au service de la mise en scène de l’intégration » s’articule autour de trois sous-parties. 1. Dans
une première sous-partie, nous mobiliserons le concept de dispositif à l’aune des définitions et
réélaborations qui lui ont été consacrées (Cf. M. Foucault, G. Agamben) pour penser, de
manière non-figée, la réactualisation des rapports sociaux dans le contexte de fonctionnement
du CAI et de son VL. Nous interrogerons ce dispositif de contrôle et de sécurité de
l’immigration et de l’intégration à partir des nombreuses ré-interprétations foucaldiennes du
droit – en tant que dispositifs de pouvoir – successivement ré-inscrits dans les motifs de la
souveraineté, de la discipline, de la sécurité, ou encore de la gouvernementalité. Nous nous
inspirerons également de la manière dont M. Foucault – en invitant à se détacher de la
dialectique « répression-libération » – a pensé le dispositif de la sexualité, en investissant le
processus de « contrôle » pour mettre en exergue des lieux de tensions stratégiques en
articulation. 2. Dans une seconde sous-partie, nous considérerons que la réactualisation du
genre et des rapports sociaux de sexe est soutenue par divers mécanismes de médiation de la
« contrainte » hétéronormative, auxquels participe un mode de régulation économique reposant
sur un processus de contractualisation des mécanismes de protection sociale et
d’individualisation des responsabilités, lui-même soutenu par les politiques publiques
d’activation de l’emploi. Aussi, nous décrirons la manière dont se multiplient en France,
comme ailleurs en Europe, des processus (et des dispositifs) de suivi individualisés et
contractualisés, privilégiant des mécanismes « capacitants » de responsabilisation individuelle,
de valorisation de l’autonomie, de socialisation par le travail et de lutte contre l’inactivité,
destinés à asseoir le projet d’État social actif. Dans ce contexte, nous discuterons également de
l’incitation adressée par la Commission des Communautés Européennes (CCE) en 2007, aux
États membres, à privilégier une stratégie dite de flexicurité, destinée à combiner la flexibilité
et la sécurité sur le marché du travail en privilégiant la contractualisation comme instrument de
régulation et de sécurisation des rapports sociaux. C’est dans ce contexte de consolidation des
formes contractuelles d’action publique, qui s’appuient sur le recours à la voie des marchés
publics – par ailleurs procédé de mise en cohérence de la décentralisation –, que nous
aborderons l’apparition du CAI (et son VL) en tant que dispositif de contrôle, de sécurisation
des « capacités » linguistiques et de responsabilisation des « immigré-e-s primo-arrivant-e-s ».
De là, notre propos visera à décrire la manière dont se concrétise l’injonction à la responsabilité
(et de l’autonomie) individuelle – en tant qu’incitation à une forme d’« indésirabilité » du
rapport de dépendance à l’État – dans le cadre du CAI, par l’incitation à la maximisation des
capitaux (notamment linguistiques). À cette occasion, nous discuterons du concept central de
l’économie politique qu’est le « capital humain » et expliciterons notre distance vis-à-vis de
certaines perspectives qui participent à une mise en forme et/ou à un transfert scolastique de ce
dernier vers le domaine linguistique. Et, considérant que la rhétorique de la responsabilité se
construit dans le rapport dépendance/indépendance, nous interrogerons la notion de dépendance
en ce qu’elle « permet » notamment de réaliser une certaine figure de l’« assisté-e ». À partir de
là, nous interrogerons les termes de désignation et de qualification de « signataire » et de
« stagiaire », comme catégories de la consécration et de l’injonction à la responsabilité et à
l’employabilité. 3. Partant de là, une troisième sous-partie abordera le dispositif de contrôle et
de sécurité qu’est le CAI et son VL, à travers la perspective du rite. Nous opterons pour une
approche du rite en termes d’ « institution » (P. Bourdieu), permettant de mettre en évidence ce
qui fait seuil, séparation et consécration de la différence, en prenant en compte la nécessité
d’une instance de légitimation et d’institution du rite. Nous décrirons la manière dont le CAI -
et son VL - est le lieu d’un rite de passage et d’institution, qui procède par la mise à l’épreuve
linguistique, et institue les initié-e-s – signataires-stagiaires du CAI – comme étant « dignes »
d’être intégré-e-s. Dans ce sens, nous aborderons le DILF/DELF comme un acte instituant et
performatif, paradoxal, qui célèbre l’inclusion (linguistico-culturelle) en même temps qu’il
marque une différence quasi indépassable. Après avoir discuté de certains paradoxes que révèle
la mise en pratique du DILF – notamment induits par le lien pré-établi entre « maîtrise de la
langue » et « intégration », nous décrirons la manière dont la FL CAI peut être un lieu
d’ « infantilisation » des apprenant-e-s. Enfin, considérant que la compréhension des rapports
sociaux inhérents au fonctionnement du VL du CAI ne peut être isolée des transformations qu’a
connu, ces dernières années en France, le secteur de la formation à destination des migrant-e-s,
nous aborderons quelques conséquences et/ou tensions relatives à la marchandisation de la FL
et à la mise en concurrence des organismes de formation dans ce contexte. Ces explicitations
s’appuieront sur le contexte de préférence pour l’immigration choisie qui renforce
l’assimilation des compétences linguistiques exigées à des compétences professionnelles.
Lequel contexte privilégie des mécanismes « capacitants » de responsabilisation individuelle et
de valorisation de l’autonomie, inhérents au CAI et à son VL.
Enfin, un cinquième chapitre intitulé : « Le CAI et son VL : quelle contractualisation des
rapports sociaux ? » s’articule autour de quatre sous-parties. À l’aune de nos enquêtes de
terrain, nous questionnerons l’autonomie comme un principe interprété, révélateur de logiques
normatives, de registres d’action et de rapports sociaux en co-formation, dont le sens est
circonscrit par le fonctionnement du CAI et de son VL. 1. Après avoir présenté cet apport
majeur de la pensée des Lumières, nous nous attacherons à décrire la manière dont cet idéal de
remise en cause des formes verticales de contrôle social se trouve aujourd’hui contesté par sa
fonction de légitimation de l’ordre social. Prenant acte de la concomitante élaboration des
thèses de l’autonomie et du contrôle social, nous situerons historiquement le concept de
contrôle social. Considérant que ce dernier se développe, depuis une décennie, en profitant
d’une « tolérance » à l’égard des politiques sécuritaires (qui justifient le renforcement
d’instruments de contrôle institutionnalisés), notre propos visera à montrer la manière dont la
« maitrise » de la langue est considérée comme une nécessité pour l’autonomie individuelle et
pour lutter contre les inégalités entre les sexes. Nous considérerons que l’injonction à
l’autonomie par la langue – qui s’adresse prioritairement aux femmes stagiaires du CAI – est
instituée comme une contrainte à intérioriser et à incorporer. Nous décrirons la façon dont ce
principe est mis en avant comme une « capacité » des femmes stagiaires à être dans un
processus de relation à soi et aux autres permettant – par l’appropriation des normes
linguistico-culturelles légitimes – de se « libérer » d’une forme de dépendance et/ou de
domination « spécifique ». 2. Lors d’une seconde sous-partie, nous interrogerons la manière
dont les enseignantes rencontrées évoquent l’autonomie linguistico-culturelle nécessaire des
stagiaires, pour entrevoir certains enjeux autour desquels se réaffirment les rapports sociaux en
co-formation. Nous expliciterons la manière dont l’autonomie s’infuse par une forme
d’invisibilisation des relations de verticalité qu’induit la forme contractuelle du CAI, faisant
émerger une consubstantialité située des rapports sociaux. À cette occasion, nous expliciterons
la logique d’ « implication contractuelle » (R. Bertaux et Ph. Hirlet) caractéristique du
positionnement des enseignantes CAI et décrirons la manière dont la centralité de l’autonomie
attenue la perception des rapports sociaux de sexe dans lesquels sont engagées les enseignantes
CAI. Puis, notre propos visera à interroger un autre principe à l’aune duquel peut être comprise
cette « autonomie » : l’égalité des chances. Après avoir situé historiquement la dénomination
« égalité des chances » et décrit la manière dont la version actuelle de ce modèle – centrée sur
la reconnaissance – s’infuse comme une alternative au modèle de justice sociale de l’égalité des
places et aux politiques de redistribution, nous discuterons des conceptions générales de la
société qu’impliquent le modèle des chances et celui des places (F. Dubet). Nous insisterons sur
la manière dont ce modèle des chances – conforme à l’ordre contractuel – s’appuie sur l’idée
d’une « inégalité régulée », en déplaçant les enjeux sociaux des institutions vers les individus.
Subordonnant la place et la stabilité à l’épreuve et à la preuve d’intégration
linguistico-culturelle, nous considérerons le CAI - et son VL - comme un dispositif représentatif de ce
modèle des chances qui substitue la logique de l’« usager-bénéficiaire » – lieu potentiel de
déresponsabilisation des individus et de production d’une « assistance » néfaste – à celle de
l’« usager-acteur-actif ». Nous décrirons la manière dont l’injonction à l’autonomie par la
langue, le CAI et/ou le DILF/DELF mettent en relief une forme de division du travail située qui
réaffirme les rapports dont elle découle. 3. Lors d’une troisième sous-partie, nous interrogerons
l’instrument central qui préfigure ce dispositif de contrôle et de sécurité, le contrat. À cette
occasion nous rappellerons la tension généralement établie entre les deux modes de contrôle
des trajectoires de vie que sont la loi et le contrat, mais aussi le lien de continuité qui existe
entre ces deux modes de régulation. Nous nous appuierons sur le contexte de contractualisation
de l’« offre-obligation » de formation linguistique pour interroger le phénomène de
contractualisation des rapports sociaux. La fiction égalitaire du contrat étant au centre des
discours de légitimation de ce dispositif de contrôle et de sécurité, nous décrirons la manière
dont le CAI décentre l’attention de la verticalité qu’induit la loi vers une adition de positions
d’exception, en donnant l’illusion que les individus peuvent tirer une plus-value de la relation
« négociée ». Nous considérerons que ce contrat (le CAI) est « indissociablement sexuel et
social » (C. Pateman). De là, notre propos visera à mettre en exergue la façon dont une
focalisation située sur l’égalité entre les sexes est susceptible de mettre en visibilité la part
processuelle des rapports sociaux de race en œuvre dans ce dispositif de contrôle et de sécurité.
Puis, poursuivant, nous décrirons de quelle manière la centralité de la thématique du travail
(dans le cadre des FL CAI) est un lieu de « re-négociation » et de réactualisation de la division
sexuelle et raciale du travail. Laquelle division du travail ordonne les légitimes savoir-faire et
savoir-dire. Ceci nous donnera à voir une lecture contractuelle située des rapports sociaux et de
la division sexuelle et raciale du travail. Enfin, 4. dans une quatrième sous-partie, notre propos
visera à montrer qu’il n’est pas anodin que l’apparition et la généralisation de ce dispositif
contractuel de contrôle et de sécurité s’opère, en France, dans un contexte de diffusion et
d’infusion de la norme « diversité » (en lien avec l’égalité des chances), perceptible à travers la
prolifération d’instruments de droit mou (contrats, chartes, labels, etc.). Celui-ci est caractérisé
par la cohabitation normative entre des catégories juridiques (droit dur) et des catégories
managériales (droit mou), sources de tensions (Junter A., Sénac-Slawinski R). En tant qu’il est
un puissant instrument de communication à l’époque de la mise en place du CAI et de son VL,
ce référentiel diversité – fondé sur l’acceptation des différences et leur promotion – sera discuté
comme un important véhicule des politiques de la reconnaissance et un lieu de dépolitisation de
l’égalité. Par ailleurs, considérant que la rhétorique de la diversité peut être un lieu paradoxal
du déni de la reconnaissance, nous proposerons une réflexion qui vise à revisiter – et à
institutionnaliser – le principe de la reconnaissance comme une question de statut social (N.
Fraser). Enfin, en conclusion, nous proposerons de considérer le CAI et le FLI comme des
dispositifs interdépendants d’homogénéisation linguistico-culturelle, représentatifs d’un large et
paradoxal mouvement « diversitaire » d’individualisation du traitement politique des
phénomènes sociaux et de contractualisation des rapports sociaux.
Chapitre 1.
Présentation d’un dispositif des politiques de
Dans le document
Contractualisation des rapports sociaux : le volet linguistique du contrat d'accueil et d'intégration au prisme du genre
(Page 29-34)