d’édification de la couche protectrice.

L’effet accélérateur de l’écrouissage superficiel de l’alliage sous-jacent a été mis en évidence, à la fois sur les cinétiques d’oxydation et de relâchement. Comme cela a été montré [Car02a]

, cet écrouissage semble conduire à la formation d’une couche protectrice plus épaisse, comme dans le cas d’une augmentation de la température, sans pour autant qu’un effet bénéfique sur le relâchement ne soit mis en évidence. Le cas de moindre relâchement est le cas de l’échantillon électropoli, ne présentant pas de couche de microstructure perturbée, mais pas non plus de couche d’oxyde protectrice. Ce résultat souligne la complexité des phénomènes mis en jeu, puisque l’effet de la température est interprété en considérant une diffusion dans l’oxyde prépondérante alors que l’interprétation de l’effet de l’écrouissage s’appuie nécessairement sur une diffusion dans l’alliage prédominante. Interpréter l’effet de l’écrouissage nécessite donc de comprendre la nature des liens entre cet écrouissage, la diffusion dans l’alliage et la diffusion dans l’oxyde.

S’il paraît naturel que la saturation du milieu conduise à une diminution du relâchement, on peut se poser la question de son influence sur la croissance de la couche d’oxyde. Le paragraphe de 2.3.2 met en évidence certaine contradiction quant à l’influence de ce paramètre [Car02a, Car03]. Un premier élément de réponse est apporté une fois encore par Carrette [Car02a], qui montre que l’écrouissage ne semble pas influencer l’épaisseur de la couche d’oxyde en milieu saturé. Ce résultat pose la question de l’influence des phénomènes de précipitation sur l’épaisseur de la couche d’oxyde, et notamment sur l’édification de la couche externe. C’est là encore l’étude des mécanismes de formation de cette couche qui peut permettre d’apporter des éléments de réponse.

La teneur en hydrogène dissous peut, en fixant le pouvoir oxydant du milieu, être un paramètre prépondérant dans l’étude cinétique de ces phénomènes de corrosion. Toutefois, l’obtention de résultats clairs quant à l’influence de ce paramètre passe nécessairement par l’étude de ces variations sur un domaine n’impliquant pas de changement quant à la stabilité thermodynamique des oxydes.

L’influence du taux de chrome dans l’alliage sur la cinétique de relâchement a été clairement mise en évidence [Car02a]. En revanche, son influence sur la cinétique d’oxydation est controversée [Ang93, Car02a, Mac04a, Pan02, Del04]. Plusieurs raisons peuvent être à l’origine de cette contradiction, comme la différenciation ou non, des couches interne et externe, ou la variabilité des techniques expérimentales de mesure utilisées. On peut de plus remarquer que ces contradictions découlent la plupart du temps, de résultats obtenus ponctuellement et non pas d’un suivi, discret ou continu, de l’évolution des courbes cinétiques.

Ces résultats posent donc des questions quant à l’évolution temporelle de l’influence d’un certain nombre de paramètres. En effet beaucoup de résultats décrivent l’influence d’un paramètre pour une durée d’exposition donnée et non pas l’évolution de la vitesse en fonction du temps sous l’influence de ce paramètre. Or, il est possible que la nature de cette influence évolue dans la durée. Pour déterminer si un résultat ponctuel est représentatif de la tendance générale de la cinétique, il est nécessaire de comprendre par quel mécanisme le paramètre étudié influe sur la vitesse instantanée, dans l’objectif, soit de décrire cette influence sur la cinétique quel que soit l’avancement, soit de cibler les conditions expérimentales dans lesquelles l’influence de ce paramètre est susceptible de varier.

Le paragraphe 3 vise donc à compléter cette étude bibliographique, en faisant le point sur les modèles et les études expérimentales des mécanismes de corrosion existants et appliqués au cas des alliages à base nickel exposé en milieu aqueux à haute température.