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Quel encadrement pour les contractuels étudiants ?

3. Rémunérer, soutenir

3.2. Professionnalisation : peut-être plus qu’un job étudiant ?

2.2.1. Quel encadrement pour les contractuels étudiants ?

Dans de nombreux établissements, l’encadrement des contractuels étudiants a fait l’objet d’une réflexion approfondie.

170 Entretien avec Hervé RENARD, 12 mai 2017.

171 Le dimanche, pour lequel le droit du travail maintient un cadre réglementaire spécifique, est souvent consacré

à la famille et à la vie sociale.

172 A la BU Rockefeller (Lyon 1), les moniteurs sont tenus de réaliser une permanence le samedi ou le dimanche,

un week-end sur deux. Ainsi, aucun étudiant n’est tenu de travailler tous les dimanches ou tous les samedis. E ntretien avec Sandrine BOHAS, 23 mars 2017, et entretien avec Marie-Jo MALAGOLA, 30 mars 2017.

Un agent de catégorie A 4 40% Un agent de catégorie B 4 40% Un agent de catégorie C 0 0% Autre 20% → 1 binôme → 1 peut varier

Encadrant des contractuels étudiants à Lille 3 (10 BU)

Un agent de catégorie A 2 28% Un agent de catégorie B 2 29% Un agent de catégorie C 3 43%

Encadrant des contractuels étudiants à Strasbourg (7 BU)

Un agent de catégorie A 2 25% Un agent de catégorie B 1 12% Un agent de catégorie C 4 50% Autre 13% → 1 "B ou C"

Encadrant des contractuels étudiants à l'Université de Franche-Comté (8 BU)

Graphique 20 : Encadrant des contractuels étudiants : trois SCD universitaires en exemple

Qui encadre les contractuels étudiants ?

Il était demandé dans le questionnaire adressé aux directeurs des SCD qui était chargé d’encadrer l’équipe des étudiants.

Il nous faut tenir compte du fait que dans de nombreux services, la situation varie d’une composante à l’autre :

l’équipe d’une BU sera

encadrée par un agent de catégorie B, tandis que celle d’une autre composante sera encadrée par un agent de catégorie A ou C.

Nous pouvons réaliser une analyse comparative en nous focalisant sur trois SCD pour lesquels nous avons obtenu une réponse détaillée par unité documentaire. Il

s’agit des services

documentaires des universités de Franche-Comté, de Lille 3 et de Strasbourg173.

Nous observons des

situations très hétérogènes. Dans certains SCD, les agents de catégorie C ne sont jamais les encadrants des contractuels étudiants, par exemple à Lille 3 ; à l’inverse, à

l’Université de Franche-

Comté, 4 BU sur 8 confient l’encadrement des étudiants à un magasinier. Les agents de

catégorie A participent

souvent à cet encadrement : c’est le cas dans au moins un quart des BU de chacune de ces trois universités. Dans certaines composantes, un binôme est mis en place entre deux agents de catégories différentes, l’un s’occupant du suivi des contrats, l’autre du

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management au quotidien.

L’encadrant travaille avec la personne en charge du planning, laquelle organise le temps de travail des étudiants. D’après les résultats de l’enquête, dans 60% des SCD, la personne encadrant les étudiants réalise également les plannings ; c’est souvent le cas dans les petites unités documentaires.

Un management « porteur de sens »

Avant d’entrer dans les détails, il est possible d’esquisser les principales caractéristiques d’un management adapté à cette catégorie de personnel et plus globalement au lieu de travail « bibliothèque ». Dans Manager en bibliothèque, Françoise Hecquard présente une « démarche basée sur la bienveillance, sur la recherche de sens pour tous, sur l’intérêt porté aux problématiques individuelles aussi bien que collectives »174.

Le management des contractuels étudiants relève du management d’équipe. Celui-ci a ses spécificités : une équipe est d’abord une somme d’individus, mais elle « constitue également une entité à part entière et sa structure réagit aux mêmes phénomènes que les personnes elles-mêmes »175 – on découvre ainsi à l’échelle de l’équipe des phénomènes de fusion, de rejet et d’alliance, tous liés à des questions de loyauté. Comme l’explique Roger Mucchielli, psycho-sociologue français, l’équipe se structure et se renforce « par le désir de collaborer au travail collectif »176. Le manager peut accompagner et favoriser cette structuration : l’émergence d’une identité commune, traduite sous la forme de normes, de valeurs et de codes, permet le développement d’un sentiment d’appartenance, socle de « l’esprit d’équipe ».

Philippe Auriol et Marie-Odile Vervisch décrivent, dans Manager en bibliothèque, les conditions de la réussite du travail en équipe : les objectifs du travail collectif doivent être clairs et partagés ; chaque membre doit connaître les capacités et faiblesses des autres et être personnellement impliqué dans le travail ; la confiance doit permettre à chacun d’exprimer sans crainte ses besoins et ses peurs ; l’entraide doit être encouragée ; la communication entre les membres de l’équipe doit être facilitée ; chacun doit pouvoir faire preuve d’autocritique et ainsi évaluer lui-même le travail qu’il a réalisé. Ces conditions cumulatives renforcent la cohérence de l’équipe, la confiance entre ses membres, la qualité du travail produit et garantissent que celui-ci soit réalisé dans de bonnes conditions pour les agents177.

Du point de vue de l’encadrant, il s’agit donc de développer un « circuit de confiance »178, pour reprendre l’expression de Vincent Lenhardt. Cet auteur décrit six étapes dans la construction d’une relation d’encadrement saine, riche et durable. Le responsable doit en premier lieu valider le sens de l’équipe – clarifier ses objectifs – et la place de chacun de ses membres. Il lui faut aussi veiller à ce que les règles de la vie collective – les permissions, les interdictions – soient partagées par tous. Il lui faut encore encourager les « relations ouvertes » :

174 HECQUARD, Françoise, op. cit., p.20. 175 Ibid., p.33.

176 Ibid., p.35. 177 Ibid., p.49.

178 LENHARDT, Vincent. Les Responsables porteurs de sens. Culture et pratique du coaching et du team -

l’entraide et la sincérité doivent être les clefs du fonctionnement de l’équipe au quotidien ; ainsi émergera un véritable « esprit d’équipe ». Les individus ne doivent pas être fondus dans la masse pour autant. Le manager doit veiller à faire évoluer les membres de l’équipe pour leur donner des perspectives et veiller à ce que leur travail soit reconnu, leurs progrès évalués.

Il s’agit donc, dans le cas des contractuels étudiants, de savoir concilier management d’équipe et encadrement individualisé.

Réunir pour informer et échanger

Le principal instrument de management d’une équipe de contractuels étudiants est la réunion. Bien plus qu’un temps d’information, elle est une occasion d’échanges entre les encadrants et les étudiants d’une part, mais également au sein de l’équipe des contractuels. Seuls 34% des répondants à l’enquête ont indiqué que leurs étudiants assistaient à des réunions179. La moitié d’entre eux ont indiqué qu’ils organisaient des réunions spécifiques pour l’équipe des moniteurs – soit 17% du total des répondants.

L’exemple du SCD de l’Université d’Avignon a déjà été évoqué. Le responsable du département des publics, son adjointe et la responsable du service « Accueil des publics » organisent en moyenne trois réunions par an pour l’ensemble de l’équipe des contractuels étudiants. La première, fin septembre, permet de réaliser le bilan de la formation ; une deuxième réunion à la fin du premier semestre est l’occasion de faire un point sur le fonctionnement de l’équipe et l’organisation du travail. Une dernière réunion, fin juin, permet de faire le bilan de l’année. La participation à ces réunions n’est jamais obligatoire, mais elle est rémunérée, ce qui incite les moniteurs à y assister. Les autres étudiants sont informés des discussions par un compte-rendu. Une grande importance est donnée aux feedbacks, aux retours donnés par les étudiants sur leur travail et son organisation. La réunion n’est donc pas un temps d’information verticale et descendante : une certaine horizontalité dans les échanges est recherchée. Son organisation est assez classique, sous la forme d’une table ronde180.

A la BU Tréfilerie de l’Université Jean-Monnet (Saint-Etienne), une réunion de mi-parcours a été mise en place récemment. L’objectif est de repérer les difficultés rencontrées par l’équipe des étudiants au quotidien. A Angers, c’est une réunion « bilan » de fin d’année qui est organisée. Bien que les étudiants soient alors en fin de contrat, il s’agit d’un véritable outil de management, puisqu’elle permet aux encadrants de profiter des retours des étudiants pour repenser les dispositifs de formation et l’organisation quotidienne du travail. Cette réunion est organisée sous la forme de focus groups au cours desquels les moniteurs reviennent sur différents aspects de leur expérience. Suit un temps d’échange entre les étudiants et les agents en charge de leur encadrement181.

Il est cependant difficile d’organiser des réunions fréquentes, d’autant plus lorsque l’équipe compte beaucoup d’étudiants et que leurs disponibilités sont hétérogènes.

179 Ce chiffre pourrait se révéler trompeur, l’intitulé de la question pouvant prê ter à confusion : « Les moniteurs

assistent-il à des réunions ? » Certains répondants ont pu penser qu’il s’agissait uniquement des réunions de service.

180 Entretien téléphonique avec Amaury CATEL, 16 octobre 2017. 181 Entretien téléphonique avec Catherine FAÏS, 11 octobre 2017.

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Moyens et outils de liaison

Le suivi au quotidien d’une équipe de contractuels travaillant sur des plages horaires différentes peut s’avérer complexe.

Une solution est de désigner – ou de faire désigner – des représentants ou des « délégués » au sein de l’équipe. Ainsi, à la Bibliothèque universitaire centrale de l’Université Toulouse 2 Jean-Jaurès, 3 référentes sont chargées de représenter les contractuels étudiants à l’occasion de certaines réunions et de faire circuler l’information. Ces représentantes ont été invitées à participer à des focus groups organisés par la responsable du département des publics pour repenser les procédures d’accueil au sein de la bibliothèque182. C’est un moyen intéressant d’intégrer les étudiants dans la réflexion sur l’avenir du service.

L’existence d’outils de liaison se révèle nécessaire dans le cas d’une ouverture sans personnel titulaire ou en service réduit. A Angers, un cahier de liaison a été mis en place à l’accueil pour que les moniteurs puissent y lister les questions soulevées au cours de leur service en soirée. Chaque matin, un responsable répond aux questions inscrites dans le cahier. En cas d’urgence, les contractuels ont toujours la possibilité de joindre un cadre par téléphone183.

A la BU Chevreul (Lyon 2), l’ouverture de la bibliothèque sans personnel titulaire le dimanche a été mise en place à la rentrée 2017 -2018. Un moniteur posté à l’accueil est chargé d’envoyer, en fin de journée, un mini-rapport à la responsable du service des publics pour l’informer que les permanences se sont bien passées184. Ce type d’outil permet de maintenir le contact en cas d’ouverture sans agent titulaire.

Les questions qui fâchent : discipline et frictions

Le management passe également par des questions de discipline. Au cours des entretiens, les encadrants des agents étudiants ont parlé librement de leur manière de gérer les situations où un rappel (voire une sanction) s’impose. Tous ont souligné le caractère marginal de ces situations : ils sont généralement très satisfaits du travail des étudiants et de leur capacité à s’intégrer au sein de l’équipe.

A la BU Rockefeller (Lyon 1), les encadrants choisissent d’effectuer un rappel collectif à l’ensemble de l’équipe dans le cas d’une absence ou d’un retard important d’un étudiant185. En effet, ce peut être l’occasion de rappeler à tous les obligations liées à leur contrat. Dans d’autres bibliothèques, des cas disciplinaires plus graves ont été l’occasion d’entretiens individuels avec le responsable du service, voir le directeur. Plusieurs répondants ont évoqué la possibilité de « tarir » le nombre d’heures de travail d’un étudiant en cas de problèmes avérés touchant à la discipline. Il faut cependant être attentif à ne pas laisser la relation entre les encadrants et l’étudiant s’envenimer et se souvenir que le contractuel a besoin de ce travail pour financer ses études : d’autres solutions doivent donc être privilégiées.

182 Entretien avec Pierre MOLL, 13 décembre 2017.

183 Entretien téléphonique avec Catherine FAÏS, 11 octobre 2017. 184 Entretien avec Agnès D’HALLUIN, 26 avril 2017.

L’existence de frictions entre le personnel titulaire et le personnel étudiant est également une « question qui fâche ». Elle ne peut que nuire à la qualité du service rendu aux usagers et aux conditions de travail de tous les agents. Comme le souligne Grégory Miura, les responsables doivent être attentifs tant aux relations individuelles qu’à l’organisation générale du travail pour prévenir l’émergence de tensions entre étudiants et titulaires. Cela passe par une intégration réussie des étudiants au sein de l’équipe de la bibliothèque.