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73. L’approche séparatiste, formellement adoptée par la CourEDH dans le cadre des CANI, est aujourd’hui dépassée par la pratique internationale260. Les deux domaines ne peuvent plus être séparés cliniquement. Les interactions sont possibles et nécessaires, ce que traduit l’approche complémentariste qui est à notre sens une évidence, soutenue dans les plus hautes sphères de la justice261. La CourEDH ne peut plus raisonnablement prétendre traiter les conflits armés de la même façon que les prises d’otage ou les émeutes. Les situations diffèrent et appellent donc à des règles différentes. Certes, les affaires tchétchènes montrent que la Cour a adapté ses conditions au contexte, mais elle le fait au prix de la sécurité juridique. Par le biais de changements de perspectives et d’analyses proportionnalité ainsi que l’abandon, au passage, de certaines exigences262, la Cour arrive tant bien que mal à nous convaincre que les

régulièrement constitué, assorti des garanties judiciaires reconnues comme indispensables par les peuples civilisés ».

255 SASSOLI,Le droit international humanitaire, une lex specialis ?, 388-389.

256 Sous le régime des droits de l’homme, toute détention donne le droit à un contrôle judiciaire. Or, le seul reproche qui puisse être fait aux prisonniers de guerre est d’avoir appartenu à l’armée adverse. Un contrôle judiciaire serait inutile car il reviendrait systématiquement à constater la légitimité de la détention. La règle de droit humanitaire qui n’octroie pas un tel contrôle se montre dans ce cas plus spécifique et adaptée que la règle des droits de l’homme et doit donc primer.

257 SASSOLI propose ainsi de prendre en compte tant la précision des règles que les buts systémiques du droit international dans son ensemble (en d’autres termes, une analyse holistique des buts poursuivis par les normes en question) (SASSOLI,Le droit international humanitaire, une lex specialis ?, 395).

258 DROEGE,The Interplay,344-347.Pour l’avis de la CIJ, voir supra §70.

259 DOSWALD-BECK Louise, Le droit international humanitaire et l'avis consultatif de la Cour internationale de Justice sur la licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires, in Revue internationale de la Croix-Rouge 1997, 37–59, 46 ; voir aussi ABRESCH, 741-742.

260 KOLB,Ius in bello, 138 ; etGAGGIOLI,23.Voir aussi supra Partie III.A.

261 Voir infra Partie III.A.

262 Voir supra §§48-54.

Partie III : Le rapport entre les droits de l’homme et le droit international humanitaire conditions qu’elle applique aux bombardements russes sont les mêmes que celles de l’affaire McCann. Il n’en est cependant rien. Les règles que la Cour applique dans les affaires tchétchènes sont différentes, et pour cause, il s’agit des règles sur la conduite des hostilités du droit humanitaire263. Dans ces décisions, la Cour adopte ainsi matériellement une approche complémentariste : les deux branches s’appliquent simultanément et en l’absence de précision de la Convention, la Cour s’appuie sur les principes de distinction, de proportionnalité et de précaution, tous propres au droit humanitaire264.

74. Cependant, même dans le domaine de la conduite des hostilités, où le droit humanitaire constitue, à notre sens, la lex specialis par excellence265, il n’est pas certain que la CourEDH adopte une approche aussi progressive que la CIJ, en réalisant pleinement, par exemple, le principe de distinction266. Il en va de la compétence de la CourEDH. Elle ne bénéficie pas, contrairement à la CIJ267, d’un caractère universel et d’une compétence générale268. La juridiction de la Cour est en effet limitée aux droits que la CEDH contient269. La Convention et le droit international comprennent néanmoins des dispositions qui pourraient fonder la compétence de la Cour de prendre en considération, expressément, le droit international humanitaire.

75. En premier lieu, la Convention de Vienne sur le droit des traités (CVDT)270 demande de prendre en compte dans l’interprétation des traités, toute règle pertinente de droit international liant les parties. Cette règle à laquelle la Cour s’est déjà soumise par le passé271 serait une première passerelle vers le droit humanitaire.

76. En deuxième lieu, la CEDH bénéficie de points d’entrée similaires à la CADH. La CourEDH pourrait donc s’en inspirer. Il est vrai que certains arguments de la jurisprudence interaméricaine sont boiteux. Il en va ainsi de l’argument fondé sur le droit à un recours effectif, consacré à l’art. 13 CEDH, qui étendrait sa protection à toutes règles, internes ou

263 Contra KORFF qui considère « [c]es principes sont l’expression autant du droit international humanitaire que du droit découlant de la Convention » (KORFF,60).

264 Dans ce sens, KOLB,Ius in bello, 139et ABRESCH,742.Contra GAGGIOLI,23.

265 Voir supra §72.

266 Voir à cet égard supra §54.

267 L’art. 38 al. 1 du Statut de la Cour internationale de justice du 26 juin 1945 (RS 0.193.501) prévoit que la CIJ a la compétence d’appliquer les conventions et la coutume internationales, les principes généraux de droit, et

« les décisions judiciaires [ainsi que] la doctrine des publicistes les plus qualifiés des différentes nations, comme moyen auxiliaire de détermination des règles de droit ».

268 MARTIN, 139.

269 Voir à cet égard les art. 19, 33, 34 et 35 al. 3 lit. a CEDH qui prévoient sans ambiguité que la Cour n’a compétence qu’au regard des droits qu’elle contient.

270 Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969 (CVDT ; RS 0.111).

271 Art. 31 al. 3 lit. c CVDT. C’est d’ailleurs l’approche de la Cour dans l’affaire Loizidou c. Turquie qui a pour cadre le conflit armé international entre Chypre et la Turquie. Se basant sur l’art. 31 al. 3 lit. c CVDT, la Cour y déclare que : « les principes qui sous-tendent la Convention ne peuvent s’interpréter et s’appliquer dans le vide.

Considérant le caractère particulier de la Convention en tant que traité sur les droits de l’homme, elle doit aussi prendre en compte toute règle pertinente de droit international […] » (Loizidou c. Turquie (fond), 18 décembre 1996, §43, Recueil des arrêts et décisions 1996-VI). La Cour confirmera cette jurisprudence dans l’affaire Al-Adsani c. Royaume-Uni : « [l]a Convention, y compris son article 6, ne saurait s'interpréter dans le vide. La Cour ne doit pas perdre de vue le caractère spécifique de traité de garantie collective des droits de l'homme que revêt la Convention et elle doit tenir compte des principes pertinents du droit international […]. La Convention doit autant que faire se peut s'interpréter de manière à se concilier avec les autres règles de droit international », Al-Adsani c. Royaume-Uni [GC], n° 35763/97, §55, CEDH 2001-XI). Il faut toutefois préciser que les instruments à laquelle la Cour fait référence dans ces affaires ne relèvent pas du droit humanitaire.

internationales, conventionnelles ou coutumières, auxquelles l’Etat en question est lié. Par identité de motifs, la même conclusion s’impose pour l’argument basé sur l’art. 53 CEDH, qui prévoit le principe de la clause la plus favorable272. Il existe malgré tout des points d’ancrage raisonnables et légitimes pour le droit humanitaire, car comme le dit à juste titre la ComADH, les droits de l’homme et le droit humanitaire convergent et se renforcent mutuellement273. La CourEDH pourrait ainsi considérer – comme dans l’affaire Juan Carlos Abella c. Argentine de la ComADH – que le texte imprécis de la CEDH justifie un éclairage du droit humanitaire274. Ce procédé n’est pas étranger à la CourEDH. Dans l’affaire Makaratzis c.

Grèce, la Cour n’a pas hésité à préciser le texte lacunaire de la Convention à l’aide des Principes de base sur le recours à la force et l'utilisation des armes à feu par les responsables de l'application des lois275. On pourrait imaginer qu’elle fasse de même avec le droit humanitaire.

77. En troisième lieu, l’art. 15 al. 2 CEDH interdit aux Etats de déroger au droit à la vie sauf pour les cas de « décès résultant d’actes licites de guerre ». Cette disposition, qui fait référence au droit humanitaire276, pourrait constituer une ouverture idéale sur ce dernier en cas de dérogations277. Les actes contraires au droit humanitaire seraient alors des violations des droits de l’homme, mettant ainsi en parfaite harmonie les deux domaines. Pourtant, cette question demeure purement théorique au regard du droit à la vie, car aucun Etat membre du Conseil de l’Europe n’a jamais dérogé à l’art. 2 CEDH278. On peut toutefois se demander s’il est justifié que les violations du droit humanitaire ne soient sanctionnées par la Cour qu’à la condition que l’Etat ait dérogé à la Convention, et non en tout temps279.

272 De par sa généralité, cet article doit être compris comme un principe d’interprétation et non comme une extension de la justiciabilité des droits (GAGGIOLI, 221).

273 Arturo Ribón Avila c. Colombie, Cas n° 11.142, Rapport n° 26/97 de la Commission du 30 septembre 1997,

§173.

274 Juan Carlos Abella c. Argentine, Affaire « La Tablada », Cas n° 11.137, Rapport n° 55/97 de la Commission paru dans le rapport annuel de la Commission de 1998, Chapitre III, §§158-161.

275 Voir supra 40. Voir aussi l’affaire Ignaccolo-Zenide c. Roumanie, dans laquelle la Cour déclarait au regard de l’art. 8 CEDH que « les obligations positives que l'article 8 de la Convention fait peser sur les Etats contractants en matière de réunion d'un parent à ses enfants doivent s'interpréter à la lumière de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international des enfants » (Ignaccolo-Zenide c. Roumanie, n° 31679/96, §95, CEDH 2000-I).

276 KORFF,59.

277 Si un Etat utilisait la faculté qu’il lui est octroyée par l’art. 15 al. 1 CEDH de suspendre les droits contenus dans la Convention « en cas guerre ou d’autre danger public menaçant la vie de la nation », la Cour serait alors contrainte de se référer expressément au droit humanitaire. Elle devrait examiner si les mesures prises par cet Etat « ne [sont] pas en contradiction avec les autres obligations découlant du droit international », et si les victimes sont le résultat « d’actes licites de guerre », en application de l’art. 15 al. 1 et 2 CEDH (SASSOLI, La Cour européenne des droits de l’homme et les conflits armés, 713). L’application du droit humanitaire ne se ferait cependant pas sans autre car la Cour devrait encore vérifier si les mesures prises par l’Etat ne dépassent pas ce qui est strictement requis par la situation (art. 15 al. 1 CEDH). Contra DOSWALD-BECK, qui considère que les CANI sont couverts par l’art. 2 al. 2 lit. c CEDH et ne peuvent pas donner lieu à une dérogation au droit à la vie au sens de 15 al. 2 CEDH, car cette dernière disposition n’est applicable qu’en cas de CAI (DOSWALD-BECK, Human Rights in Times of Conflict and Terrorism, 175 et 192-193).

278 WICKS,82.

279 Si nous rejetons les arguments similaires reposant sur le droit à un recours effectif et le principe de la clause la plus favorable, alors que nous accueillons celui-ci fondé sur l’art. 15 al. 2 CEDH (qui n’est rien d’autre qu’une application spécifique du principe de la clause la plus favorable en lien avec les dérogations (JACOBS Francis G., The « Limitation Clauses » of the European Convention on Human Rights, in DE MESTRAL Armand et al. (Eds.), The Limitation of Human Rights in Comparative Constitutional Law – La limitation des droits de l’homme en droit constitutionnel comparé, Cowansville 1986, 21-40, 37)), c’est en raison de la précision du renvoi opéré par

Partie III : Le rapport entre les droits de l’homme et le droit international humanitaire

78. En quatrième et dernier lieu, la CourEDH pourrait avoir recours à la théorie des « implied powers », qui a notamment permis à la CIJ d’étendre les compétences de l’ONU280, en soutenant que l’organisation devait avoir les compétences et pouvoirs nécessaires à l’accomplissement de sa mission281. Cette méthode d’interprétation progressiste a déjà reçu un accueil favorable par la CourEDH dans l’affaire Mamatkoulov et Askarov c. Turquie. Dans cette arrêt, la Cour déclarait – se référant à la pratique de la CIJ, de la CourADH ainsi que du Comité des droits de l'homme des Nations Unies282 – que le droit à un recours individuel garantit par l’art. 34 CEDH impliquait la compétence de la Cour d’ordonner des mesures provisoires contraignantes283. Si la Cour était aussi téméraire et ouverte à l’égard du droit humanitaire, elle pourrait à notre sens, à tout le moins, interpréter les règles de la Convention à la lumière du droit humanitaire.

79. Les quatre passerelles qui précèdent mettent en évidence le fait que juridiquement rien ne s’oppose à ce que la Cour prenne en compte le droit humanitaire de manière expresse284, à l’image de la jurisprudence interaméricaine. Pourtant, comme nous l’avons vu, la Cour refuse de mentionner cette branche du droit, même lorsque cette dernière est à l’évidence applicable285. Les affaires tchétchènes auraient été une opportunité sans égale pour aborder le rapport complexe entre les deux branches du droit. Pourtant, pour des raisons qui semblent liées à la politique internationale286 et judiciaire287 de la Cour, ou simplement pour des raisons dogmatiques288 ou un manque d’expertise289, la Cour s’entête à éviter la question, privant de ce fait le droit humanitaire d’un mécanisme de mise en œuvre dont l’efficacité et l’influence n’est plus à prouver.

80. Bien que l’on puisse déplorer la visibilité réduite de l’approche matérielle de la Cour, les règles que la Cour dégage de ces affaires ont aussi un impact positif sur le droit humanitaire.

D’une part, son ajout de l’obligation d’enquête en période de conflit armé290 et les précisions

la disposition. La référence aux « actes licites de guerre » ne vise pas à toute règle offrant une protection, mais un corpus de règles déterminé, le droit international humanitaire.

280 Effet de jugements du tribunal administratif des nations unies accordant indemnité, Avis consultatif, C.I.J.

Recueil 1954, 47 ; et Certaines dépenses des Nations Unies (article 17, paragraphe 2, de la Charte), Avis consultatif, C.I.J. Recueil 1962, 151.

281 GAGGIOLI,223.

282 Mamatkoulov et Askarov c. Turquie [GC], nos 46827/99 et 46951/99, §§111-117, CEDH 2005-I.

283 Ibidem §§100-129. territoire. Cependant, comme le déclare l’auteure, la qualification d’un conflit est juridique, non politique, et elle devrait donc être du ressort de la Cour.

287 Ibidem, 235-236,qui met en évidence la volonté de la Cour de conserver « l’autonomie du système de protection des droits de l’homme en Europe », et sa faible tendance à l’ouverture sur les jurisprudences et instruments externes à son système par rapport à ses homologues américains et africains. La prise en compte du droit humanitaire porterait atteinte à cette autonomie, liant les juges à des règles externes.

288 Ibidem, 238-239. Selon l’auteure, se basant sur une image stéréotypée et dépassée du droit humanitaire, les magistrats de la Cour refuseraient de s’y référer par crainte d’effets néfastes sur la protection des individus. Nous rejoignons l’auteure lorsqu’elle qualifie cette vision de simpliste, au regard notamment de l’évolution des règles coutumières du droit humanitaire ainsi que de leur précision et adéquation à régir des situations de conflit armé.

289 GAGGIOLI,234.Comme le note à juste titre l’auteure, le droit humanitaire est un « droit spécialisé qui ne répond pas à la même logique que celle des droits de l’homme et requiert donc une expertise spécifique ».

290 Voir supra §55.

qu’elle apporte à l’obligation de précaution sont à saluer291. D’autre part, la simple application de ces règles à un conflit interne est bénéfique pour le droit humanitaire, car elle consolide leur nature coutumière en période de CANI. De plus, comme les droits de l’homme ne dépendent pas de la situation ou d’une quelconque qualification du conflit, la Cour peut dès lors les appliquer, tout en évitant une confrontation autour de cette question avec les Etats, toujours réticents à ce que l’on reconnaisse l’existence d’un conflit sur leur territoire292. En outre, bien que son application des règles du droit humanitaire en période de CANI cristallise la coutume, dans la mesure où la Cour déclare appliquer l’art. 2 CEDH, à l’exclusion d’autres règles, elle n’a pas besoin de s’embarrasser de l’examen de la nature coutumière de telle ou telle règle.

81. Si les situations de conflit armé ne font pas obstacle à l’application de la Convention, cela ne veut pas pour autant dire qu’elle y est adaptée. S’ils avaient recours aux règles du droit international humanitaire, les magistrats européens bénéficieraient de règles plus précises et surtout de l’expérience des juges de la CIJ, des tribunaux pénaux internationaux et de la CPI.

Comme nous venons de le voir, l’approche de la CourEDH n’est cependant pas entièrement à exclure. Elle n’ignore pas le droit humanitaire et semble même en adopter les principes. Il serait cependant temps que la Cour détermine son approche de manière claire et univoque, car à défaut, elle se réserve la possibilité d’en changer à tout moment, rendant de ce fait ses prochaines décisions imprévisibles. Si l’on peut comprendre qu’il est agréable pour les juges de garder une certaine marge d’appréciation, il faut aussi réaliser que cette marge se fait aux dépends de la sécurité juridique.

291 Voir supra §52.

292 Les Etats craignent que la reconnaissance d’un conflit armé sur leur territoire n’offre une certaine légitimité à l’insurrection, voire un prétexte pour l’intervention d’Etats tiers (SASSOLI, La Cour européenne des droits de l’homme et les conflits armés, 728).

Conclusion

82. La jurisprudence de la CourEDH relative au recours à la force en période de paix a fait ses preuves. Au fil des tragédies, la Cour a pu dégager des règles claires, précises et cohérentes.

On peut déclarer avec conviction que cette jurisprudence est arrivée à maturité. Il n’en va malheureusement pas de même lorsque le recours à la force est le résultat d’un conflit armé.

Hésitante, la Cour emprunte alors les règles du droit humanitaire qui lui conviennent, sans en dévoiler la nature ou l’origine. Il en découle une jurisprudence casuistique, marquée par une succession de pesées d’intérêts et dont la portée semble souvent ne pas dépasser les circonstances du cas d’espèce. La flexibilité de cette approche se fait au prix de la sécurité du droit et de toute vision d’ensemble. Pourtant, dans des situations telles que les conflits armés, marquées par la violence et l’urgence, il est crucial de se référer à des règles établies qui sont à la fois précises et aisément compréhensibles. Les règles du droit humanitaire, en place depuis plus de 50 ans et reconnues comme légitimes par les personnes qui les appliquent, nous semblent remplir ces critères. Il ne s’agit toutefois pas d’adopter une solution radicale et de faire prévaloir un régime sur l’autre de manière absolue. Chaque branche doit pouvoir profiter des richesses de l’autre, permettant ainsi un rapprochement constructif et harmonieux des deux domaines.

83. Ce rapprochement a déjà débuté, il y a plus de 50 ans, à Téhéran, lors de la Conférence internationale des droits de l’homme de 1968 organisée par les Nations Unies. Cette conférence marque un tournant historique. Loin d’antagoniser, ou même d’ignorer le droit humanitaire et le CICR, elle adopta la Résolution XXIII intitulée « Le respect des droits de l’homme en période de conflit armé »293, en vue de réconcilier les deux régimes dans le but d’assurer une protection plus effective. Sous l’impulsion des juridictions internationales, et en particulier de la CIJ, ce mouvement s’est ensuite accéléré. Avec le temps, les Nations-Unies et le CICR ont dépassé leurs différences. Les organes de l’ONU se réfèrent au droit humanitaire dans leurs résolutions et le CICR fait de même à l’égard des droits de l’homme294, prouvant de ce fait que les deux branches peuvent bénéficier l’une à l’autre. A cette fin, les acteurs des droits de l’homme et du droit humanitaire doivent présenter un front commun à travers une vision holistique de la protection de l’homme.

84. La jurisprudence et la doctrine internationales mettent d’ailleurs en évidence l’émergence d’un « human rights-based law of war »295. Les deux matières sont amenées à s’appliquer de concert, et à combler leurs lacunes respectives. Dans cette logique complémentariste et constructive, il n’y a aucune raison pour que cette influence ne se fasse que dans un sens296. La solution n’est évidemment pas dans l’application directe des Conventions de Genève ou

84. La jurisprudence et la doctrine internationales mettent d’ailleurs en évidence l’émergence d’un « human rights-based law of war »295. Les deux matières sont amenées à s’appliquer de concert, et à combler leurs lacunes respectives. Dans cette logique complémentariste et constructive, il n’y a aucune raison pour que cette influence ne se fasse que dans un sens296. La solution n’est évidemment pas dans l’application directe des Conventions de Genève ou