• Aucun résultat trouvé

Contractualisation des rapports sociaux : le volet linguistique du contrat d'accueil et d'intégration au prisme du genre

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Contractualisation des rapports sociaux : le volet linguistique du contrat d'accueil et d'intégration au prisme du genre"

Copied!
459
0
0

Texte intégral

(1)

HAL Id: tel-01674499

https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01674499

Submitted on 3 Jan 2018

HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés.

Contractualisation des rapports sociaux : le volet linguistique du contrat d’accueil et d’intégration au

prisme du genre

Nadia Ouabdelmoumen

To cite this version:

Nadia Ouabdelmoumen. Contractualisation des rapports sociaux : le volet linguistique du contrat d’accueil et d’intégration au prisme du genre. Linguistique. Université Rennes 2, 2014. Français.

�NNT : 2014REN20053�. �tel-01674499�

(2)

THESE  /  Université  Rennes  2  

sous  le  sceau  de  l’Université  européenne  de  Bretagne     pour  obtenir  le  titre  de   DOCTEURE  DE  L’UNIVERSITÉ  RENNES  2   Mention  :  Sciences  du  langage  

École  doctorale  Sciences  Humaines  et  Sociales    

présentée  par  

Nadia  Ouabdelmoumen  

 

Préparée  dans  l’équipe  d’accueil  PREFics  (n°4246)   Université  Rennes    2  

Contractualisation  des   rapports  sociaux  :    

le  volet  linguistique  du  contrat   d’accueil  et  d’intégration  au   prisme  du  genre  

Thèse  soutenue  le  9  décembre  2014   devant  le  jury  composé  de  :  

   

Philippe  BLANCHET  

Professeur.  Université  Rennes  2,  France  /  Directeur  de  thèse    Marie  Noelle  RISPAIL  

Professeure.  Université  Jean-­‐Monet,  Saint-­‐Étienne,  France/  rapporteure    Philippe  HAMBYE  

Professeur.  Université  catholique  de  Louvain,  Louvain-­‐la-­‐Neuve,  Belgique/  

rapporteur    Annie  JUNTER  

Maîtresse  de  Conférence  HDR.  Université  Rennes  2,  France  /  examinatrice    Alexandre  DUCHÊNE  

Professeur.  Université  de  Fribourg,  Fribourg,  Suisse  /  examinateur    

(3)
(4)

SOMMAIRE

TABLE DES ILLUSTRATIONS 3  

LISTE DES ACRONYMES ET DES ABREVIATIONS 5  

REMERCIEMENTS 9  

AVANT-PROPOS 11  

INTRODUCTION GENERALE

DE L’ENTREE DANS UN TERRITOIRE A L’ENTREE DANS LA RECHERCHE 15 CHAPITRE 1.   PRESENTATION D’UN DISPOSITIF DES POLITIQUES DE

L’IMMIGRATION ET DE L’INTEGRATION : LE CONTRAT D’ACCUEIL ET

D’INTEGRATION ET SON VOLET LINGUISTIQUE 31  

1.1   « Immigration choisie » et injonction à l’intégration : quelle-s nouvelle-s donne-s ? 32  

1.2   Le Contrat d’Accueil et d’Intégration : de la méthode à l’obligation 45  

1.3   Focus sur une prescription obligatoire : le volet linguistique du CAI 53  

1.4   Le CAI et son VL en Bretagne et en Ille-et-Vilaine 61  

1.5 Passer d’une « immigration subie » à une « immigration choisie » : une nécessité de pour

l’« égalité » ? 75  

CHAPITRE 2.   LE GENRE ET LES RAPPORTS SOCIAUX DE SEXE POUR PENSER LE VL DU CAI : RE-CONSTRUCTION THEORIQUE ET

METHODOLOGIQUE D’UN OBJET DE RECHERCHE 83  

2.1   Le genre et les rapports sociaux (sexe, race, classe) : un préalable théorique pour interroger

le VL du CAI 91  

2.2   Le CAI et son VL : pour « exploiter et partager les pépites de la langue française » ? 109  

2.3   Le genre et les rapports sociaux (sexe, race, classe) : un préalable méthodologique

pour interroger le VL du CAI 124  

2.4   Protocole d’enquête : à la rencontre d’un terrain de recherche 136  

(5)

2.5   Les outils de recueil des données : Observation directe « non-participante » et entretiens semi-

directifs 143  

CHAPITRE 3.   DIFFERENCE-S, CULTURE-S…INTERROGER LA REACTUALISATION DU GENRE ET DES RAPPORTS SOCIAUX

DANS LE CADRE DU VL DU CAI 169  

3.1   Culture et différence : la racisation au service des politiques de l’identité

et de la reconnaissance 173  

3.2   Des supports « pédagogiques » à la réactualisation du genre et des rapports sociaux en co-

formation 188  

3.3   « En France, on est dans un pays laïc » : « Voile » sur la démocratie sexuelle 216   CHAPITRE 4.   LE CAI ET SON VL : UN DISPOSITIF DE CONTROLE ET DE

SECURITE AU SERVICE DE LA MISE EN SCENE DE L’INTEGRATION 229  

4.1   Le CAI et son VL : un dispositif contractuel d’instrumentation, de contrôle

et de « régulation » des rapports sociaux dans le cadre d’une « immigration choisie » 230  

4.2   Activation de l’emploi, flexicurité, contractualisation et responsabilisation dans le cadre des

politiques publiques et du CAI 243  

4.3   Du dispositif au rite d’institution : ou comment « faire » passer la « barrière de la langue »,

institutionnaliser la « responsabilité » et l’autonomie 269  

CHAPITRE 5.   LE CAI ET SON VL : QUELLE CONTRACTUALISATION DES

RAPPORTS SOCIAUX ? 305  

5.1   Autonomie : une rhétorique de légitimation de la mise à l’épreuve linguistique

et du dispositif de contrôle et de sécurité CAI 307  

5.2   Une formation linguistique pour l’autonomie des femmes 319  

5.3   Le CAI : Un contrat indissociablement sexuel et racial au service de l’immigration choisie 362  

5.4   « In varietate concordia » : cohabitations harmonisées et dépolitisation de l’égalité 398  

CONCLUSION GENERALE

DU CAI AU FLI : AU-DELA DES CONTRADICTIONS, DES INSTRUMENTS DE

CONTRACTUALISATION DES RAPPORTS SOCIAUX 413  

BIBLIOGRAPHIE 427  

(6)

Table des illustrations

Les figures

Figure 1 : Bienvenue en France. Le Contrat d'Accueil et d'Intégration 48  

Figure 2 : Le nombre de CAI signés en France en 2009 47  

Figure 3 : Statut des signataires du CAI en admission sur le territoire en 2009 48  

Figure 4 : La formation linguistique 58  

Figure 5 : Répartition des signataires du CAI en 2009 par niveau de langue 60   Figure 6 : Répartition de la population immigrée par département en Bretagne 65   Figure 7 : Répartition des signataires du CAI en Bretagne selon leur département

de résidence en 2009 67  

Figure 8 : Répartition des signataires du CAI en Bretagne par nationalité en 2009 68   Figure 9 : Répartition des signataires du CAI en Bretagne selon le statut

d'admission sur le territoire en 2009 69  

Figure 10 : Focus sur les catégories « salariés », « regroupement familial » et « conjoints » 70  

Figure 11 : Répartition des signataires du CAI en Bretagne par niveau de diplôme en 2009 71  

Figure 12 : Répartition des signataires selon la compréhension orale de la langue française 72  

Figure 13 : Répartition sexuée des signataires selon la compréhension orale de la langue 72  

Figure 14 : Répartition des signataires selon la compréhension écrite de la langue 73  

Figure 15 : Répartition sexuée des signataires selon la compréhension écrite de la langue 73  

Figure 16 : Répartition des signataires selon le niveau de langue 74  

Figure 17 : Répartition sexuée des signataires selon le niveau de langue 74  

(7)

Figure 18 : Répartition des sites de formation dans le cadre de l'application

du CAI à Rennes selon les niveaux de compétences en français 149   Figure 19 : Grille d'entretien « Enseignantes CAI et Hors-CAI » 159  

Figure 20 : Grille d'entretien « Stagiaires » 165  

Figure 21 : Le masculin / le féminin des adjectifs 192  

Figure 22 : « Faire connaissance » 194  

Figure 23 : La chambre de Mathilde et celle de Romain 197  

Figure 24 : Il-s/Elle-s : genre grammatical et privilège de neutralité 199  

Figure 25 : Les conjoints : « le mari ou la femme » 206  

Figure 26 : Le féminin des métiers 210  

Figure 27 : Conseils d'une voisine 220  

Figure 28 : Les métiers 386  

Figure 29 : Les professions et les lieux de travail 402  

Figure 30 : Les activités professionnelles 388  

Les tableaux

Tableau 1 : Coûts des prestations et moyens consacrés au dispositif CAI de 2009 à 2011 55  

Tableau 2 : Tableau récapitulatif des observations CAI 161  

Tableau 3 : Tableau des entretiens réalisés auprès des enseignantes 167   Tableau 4 : Tableau récapitulatif des entretiens réalisés auprès

des stagiaires CAI et Hors-CAI 173  

Tableau 5 : Le « caractère » 190  

Tableau 6 : Les qualités et les défauts de Sophie, Olivier et Léa 195   Tableau 7 : Bilan des autorisations de travail délivrées au 31/12/2008 en Ille-et-Vilaine

selon la liste des métiers en tension 396  

(8)

Liste des acronymes et des abréviations

ANI : Accord National Interprofessionnel

ACSE : Agence nationale pour la Cohésion Sociale et l’Égalité des chances AEO : Applications Éducatives de l’Ordinateur

AFPA : Association Nationale pour la Formation Professionnelle des Adultes AMDFL : Attestation Ministérielle de Dispense de Formation Linguistique ANAEM: Agence Nationale de l’Accueil des Étrangers et des Migration ANDRH : Association Nationale des Directeurs de Ressources Humaines APP : Atelier de Pédagogie Personnalisée

ASF : Acquisition des Savoirs Fondamentaux ASF : Ateliers des Savoirs Fondamentaux ASL : Ateliers Sociolinguistiques

BCP : Bilan de Compétences Professionnelles

BPEL : Bilan de Prescription et d’Évaluation Linguistique CAE : Contrat d’Accompagnement dans l’Emploi

CAI : Contrat d’Accueil et d’Intégration

CAIF : Contrat d’Accueil et d’Intégration pour la Famille CCE : Commission des Communautés Européennes

CECRL : Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues

CESEDA : Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d’Asile CIE : Contrat Initiative Emploi

CIEP : Centre International d’Études Pédagogiques

(9)

CIFOR OUEST : Conseiller, Informer, Former, Orienter ou Redynamiser. Centre agrée par l’ANAEM pour la gestion et l’administration des sessions organisées dans le cadre du CAI.

CLPS : Contribuer à La Promotion Sociale CUCS : Contrats Urbains de Cohésion Sociale CUCS : Contrats Urbains de Cohésion Sociale CUI : Contrat Unique d’Insertion

DAIC : Directions de l’Accueil de l’Intégration et de la Citoyenneté DALF : Diplôme Approfondi de Langue Française

DELF : Diplôme d’études en Langue Française DILF : Diplôme Initial de Langue Française FAS : Fonds d’Action Sociale

FASILD : Fonds d'Action et de Soutien pour l’Intégration et la Lutte contre les Discriminations

FC : Formation Civique

FEI : Fonds Européen de l’Intégration FL : Formation Linguistique

FLE : Français Langue Étrangère FLI : Français Langue d’Intégration

HALDE : Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Égalité HCI : Haut Conseil à l’Intégration

MIIINDS : Ministère de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du développement solidaire

OFII : Office Français de l’Immigration et de l’Intégration OMI : Office des Migrations Internationales

PAP : Projet d’Action Personnalisé PARE : Plan d’Aide au Retour à l’Emploi

PDI : Programmes Départementaux de l’Intégration

(10)

PPE : Prime Pour l’Emploi

PRIPI : Plan Régional d’Intégration des Populations Immigrées départementale RGPP : Révision Générale des Politiques Publiques

RMI : Revenu Minimum d’Insertion RSA : Revenu de Solidarité Active

RSE : Responsabilité Sociale d’Entreprise

SVF : Session d’information sur la Vie en France

TCF : Test de Connaissance du Français

(11)
(12)

Remerciements

Au moment de mettre un point final à cette thèse, j’exprime ma reconnaissance à Philippe Blanchet, encadrant de ce doctorat, pour sa disponibilité et sa bienveillance. Merci à toi Philippe de m’avoir soutenue dans l’élaboration de mes réflexions et de m’avoir, par ta confiance sans cesse renouvelée, permis de faire aboutir ce travail.

J’adresse ma profonde gratitude à Marielle Rispail, Annie Junter, Philippe Hambye et Alexandre Duchêne pour avoir accepté de faire partie de mon jury de thèse.

Une pensée émue et respectueuse pour Nadia Chellig qui a su, en encadrant mon DEA, faire naître en moi l’envie d’entreprendre ce passionnant chantier.

Ce travail ne serait pas sans celles et ceux qui ont accepté de me consacrer du temps, de me parler et de me livrer les précieuses bribes de leurs parcours de vie. Merci pour l’humanité que vous avez apporté à ce travail.

Mes sincères remerciements vont également à Thierry Bulot et Catherine Loneux, directeur et directrice de mon équipe d’accueil PREFics pendant le déroulement de mon doctorat. Merci de m’avoir encouragée et précieusement conseillée.

J’adresse toute ma gratitude à Florence Piat, Claire Lesacher, Aude Etrillard, Florian Hémont, Sandrine Dupé et Rodolphe Eon pour leurs relectures attentives, leurs précieuses recommandations et bien au delà. Mille mercis à vous les ami-e-s.

Ces années à Rennes 2, et au PREFics plus particulièrement, ont été l’occasion

d’inestimables et généreuses rencontres. Merci à vous de m’avoir sans cesse donné l’énergie

nécessaire pour faire aboutir ce travail : Anne-Marie Le Goaziou, Nelly Brégeault, Laurence

Bouvet-Lévêque, Isabelle Correia, Yann Aubin, Josianne Fernandez, Marcela Patrascu, Romain

Huët, Adèle Jeudy, Jeanne Meyer, Périg Bouju, Alexandra Poulet, Sahite Gaye, Elen Jezequel,

Olivier Sarrouy, Clément Ferré, Nolwenn Troël-Sauton, Marie Benejean, Claire Vilpoux,

Vanessa Delage, Melanie Texier, Pierre-Louis Bartholy, Martineau Nelson, Faustin Lessouba,

Zahra Idahmed, Amadou Abassi, Thi Thanh Thuy Dang.

(13)

J’adresse ma profonde reconnaissance à mes proches, ami-e-s et famille qui, malgré mes absences et mes doutes répétés, ont été d’une fidélité sans faille : Solène Dagorn, Carine Penvern, Maïwenn Corrignan, Sylvain Collonge, Hakim Ouabdelmoumen, Anaïs Pons, Martin Corrignan, Jessica Coïc, Lucas Alain, Marie-bénédicte Gambet, Michel Corrignan, Luc Sorel.

À mes parents, Marie-Claire et Abdelmalek. Merci pour votre inconditionnel soutien et pour m’avoir tant et tant inspirée.

À mes papillons, Albin, Laël et Yanis, nés pendant cette thèse : Merci pour le souffle de promesses que vous permettez aujourd’hui de soutenir.

Enfin, et sutout, merci à vous toutes et à vous tous d’avoir suscité et animé l’impatience

d’un après, avec vous.

(14)

Avant-propos

« Et Joan Scott a raison de souligner que nos yeux, tout comme ceux des acteurs historique, ne « laissent entrer » dans leur champ visuel que « ce qu’ils ont appris à « voir ».

Un tel propos n’annule en rien la pertinence de la « vision » ; cela implique seulement que l’on doit prendre en compte ce que le témoin visuel a appris à voir et comment il/elle l’a appris ».

Eleni VARIKAS, Penser le sexe et le genre, 2006, p.120.

Dans le cadre d’une recherche menée à partir d’une approche inductive, la fabrication et la mise en mots du cheminement scientifique – des idées, des questionnements, des approches articulées, des méthodes d’enquête adoptées, des relations nouées avec les terrains de recherche et les personnes rencontrées, des méthodes de production des données et des catégories d’interprétation de ces dernières, des incertitudes, des tâtonnements, des erreurs, des succès et des difficultés qui ont traversé et guidé cette recherche – correspond à un travail de re- construction de la recherche a posteriori. En somme, le compte rendu de la démarche scientifique qui a consisté à interroger le genre, en tant que système catégoriel et rapport de pouvoir (Dorlin, 2008) dans le contexte de la mise en fonctionnement du volet linguistique (VL) du contrat d’accueil et d’intégration (CAI) à Rennes ne peut être mis en mots qu’une fois le travail de recherche mené. Une réflexion portant sur l’ethnographie du travail de recherche

1

nécessite une prise en compte du cheminement et des chemins parcourus – avant et durant le doctorat – ayant participé à la production située, donc politique

2

de cette recherche, sans ignorer ma propre implication – en tant que sujet de cette recherche – dans l’histoire de sa production et de ses impacts éventuels. De même que le genre est un phénomène

1

B

ENELLI

N., « Rendre compte de la méthodologie dans une approche inductive : les défis d’une construction a posteriori », RECHERCHES QUALITATIVES, Hors Série n°11, pp. 40-50.

2

Postulant qu’elle ne peut être apolitique. Cf. R

ANCIERE

J., La mésentente. Politique et philosophie, Paris, Galilée,

1995, p. 53 cité par P

URTSCHERT

P. , M

EYER

K., « Différences, pouvoir, capital. Réflexions critiques sur

l’intersectionnalité » (dans.) D

ORLIN

E. (dir.), Sexe, Race, Classe. Pour une épistémologie de la domination, Paris,

PUF, 2009, p. 136 : « L’activité politique est celle qui déplace un corps du lieu qui lui était assigné ou change la

destination d’un lieu ; elle fait voir ce qui n’avait pas lieu d’être vu, fait entendre un discours là où seul le bruit

avait son lieu, fait entendre comme discours ce qui n’était entendu que comme bruit ».

(15)

historiquement situé, qui me positionne socialement, politiquement et personnellement, je considère le rapport personnel entre-tenu avec ce projet de recherche comme précisément ce qui m’a permis de faire les retours constants et nécessaires sur les approches, les méthodes et les outils privilégiés dans cette recherche. Si cette dernière a pu, pour une part, émerger de mon parcours universitaire et scolaire – domaine à partir desquels ce rapport à l’« objet de recherche » est habituellement narré –, elle est aussi et avant tout le résultat d’un parcours de vie dans lequel les choix, les démarches et les perspectives privilégiés dans cette recherche – tant d’un point de vue méthodologique qu’épistémologique – peuvent trouver un sens. C’est ce que je compte narrer ici :

« Je me raconte et, me racontant, je me lie, je rends compte de moi, j’en rends compte à un autre sous la forme d’une histoire qui pourrait œuvrer à résumer comment et pourquoi je suis. […] ». J. Butler, Le récit de soi, Paris, PUF, 2007, p. 67.

Je suis arrivée en France à l’âge de seize ans après avoir grandi au Maroc et avoir suivi ma scolarité jusqu’en troisième dans une école publique marocaine. Lors de la rentrée scolaire qui a suivi mon arrivée, les responsables du collège que j’ai intégré m’ont expliqué qu’ayant suivi ma scolarité en arabe, pour des raisons de compétences en langue, je serais inscrite en cinquième. Après négociation avec les responsables du collège, j’ai pu intégrer une classe de troisième.

L’année qui suit mon entrée au lycée est marquée par les mêmes remarques qui se basent non pas sur mes résultats scolaires obtenus en troisième, mais sur la conviction selon laquelle je ne pourrais pas intégrer une seconde générale du fait que j’ai suivi ma scolarité en arabe. On me propose alors d’intégrer un BEP. Je réussis à négocier ce qui me semble à l’époque être un cursus intermédiaire, la hiérarchisation des cursus me paraissant déjà à l’époque évidente.

J’obtiens un baccalauréat STT option « Commerce » et aux vues de mes résultats – plutôt

moyens dans ma spécialité – et de mon intérêt pour la philosophie et l’histoire, je décide de

poursuivre mes études à l’université, en sociologie. Dès lors, ce ne sont plus mes compétences

en langues qui sont invoquées comme potentiel obstacle à cette poursuite d’études. L’argument

statistique prend le relais pour me rappeler que la voie du BTS était la plus raisonnable aux

vues de mon parcours scolaire. Mais, puisqu’il m’est donné la possibilité de le faire, j’intègre

une première année de sociologie à Brest. J’obtiens un DEUG deux ans plus tard. Je poursuis

en licence à l’Université Rennes 2 et simultanément, je valide un DEUG d’arabe. Mon

mémoire de maîtrise en sociologie est intitulé : Les ancrages identitaires de jeunes filles

(16)

d’origine maghrébine en France

3

. Si je m’aperçois a posteriori de l’intérêt que je portais déjà à l’époque pour l’articulation des thématiques genre et migrations, je ne me souviens pas m’être posé en tant que sujet de ce travail. Autrement dit, je ne m’étais pas posée la question de mon intérêt pour ces objets de recherche et ne m’étais pas interrogée sur moi, sujet de cette recherche. Ce qui m’amenait là, l’expérience de la migration, comme celle du genre, était mis à distance pour le bien de ce travail universitaire. Je poursuis cette amorce de questionnement l’année qui suit. C’est en DEA que j’ai la sensation de naître « immigrée » dans l’intérêt que je porte à cet objet de recherche. Je prends conscience que je suis « immigrée ». Un travail d’exposé autour du recueil d’articles de C. Guillaumin, Sexe, race et pratique du pouvoir : l’idée de nature me semble pour beaucoup – sans pour autant aborder directement la thématique des migrations – participer de cette « prise de conscience » que reflète l’intitulé de mon mémoire de DEA : Descendant(e)s d’immigré(e)s nord-africain(e)s d’origine prolétarienne : Socialisations paradoxales

4

. Le genre et les rapports sociaux de sexe n’ont pas une place centrale dans ce travail de DEA. Cependant la remise en question du « sexe », comme préalable immédiatement observable et axiome de départ de la recherche (Cf. l’intitulé du mémoire de maîtrise plus haut) reflète en même temps – dès lors qu’il ne me semble plus donné en soi mais à démontrer – une prise en compte davantage située de ce dernier. Ainsi, l’articulation heuristique des objets « genre » et « migration » ne se fait pas de soi, elle procède d’un ensemble de rencontres et d’un cheminement expérientiel à la fois scientifique et personnel, lui-même en co-formation.

Je décide de poursuivre et d’approfondir le travail de recherche entrepris en DEA à l’occasion d’un doctorat en sociologie l’année qui suit mon DEA. Celui-ci a pour objectif une analyse socio-anthropologique des rapports sociaux de sexe en lien avec la thématique du VIH/sida. Malgré l’enthousiasme qui entoure ce début de doctorat, la difficulté à obtenir des financements stables me conduit à renoncer à cette recherche deux ans plus tard. Mon engagement associatif me permet par ailleurs de saisir ce que je perçois à l’époque comme étant paradoxal dans cette expérience professionnelle qui ne l’était pas – puisque je ne suis pas salariée pour ce travail de recherche – et de mettre en lumière les raisons qui entravent tant matériellement qu’intellectuellement la faisabilité de cette recherche.

3

« Les ancrages identitaires de jeunes filles d’origine maghrébine en France », mémoire de maîtrise en sociologie, sous la direction de Justin-Daniel GANDOULOU, université Rennes 2, 2003.

4

« Descendant-e-s d’immigré-e-s nord-africain-e-s d’origine prolétarienne : Socialisations paradoxales », mémoire

de DEA en Sciences Humaines (sociologie), sous la direction de Nadia CHELLIG, université Rennes 2, 2004.

(17)

En parallèle, j’intègre l’ERELLIF (EA 3207) – devenue PREFics (EA 4246) – en tant qu’ingénieure d’étude

5

. De nombreux échanges avec les membres du laboratoire, dont Philippe Blanchet qui devient l’encadrant de cette recherche, à l’époque d’une multiplication des études sur le genre et d’une mise en visibilité institutionnelle de ce champ de recherche, aboutissent à l’élaboration d’un projet de recherche de doctorat au sein du laboratoire PREFics qui interroge le genre et les rapports sociaux de sexe dans l’inédit contexte d’obligation et de généralisation du dispositif CAI et de son VL en 2007. Suite à une réponse à un appel d’offre lancé par la Région Bretagne et à l’attribution d’une allocation de recherche doctorale (ARED), je débute cette recherche au sein du PREFics en septembre 2008. Ce récit, convocation d’expériences de vie et de recherche, reflet que je produis de – et à partir de – ma position sociale, sexuée, racisée, scientifique, politique, etc. me semble incontournable dans le cadre d’une recherche effectuée à partir d’une approche inductive. Néanmoins, tel que poursuit J. Butler dans l’énoncé par lequel j’ai introduit ce récit :

« […] Mais mes efforts pour me résumer échouent, et ils échouent nécessairement, lorsque le « je » présent dans la phrase introductive en tant que voix narrative ne peut rendre compte de la façon dont il est devenu un « je » capable de raconter cette histoire particulière ou de se raconter lui-même […] Plus je me raconte, moins je me révèle être racontable. Le « je » ruine sa propre histoire, en dépit de ses intentions les meilleures. ».

J. Butler, Le récit de soi, Paris, PUF, 2007, pp. 67-68 En revanche, faire appel au registre de l’expérientiel permet de garantir les retours réflexifs nécessaires à l’arrimage de la pensée, des concepts et des paradigmes invoqués à la matérialité- corporalité des rapports sociaux. Cela ne signifie pas d’en adopter une posture « capitaliste » qui associe une « super-lucidité » sur les rapports de pouvoir à une accumulation d’expériences de domination. Néanmoins, je prends acte que le point de vue que j’adopte en tant que sujet de cette recherche est au cœur de la construction de l’objet scientifique

6

. Enfin, acceptant de considérer l’expérience comme un point de vue qui permet, entre autres, de se situer comme sujet de et dans la recherche, j’accepte les « points morts » éventuels et inhérents à ce travail de recherche, en somme, d’avoir vu et d’avoir interprété ce que j’ai appris à voir et à interpréter.

5

En charge de la coordination du pôle des universités de l’Ouest de la France dans le cadre de la mise en place de l’École Doctorale Algéro-Française de Français (ED AFF) à l’Université Rennes 2.

6

Cf. S

PIRE

A., « Histoire et ethnographie d’un sens pratique : le travail bureaucratique des agents du contrôle de

l’immigration » (dans.) A

RBORIO

A-M., C

OHEN

Y., F

OURNIER

P. , H

ATZFELD

N., L

OMBA

C. M

ULLER

S. (dir.),

Observer le travail. Histoire, ethnographie, approches combinées, Paris, La Découverte, 2008, p. 62.

(18)

Introduction générale

De l’entrée dans un territoire à l’entrée dans la recherche

« Le droit patriarcal s’incarne explicitement dans la « liberté de contracter » »

Pateman C., Le contrat sexuel (Traduit de l’anglais par Charlotte Nordmann), Paris, La Découverte, 2010, p.261

Le Contrat d’accueil et d’intégration (CAI) et son volet linguistique (VL) :

« désormais, nul n’est censé ignorer la loi linguistique »

Depuis les 30 dernières années nous assistons à une succession de réformes et de textes légiférant l’entrée et le séjour des étranger-ère-s en France.

En France, hormis son caractère obligatoire pour l’obtention de la nationalité française (Article 21-24 du code civil ) et/ou une demande de carte de résident de 10 ans

7

, la condition linguistique est renforcée par la loi du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration qui fait du Contrat d’Accueil et d’Intégration (CAI) et de son Volet Linguistique (VL) un préalable à toute intention de séjour sur le territoire français. L’article 5, relatif aux dispositions générales d’entrée et de séjours des étrangers en France, pose les jalons d’une politique inédite :

« L’étranger admis pour la première fois au séjour en France ou qui entre régulièrement en France entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans, et qui souhaite s'y maintenir durablement, prépare son intégration républicaine dans la société française. A cette fin, il

7

Comme le stipule l’article L314-2 de la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à

l’intégration « La délivrance d’une première carte de résident est subordonnée à l’intégration républicaine de

l’étranger dans la société française, appréciée en particulier au regard de son engagement personnel à respecter les

principes qui régissent la République française, du respect effectif de ces principes et de sa connaissance suffisante

de la langue française ».

(19)

conclut avec l'État un contrat d'accueil et d'intégration, traduit dans une langue qu'il comprend, par lequel il s'oblige à suivre une formation civique et, lorsque le besoin en est établi, linguistique. L'étranger pour lequel l'évaluation du niveau de connaissance de la langue prévue à l'article L 411-8 et au deuxième alinéa de l'article L 211-2-1 n'a pas établi le besoin d'une formation est réputé ne pas avoir besoin d'une formation linguistique. La formation civique comporte une présentation des institutions françaises et des valeurs de la République, notamment l'égalité entre les hommes et les femmes et la laïcité. La formation linguistique est sanctionnée par un titre ou un diplôme reconnus par l'État. L'étranger bénéficie d'une session d'information sur la vie en France et d'un bilan de compétences professionnelles. […]. Lors du premier renouvellement de la carte de séjour, l'autorité administrative tient compte du non-respect, manifesté par une volonté caractérisée, par l'étranger, des stipulations du contrat d'accueil et d'intégration. ».

Article L 311-9. Modifié par LOI n°2010-1657 du 29 décembre 2010- art.161 (V)

Cette recherche de doctorat s’inscrit dans le contexte de la mise en application des dispositifs et politiques de l’immigration et de l’intégration en Bretagne. Ces politiques, comme celles qui concernent la lutte contre les discriminations sont énoncées comme des priorités régionales depuis 2002

8

. Leur caractère prioritaire s’est traduit par la mise en avant des Plans Départementaux d’Accueil (PDA) et par l’élaboration d’un plan de référence de l’action régionale en matière d’accueil et d’intégration : le Programme Régional d’Insertion des Populations Immigrées PRIPI. À l’échelle nationale, ces mesures ont également été suivies par la création de l’Agence Nationale d’Accueil des Étrangers et des Migrations (ANAEM

9

) en 2005, à laquelle succède l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration (OFII)

10

comme unique opérateur chargé de l’immigration légale. La Bretagne n’est certes pas considérée au niveau national comme une région de forte immigration. Néanmoins, d’années en années, cette région connait un accroissement de sa population immigrée qui dépasse le pourcentage national

11

. Ceci en constitue un terrain de recherche privilégié, d’autant plus que cette

8

Cf. Le Programme Régional d’Insertion pour les Populations Immigrées 2005, (PRIPI Bretagne). [EN LIGNE] : http://fulltext.bdsp.ehesp.fr/Ministere/Drass35/2005/ad01.pdf (consulté le 15 juillet 2014)

9

Cf., Décret n° 2005-381 du 20 avril 2005 relatif à l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations

et modifiant le code du travail. [EN

LIGNE] : http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000627090&dateTexte=&categ orieLien=id

10

Cf., Décret n° 2009-331 du 25 mars 2009 substituant la dénomination OFII « Office français de l’immigration et de l’intégration », à la dénomination ANAEM « Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations ».

[EN

LIGNE] : http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000020440062&categorieLien=id

11

« Mais ce pourcentage a été multiplié par quatre depuis 1962, alors que le pourcentage national est stable avec

un accroissement d’environ 7,3% », Cf. PRIPI 2005, op.cit., p.6.

(20)

configuration démographique n’est que peu souvent prise en compte dans l’application locale des mesures nationales.

À partir 2003, le CAI est expérimenté dans quelques départements (12). En 2005, il entériné par la loi de programmation de la cohésion sociale (article L. 117-1

12

) en incluant une prescription linguistique, et s’accompagne par la création de la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Égalité (HALDE) et de l’ANAEM. En 2006, la mise en application du CAI est généralisée à l’ensemble du territoire national. Tandis que sa signature est appréciée de 2003 à 2006, elle devient obligatoire à compter du 1

er

janvier 2007, suite à la loi du 24 juillet 2006, pour toute personne étrangère nouvellement arrivée en France, titulaire d’un premier titre de séjour et qui souhaite s’installer durablement en France. Le 30 octobre 2008, un an avant la création de l’OFII, les modalités d’évaluation du degré de connaissance de la langue française et des valeurs de la République sont fixées par décret (paru au Journal Officiel du 1er novembre 2008

13

), en même temps qu’est crée le contrat d’accueil et d’intégration pour la famille (CAIF).

Dès lors, toute personne désirant rejoindre la France dans le cadre du regroupement familial ainsi que les conjoint-e-s étranger-ère-s de Français sollicitant un visa de long séjour doivent faire l’objet d’une évaluation permettant d’apprécier leur degré de connaissance de la langue française. Si le « besoin » en est établi, une formation linguistique leur est délivrée.

Cette formation linguistique est obligatoire pour les personnes signataires n’ayant pas obtenu l’Attestation Ministérielle de Dispense de Formation Linguistique (AMDFL). Celle-ci est délivrée à l’issue d’un test de connaissance – à l’écrit et à l’oral du français – réalisé lors de l’entretien individuel au cours duquel est signé le CAI. À l’issue d’une formation de plus ou moins quatre cents heures, les signataires-stagiaires du CAI sont soumis-e-s à une évaluation que sanctionnent soit le Diplôme Initial de Langue Française (DILF) – au niveau A1.1 du CECR

14

–, soit le Diplôme d’Études en Langue Française (DELF A1) à partir de 2010

15

. Enfin,

12

Loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale (1), article L. 117-1. [EN LIGNE] : http://legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=0F35FDF7FBD0D0B5BD1455E534963DE5.tpdjo16 v_3?cidTexte=JORFTEXT000000806166&categorieLien=id

13

Décret n° 2008-1115 du 30 octobre 2008 relatif à la préparation de l’intégration en France des étrangers

souhaitant s’y installer durablement. [EN LIGNE] :

http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000019712134&fastPos=1&fastReqId=12659 60009&categorieLien=id&oldAction=rechTexte

14

Ce niveau est conçu pour un public non ou peu scolarisé. Cf. Décret n° 2006-1626 du 19 décembre 2006 relatif

au diplôme initial de langue française et modifiant le livre III du code de l’éducation (partie réglementaire). [EN

LIGNE] : http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=0D2A3A1A655602E00F94DF0673DC3348.tp

djo09v_1?cidTexte=JORFTEXT000000641208&categorieLien=id

(21)

le référentiel Français Langue d’Intégration (FLI) apparaît – en lien avec un ensemble de décrets relatifs à l’accès à la nationalité –, suite à la publication de deux décrets le 11 octobre 2011. Tandis qu’un premier décret augmente le niveau d’évaluation des compétences à l’oral (niveau B1 du CECR) des postulant-e-s et modifie les modalités d’évaluation du niveau de langue

16

, un second décret consacre la création d’un label qualité intitulé Français Langue d’Intégration

17

.

Outre l’exigence linguistique, le dispositif CAI prévoit une session d’information sur la vie en France, un bilan de compétences professionnelles pour les signataires non-titulaires d’un emploi et une formation civique qui comprend une présentation « des institutions françaises et des valeurs de la République, notamment l’égalité entre les hommes et les femmes et la laïcité ». Par ailleurs, à partir de 2008 puis de 2009, deux nouveaux dispositifs complètent cet appareillage des politiques de l’immigration et de l’intégration : le pré-CAI et le Contrat d’Accueil et d’Intégration pour la Famille (CAIF). Intervenant au moment de l’instruction de la demande de visa dans le pays d’origine – dans le cadre du regroupement familial –, le pré-CAI comprend deux tests. Le premier évalue les connaissances linguistiques des candidat-e-s à l’émigration, tandis que le second examine leurs connaissances des « valeurs de la République ». De son côté, le CAIF concerne toute personne étrangère admise au séjour en France et, le cas échéant, sa/son conjoint-e qui l’a rejointe, dans le cadre du regroupement familial, dès lors qu’un ou plusieurs enfants ont bénéficié de cette procédure. La signature de ce contrat est obligatoire et s’ajoute au CAI individuel.

Ainsi, outre la complexification des processus de décision et d’application qu’induit ce nouveau dispositif des politiques de l’immigration au travers de ce qui se donne à voir comme une « ouverture sélective » des frontières et une « conquête des cerveaux », la loi du 24 juillet 2006 pose le seuil assumé entre une immigration subie – qui rassemble celles et ceux qui n’ont pas été choisi-e-s pour des raisons économiques – et une immigration choisie, c’est-à-dire une

15

L’année 2010 est marquée par une refonte du dispositif de FL (CAI et Hors-CAI). Dès lors, l’OFII propose deux type de parcours de formation aux signataires du CAI. Alors qu’un parcours DILF concerne des signataires peu ou pas scolarisé-e-s, le second parcours DELF A1 est destiné à des signataires scolarisées dans leur pays d’origine

« de façon significative ». Cf. Rapport d’activité de l’OFII, 2010, p.10. [EN LIGNE] : http://www.ofii.fr/IMG/pdf/OFII-RapportActivites_2010-Client-150DPI-FeuilleAF.pdf

16

Décret n° 2011-1265 du 11 octobre 2011 relatif au niveau de connaissance de la langue française requis des postulants à la nationalité française au titre des articles 21-2 et 21-24 du code civil et à ses modalités d’évaluation.

[EN LIGNE] :

http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000024659084&categorieLien=id

17

Décret n° 2011-1266 du 11 octobre 2011 relatif à la création d’un label qualité intitulé « Français langue

d’intégration ». [EN LIGNE] :

http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000024659119&dateTexte=&categorieLien=i

d

(22)

immigration des « talents » et des « compétences », notamment linguistiques. Cette politique sélective et méritocratique promeut le principe d’équité par rapport à celui d’égalité et sous- tend des droits différenciés, selon les « compétences » et « l’utilité » des migrant-e-s, ce qu’illustre notamment la mise en place de la carte de séjour « compétences et talents ».

Laquelle carte de séjour sanctionne l’étranger-ère susceptible de participer au développement économique et/ou au « rayonnement » intellectuel, scientifique, culturel, humanitaire ou sportif de la France et du pays dont elle/il a la nationalité

18

. Désormais, « nul n’est censé ignorer la loi linguistique

19

». En même temps, par la mise en place du CAI, aujourd’hui et plus qu’hier, le contrat apparait comme un instrument incontournable pour qui veut « réussir » son

« intégration républicaine », contre des prétendues formes de « communautarisme » qui menacent la « cohésion nationale ».

Le CAI, son VL et l’égalité entre les sexes : quelles articulations ?

À l’époque de la mise en fonctionnement du CAI et de son VL, un lien explicite est établi entre la nécessité de ce dispositif et l’importance que revêt le principe de « l’égalité entre les femmes et les hommes ». En effet, la légitimité de ce dispositif de contrôle et de sécurité des politiques de l’immigration et de l’intégration est amplement fondée sur la rhétorique de l’égalité entre les sexes. Laquelle égalité est présentée comme un socle incontournable de l’« idéal français d’intégration républicaine » et comme une valeur intrinsèque de « l’identité nationale ». D’ailleurs, dans le contrat (CAI) présenté à la signature, cette égalité est exclusivement définie comme une « égalité entre les sexes »

20

. L’insistance sur cette question de l’égalité entre les sexes et/ou sur l’importance de l’autonomie des femmes migrantes laisse à penser une possible divergence au niveau des contenus identificatoires sexués, à re- positionner par rapport au « contexte français ». Associée à une mise en opposition de l’immigration (immigration subie vs immigration choisie), cette supposée divergence est

18

La mise en place de cette carte de séjour fait suite à la loi du 24 juillet 2006. Cf. Décret n° 2007-372 du 21 mars 2007 relatif à la carte de séjour portant la mention « compétences et talents » prévue à l’article L. 315-1 du code de

l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. [EN

LIGNE] : http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000649617&dateTexte=&categ orieLien=id

19

Pour reprendre une formule de B

OURDIEU

P., Ce que parler veut dire : L’économie des échanges linguistiques, Paris, Fayard, 1982, p. 27

20

Cf. [Fig. 1] Bienvenue en France. Le Contrat d’Accueil et d’Intégration. Dans la partie intitulée « La France, un pays d’égalité » : « L’égalité entre les hommes et les femmes est un principe fondamental de la société française.

Les femmes ont les mêmes droits et les mêmes devoirs que les hommes. Les parents sont conjointement responsables de leurs enfants. Ce principe s’applique à tous, Français et étrangers. Les femmes ne sont soumises ni à l’autorité du mari ni à celle du père ou du frère pour, par exemple, travailler, sortir ou ouvrir un compte bancaire.

Les mariages forcés et la polygamie sont interdits, tandis que l’intégrité du corps est protégée par la loi. ».

(23)

régulièrement rappelée ces dernières années

21

. C’est dans ce contexte politique et dans les champs (juridictionnels, économiques, pédagogiques, etc.) associés à la mise en application (et en fonctionnement) du VL du CAI que nous interrogeons la réactualisation

22

du genre et des rapports sociaux de sexe.

En débat-s, et enjeux constants de régulations, les langues « focalisent les sentiments d’appartenance identitaire » en même temps qu’elles « sous-tendent la production et la reproduction des inégalités sociales »

23

et des rapports sociaux en co-formation

24

. Avec la mise en place du CAI et de son VL, l’apparente neutralité du raisonnement qui considère qu’il est nécessaire de « parler français » pour « réussir son intégration », masque de nombreux paradoxes, notamment ceux liés au caractère discriminatoire du système d’enseignement en France. Par ailleurs, ce dispositif de contrôle et de sécurité de l’immigration (Cf. Chapitre 4) confirme que la langue française, ainsi que ses modalités de diffusion et ses appropriations, est une affaire d’État et que la pratique de cette dernière est un enjeu dans la construction de l’État- Nation. Comme le souligne A. Hajjat, cet enjeu renvoie notamment à la « formation et la ré- formation des structures mentales

25

», dont participent le genre et les rapports sociaux de sexe.

En effet, le DILF et le DELF ne sont pas seulement des diplômes, ils représentent également une étape et un lieu qui permet de sceller un pacte, un contrat avec l’État. De même, la formation linguistique qui les précède n’est pas seulement un lieu d’apprentissage et d’appropriation de la langue exigée. Les formations linguistiques préparant au DILF/DELF dans le cadre du CAI sont un lieu de re-production des appartenances, des identifications, de l’État, des échanges économiques, des filiations, etc. À cet égard, ces temps et espaces de formation sont aussi des lieux qui sont re-produits, en tant qu’espaces de différenciation, en

21

Cf F

ASSIN

É., « La démocratie sexuelle et le conflit des civilisations », Multitudes 3/2006, n

o

26, p. 123-131.

22

Nous employons le terme de « réactualisation », en nous inspirant des travaux de C. Guillaumin qui utilise la notion d’ « actualisation » des rapports sociaux en forgeant son concept de « sexage » : « Parler d’une spécificité [...] des groupes sociaux, c’est dire d’une façon sophistiquée qu’une « nature » particulière est directement productrice d’une pratique sociale et faire l’impasse sur le rapport social que cette pratique actualise » G

UILLAUMIN

C., Sexe, Race et Pratique du pouvoir. L’idée de nature, Paris, Côté-femmes, 1992, p. 185.

Voir aussi F

ALQUET

J., L

ADA

E., R

ABAUD

A. (dir.) « (Ré)articulation des rapports sociaux de sexe, classe et "race".

Repères historiques et contemporains », Cahiers du CEDREF, Paris, Université Paris-Diderot, 2006, pp. 173-204.

23

C

ANUT

C., D

UCHENE

A., « Introduction. Instrumentalisations politiques et économiques des langues : le plurilinguisme en question », Langage et société, 2011/2 n° 136, p. 9

24

Cf., F

ALQUET

J., « La règle du jeu. Repenser la co-formation des rapports sociaux de sexe, de classe et « race » dans la mondialisation néolibérale » (dans.) D

ORLIN

E., (dir.), Sexe, Race, Classe. Pour une épistémologie de la domination, Paris, PUF, 2009, p.72, s’inspirant de l’article de B

ACCHETTA

P., « Quand les mouvements lesbiens à Delhi questionnent les « théories féministes transnationales » » (dans.) F

ALQUET

J., L

ADA

E., R

ABAUD

A. (dir.) op.cit., 2006, pp. 173-204.

25

H

AJJAT

A., « La barrière de la langue. Naissance de la condition d’assimilation linguistique pour la

naturalisation » (dans.) F

ASSIN

D., (dir.), Les nouvelles frontières de la société française, Paris, La Découverte,

2010, p. 53. Se référant à B

OURDIEU

P., Langage et pouvoir symbolique, Paris, Le seuil, 2001, p.74.

(24)

même temps qu’ils réaffirment des sujets sexués et racisés, la sexuation des personnes figurant leur racisation et inversement

26

.

Le genre et les rapports sociaux de sexe : à la fois un effet et un instrument

De la sorte, en tant qu’il est un système catégoriel et un rapport de pouvoir

27

, produit et/ou reproduit, réitéré et/ou subverti

28

, le genre est un préalable théorique et méthodologique dans la présente recherche. Il présente l’avantage de mettre en lumière les rapports de domination de manière non additionnelle. Dans cette recherche, le sexe, au même titre que le genre, est un construit historique, un rapport social, et « le sexe est toujours déjà du genre

29

». Le genre désigne les processus de fabrication, d’institution et de légitimation des sexes ainsi que l’ensemble des moyens discursifs qui produisent « le sexe » comme appareil et fondement pré- discursif, pré-politique sur lequel la société marque son empreinte après coup

30

. Mais aussi, en citant E. Dorlin, le genre peut être défini comme « un rapport de pouvoir qui assure sa reproduction en partie grâce aux mutations du système catégoriel qu’il produit et sur lequel il s’adosse »

31

. Il est à la fois un instrument et un effet. Néanmoins, dans le cadre du questionnement de ce dispositif des politiques de l’immigration et de l’intégration, ces définitions ne peuvent ignorer les critiques adressées, d’une part, à l’hégémonie d’une pensée féministe révélant un usage raciste de la catégorie de genre, et d’autre part, aux théories socialistes et marxistes traitant du sexisme comme contradiction secondaire des sociétés de classe capitaliste. En effet, c’est dans ce contexte que se sont développées les études sur l’intersectionnalité

32

ainsi que leurs réévaluations matérialistes, en particulier celles proposées par D. Kergoat en termes de consubstantialité et de coextensivité de la domination

33

. Les rapports sociaux sont consubstantiels car ils ne peuvent être séquencés, et ils sont coextensifs puisqu’ils se produisent et se reproduisent mutuellement. Ces catégories ne peuvent être hiérarchisées, au risque d’apparaître comme des unités fixes procédant d’un rapport social

26

D

ORLIN

E., (dir.), Sexe, Race et Classe, Pour une épistémologie de la domination, Paris, PUF, 2009, p.16.

27

D

ORLIN

E., Sexe, genre et sexualité, Paris, PUF, 2008.

28

B

UTLER

J., Défaire le Genre, Paris, Amsterdam, 2006.

29

B

UTLER

J., Trouble dans le genre. Le féminisme et la subversion de l’identité, Paris, La Découverte, 2006, p.69.

30

Ibid.

31

Ibid., p.54.

32

P

URTSCHERT

P., M

EYER

K., « Différences, pouvoir, capital : Réflexions critiques sur l’intersectionnalité », D

ORLIN

E., (dir.), op. cit, 2009, p.129.

33

K

ERGOAT

D., « Dynamique et consubstantialité des rapports sociaux », ibid., p.112.

(25)

ontologique. Aussi, c’est en prenant acte de l’interdépendance et la co-formation des rapports sociaux de sexe, de race et de classe que nous interrogeons le VL du CAI.

Contractualisation des rapports sociaux : le volet linguistique du contrat d’accueil et d’intégration au prisme du genre

« Une compréhension des enjeux sociaux – passés et actuels – des langues nécessite une appréhension détaillée des conditions sociales, politiques et économiques dans lesquelles s’inscrivent pratiques sociales et discours. »

34

Dans un contexte mondial de forte concurrence, caractérisé par une flexibilisation- précarisation de l’emploi et du travail (CDD, sous-emploi, sous-traitance, etc.) qui touche en majorité les femmes

35

, et de surcroit les femmes étrangères (INSEE, Enquête emploi 2011), la multiplication des formes contractuelles d’action publique depuis une trentaine d’années

36

, non dissociée d’un contexte européen de convergence des politiques publiques d’ « activation » de l’emploi

37

participe d’une transformation des modes de « gouvernance ». Dans ce cadre, l’individualisation et la contractualisation de l’immigration et de l’intégration linguistico- culturelle, comme celle des processus d’insertion économique

38

sont des principes-cadres non négligeables d’appréhension et d’interprétation du genre et des rapports sociaux dans le cadre de la mise en fonctionnement du VL du CAI. Ce qui impulse et garantit l’attrait exercé par le CAI, en tant que dispositif contractuel des politiques de l’immigration et de l’intégration, est une pensée évidente aujourd’hui qui érige le contrat comme garant des libertés individuelles dans la société civile d’une part, et comme l’ennemi, par excellence, du patriarcat et de la domination sexuelle d’autre part

39

. Ainsi, par sa forme contractuelle, en tant que rhétorique de l’accord libre, égalitaire et fraternel, le CAI - et son VL - est un dispositif propice pour interroger la réactualisation du genre et des rapports sociaux, de même que la question de la contractualisation des rapports sociaux. Aussi, notre questionnement relatif à la réactualisation du genre et à la contractualisation des rapports sociaux dans le cadre de la mise en fonctionnement du VL du CAI s’articule autour de cinq chapitres.

34

C

ANUT

C. et D

UCHENE

A., op.cit., 2011/2 n° 136, p. 9.

35

V

IDALENC

J., W

OLFF

L., « Une photographie du marché du travail en 2011 », INSEE PREMIERE, n°1415, septembre 2012. [EN LIGNE] : http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=ip1415

36

G

AUDIN

J-P., « Chapitre 1. L’émergence des politiques contractuelles », Gouverner par contrat, Paris, Presses de Sciences Po, 2007

37

D

ANG

A-T

H

., Z

AJDELA

H., « Fondement normatifs des politiques d’activation : un éclairage à partir des théories de la justice », Recherches économiques de Louvain, 2009/3, Volume 75, pp. 313-352

38

C

ATARINO

C

H

., « Politiques migratoires et politiques d’emploi : la flexibilité sexuée en Europe », Cahiers du Genre, n° 51, 2011/2, p.103.

39

P

ATEMAN

C. op.cit., 2010.

(26)

Un premier chapitre intitulé « Présentation d’un dispositif des politiques de l’immigration et de l’intégration : Le Contrat d’Accueil et d’Intégration et son volet linguistique » s’articule en cinq sous parties. 1. Dans une première sous-partie, nous aborderons les réformes successives du Code de l’entrée et du séjour des étrangers en France. Lesquelles réformes seront discutées à l’aune de la préoccupation politique, sans cesse renouvelée, qu’est

« l’intégration ». Partant de la loi relative à l’immigration et à l’intégration du 24 juillet 2006 (dite loi de l’immigration choisie), nous présenterons certaines des réformes qui ont précédé et suivi cette loi en transformant le paysage institutionnel de « l’accueil et de l’intégration » des

« migrant-e-s primo-arrivant-e-s en France ». Ensuite, nous présenterons « la genèse » du contrat d’accueil et d’intégration (CAI) et de son Volet Linguistique (VL). 2. Dans une seconde sous-partie, nous décrirons la manière dont le CAI est passé de l’état de « méthode à expérimenter » à celle de dispositif obligatoire. Après avoir présenté ce contrat, qui se fonde sur une systématisation de l’offre de formation et de services, nous étayerons notre propos par des statistiques nationales relatives à sa mise en fonctionnement et présenterons les prescriptions que prévoit ce dispositif, 3. À l’occasion d’une troisième sous-partie, nous nous focaliserons sur une présentation du VL du CAI – qui implique une marchandisation de l’offre de formation – et sur les diplômes qui le sanctionnent (DILF/DELF). Ce point sera suivi d’une présentation des statistiques nationales relatives à la mise en application de ce dispositif de formation linguistique (FL). 4. Dans une quatrième sous partie, nous nous attacherons à situer la mise en application du CAI et de son VL au niveau régional et départemental. À cette occasion, nous présenterons les deux instruments des politiques territoriales déconcentrées, qui accompagnent la mise en place de ce dispositif au niveau local (le PRIPI au niveau régional et le PDI au niveau départemental). Après avoir présenté un panorama historique et statistique de l’immigration en Bretagne et en Ille-et-Vilaine, nous nous attacherons à établir un focus régional des statistiques relatives à la mise en fonctionnement du CAI et de son VL. 5. Enfin, une cinquième sous-partie sera consacrée à interroger le contexte situé de mise en opposition de l’immigration – immigration choisie vs immigration subie –, à travers lequel s’exprime l’injonction contractuelle à l’intégration linguistico-culturelle inhérente au CAI et à son VL.

Lequel contexte repose sur une rhétorique, tout aussi située, de « l’égalité » qui accompagne et justifie sa mise en place.

Un second chapitre intitulé « Le genre et les rapports sociaux de sexe pour penser le VL du

CAI : re-construction théorique et méthodologique d’un objet de recherche » s’articule autour

de cinq sous-parties. Partant du contexte politique de binarisation de l’immigration, un propos

(27)

introductif visera à interroger les thèmes phares de la présidentielle de 2007 : l’identité nationale et l’immigration. Ces thèmes seront discutés à l’aune de leur articulation avec un autre thème central de la présidentielle de 2007 (époque où le CAI est rendu obligatoire) : l’égalité entre les sexes. 1. Aussi, une première sous-partie visera à définir les préalables théoriques à partir desquels nous questionnerons le CAI et son VL : le genre et les rapports sociaux (de sexe, de race et de classe). Après avoir abordé le concept de « rapport social » à partir duquel nous définissons le genre, nous réinscrirons la dénomination « études sur le genre » dans le sillage des mouvements féministes de la deuxième vague et expliciterons la manière dont le genre a été conceptualisé comme un modèle analogique du sexe, de la race et de la classe (C. Guillaumin). Prenant acte des critiques adressées à une approche

« hégémonique » du genre – révélant un usage raciste de la catégorie genre –, nous questionnerons la manière dont a été re-pensée la question de l’articulation des rapports sociaux à l’aune du concept d’intersectionalité et de ses réévaluations en termes de « consubstantialité » et de « coextensivité » des rapports sociaux (D. Kergoat). 2. Considérant que les langues – dont le français – s’inscrivent dans un ensemble de processus qui légitiment et/ou délégitiment les pratiques sociales (Canut C., Duchêne A) et qu’elles participent à la ré-actualisation du genre et des rapports sociaux, une seconde sous partie visera – à travers des exemples de discours politiques, de rapports officiels, etc. – à mettre en exergue la simultanéité de l’arrangement de divers instruments, politiques, dispositifs et logiques dans le processus d’objectivation et d’élaboration de la langue. 3. Au cours d’une troisième sous-partie, nous nous appuierons sur la configuration [pluri], [inter] et/ou [trans] disciplinaire du champ de recherche de la sociolinguistique pour proposer une perspective théorique et méthodologique permettant de s’extraire d’une logique de la primauté entre rapport sémiologique et rapport sociologique, en pensant les rapports sociaux à l’aune de leur consubstantialité. Nous proposerons une approche

« pragmatique » du langage pour interroger la réactualisation du genre et des rapports sociaux

de sexe (N. Fraser) dans le cadre de la mise en fonctionnement du CAI et de son VL,

permettant d’appréhender la signification comme action et non comme représentation. 4. Au

cours d’une quatrième sous-partie, nous préciserons les aspects relatifs à notre positionnement

méthodologique. Nous aborderons la manière dont le genre peut être un lieu d’arrimage

méthodologique qui permet de saisir les rapports sociaux de manière articulée. Après avoir

circonscrit l’ancrage territorial de cette recherche, nous partirons de la priorité régionale que

constitue « l’apprentissage de la langue » (Cf. PRIPI Bretagne 2010-2012, p.5) et décrirons

notre protocole des enquêtes de terrain. 5. Lors d’une cinquième sous-partie, nous préciserons

les méthodes et les modalités relatives aux trois phases de recueil des données sur lesquelles

(28)

reposent ce protocole d’enquête : (a.) une phase d’enquête exploratoire réalisée par observation directe dans le cadre des ateliers sociolinguistiques (ASL) et des plateformes d’orientation de la demande de l’apprentissage linguistique, (b.) une phase d’observation directe « non- participante » réalisée, d’octobre 2009 à avril 2010, dans le cadre des dispositifs CAI et Hors- CAI, (c.) une phase d’enquête comprenant la passation d’entretiens semi-directifs, de mars 2010 à janvier 2011, auprès d’enseignantes et de stagiaires CAI et Hors-CAI. Enfin, nous expliciterons certains principes relatifs à l’interprétation des données recueillies lors ces diverses phases d’enquête de terrain.

Un troisième chapitre intitulé « Différence-s, culture-s … Interroger la réactualisation du genre et des rapports sociaux dans le cadre du VL du CAI » s’articule autour de trois sous- parties. Nous introduirons ce chapitre en revenant sur le contexte de clivage qui a traversé le mouvement féministe de la deuxième vague, à partir des années 1960 – opposant les féministes différentialistes et les féministes égalitaires – et au cours duquel apparaît le concept de genre. À cette occasion, nous insisterons sur l’importance que revêt la prise en compte du caractère conflictuel des rapports sociaux et nous expliciterons notre positionnement de remise en question des approches identitaires et culturelles du genre. 1. Dans une première sous-partie nous mettrons en évidence, de manière située, la façon dont les notions de « culture » – et le projet culturaliste –, de « communauté » et de « différence » peuvent être des lieux de mise en exergue des processus de différenciation et de hiérarchisation, lesquels processus sont des lieux de réitération des inégalités sociales. À partir de là, nous interrogerons la catégorie de la

« différence » en tant que processus de différenciation. Nous considérerons cet argument comme une justification a posteriori des processus de différenciation et de hiérarchisation.

Dans ce sens, nous interrogerons la manière dont la langue exigée participe aux processus de différenciation et de hiérarchisation (Cf. aux processus de racisation). 2. Puis, considérant le VL du CAI comme un espace d’institution de la norme linguistico-culturelle légitime, de délimitation – voire de revendication – des différences (et des frontières) et de réaffirmation de ces dernières, nous expliciterons la manière dont des pratiques et des discours de la

« différence » à l’œuvre dans ce contexte prescriptif, sont au centre de la réaffirmation du genre

et des rapports sociaux. À cette occasion, nous nous appuierons sur une sélection de supports

pédagogiques (documents pédagogiques, exercices, activités et échanges) recueillis los de nos

enquêtes de terrain. Ces derniers seront interprétés comme des effets et des instruments de la

réactualisation du genre et des rapports sociaux. Nous aborderons la manière dont les processus

de différenciation – suggérés et/ou imposés – et à l’œuvre dans le cadre des FL CAI sont des

Références

Documents relatifs

Promouvoir l’égalité des genre et l’autonomisation des femmes à travers l’accès à l’information implique que les femmes soient en mesure d’accéder à des informations

Ici, pour la classe ouvrière, le travail ; là, pour l’oppression des femmes, la division sociale du travail… Les autres formes d’oppression, qui se conjuguent avec la première

5 C’est pourquoi l’absence de l’entrée « rapport social » ou « rapports sociaux » dans de nombreux dictionnaires de sociologie ou de sciences sociales ne manque pas de

Depuis 2004, le Collectif éducation contre les LGBT-phobies* oeuvre pour que l'éducation nationale, dans le cadre de la lutte contre les discriminations, prenne en

Il est possible de définir une autre approche de l’interdisciplinarité en lien avec nos mandats et en s’appuyant sur nos travaux concernant les inégalités scolaires et

Afi n de faciliter un mécanisme de suivi eff ectif de l’égalité entre les sexes et de la promo- tion de la femme, la CEA présente un Indice de développement et des inégalités

L’Indicateur de développement et des inégalités entre les sexes en Afrique (IDISA) permet à la CEA d’affiner les indicateurs du PNUD et de dissocier la condition des femmes du

L'lndicateur de developpement et des inegalites entre les sexes en Afrique (IDISA) permet a la CEA d'affiner les indicateurs du PNUD et de dissocier la condition des femmes du PIB